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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EST SAISI DE RAPPORTS SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN SOMALIE ET AU CAMBODGE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, deux dialogues interactifs au titre des questions relatives à l'assistance technique et au renforcement des capacités: d'une part, avec l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie et, d'autre part, avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge.

L'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, M. Shamsul Bari, a estimé qu'il fallait trouver le moyen de faire participer le peuple somalien aux processus en cours dans cette période de transition. Dans le même temps, M. Bari s'est félicité de l'existence d'un Gouvernement enthousiaste qui a toutefois besoin de l'assistance de la communauté internationale. Parmi les priorités du Gouvernement devraient figurer la lutte contre l'impunité ou le problème des personnes déplacées. L'Expert indépendant a noté que les autorités avaient la volonté de s'attaquer à ces problèmes, mais qu'elles n'avaient pas les moyens suffisants à leur disposition, avant de lancer un appel à la communauté internationale et aux agences des Nations Unies, pour qu'elles aident la Somalie en cette période charnière.

La Somalie est intervenue à titre de pays concerné, notant que le rapport contenait des recommandations essentielles, notamment celles portant sur la création d'une commission nationale des droits de l'homme et sur la formation des fonctionnaires de police et de justice aux droits de l'homme. Il a rappelé que, parmi les 155 recommandations reçues lors de son Examen périodique universel, la Somalie en avait accepté 151. S'agissant de l'adhésion à la Cour pénale internationale, le représentant somalien a indiqué que les conditions n'étaient pas encore mûres pour l'instant. En conclusion, le délégué a attiré l'attention du Conseil sur l'insécurité alimentaire qui sévit et sur les besoins en matière d'assistance financière et technique.

Une vingtaine de délégations sont intervenues dans le cadre du débat interactif sur la Somalie. Les délégations ont unanimement exprimé leur préoccupation quant à la situation humanitaire due à la famine et à la mauvaise gouvernance en Somalie. Le retrait des forces d'Al-Chabaab de Mogadiscio a été salué comme une première étape vers la stabilisation du pays et sa reprise en main par le Gouvernement de transition. Les délégués ont appelé le Gouvernement fédéral de transition à mettre en œuvre la feuille de route pour mettre un terme à la transition, adoptée le 6 septembre dernier. En outre, l'urgence de garantir l'approvisionnement en eau et en nourriture de la population a été noté avec inquiétude par de nombreux délégations.

Les délégations suivantes ont pris part au dialogue interactif avec l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie: Suisse, Égypte, Algérie, Union européenne, France, Thaïlande, Royaume-Uni, États-Unis, Soudan, Venezuela, Éthiopie, République tchèque, Ouganda, Australie, Djibouti, Maroc, Canada, Émirats arabes unis, Koweït, Bangladesh, Sénégal (au nom du Groupe africain), Turquie, International Educational Development, Worldwide Organization for Women, Cairo Institute for Human Rights Studies, Human Rights Watch et Amnesty International.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, M. Surya Subedi, a rappelé que l'année 2011 marquait le vingtième anniversaire des Accords de paix de Paris qui ont mis en marche le processus de paix au Cambodge et que de nombreux progrès avaient eu lieu depuis les. Un État de droit fondé sur les droits de l'homme et la démocratie a été établi, mais la transition ne saurait être considérée comme achevée tant que les institutions du pays ne fonctionnent pas correctement, a-t-il encore déclaré, soulignant le rôle de la communauté internationale à cet égard. Le Rapporteur spécial s'est en outre déclaré préoccupé par certaines violations des droits de l'homme commises par le Gouvernement, en particulier contre la liberté d'expression. Le Cambodge a besoin d'accélérer le processus de démocratisation et de renforcer l'état de droit, a conclu M. Subedi.

Le Cambodge a notamment évoqué les efforts consentis par son pays en vue de promouvoir la décentralisation et le développement des capacités des autorités locales. Ces projets sont essentiels dans la perspective des élections communales prévues l'année prochaine sur tout le territoire, a-t-il souligné. Par ailleurs, le Gouvernement a pris des mesures concrètes en vue de la ratification d'un certain nombre de traités. Il a par ailleurs estimé que le projet de loi sur la création et l'enregistrement des associations et organisations non gouvernementales avait pour but d'améliorer la bonne gouvernance et l'état de droit. Le représentant cambodgien a conclu son intervention en invitant le Conseil à adopter une approche pragmatique dans son examen de la situation des droits de l'homme au Cambodge au vu des efforts constants déployés par son gouvernement.

Une vingtaine de délégations ont pris part au dialogue interactif sur le Cambodge. Soulignant les avancées positives constatées et les initiatives prises par le gouvernement cambodgien en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, les délégations ont appelé à la poursuite du processus de démocratisation et de transformation socio-économique du pays. Les questions des droits fonciers et du droit à participer à la vie publique ont suscités une attention particulière des délégations qui se sont exprimées. Finalement, le projet de loi sur les associations et les organisations non gouvernementales a été dénoncé par plusieurs orateurs comme étant contraire aux obligations internationales du Cambodge.

Les délégations suivantes ont pris part au dialogue interactif avec l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Cambodge: Australie, Japon, Union européenne, Viet Nam, Roumanie, Singapour, Philippines, Irlande, États-Unis, République tchèque, Thaïlande, Algérie, Royaume-Uni, Malaisie, France, Indonésie, Norvège, Suisse, Chine, Suède, Myanmar, Népal et Canada. Les représentants des organisations non gouvernementales ont aussi pris la parole: Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Human Rights Watch, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme – FIDH (au nom également de l’Organisation mondiale contre la torture - OMCT), Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, et Association mondiale pour l'école instrument de paix.


Cet après-midi, le Conseil tiendra un débat général au titre du point de l'ordre du jour sur l'assistance technique et le renforcement des capacités avant de se prononcer sur des projets de résolution et de décision dont il est saisi.


Situation des droits de l'homme en Somalie

Présentation du rapport

M. SHAMSUL BARI, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, a déclaré que la situation de famine en Somalie s'était encore aggravée depuis la rédaction de son rapport il y a un mois et demi. En conséquence, il en résulte que les privations subies par le peuple somalien sont pires que jamais au cours des trois dernières années. La sécheresse sans précédent combinée au conflit armé qui ravage la Somalie depuis deux décennies ont plongé la population dans une situation extrême.

Selon les données les plus récentes des Nations Unies, quatre millions de personnes vivent dans une situation critique, parmi lesquelles trois millions se trouvent dans le Sud de la Somalie et 750 000 risquent de décéder. Des mesures d'urgence sont nécessaires avant l'arrivée de la saison des pluies, afin d'offrir des refuges et de l'aide aux personnes dans le besoin, a-t-il souligné.

