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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT OUVRE SA SESSION DE 2012

Compte rendu de séance
Le Secrétaire général souligne que la Conférence n'est plus à la hauteur des attentes et qu'elle est en passe d'être «engloutie» si ses membres restent dans l'inaction

La Conférence du désarmement a ouvert ce matin les travaux de sa session de 2012 en adoptant son ordre du jour et en entendant une déclaration de son Président, ainsi qu'un message du Secrétaire général des Nations Unies. Plusieurs délégations sont également intervenues sur les questions relatives au programme de travaill et à l'avenir de la Conférence.

M. Kassym-Jomart Tokayev, Secrétaire général de la Conférence du désarmement et Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, a donné lecture d'un message de M. Ban Ki-moon, qui constate que la Conférence n'est plus à la hauteur des attentes. Non seulement les membres de la Conférence sont en désaccord sur ses priorités, mais la règle du consensus est maintenant utilisée pour faire obstacle à toute tentative de mettre fin à l'impasse. En 2012, l'avenir de la Conférence sera sous le feu des projecteurs comme jamais auparavant: si la Conférence reste dans l'impasse, l'Assemblée générale est disposée à envisager d'autres options pour faire avancer l'agenda du désarmement. Le Secrétaire général exhorte les membres de la Conférence à agir maintenant, alors que le monde s'attache fermement à faire avancer les objectifs de désarmement. «La marée du désarmement est montante, mais la Conférence du désarmement risque pourtant d'être engloutie», a déclaré le Secrétaire général, qui a estimé qu'il fallait rendre à la Conférence son rôle central dans le renforcement de la primauté du droit dans le domaine du désarmement.

Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur Luis Gallegos Chiriboga de l'Équateur, a pour sa part constaté qu'il n'y pas d'accord pour avancer sur les questions à l'ordre du jour de la Conférence. Il n'y a pas non plus une position commune quant à l'avenir de la Conférence: certains ont réaffirmé la valeur permanente de la Conférence en tant qu'unique instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement, alors que d'autres s'interrogent sur sa raison d'être. Dans les circonstances actuelles, il est peu probable que la Conférence entame des négociations souhaitées par un grand nombre de membres sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles; c'est pourquoi elle doit être en mesure de fonctionner sans négocier un tel traité. Le Président a invité les délégations à se demander s’il ne serait pas mieux de prendre la décision de «mettre la Conférence en stand-by» jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée et de convoquer la Conférence pour une période limitée jusqu'à ce que le contexte politique soit plus favorable. Constatant que «notre obstination avec les quatre thèmes principaux de l'ordre du jour» ne permet pas de remplir les objectifs, il faut aussi se demander s'il ne faudrait pas demander la convocation par l'Assemblée générale d'une quatrième session extraordinaire sur le désarmement.

Plusieurs délégations sont ensuite intervenues, principalement sur la question du programme de travail et sur leurs priorités pour les travaux de la Conférence: États-Unis, Canada, Pérou, Cuba, Japon, Brésil, Chine, Mexique, Danemark au nom de l'Union européenne, Bulgarie au nom du Groupe d'Europe orientale, Argentine au nom des pays d'Amérique latine, Croatie au nom du Groupe informel d'États observateurs, Venezuela, Chili, France, Malaisie, Bélarus, République populaire démocratique de Corée, Libye, Myanmar, Pologne, République de Corée et Algérie.

L'ordre du jour adopté ce matin (CD/WP.569), identique à celui adopté l'en dernier, prévoit l'examen des questions de fond suivantes en 2012: la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarmement nucléaire; la prévention de la guerre nucléaire, y compris toutes les questions qui y sont liées; la prévention d'une course aux armements dans l'espace; les arrangements internationaux efficaces pour garantir les États non dotés d'armes nucléaires contre l'emploi ou la menace de ces armes; les nouveaux types et systèmes d'armes de destruction massive et armes radiologiques; le programme global de désarmement; et la transparence dans le domaine des armements.

