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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LA PROMOTION ET LA TOLÉRANCE ET LA RÉCONCILIATION

Compte rendu de séance
Il examine les situations liées au racisme en s'inspirant de l'exemple de Nelson Mandela

Le Conseil des droits de l'homme tient une réunion-débat sur la promotion et la protection des droits de l'homme par le biais de la tolérance et de la réconciliation, en s'inspirant de l'exemple de Nelson Mandela.

Suite à la décision de l'Assemblée générale, en novembre 2009, de proclamer le 18 juillet Journée internationale Nelson Mandela, le Conseil avait décidé de tenir cette réunion-débat afin d'examiner les situations relatives aux droits de l'homme liées au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée existant actuellement partout dans le monde, en s'inspirant de l'exemple de Nelson Mandela pour promouvoir et protéger les droits de l'homme sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique.

Les panélistes pour cette réunion-débat étaient M. Mamadou Gnenema Coulibaly, Ministre des droits de l'homme et des libertés civiles de la Côte d'Ivoire; M. Hieu Van Le Ao, Lieutenant-Gouverneur d'Australie du Sud; M. Abdul Samad Minty, Représentant permanent de l'Afrique du Sud; et Mme Maya Salhi, membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine.

Dans son introduction, Mme Kyung-Wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a mis en exergue une citation de Nelson Mandela: «Personne ne naît en haïssant autrui pour la couleur de sa peau, ou pour son ascendance ou sa religion. Les gens apprennent à haïr; et s'ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur apprendre à aimer car l'amour vient de manière plus naturelle au cœur humain que son contraire».

M. Coulibaly a affirmé que la paix et la réconciliation ne se décrétaient pas mais qu'elles passaient par des postulats que sont la vérité, la justice, la repentance et le pardon. Le Ministre ivoirien des droits de l'homme a passé en revue les mesures prises par les nouvelles autorités, notamment la mise sur pied d'une commission de «dialogue, vérité et réconciliation», dont la mission est d'œuvrer en faveur du renforcement de la cohésion sociale. M. Ao a pour sa part attiré l'attention sur la tradition d'accueil de l'Australie, soulignant que l'harmonie ethnique de l'Australie s'explique par ses conditions propices au développement de la diversité culturelle.

M. Minty a quant à lui reconnu que 22 ans après la libération de Nelson Mandela, le racisme était toujours susceptible de diviser la société sud-africaine. Face à des sociétés qui ont marginalisé les plus pauvres au profit d'une poignée de nantis, il faut donc s'attaquer à la racine du problème sans perdre de vue le facteur psychologique qui infecte l'âme humaine, a souligné l'ambassadeur sud-africain.

Mme Salhi a souligné que la tolérance et la réconciliation étaient deux concepts complémentaires. La difficulté de réunir tolérance et réconciliation s'explique, selon elle, par le refus de reconnaître la diversité des peuples et des cultures, en particulier dans les pays occidentaux. En conclusion, elle a déclaré que la journée internationale Nelson Mandela devrait rappeler à l'ordre les États pour qu'ils œuvrent davantage pour la paix et la cohésion.

Au cours du débat, la plupart des délégations ont mis en avant leurs réalisations en faveur de la coexistence au sein de leurs sociétés. Une délégation a noté que s'il convenait de rester vigilant, il y avait des motifs d'optimisme avec l'éclipse que connaissent actuellement les régimes dictatoriaux cultivant la haine. Certaines délégations ont souligné l'utilité des commissions de paix et de réconciliation, à l'instar du choix récent de la Côte d'Ivoire. Ce modèle permet de créer les conditions en faveur de la réconciliation, même si le chemin y menant n'est pas facile pour autant. La Commission sud-africaine des droits de l'homme a vanté les vertus de la tolérance et du pardon, dont Nelson Mandela s'est fait le champion.

Les délégations suivantes ont participé aux échanges: Afrique du Sud, Sénégal, Bahreïn, Sri Lanka, Algérie, Thaïlande, Pakistan, Équateur, Australie, Canada, Maroc, Indonésie, Chili, Inde, Fédération de Russie, Norvège, Serbie et Namibie. La Commission sud-africaine des droits de l'homme a également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes: Association internationale pour la démocratie en Afrique et International Association for Democracy in Africa.


À la mi-journée, le Conseil portera son attention sur les questions relatives à l'assistance technique et au renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme, en tenant un débat interactif avec les titulaires de mandats chargés de la Somalie et du Cambodge, avant de tenir son débat général sur ce thème.