L'Expert indépendant a exprimé sa conviction que la famine en Somalie est aussi bien le fait de l'homme que de la nature. Il est impératif pour la communauté internationale de s'attaquer à cette combinaison de famine et de guerre, a-t-il exhorté. Nombre de refugiés au Kenya expriment leur sentiment d'avoir été trahi par la milice des Al-Chabaab, qui a géré la crise de manière catastrophique. Cette désillusion populaire a concouru au retrait des Al-Chabaab de Mogadiscio en août dernier. Ces circonstances donnent une opportunité unique aux Gouvernement fédéral de transition de consolider sa position vis-à-vis de la population. Il faut que l'aide humanitaire participe au renforcement du Gouvernement fédéral de transition. Les Somaliens doivent voir une différence tangible entre leurs conditions de vie sous les autorités gouvernementales et sous les Al-Chabaab.

S'agissant des développements politiques positifs, M. Bari a noté que la Rencontre consultative de haut-niveau sur la Feuille de route pour la fin de la transition avait eu lieu du 4 au 6 septembre derniers. Ce document contient des engagements en matière de sécurité, de bonne gouvernance, d'élections, de réconciliation et de rédaction d'une constitution.

L'expert a attiré l'attention du Conseil sur l'appel lancé par le Premier ministre somalien, Dr Abdiweli Mohamed Ali, à la tribune des Nations Unies, visant à augmenter le nombre de personnel de maintien de la paix pour aider à la stabilisation du pays, en particulier dans les régions occupées par Al-Chabaab.

En conclusion, M. Bari a déclaré que, même si la situation reste fragile, une opportunité de stabiliser la Somalie semble émerger. Comme l'a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, il est temps pour les autorités de transition et les dirigeants somaliens de mettre en œuvre la Feuille de route pour la fin de la transition. De même, il est nécessaire que la communauté internationale reste engagée dans le processus de paix et fournisse les ressources nécessaires aux autorités de transition pour assurer que cet investissement politique porte ses fruits.

Le rapport de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie (A/HRC/18/48) souligne qu'outre la sécheresse et la famine, les bombardements, les tirs aveugles en agglomération, les suicides et les attentats à la bombe artisanale commis par le groupe d'insurgés Al-Chabaab se poursuivent. Une récente offensive a permis aux forces de l'AMISOM et du Gouvernement fédéral de transition de gagner du terrain. Le 6 août 2011, Al-Chabaab a annoncé que le groupe se retirait de toutes les positions qu'il tenait à Mogadishu depuis près de deux ans.

Pays concerné

M. YUSUF MOHAMED ISMAIL (Somalie) a noté que le rapport de l'expert indépendant faisait des recommandations essentielles, notamment la création d'une commission nationale des droits de l'homme, ainsi que la formation dans ce domaine des fonctionnaires de police et de justice. Il a rappelé que la Somalie avait accepté 151 recommandations sur les 155 formulées lors de l'Examen périodique universel la concernant, les quatre restantes étant agréées en partie. Ainsi, les conditions ne sont pas mûres pour que la Somalie devienne partie au statut de la Cour pénale internationale, a-t-il prévenu. Il a néanmoins assuré que son pays était attaché au renforcement du pouvoir judiciaire. Par ailleurs, s'agissant de «l'insécurité alimentaire», sur quatre millions de personnes menacées par la famine, trois millions vivent dans le sud du pays. La Somalie a besoin d'une assistance financière et technique pour pouvoir améliorer son bilan en matière de droits de l'homme. La formation est un élément clé de la concrétisation des droits de l'homme qui ne peut se faire du jour au lendemain, a-t-il conclu.

Débat interactif

M. DANTE MARTINELLI (Suisse) a déclaré que la situation en Somalie restait très préoccupante. La crise alimentaire affecte gravement la population civile. Le représentant a demandé à l'Expert indépendant quels efforts étaient nécessaires pour effectivement mettre en œuvre le plan d'action adopté récemment à Mogadiscio; et quelles mesures la communauté internationale devait prendre pour assurer la sécurité de la population civile. Le représentant suisse a appelé les autorités à renforcer leurs efforts en vue de tenir des élections démocratiques. Le Conseil des droits de l'homme doit continuer à suivre de près la situation des droits de l'homme en Somalie, a-t-il conclu.

M. BASSEL SALAH (Égypte) a souligné la nécessité d'une action plus intense sur le terrain, ainsi qu'une assistance financière accrue aux autorités somaliennes. Les efforts de coordination des divers acteurs internationaux et somaliens doivent s'intensifier, estime l'Égypte.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a fait valoir que son pays participe à travers un pont aérien à soulager la souffrance des populations concernées. L'aide doit être mieux coordonnée entre les autorités et les bailleurs, a-t-il souligné. L'insuffisance des moyens de la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) et l'augmentation des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux du fait de la spéculation internationales sur ces produits. Le conflit de longue date a donné lieu au phénomène de la piraterie. La protection des revenus des pêcheurs somaliens constituerait le plus sûr moyen de lutter contre la piraterie dans cette région, a-t-il estimé, avant de conclure sur un appel à la mise sur pied d'une solution globale et intégrée aux difficultés rencontrées par la Somalie.

MME ANNE KOISTINEN (Union européenne) s'est alarmée de la situation humanitaire dramatique régnant en Somalie et dans les pays voisins en raison de l'afflux des réfugiés. Elle a souligné l'apport financier des Vingt-Sept, soulignant que l'Union européenne restait activement engagée dans le pays. Elle s'est félicitée que la Somalie ait accepté pratiquement toutes les recommandations qui lui ont été adressées dans le cadre de l'Examen périodique universel, enjoignant le pays à les mettre en œuvre. Elle a estimé nécessaire une plus étroite coopération de la communauté internationale avec le Somaliland et le Puntland. La représentante de l'Union européenne a demandé à M. Bari comment pourrait être renforcée la synergie entre aide humanitaire et aide à la mise en œuvre des droits de l'homme.

M. EMMANUEL PINEDA (France) a accueilli avec satisfaction la signature, le 6 septembre dernier, de la Feuille de route. Compte tenu de l'ampleur de la crise, la France réitère son soutien à la mission de l'Union africaine en Somalie. Il faut aussi que la communauté internationale se mobilise pour garantir que la population en détresse ait accès sans restriction à l'aide humanitaire. Concernant la situation des déplacés et des réfugiés, le représentant a demandé à l'Expert indépendant des précisions sur sa proposition de mettre en place un mécanisme de protection, associant la Somalie, le Haut Commissariat aux réfugiés et le Haut Commissariat aux droits de l'homme.