La Conférence a en outre décidé d'accepter la demande de plusieurs pays de participer aux travaux de la Conférence en 2012 à titre d'observateurs: Arabie saoudite, Albanie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Cambodge, Costa Rica, Croatie, Chypre, Danemark, Émirats arabes Unis, Estonie, ex-République yougoslave de Macédoine, Géorgie, Ghana, Grèce, Guatemala, Guinée, Saint-Siège, Jordanie, Lettonie, Libye, Lituanie, Népal, Oman, Philippines, Portugal, Qatar, République de Moldova, République dominicaine, République tchèque, Serbie, Singapour, Slovénie, Thaïlande et Uruguay.


La prochaine séance plénière de la Conférence du désarmement se tiendra mardi 31 janvier à 10 heures


Déclarations liminaires

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur), Président de la Conférence du désarmement, a affirmé sa conviction, partagée par de nombreuses délégations comme il a pu le constater lors de réunions de coordination, que l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement n'est pas le résultat de simples questions de procédure ou du fait que la Conférence n'ait pas été en mesure d'adopter un programme de travail, elle est la conséquence de facteurs beaucoup plus sérieux et profonds qui obéissent à des réalités géopolitiques, de sécurité et d'équilibre régional qu'il ne faut pas ignorer. Le Président a pu constater dans ses consultations qu'il n'y pas d'accord pour avancer sur les questions à l'ordre du jour de la Conférence – il n'y pas d'accord en perspective, a-t-il insisté. En outre, il est apparu clairement qu'il n'y a pas une position commune quant à l'avenir de la Conférence: certains de ses membres ont réaffirmé la valeur permanente de la Conférence en tant qu'unique instance multilatérale de négociation dans le domaine du désarmement, alors que d'autres s'interrogent sur sa raison d'être, du fait de la stagnation dans ses travaux depuis plus de quinze ans.

La Conférence et ses piliers fondamentaux sont en train de subir une érosion profonde du fait de l'absence de résultats, a prévenu le Président. Pour un grand nombre de membres, la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires serait un résultat optimal, mais dans les circonstances actuelles, il est peu probable que cela se produise. C'est pourquoi la Conférence doit être en mesure de fonctionner sans négocier un tel traité, l'absence de consensus sur ce point entravant les progrès sur tout autre. Il a invité les délégations à se demander si, compte tenu du fait que l'absence de progrès est dû à des facteurs externes, il ne serait pas mieux de prendre la décision de «mettre la Conférence en stand-by» jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée et de convoquer la Conférence pour une période limitée jusqu'à ce que le contexte politique soit plus favorable. Constatant que «notre obstination avec les quatre thèmes principaux de l'ordre du jour» ne permet pas de remplir les objectifs, il faut aussi se demander s'il ne faudrait pas demander la convocation par l'Assemblée générale d'une quatrième session extraordinaire sur le désarmement.

Le Président de la Conférence a également relevé qu'au cours de ses consultations, un diplomate avait estimé que les membres de la Conférence étaient sur la voie d'un suicide collectif. M. Gallegos Chiriboga a invité les délégations à bien y réfléchir.

M. KASSYM-JOMART TOKAYEV, Secrétaire général de la Conférence du désarmement et représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, a donné lecture d'un message de M. Ban Ki-moon, qui rappelle que la Conférence a longtemps été le seul forum multilatéral de négociation du désarmement. Pourtant, aujourd'hui, cet éminent organe n'est plus à la hauteur des attentes. Non seulement les membres de la Conférence sont en désaccord sur ses priorités, mais la règle du consensus est maintenant utilisée comme un droit de veto de facto pour faire obstacle à toute tentative de mettre fin à l'impasse.