Réunion-débat sur la promotion et la protection des droits de l'homme par le biais de la tolérance et de la réconciliation: l'exemple de Nelson Mandela

Déclaration liminaire

M. KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que Nelson Mandela et son pays étaient considérés comme des modèles par des millions de personnes luttant contre le racisme, la discrimination et d'autres formes d'injustice. Elle a rappelé qu'en reconnaissance de la contribution historique de Nelson Mandela, l'Assemblée générale avait, en novembre 2009, proclamé le 18 juillet Journée internationale Nelson Mandela. Pour marquer l'importance de cette initiative, le Conseil des droits de l'homme a décidé qu'il tiendrait cette réunion-débat de haut niveau afin de réfléchir aux situations en matière de droits de l'homme partout dans le monde s'agissant du racisme, de la discrimination raciale et de l'intolérance qui y est associée. Le Conseil a aussi décidé que ce débat serait axé sur la promotion et la protection des droits de l'homme au travers de la tolérance et de la réconciliation.

La triste réalité est qu'aucun pays ne peut prétendre de bonne foi être débarrassé du racisme ou de la discrimination raciale, a souligné Mme Kang. Aujourd'hui, plusieurs millions de personnes dans le monde souffrent toujours, au quotidien, de l'indignité du racisme. La Haut-Commissaire adjointe a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Durban, adoptés dans cette ville d'Afrique du Sud en 2001, avaient réaffirmé l'engagement des États à agir de manière concrète dans ce domaine. Elle a souligné que le principe fondamental de non-discrimination constituait une priorité thématique stratégique du Haut-Commissariat. Dix ans après l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, beaucoup reste à faire, la Conférence d'examen qui s'est tenue à Genève ayant constitué une occasion de renouveler cet engagement.

La Haut-Commissaire adjointe a conclu sa déclaration par une citation de M. Mandela, lauréat du Prix Nobel de la paix: «Personne ne naît en haïssant autrui pour la couleur de sa peau, ou pour son ascendance ou sa religion. Les gens apprennent à haïr; et s'ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur apprendre à aimer car l'amour vient de manière plus naturelle au cœur humain que son contraire».

Exposés

M. MAMADOU GNENEMA COULIBALY, Ministre des droits de l'homme et libertés civiles de la Côte d'Ivoire, a déclaré que la tenue de ce panel sur la Journée internationale Nelson Mandela et les vertus cardinales de la tolérance, de l'amour, de la paix et de réconciliation tombe fort à propos pour son pays, qui émerge de plus d'une décennie d'instabilité politique qui s'est soldée par la crise ouverte et sanglante la plus douloureuse de son histoire. Le peuple et le Gouvernement ivoiriens aspirent aujourd'hui à la dignité, à la stabilité, au développement et à la paix, a affirmé le Ministre, et a fait valoir qu'au lendemain de l'établissement de la Commission nationale dialogue, vérité et réconciliation, le Révérend Desmond Tutu d'Afrique du Sud avait été invité par le Président ivoirien à rencontrer les principaux acteurs de la crise ivoirienne. La paix et la réconciliation ne se décrètent pas. Elles passent par les postulats que sont la vérité, la justice, la repentance et le pardon, a ajouté M. Coulibaly.

Le Ministre ivoirien des droits de l'homme a passé en revue les principales mesures prises par les nouvelles autorités du pays, notamment la signature de la Convention de coopération judiciaire avec la Cour pénale internationale en juin dernier; les poursuites engagées contre les auteurs des graves violations des droits de l'homme et des libertés publiques; et la création d'une commission nationale d'enquête. En outre, le Président Ouattara a crée un ministère dédié aux droits de l'homme et aux libertés publiques, dont le rôle est de promouvoir ces droits et libertés, de créer un cadre de lutte contre l'impunité et d'assurer une large diffusion des droits humains par la sensibilisation et la formation de toutes les couches sociales à travers des caravanes de sensibilisation ou de séminaires de commémoration. Une autre commission dite de «dialogue, vérité et réconciliation», présidée par un ancien Premier ministre, M. Charles Konan Banny, a également été mise sur pied, avec pour mission d'œuvrer en toute indépendance à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale de toutes les communautés vivant en Côte d'Ivoire. M. Coulibaly a précisé que les travaux de cette commission ne porteront pas sur l'incitation à la vengeance contre les auteurs de crimes, mais se focaliseront sur les conséquences de ces violations aussi bien sur les victimes que sur les auteurs. La reconnaissance des faits par leurs auteurs, la demande et l'acceptation du pardon et une ferme résolution de ne plus recommencer ces actes de barbarie ainsi que le rétablissement de la dignité et des droits des victimes conduiraient à coup sur à une paix durable et à une réconciliation vraie, a encore déclaré le Ministre ivoirien.