M. SEK WANNAMETHEE (Thaïlande) a exhorté le Gouvernement fédéral de transition et toutes les parties prenantes en Somalie à coopérer à la mise en œuvre des recommandations faites dans le cadre de l'Examen périodique universel, ainsi que celles présentées par l'Expert indépendant. Il a demandé à celui-ci d'identifier les recommandations qui lui apparaissaient prioritaires.

MME MELANIE HOPKINS (Royaume-Uni) a déclaré que la situation en Somalie restait grave. Il est inquiétant de constater que le conflit armé persiste. La lutte contre l'impunité et contre la violence est la clé de la pacification de la Somalie, a-t-elle souligné. La représentante a demandé à l'Expert indépendant quels conseils il pouvait donner aux autorités somaliennes quant à la mise en œuvre des recommandations issues de l'Examen périodique universel.

M. OSMAN TAT (États-Unis) a déclaré que sa délégation était alarmée par la situation prévalant dans le sud de la Somalie, soulignant que les milices Al-Chabaab devaient garantir un accès sans entrave aux organisations humanitaires. Les États-Unis sont heureux de contribuer à la formation des forces de l'ordre dans le cadre de la protection des civils. Ils reconnaissent les efforts du Gouvernement fédéral de transition pour améliorer le sort des femmes, notamment en agissant contre les mutilations génitales. Il a appelé le Somaliland et le Puntland à collaborer pour régler leur différend territorial qui menace de dégénérer en conflit. Les États-Unis fournissent cette année 650 millions de dollars en faveur de l'aide humanitaire dans la corne de l'Afrique, a fait valoir le représentant.

MME OMAIMA ALSHARIEF (Soudan) a déclaré que la crise humanitaire qui frappe la Somalie se poursuit depuis plus de deux décennies, ce qui met en doute la crédibilité de la communauté internationale. Alors que les interventions pour des motifs humanitaires sont minutieusement sélectionnées selon des intérêts politiques précis, la Somalie est laissée pour compte, a-t-elle déploré. En conclusion, la représentante s'est félicitée des efforts consentis par les parties en conflit en Somalie.

M. EDGARDO TORO CARREÑO (Venezuela) a indiqué que son pays débloquerait cinq millions de dollars en faveur de la Somalie et qu'il enverrait 50 tonnes de vivres. Même si cette contribution est modeste, il s'agit d'un message solidaire de paix et d'espoir. Le Venezuela réitère son appel à la conscience de la communauté internationale, particulièrement aux pays qui utilisent leurs ressources pour promouvoir la guerre et envahir les autres afin qu'ils investissent plutôt leurs efforts et leur volonté politique en faveur d'une solidarité authentique.

M. EPHREM BOUZAYHUE HIDUG (Éthiopie) a déclaré que le Gouvernement fédéral de transition a déployé des efforts concertés en faveur de la promotion des droits de l'homme et pour faire face à la situation grave et complexe que subit la Somalie. Le représentant éthiopien a appelé à renforcer l'aide d'urgence fournie à la Somalie et aux pays voisins et a soutenu les efforts du Gouvernement fédéral de transition.

M. PATRICK RUMLAR (République tchèque) s'est félicité de l'engagement pris par le Gouvernement de transition de la Somalie en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme à l'occasion de l'examen périodique universel, ainsi qu'en faveur de l'élimination des mutilations génitales féminines et de leur pénalisation. La communauté internationale devrait également saisir cette occasion pour œuvrer étroitement avec le Gouvernement somalien à la mise en œuvre effective de la Feuille de route convenue au début de ce mois entre toutes les parties dans le pays. Selon cette Feuille de route, un projet de Constitution devra être rendu public le 18 mai 2012 et approuvé le 1et juillet de la même année, a rappelé le délégué, en invitant le Gouvernemental de transition à se saisir de ce processus comme occasion unique de renforcement de la protection des droits de l'homme, et pour la mise sur pied d'une commission nationale des droits de l'homme, conformément aux Principes de Paris. Il a enfin partagé les vues de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie concernant le recrutement systématique et l'utilisation d'enfants soldats dans le conflit armé en Somalie, qui mettent l'accent sur la politique de recrutement actif adoptée par Al-Chabaab.

M. MAURICE PETER KAGIMU KIWANUKA (Ouganda) a indiqué qu'avec une contribution militaire significative à l'AMISOM, son pays se joignait aux efforts internationaux visant à améliorer la situation des droits de l'homme en Somalie dans le sens du rétablissement de la sécurité. Les conditions de cette action sont difficiles mais l'AMISOM est parvenue à des résultats significatifs. L'Ouganda reste néanmoins gravement préoccupé par l'impact des actes terroristes d'Al-Chabaab, qui recrute des jeunes par la contrainte et vise la population civile de manière indiscriminée. Si la communauté internationale a un rôle important à jouer, il ne faut pas minimiser toutefois celui, crucial, du Gouvernement fédéral de transition, a-t-il encore affirmé.

M. PETER WOOLCOTT (Australie) a déclaré qu'il était important pour les autorités de transition de capitaliser sur le retrait des forces d'Al-Chabaab de Mogadiscio, en améliorant l'accès à l'eau et à la nourriture, ainsi que la sécurité des civils vivant dans la région de la capitale. Le représentant a appelé les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils et prévenir les attaques contre les journalistes et les médias. Les violences sexuelles et l'utilisation d'enfants soldats préoccupent gravement l'Australie, a-t-il conclu, en félicitant l'Expert indépendant d'avoir lancé une campagne d'information sur la situation des femmes somaliennes.

M. AHMED MOHAMED ABRO (Djibouti) s'est félicité du rapport récent de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie alors que le pays est touché par une crise humanitaire et une famine sans précédent dans la corne de l'Afrique. Il a mis en garde que la famine s'étendra à l'ensemble de la Somalie dans les deux prochains mois. Le représentant djiboutien a souscrit aux recommandations de l'Expert indépendant, et a soutenu le maintien de son mandat.

M. MOHAMED ACHGALOU (Maroc) a estimé que le constat alarmant dressé par l'Expert indépendant impose au Conseil des droits de l'homme et à la communauté internationale d'accorder une attention particulière à ce pays, confronté à de grands défis. Par ailleurs, la coopération de la Somalie dans le cadre de son Examen périodique universelle a montré la volonté de ce pays de protéger les droits de l'homme. En conséquence, la communauté internationale doit apporter une solidarité accrue à ce pays, notamment en matière alimentaire. Les mots ne suffisent plus, a-t-il ajouté, avant de lancer un appel pour la préservation du droit à l'alimentation et du droit à la vie des Somaliens.