Certains États souhaitent des négociations sur le désarmement nucléaire. Certains veulent interdire la production de matières fissiles pour des armes nucléaires. Certains veulent un traité protégeant les États non dotés d'armes nucléaires contre la menace ou l'utilisation des armes nucléaires. D'autres veulent un traité visant à prévenir une course aux armements dans l'espace. Si une grande majorité des membres est prête à entamer des négociations sur les matières fissiles, certains insistent pour imposer des «conditions préalables» au résultat de ces négociations, alors que les intérêts de sécurité nationale peuvent être efficacement défendus pendant les négociations et, plus tard, dans le processus de signature et de ratification nationale.

L'avenir de la Conférence est entre les mains de ses États membres, a reconnu le Secrétaire général, mais «je ne peux pas rester là à regarder le déclin de la Conférence vers l'insignifiance, alors que les États envisagent des négociation dans le cadre d'autres instances de négociation. En 2012, l'avenir de la Conférence sera sous le feu des projecteurs comme jamais auparavant. Déplorer les contraintes des règles de procédure ou l'absence de volonté politique ne saurait suffire d'explication pour une absence de progrès qui se poursuit. L'Assemblée générale est saisie de l'affaire et si la Conférence reste dans l'impasse, elle est disposée à envisager d'autres options pour faire avancer l'agenda du désarmement. Le Secrétaire général a exhorté les membres de la Conférence à agir maintenant, alors que le monde s'attache fermement à faire avancer les objectifs de désarmement. Il leur lance un appel pour qu'ils soutiennent le lancement immédiat de négociations à la Conférence sur les questions de désarmement qu'ils se sont accordés à traiter. Un accord préalable sur leur portée ou leurs résultats ne devrait pas être une condition pour le démarrage des négociations, ou une excuse pour les éviter.

«La marée du désarmement est montante, mais la Conférence du désarmement risque pourtant d'être engloutie», a déclaré le Secrétaire général, qui a estimé qu'il fallait rendre à la Conférence son rôle central dans le renforcement de la primauté du droit dans le domaine du désarmement.

Aperçu du débat

Les États-Unis ont déploré que malgré les efforts de certains États membres, la Conférence s'est maintenue dans l'inaction et n'a pu se rapprocher d'une négociation sur un traité sur les matières fissiles, qui est pourtant la prochaine étape logique dans le processus multilatéral de désarmement. Le Japon a lui aussi estimé que la négociation sur la production de matières fissiles devrait commencer aussi tôt que possible en tant qu'étape logique suivante et a regretté que la règle du consensus soit l'objet d'un usage abusif pour bloquer le lancement des négociations. Le Canada a déclaré qu'un programme de travail prévoyant la négociation d'un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles et des débats de fond sur les autres questions fondamentales était la meilleure solution pour remettre la Conférence au travail. Le Danemark, au nom de l'Union européenne, a souhaité l'ouverture immédiate et le début de négociations d'un traité interdisant les matières fissiles, tout en restant engagée dans les discussions de fond sur les autres éléments fondamentaux (document CD/1864). La Turquie a aussi souhaité un programme de travail permettant d'entamer des négociations sur l'interdiction de la production de matières fissiles et de faire des progrès parallèles sur d'autres questions.
Les États-Unis ont quant à eux estimé que la possibilité de négocier simultanément les quatre questions fondamentales - matières fissiles, désarmement nucléaire, assurances de sécurité négatives et la prévention d'une course aux armements dans l'espace - n'est pas une option pratique.

Pour sa part, le Pérou a indiqué être disposé à commencer le travail de fond sur les quatre questions fondamentales, les matières fissiles, le désarmement nucléaire, les assurances de sécurité négatives et la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Cuba a également estimé qu'il était possible pour la Conférence de négocier simultanément sur plusieurs questions, notamment un traité visant à interdire les armes nucléaires, un traité sur la course aux armements dans l'espace et un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires. Le Venezuela a souligné l'importance de la négociation d'un accord sur les matières fissiles qui tienne compte des stocks. Il a aussi appuyé la négociation de nouveaux instruments de non-prolifération des armes de destruction massive et plaidé pour le renforcement des instruments existants.