M. HIEU VAN LE AO, Lieutenant-Gouverneur d'Australie du Sud, a évoqué son expérience personnelle de réfugié, fuyant la guerre du Vietnam en quête d'un havre de paix et de sécurité. Arrivé par bateau en Australie, il a été impressionné par l'esprit d'accueil et la diversité culturelle. Il a rappelé que cet esprit était ancien, puisque les Aborigènes avaient déjà secouru le Capitaine Cook il y a plus de deux cents ans. Les premiers bateaux qui sont arrivés en Australie contenaient des personnes appartenant à plus de soixante ethnies différentes. Après la première colonisation, deux grandes vagues de migration ont eu lieu: premièrement lors de la ruée vers l'or, au tournant du XIXe siècle, puis après la Seconde guerre mondiale et au cours des guerres qui ont secoué l'Asie du Sud-Est.

Lorsque les Vietnamiens sont arrivés en Australie, alors en pleine récession économique, certains locaux pensaient que les nouveaux arrivants allaient voler leurs emplois a poursuivi le Lieutenant-Gouverneur. Toutefois, des politiciens de tous les partis ont pris la défense des migrants vietnamiens et expliqué la situation à la population. Aujourd'hui, de nouvelles filières migratoires résultent des conflits mondiaux et des difficultés économiques, et les mêmes questions se posent, a fait observer le panéliste, en déclarant que le multiculturalisme n'est pas une mode ou un choix mais bien un mode de vie. Le multiculturalisme ne doit pas être appréhendé par le prisme de l'immédiat. L'harmonie que connaît l'Australie est due à ses conditions propices au développement de la diversité culturelle, a-t-il affirmé. Ainsi, les nouveaux arrivants sont encouragés à maintenir leurs cultures et leurs traditions, dans un esprit d'échange et de respect, et l'Australie connait un fort taux de naturalisation des migrants. Toutefois, ceci implique des droits et des obligations: les naturalisés doivent s'engager à respecter l'état de droit en vigueur en Australie, à apprendre la langue nationale et à respecter les valeurs australiennes. En contrepartie, l'Australie respecte l'héritage culturel du nouvel arrivant.

M. ABDUL SAMAD MINTY, Représentant permanent de l'Afrique du Sud à Genève, a reconnu que Nelson Mandela avait sans doute fait preuve d'un peu trop d'optimisme, au début des années soixante, en s'engageant dans le combat visant à éliminer le racisme de son pays. Au début des années 90, le pays a forgé son avenir de manière simple et réaliste. Qu'en est-il aujourd'hui, 22 ans après la libération de Nelson Mandela? Le racisme est toujours susceptible de diviser la société sud-africaine. On ne parle pas suffisamment des races et jamais ouvertement, a-t-il constaté. Face à une société qui a marginalisé les plus pauvres au profit d'une poignée de nantis, il faut donc s'attaquer à la racine du problème sans perdre de vue le facteur psychologique qui infecte l'âme humaine.

Le représentant a témoigné de son itinéraire personnel, expliquant qu'il avait vécu pendant 37 ans en exil au Royaume-Uni et évoquant la force du mouvement contre l'apartheid auquel il a activement participé. Il a notamment rappelé le grand concert pour Nelson Mandela organisé à Wembley pour le vingtième anniversaire de son emprisonnement. Il était là en personne en 1990 à l'occasion de la célébration de sa libération. L'Afrique du Sud fêtera l'an prochain le centième anniversaire du Congrès national africain (ANC). Lors de sa constitution, ce mouvement avait pour objectif de contribuer à la libération, non seulement de l'Afrique du Sud, mais aussi de toute l'Afrique australe, a-t-il rappelé.

Évoquant la célébration la semaine dernière à New York des dix ans de la Conférence de Durban sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, M. Minty a déploré l'absence de nombreuses délégations à cette rencontre internationale. Le monde n'est donc pas encore uni dans son combat contre le racisme, a-t-il observé, tout en reconnaissant que plusieurs délégations absentes avaient affirmé qu'elles souscrivaient néanmoins sur le fond à la Déclaration et au Programme d'action de Durban. Il ne suffit pas de dire que l'on n'est pas raciste, si l'on demeure passif face à ce phénomène, a lancé l'ambassadeur sud-africain.