MME LORRAINE ANDERSON (Canada) a déclaré que les effets de la sécheresse frappant la corne de l'Afrique ont été accentués en Somalie par le refus des forces d'Al-Chabaab de permettre l'entrée de l'aide humanitaire. Ceci illustre les répercussions négatives de la mauvaise gouvernance sur la jouissance des droits de l'homme, a-t-elle souligné.

MME SHEIKHA SALMAN AL ZAABI (Émirats arabes unis) a déclaré que son pays attache une grande importance au rapport de l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Somalie, d'autant que la situation ne fait que s'aggraver sur le terrain. Elle a exhorté à une résolution du conflit par la négociation et le dialogue aux fins d'instaurer la paix et la stabilité. La déléguée a également prié la communauté internationale, et plus particulièrement les donateurs, d'apporter leur appui au Gouvernement de transition en Somalie, en particulier en matière d'assistance technique et de soutien humanitaire.

M. SAAD ALAJMI (Koweït) a déclaré que les catastrophes successives qui frappent ce pays exigent des efforts accrus de la part de la communauté internationale. N'oublions pas que la Somalie vit une transition politique et que des milliers de personnes sont victimes de la sécheresse et de la famine. Dans son cadre national, le Koweït a versé plus de 10 millions de dollars d'aide et plus de trois mille tonnes de matériel humanitaires ont été acheminés. En outre, le représentant a ajouté qu'il faut privilégier les intérêts de la Somalie et les faire primer sur tout autre.

MME NAHIDA SOBHAN (Bangladesh) a déclaré que son pays était préoccupé par la grave situation humanitaire que connait la Somalie. L'assistance de la communauté internationale est indispensable pour faire face à la crise actuelle. En cette période d'opulence et de progrès technologique dans certaines parties du monde, la situation en Somalie est inacceptable, a-t-elle souligné.

M. MOHAMED LAMINE THIAW (Sénégal, au nom du Groupe africain) a déclaré que ce groupe est aujourd'hui, plus que par le passé, particulièrement préoccupé par la situation alarmante en Somalie, dans un contexte de famine dévastatrice qui sévit dans toute la corne de l'Afrique et que l'Expert indépendant considère comme étant la pire crise humanitaire que connaît le monde. Au regard de l'état de vulnérabilité quasi chronique dans laquelle se trouve ce pays miné par des conflits internes depuis près de vingt années, le délégué a souligné qu'il n'est pas étonnant qu'il soit encore plus insidieusement frappé par la crise alimentaire. Face à la douloureuse situation que connaît ce pays, la réaction de la communauté internationale est faible. La Somalie a désormais besoin d'actions et non de réactions décousues et hésitantes, a-t-il commenté, en recommandant une approche globale visant à résoudre les multiples problèmes qui affectent ce pays. Il a salué néanmoins les contributions effectuées en faveur de la Somalie, pour soulager les souffrances causées par la famine et la sécheresse.

M. ONUR KATMERCI (Turquie) a déclaré que le peuple turc a rapidement réagi à la crise humanitaire en Somalie en collectant plus de 280 millions de dollars en dons et en envoyant neufs avions cargos et sept navires contenant plus de 16 000 tonnes de matériel humanitaire en Somalie. Par ailleurs, la Turquie a accueilli une réunion d'urgence du Comité exécutif de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) sur la Somalie.

Organisations non gouvernementales

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a déclaré qu'une feuille de route viable était nécessaire pour que la situation politique évolue en Somalie. Il semble évident que la population de la Somalie n'a pas de vision nationale. La majorité de la population de Mogadiscio, dans les zones soumises à la famine et dans les camps de réfugiés au Kenya souffrent gravement de la famine. Il faut s'atteler à la lutte contre la famine en priorité et maintenir le mandat de l'Expert indépendant, a-t-elle conclu.

MME AFTON BEUTLER (Worldwide Organization for Women) a lancé un cri d'alarme et décrit la situation tragique de la population somalienne affectée par la famine et la sécheresse, en particulier les femmes et les enfants. Le monde a été lent à reconnaître la gravité de la crise dans la corne de l'Afrique et il est grand temps d'agir aujourd'hui car chaque jour de retard pour apporter une assistance est littéralement une question de vie ou de mort pour des enfants et les membres de leurs familles dans les régions affectées, a-t-elle imploré.

M. AHMED MOHAMED ALI KUMITKO (Cairo Institute for Human Rights Studies) a déclaré que les défenseurs des droits de l'homme en Somalie continuent de payer un lourd tribut pour vérifier que les droits de l'homme sont appliqués. Ainsi, deux journalistes ont été tués récemment dans le Puntland. Le représentant a ensuite déploré que la société civile ne soit pas autorsée à jouer un rôle plus important. Pour autant le représentant soutient les recommandations de l'Expert indépendant en ce concerne les poursuites à l'encontre des auteurs de violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, comment l'Expert indépendant voit-il la mise en œuvre de ces recommandations.

MME ADRIANNE LAPAR (Human Rights Watch) a appelé les États voisins de la Somalie à permettre aux personnes qui fuient la sécheresse et le conflit de trouver un refuge. Le conflit et la famine sont liés entre eux, a-t-elle souligné. La représentante a appelé les Nations Unies à mettre sur pied une commission d'enquête sur les violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire en Somalie.

MME BENEDICTE GODERIAUX (Amnesty International) a souligné que la situation humanitaire est désespérée dans le sud et le centre de la Somalie en raison du conflit armé, des violations du droit international et du droit humanitaire par toutes les parties au conflit, et des restrictions à l'accès humanitaire. Elle a requis une approche globale pour remédier aux multiples facettes de cette crise. La représentante a salué l'engagement du Gouvernement de transitions somalien, à l'occasion de l'examen périodique universel, à mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail ainsi qu'à respecter les droits de l'homme et le droit international dans le cadre de l'application de la Feuille de route adopté le 6 septembre 2011. Ce faisant, l'appui de la communauté internationale doit se concentrer sur un suivi régulier, solide et détaillé de la situation des droits de l'homme dans ce pays, a-t-elle préconisé, en recommandant de veiller à accorder la priorité à l'impunité, à la situation des enfants-soldats et à la peine de mort. La communauté internationale doit également appuyer l'établissement d'une commission d'enquête indépendante et impartiale, ou un mécanisme similaire, pour faire la lumière sur toutes les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire en Somalie.