Cuba a en outre souligné que l'approche multilatérale est la seule à même de traiter durablement les problèmes de désarmement et de sécurité internationale et a estimé que la principale cause de l'impasse est de nature politique. Le Brésil a déclaré à cet égard qu'il fallait régler la question du manque de volonté politique de la part de certains d'avancer dans le domaine des engagements dans le domaine du désarmement nucléaire. Le Chili a lui aussi souligné qu'un accord politique est nécessaire pour garantir un monde plus sûr. Par ailleurs, le Brésil préconise la création, à titre prioritaire, d'un organe subsidiaire pour discuter de la question du désarmement nucléaire, en particulier un traité interdisant les armes nucléaires, tout en étant disposé à examiner des propositions pour l'ouverture de négociations sur un des enjeux fondamentaux de l'ordre du jour.

La Libye a souligné l'importance de se lancer dans des négociations sérieuses devant mener à l'élimination des armes nucléaires, tout en fournissant des garanties efficaces pour les États non dotés d'armes nucléaires, question à laquelle l'Algérie est également attachée. La Libye a ajouté que la sécurité au Moyen-Orient ne pouvait être assurée tant et aussi longtemps qu'Israël détiendra l'arme nucléaire et restera en dehors du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

La Malaisie a déclaré que le désarmement nucléaire restait la question prioritaire pour le pays, mais qu'en attendant les négociations d'une convention sur les armes nucléaires, le traité sur les matières fissiles demeure l'une des étapes essentielles sur cette voie.

Le Mexique a espéré que la Conférence saurait cette année dépasser les intérêts d'une minorité d'États pour privilégier les intérêts de la collectivité, sans quoi l'Assemblée générale se verrait dans l'obligation de reprendre en main les questions de désarmement. Au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, l'Argentine a plaidé pour l'adoption rapide et la mise en œuvre de l'ordre du jour et du programme de travail afin d'entamer les travaux de fond au sein de la Conférence.

La Chine estime que la Conférence reste l'organe le plus approprié pour le désarmement multilatéral et il faut chercher des solutions au sein de la Conférence tout en s'efforçant de créer des conditions favorables en dehors de la Conférence. La France a constaté pour sa part que la Conférence est progressivement devenue le reflet des tensions internationales et a exprimé l'espoir que la Conférence sera en mesure de trouver une solution acceptable pour tous, tout en adoptant une approche plus ferme pour sortir de l'impasse politique.

Le Groupe d'Europe orientale (par la voix de la Bulgarie) et l'Union européenne (Danemark) ont exprimé leur attachement à l'élargissement de la composition de la Conférence. Au nom du Groupe informel d'États observateurs, la Croatie a également souligné l'importance de poursuivre les consultations sur la question de l'élargissement de la composition de la Conférence et appuyé la proposition de nommer un coordonnateur spécial sur la question.

Le Bélarus a relevé que l'an dernier, pas une seule délégation n'avait été contre le démarrage des travaux de fond et de négociations, ce qui ouvre la possibilité cette année de commencer à travailler sur le fond. La République populaire démocratique de Corée a salué les efforts menés pour trouver des bases communes en vue de parvenir â un consensus sur un programme de travail. L'Algérie a aussi estimé qu'il fallait adopter une approche globale qui permettrait de concilier les positions de tous les États membres. À l'instar de plusieurs pays, le Myanmar a souligné que la Conférence était la seule instance multilatérale appropriée de négociation sur le désarmement, ajoutant que les questions de procédure non sauraient être tenues pour responsable de l'échec au sein de la Conférence. La République de Corée a appelé à davantage de créativité et de souplesse politique de la part des membres de la Conférence. La Pologne a pour sa part estimé que les propositions visant à nommer un grand nombre de groupes de travail et coordonnateurs spéciaux ne doit pas «compenser l'absence de négociations» sur un traité d'interdiction des matières fissiles.


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DC12/002F