Conclusion de l'expert indépendant sur la Somalie

M. BARI a déclaré qu'au regard des priorités que le Gouvernement somalien devrait adopter, il lui a demandé de redonner corps au concept des droits de l'homme pour que les gens comprennent qu'ils existent bel et bien. Il faut par ailleurs trouver le moyen de faire participer le peuple somalien aux processus en cours dans cette période de transition. Dans le même temps, l'Expert indépendant s'est félicité de l'existence d'un Gouvernement enthousiaste qui a toutefois besoin de la communauté internationale, notamment en matière d'éducation. La situation à Mogadiscio le permet maintenant et le Gouvernement en a la volonté, a-t-il poursuivi, avant d'inviter chaque membre du Conseil des droits de l'homme et la société civile à ouvrir une école ou un hôpital. En outre le Gouvernement doit montrer que son souci n'est pas de rester au pouvoir, contrairement à ce qui se faisait avant, de façon à restaurer la confiance de la population. Une autre priorité du Gouvernement serait de lutter contre l'impunité ou de s'attaquer au problème des personnes déplacées. J'ai pu voir que les autorités locales avaient la volonté de le faire mais n'ont pas les moyens suffisants, a-t-il poursuivi, avant de lancer un appel aux organes et programmes des Nations Unies. En conclusion, l'Expert indépendant a déclaré qu'il fallait tirer parti de cette période de transition pour ne plus rien laisser passer et aider le peuple somalien.


Situation des droits de l'homme au Cambodge

Présentation du rapport

M. SURYA PRASAD SUBEDI, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme au Cambodge, a rappelé que cette année marquait le vingtième anniversaire des Accords de paix de Paris qui ont mis en marche le processus de paix au Cambodge. Ce qui a été accompli au Cambodge dans de nombreux domaines doit être salué, a déclaré le Rapporteur spécial, citant la fin du conflit, la gestion responsable de la transition, la tenue d'élections, l'adoption d'une nouvelle constitution et une croissance économique qui a bénéficié à tous, permettant à de nombreuses personnels de sortir de la pauvreté. Pour autant, il y a encore beaucoup à faire pour que le pays honore ses engagements internationaux, a poursuivi M. Subedi. Les droits de l'homme et la démocratie sont les nouveaux piliers de l'architecture du pays, mais la transition en saurait être considérée comme achevée tant que les institutions du pays ne fonctionnent pas correctement, a-t-il encore déclaré, soulignant le rôle de la communauté internationale à cet égard. Pour encourager le Gouvernement du Cambodge, le Rapporteur spécial a émis des recommandations visant à évaluer le bon fonctionnement des institutions et à explorer les moyens de renforcer les capacités. Je suis heureux de voir que le gouvernement a répondu positivement à celle-ci et notamment en accélérant le processus législatif pour la mise en œuvre des recommandations clés formulés et relatives à la justice.

Le Rapporteur spécial s'est ensuite déclaré préoccupé par la violation par l'État des droits de l'homme, en particulier la liberté d'expression, compris celle des membres des partis politiques qui ne peuvent s'exprimer librement sans peur. Il en est de même pour le projet de loi visant la régulation des organisations non gouvernementales. Bien sur, un État souverain a le droit d'amender une loi, a reconnu le Rapporteur spécial, mais le projet de loi visant à réguler les organisations non gouvernementales est une étape critique qui requiert une attention, a-t-il estimé. Les consultations en cours avec la société civile doivent être reflétées dans le projet de loi final, a suggéré le Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial a également déclaré que le Parlement du pays a dû se reconstruire après sa destruction sous la période khmer. Il exerce des fonctions de représentation, législatives et de contrôle. Le travail fait par les commissions est d'ailleurs admirable, a-t-il ajouté. Cependant des efforts restent à faire, notamment à cause du manque de culture parlementaire et de la culture du débat démocratique. La démocratie c'est la liberté d'expression, le pluralisme et le débat, a encore souligné le Rapporteur spécial, avant de déplorer que certaines dispositions du règlement intérieur des assemblées ne garantissent pas encore ces droits à tous les parlementaires. Dans cet esprit, il a fait une série de recommandation au Gouvernement et a exprimé l'espoir qu'il les mettra en œuvre, a dit M. Subedi.

Le Rapporteur spécial a ensuite déclaré que les chambres extraordinaires des cours de justice cambodgiens ont fait des progrès importants, notamment en condamnant Kaing Guek, alias «Duch». Pourtant, le Rapporteur spécial encourage le Gouvernement à profiter de la présence de cet organe dans le royaume pour maximiser sa légalité dans le système national. Le Cambodge a besoin d'accélérer le processus de démocratisation et de renforcer l'état de droit, a conclu le Rapporteur spécial.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Cambodge (A/HRC/18/46) souligne que la communauté internationale devra continuer à aider le Cambodge dans ses efforts visant à instaurer l'état de droit et à reconstruire les institutions étatiques. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par la situation s'agissant notamment de la liberté d'expression, du droit au logement et des droits fonciers. Il est inquiet au sujet des accusations d'incitation, de diffamation et de diffusion d'informations qui ont été portées contre des défenseurs des droits de l'homme, des militants en faveur des droits fonciers et des membres de communautés défendant leur droit au logement et leurs droits fonciers. Le rapport porte sur une évaluation de l'indépendance et de la capacité du Parlement en tant qu'institution étatique de défense des droits des individus. Le Rapporteur spécial formule une série de recommandations et espère que le Gouvernement, le Parlement et les autres parties prenantes les appliqueront.

Pays concerné

M. SUN SUON (Cambodge) a salué le travail du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge ainsi que la coopération positive avec le Gouvernement royal, le parlement, et toutes les parties prenantes. Il s'est ensuite excusé pour le retard pris dans la communication des commentaires et réponses de son pays. Il a indiqué que, dans le cadre de la réforme législative et juridique, le Gouvernement s'est concentré sur la législation sous l'égide du Conseil chargé des réformes législatives et juridiques dans un certain nombre de domaines, comme la gouvernance, l'éducation juridique, et la défense des droits de l'homme, visant au renforcement du système judiciaire. D'autre part, des projets de lois seront bientôt soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Ces lois concernent le statut des juges et des procureurs, l'organisation et le fonctionnement des tribunaux, et l'amendement de la loi relative à l'organisation et aux modalités de fonctionnement du Conseil suprême de la magistrature. Des efforts sont également déployés en vue de la lutte contre la corruption, y compris par l'application du nouveau code pénal, des codes de procédure, et la loi sur la corruption et le lancement des activités et stratégies d'une Unité de lutte contre la corruption. Dans cet objectif, des campagnes de sensibilisation du public sont en cours dans le dessein d'informer sur les méfaits de ce fléau, d'enquêter et de diminuer cette pratique dans le pays. Le représentant permanent du Cambodge a également indiqué que son pays consent aussi des efforts en vue de la promotion de la décentralisation en développant les capacités des autorités locales et des institutions de base, y compris le renforcement des capacités du comité national d'élection. De tels projets sont essentiels dans la perspective des élections communales prévues l'année prochaine sur tout le territoire. Dans le contexte de la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels, le Gouvernement œuvre également à la réduction de la pauvreté et à l'amélioration du bien-être de la population ainsi qu'à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement à l'horizon 2015. En dépit de la crise financière mondiale et de l'incertitude qu'elle implique, l'économie du Cambodge a affiché une bonne relance après avoir accusé un déclin en 2008-2009, a-t-il noté, en indiquant que la croissance devrait atteindre 8% cette année.

Dans le souci de promotion des droits de la femme et de l'égalité entre les sexes, le Gouvernement a aussi ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, entrée en vigueur le 12 janvier 2011. Il devient ainsi le centième État partie au Protocole. Le Cambodge devient également l'un des membres actifs de sa région à fournir l'opportunité à ses citoyens de soumettre des plaintes en vertu de cet instrument juridique international. Le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts dans ses consultations nationales autour de projets de réforme sur la police, les syndicats (en partenariat avec l'OIT), le système pénitentiaire (avec l'ONUDC) et a pris des mesures pratique visant à la préparation de sa ratification d'un certain nombre de traités pertinents. L'ambassadeur a aussi affirmé que le pays a enregistré des progrès en ce qui concerne le problème de la terre et de la propriété foncière et assuré de l'engagement à long terme dans ce domaine, en dépit des défis auxquels le pays continue d'être confronté. Il s'est par ailleurs félicité de la coopération avec une société civile active qui compte plus de 2000 organisations non gouvernementales et autres associations. Fort de cette coopération, le Gouvernement a également commencé, depuis 1996, la rédaction d'un projet de loi sur la création et l'enregistrement des Associations et organisations non gouvernementales dans le but d'améliorer la bonne gouvernance et l'état de droit. Il a également mentionné la liberté d'expression et souligné qu'il avait suivi le débat spécial sur ce concept entre les États Membres, tant développés qu'en développement, au cours de la présente session du Conseil. Il a estimé que l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'opinion est un indicateur important du degré de protection d'autres droits de l'homme, étant donné que tous les droits de l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants. Son pays s'efforcera donc de veiller à la promotion de ce droit, a-t-il ajouté, avant d'inviter le Conseil à adopter une approche pragmatique dans son examen de la situation des droits de l'homme au Cambodge au vu des efforts constants déployés par son gouvernement.

Débat interactif

M. PETER WOOLCOTT (Australie) a souligné que son pays, qui figure au deuxième rang des donateurs pour le fonctionnement des chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens, se félicite de l'ouverture du procès des quatre plus hauts dirigeants khmers rouges toujours vivants. Ces tribunaux ont un rôle vital à jouer, non seulement pour faire en sorte que les responsables de l'ancien régime rendent compte de leurs actes mais aussi pour permettre au pays de développer une capacité juridique à long terme et afin de promouvoir la réconciliation.

M. HENICHI SUGANUMA (Japon) s'est déclaré satisfait de voir que le Cambodge poursuit ses efforts en matière de protection des droits de l'homme et s'est félicité de la relation de confiance établie avec le Rapporteur spécial. Par ailleurs, son pays parraine une résolution invitant à la prolongation de son mandat. Il a en outre salué les progrès faits en matière d'indépendance et de renforcement des capacités de la justice et dans le cadre de la liberté d'expression. Dans le même temps, la délégation japonaise reste préoccupée par la question foncière et attend des futurs efforts en de domaine.

MME RADKA PATALOVA (Union européenne) a reconnu le rôle important d'appui de la communauté internationale au Cambodge et s'est réjouie de la coopération du gouvernement de ce pays avec les mécanismes internationaux, y compris le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge. Elle a également pris note des réformes législatives et juridiques en cours, conformément aux recommandations faites quant à l'appareil judiciaire, mais a souhaité que le Gouvernement s'engage plus concrètement pour ce qui est de la mise en œuvre de ces réformes. Elle a voulu d'ailleurs obtenir plus d'informations sur la manière dont le Gouvernement entendait progresser dans ce processus. Elle a en outre mis l'accent sur les droits fonciers et le droit au logement les mécanismes juridiques y afférents.

M. VU ANH QUANG (Viet Nam) s'est dit heureux de constater que son voisin devenait un pays de paix, de stabilité et en croissance rapide. Le Viet Nam apprécie également les efforts déployés et les remarquables succès obtenus par le Cambodge dans la protection et la promotion de tous les droits de l'homme. Compte tenu de ces progrès, la délégation vietnamienne a souhaité avoir l'avis personnel de M. Subedi quant à la durée définitive du mandat du Rapporteur spécial sur le Cambodge en matière d'assistance technique.

M. RAZVAN ROTUNDI (Roumanie), tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un problème difficile, a encouragé le Gouvernement du Cambodge à résoudre la question foncière. Il s'est toutefois inquiété du projet de loi visant à réguler les organisations non gouvernementales. Le représentant a demandé au Rapporteur spécial comment l'ouverture des chambres extraordinaires au public pourra améliorer l'efficacité des autres institutions nationales.

MME TAN YEE WOAN (Singapour) a invité à encourager le processus de réformes en cours au Cambodge et noté des améliorations dans l'éducation, la réduction de la pauvreté, la décentralisation, l'amélioration des infrastructures, les soins de santé et le développement rural. À l'issue de décennies de destruction des institutions et du gaspillage de ses talents et potentialités humaines, le Cambodge a fini par rétablir une société normale, a-t-elle remarqué, tout en observant néanmoins qu'il reste un écart entre les recommandations du Rapporteur spécial et les réponses de la délégation cambodgienne. Elle a enfin encouragé à persévérer dans la réforme, en particulier dans les domaines du développement des ressources humaines et de l'édification des capacités, en assurant de la coopération de Singapour sur une base bilatérale et dans le cadre de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE).

MME MARÍA TERESA LEPATAN (Philippines) a félicité le Cambodge pour ses progrès et ses efforts démocratiques. La possibilité dont a pu bénéficier le Rapporteur spécial de rencontrer les plus hautes autorités de l'État démontre l'engagement et la coopération pleine et entière du Cambodge envers le Conseil des droits de l'homme et ses titulaires de mandat. La coopération technique devrait être davantage orientée en direction des secteurs ayant un impact direct sur la vie du plus grand nombre, estiment les Philippines.

M. GERARD CORR (Irlande) a convenu avec le Rapporteur spécial que des progrès sont encore à faire pour la pleine jouissance de tous les droits de l'homme au Cambodge. L'Irlande partage les préoccupations du Rapporteur spécial en ce qui concerne la rédaction de la loi sur les organisations non gouvernementales. Il espère que le Cambodge tiendra compte du résultat des consultations avant d'adopter cette loi. Enfin, l'Irlande se félicite de la coopération du Cambodge avec les mécanismes des droits de l'homme.

MME SARA CIACCIA (États-Unis) a salué les efforts déployés en matière de promotion des droits de l'homme au cours des dernières années au Cambodge, mais a partagé les préoccupations figurant dans les conclusions et recommandations du Rapporteur spécial. Parmi ces domaines de préoccupation, la problématique du droit foncier et du droit au logement, la liberté d'expression et l'application effective des lois relatives à la protection des droits de l'homme. La représentante a également relevé que le Rapporteur spécial appelle au renforcement du rôle et des capacités du parlement. La déléguée s'est particulièrement inquiétée de la nouvelle loi d'enregistrement des organisations et associations non gouvernementales, ainsi que de l'hostilité accrue des autorités vis-à-vis d'organisations œuvrant dans le domaine des droits fonciers, du développement durable et de la liberté d'expression. Que pourrait faire la communauté internationale pour aider à résoudre les difficultés auxquelles se heurtent les organisations non gouvernementales, a-t-elle demandé au Rapporteur spécial.

M. PATRICK RUMLAR (République tchèque) a convenu, à l'instar du Rapporteur spécial, que le Cambodge accusait un certain retard dans la mise en œuvre des lois relatives à la protection des droits de l'homme et demandé à M. Subedi son avis sur le projet de loi portant sur les organisations non gouvernementales qui, à ce stade, permettrait à l'État de violer les droits fondamentaux, selon des organisations telles que Human Rights Watch ou la Ligue des droits de l'homme.

M. SEK WANNAMETHEE (Thaïlande) a félicité le Cambodge pour les efforts consentis jusqu'ici en faveur de la promotion des droits de l'homme, y compris ceux visant à améliorer le système judiciaire. Il importe que dans ces processus, le Gouvernement entende les aspirations de son peuple et que les institutions fonctionnent de bonne foi. Dans ce cadre la communauté internationale doit aider le pays dans ses efforts, a-t-il préconisé.

MME SIM MELLOUH (Algérie) a noté que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Cambodge a fait état de lois visant à la promotion et à la protection des droits de l'homme mais a également exprimé son inquiétude quant au problème de la mise en œuvre. Elle a aussi relevé des défis à relever tels que le droit foncier, le droit au logement, la liberté d'expression et l'efficacité du parlement dans la protection des droits, avant d'encourager le Gouvernement à accorder davantage l'attention à ces sujets. L'intervenante a conclu en exhortant la communauté internationale à fournir au Cambodge, à sa demande, une assistance technique conforme à ses priorités nationales.

M. BOB LAST (Royaume-Uni) a fait part de la préoccupation de sa délégation face aux accusations criminelles auxquelles ont recours les autorités pour museler la liberté d'expression. Il se félicite du fait que le Gouvernement soit entrain de réexaminer le projet de loi sur les organisations non gouvernementales et les associations afin de faire en sorte que le texte qui sera adopté n'entrave pas l'action bénéfique de la société civile en faveur des droits de l'homme dans le pays.

MME SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s'est félicitée des conclusions du rapport du Rapporteur spécial avant de déplorer que le rapport complémentaire du Secrétaire général ne soit pas encore mis à disposition. En tant que pays voisin du Cambodge, l'attention du Conseil des droits de l'homme est un élément important qui vient renforcer l'engagement des autorités du pays en faveur des droits de l'homme. Sa délégation est encouragée quant elle voir le sérieux du Cambodge et son engagement à mettre en œuvre les recommandations du rapport. Pour autorités, compte tenu du manque de ressources, sa délégation estime que le pays devrait disposer de plus de temps pour réaliser ses engagements.

MME CAPUCINE MAUS DE ROLLEY (France) a fait part de développements préoccupants allant à l'encontre des engagements internationaux du Cambodge. Elle a cité les inculpations de défenseurs des droits de l'homme pour provocation, les actes d'intimidation dont sont victimes les personnes engagées dans le règlement des différends fonciers, ou encore l'utilisation excessive des dispositions légales concernant la diffamation et la désinformation. La France rappelle par ailleurs que les organisations non gouvernementales doivent avoir la capacité d'exercer leurs activités librement et restera vigilante à cet égard sur le projet de loi actuellement en débat.

M. DICKY KOMAR (Indonésie) a déclaré que sa délégation considère qu'une coopération étroite avec les mécanismes des droits de l'homme est une étape cruciale à encourager. En tant que pays en développement, l'Indonésie partage avec le Cambodge la distance nécessaire entre le moment de l'adoption d'une loi et son application et appelle à la coopération internationale en la matière. Évoquant la nécessité ou non de prolonger le mandat de l'Expert indépendant, le représentant a déclaré qu'il fallait tenir compte de la résolution 5/1 du Conseil et la respecter pleinement.

MME ELLE MERETE OMMA (Norvège) a constaté que des progrès significatifs avaient été accomplis depuis les Accords de Paris de 1993, en termes de réalisation des droits économiques et sociaux et d'élimination de la pauvreté. Cependant, les droits d'assemblée, de manifestation pacifique et d'adhésion à un syndicat doivent être garantis par les autorités cambodgiennes, a-t-elle souligné. La représentante a appelé le Cambodge à continuer le processus de consultation sur le projet de loi sur les associations et les organisations non gouvernementales, qui jouera un rôle important dans les bonnes relations du Gouvernement avec la société civile.

M. ALEXANDRE FASEL (Suisse) a fait part de l'inquiétude de sa délégation face à la situation de la liberté d'expression et aux nombreux cas d'expropriation foncière au Cambodge. Il a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait des propositions concrètes concernant la mise en œuvre de la formation qu'il propose en faveur des juges, procureurs et avocats, afin qu'ils puissent interpréter le code pénal cambodgien conformément aux normes du droit international sur la liberté d'expression.

M. XIA JING GE (Chine) s'est félicité de l'attitude constructive du Cambodge avec les mécanismes du Conseil tout en espérant que le Conseil et la communauté internationale apporteront à ce pays toute l'assistance nécessaire comte tenu de ses ressources limitées. Pour autant la prolongation du mandat de l'Expert indépendant doit se faire en conformité avec les dispositions pertinentes du Conseil en matière de procédures spéciales, a estimé le représentant.

MME ANNA JAKENBERG BRINCK (Suède) a déclaré que le Cambodge avait parcouru bien du chemin et qu'un certain nombre d'institutions était maintenant en place. Toutefois, il conviendrait de renforcer le processus législatif, le Parlement et les mécanismes de consultations avec l'ensemble des parties prenantes. La Suède s'est par ailleurs prononcé en faveur du renouvellement du mandat de l'Expert indépendant.

M. MAUNG WAI (Myanmar) s'est félicité des relations de coopération existant entre le Gouvernement du Cambodge et le Rapporteur spécial. Il ne fait aucun doute, selon lui, que ce pays ne cessera de renforcer également sa coopération avec le Conseil des droits de l'homme. Il a estimé par ailleurs que le projet de résolution prévoyant une prorogation de deux ans du mandat du Rapporteur spécial allait à l'encontre de la règle selon laquelle les reconductions n'excéderaient pas une année.

M. DINESH BHATTARAI (Népal) a déclaré que le Cambodge a subi de grandes transformations depuis les accords de Paris, l'ayant mis sur la voie de la stabilité et du développement économique. Il a en outre salué l'attitude démocratique du Parlement. Tout en prenant note de ces évolutions, le représentant a émis le vœu de voir les recommandations du Rapporteur spécial prises en compte, tout en appelant la communauté internationale à fournir au Royaume du Cambodge toute l'assistance nécessaire.

MME ANNE-TAMARA LORRE (Canada) a déclaré que le Canada appelait de ses vœux la poursuite de la coopération entre le Rapporteur spécial et le Gouvernement cambodgien. Les efforts en matière de reconstruction des institutions démocratiques ne doivent pas occulter les difficultés qui persistent, comme le manque de transparence du processus législatif.
Interventions des organisations non gouvernementales

MME POOJA PATEL (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement) a déploré le rétrécissement de l'espace dévolu aux journalistes et aux défenseurs des droits de l'homme en général, et exprimé sa profonde préoccupation face au projet de loi sur les associations et les organisations non gouvernementales. Si ce texte devait être adopté tel quel, il ne ferait que légaliser des dispositions restrictives en matière de liberté d'association, a-t-elle averti.

MME RENATE BLOEM (CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens) s'est félicitée que la coopération du Cambodge avec les acteurs de la société civile ait conduit à des progrès significatifs au sortir du confit, mais déploré que le nouveau projet de loi sur les organisations non gouvernementales s'écarte de cette démarche constructive. Ce projet est inacceptable, a ajouté la représentante, avant de lancer un appel au Gouvernement afin qu'il garantisse la participation de la société civile dans ce processus, intègre ses points de vue et élimine les mesures restrictives contenues dans ce projet de loi.

MME ADRIANNE LAPAR (Human Rights Watch) a exprimé, à son tour, la préoccupation de son organisation quant au projet de loi sur les associations et les organisations non gouvernementales, actuellement en consultation. Ce projet met en péril le droit d'association, la liberté d'expression et de réunion, qui sont garantis par la Constitution cambodgiennes et les traités internationaux auxquels le Cambodge est partie. En conclusion, elle a appelé à un dialogue constructif entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales.

M. OLIVER FREEMAN (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme – FIDH, au nom également de l’Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a estimé que la version la plus récente du projet de loi sur les organisations non gouvernementales et les associations entérinait un processus d'enregistrement obligatoire, lourd et complexe. Si ce texte est adopté en l'état, toute organisation devrait obligatoirement obtenir l'aval des autorités pour pouvoir fonctionner légalement, ce qui ouvrirait la voie à l'arbitraire dans un contexte où la justice n'est pas réellement indépendante, a affirmé le représentant.

MME UNATHI NGCUKA (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme) a déploré que la discrimination à l'égard des minorités ethniques ne se soit pas améliorée, en particulier celle des Khmer Krom, qui ont quitté le Vietnam pour le Cambodge et peuvent donc, selon elle, prétendre à la nationalité cambodgienne. Pour autant, la réalité est différente car ils ne sont ni citoyens, ni réfugiés et ont rarement des papiers d'identité. En revanche on les force à changer de nom ou à fournir des documents impossibles comme des actes de naissance originaux cambodgiens. Ils sont privés du droit de vote et du droit de propriété, a ajouté la représentante. Comment le processus de démocratisation s'est-il amélioré si le Gouvernement adopte des mesures restrictives à l'égard de la société civile, des partis d'opposition ou des défenseurs des droits de l'homme comme les journalistes et les avocats, a ensuite demandé la représentante, tout en félicitant le Gouvernement cambodgien de sa coopération avec le Rapporteur spécial.

M. JOSHUA COOPER (Association mondiale pour l'école instrument de paix) a appelé à la prolongation du mandat de l'Expert indépendant, dont le travail n'est pas encore terminé. Les droits fonciers et le droit à participer à la vie publique restent au cœur de graves problèmes, a-t-il souligné. En conclusion, il a estimé que les élections à venir seront essentielles pour garantir les droits de l'homme.

Conclusion du Rapporteur spécial

M. SUBEDI a évoqué la question du code pénal, soulignant la nécessité de voir évoluer la législation au-fur-et-à-mesure de la réforme des institutions. Le Rapporteur spécial exhorte le Gouvernement cambodgien à dépénaliser la diffamation. S'agissant du projet de loi sur les organisations non gouvernementales, celui-ci a été renvoyé pour révision au ministère de l'intérieur. M. Subedi a émis l'espoir que ce processus se ferait de concert avec les organisations concernées. Il a indiqué qu'il avait insisté auprès des autorités pour qu'elles procèdent à la consultation la plus large possible afin de parvenir à un texte ayant le plus large agrément. M. Subedi a par ailleurs invité le Gouvernement à permettre aux députés de participer aux travaux parlementaires, qu'ils appartiennent à un groupe parlementaire ou pas. À l'heure actuelle, il faut en effet faire partie d'un groupe d'au moins dix députés. Par ailleurs, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il avait fait part aux autorités de la nécessité de renforcer les capacités et l'indépendance du système judiciaire et formé l'espoir de rencontrer des magistrats à l'occasion de sa prochaine visite dans le pays.


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HRC11/133F