MME MAYA SAHLI, membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a déclaré que la tolérance et la réconciliation sont deux concepts complémentaires qui expriment la volonté de pouvoir vivre ensemble et dont la jouissance doit être assurée par les États et la communauté internationale. La réconciliation, à la fois processus et objectif, va bien au-delà du règlement juridique formel des différends, a-t-elle ajouté, en signalant qu'il n'existe pas de modèle unique de réconciliation, comme le montre la diversité des types de réconciliation observées dans des pays en développement sortant d'un conflit. Les valeurs pour lesquelles M. Nelson Mandela s'est battu sont défendues par l'humanité toute entière et reposent sur la tolérance le pardon et la réconciliation. Promouvoir ses valeurs, c'est renforcer la cohésion sociale et la solidarité, a encore estimé le membre du Groupe de travail d'experts.

Par ailleurs pour Mme Sahli, une réflexion sur la réconciliation peut se faire à la fois au niveau national et international. Dans le premier cas, elle pourrait constituer un cadre propice de dialogue entre divers protagonistes en situation de conflit ou de tension. Toutes les tensions doivent se transformer en énergie positive si la tolérance et la réconciliation jouent le rôle de l'apaisement social et politique, a-t-elle expliqué. En outre, la tolérance civile constitue le point d'intégration et non d'exclusion dont le but est d'assurer la paix publique. À ce titre, les conditions de paix civile se trouvent dans l'acceptation des différences. Au niveau international, l'experte a indiqué que la réconciliation et la tolérance sont des concepts modernes qui toutefois s'inscrivent dans un monde déchiré, où les conflits identitaires, culturels et religieux sont exacerbés par la conjoncture actuelle. La difficile conciliation entre la tolérance et la réconciliation s'explique par la non-reconnaissance de la diversité des peuples et des cultures, en particulier dans les pays occidentaux, a-t-elle souligné, avant de préciser que le constat reste négatif parce qu'il est fait à partir de l'examen des relations internationales. L'ensemble de cette vision devrait renforcer la cohésion sociale, encore estimé Mme Maya, en invitant à une réflexion sur de nouveaux concepts de tolérance et d'acceptation des différences. Selon elle; la réponse est difficile à trouver car les sociétés occidentales sont partagées entre des valeurs universelles, opposées au particularisme culturel ou religieux. En conclusion, elle a déclaré que la Journée internationale Nelson Mandela devrait rappeler à l'ordre les États pour qu'ils œuvrent davantage en faveur de la paix et de la cohésion.

Synthèse des interventions

À l'occasion du débat avec les panélistes, tous les États ainsi que les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées ont rendu un vibrant hommage à Nelson Mandela et affirmé leur attachement à la lutte contre toutes les manifestations de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie. À l'instar de l'Afrique du Sud, les délégations ont souligné que l'Assemblée générale, en proclamant le 18 juillet Journée internationale Nelson Mandela, a rendu un hommage mérité à un homme hors du commun, qui s'est illustré, au cours de sa vie, par ses qualités humaines, son courage et son intelligence. Le Sénégal, au nom du Groupe africain, s'est demandé comment perpétuer cet esprit universel tendant à l'instauration d'une véritable culture de paix, de tolérance et de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a également salué la «sublime illustration de l'engagement politique» de la militante des droits des femmes et de l'environnement, Wangari Maathai du Kenya, qui vient de décéder.

Plusieurs délégations, dont le Bahreïn, Sri Lanka et l'Algérie, ont présenté les processus de réconciliation nationale mis en place dans leurs pays respectifs. La réconciliation est impossible tant que l'impunité perdure, ont estimé d'autres intervenants. En outre, le dialogue, la tolérance et le pardon sont les clés de la réussite des processus de réconciliation. La Thaïlande et le Pakistan ont rappelé que cette réunion-débat est d'autant plus importante qu'elle s'inscrit dans le cadre du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement et du dixième anniversaire de la conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

De nombreuses délégations ont insisté sur l'importance d'une action concertée et coordonnée de la part de la communauté internationale pour lutter contre le racisme, en parallèle à la pleine mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de racisme et à la mobilisation des mécanismes onusiens. Dans ce contexte, il convient également de renforcer les législations nationales de lutte contre la discrimination. Soulignant l'importance de l'éducation pour contrecarrer le racisme, les représentants de l'Équateur, de l'Australie et de l'organisation non gouvernementale Association internationale pour la démocratie en Afrique, ont appelé les États à partager leurs bonnes pratiques en matière de diffusion des valeurs de tolérance, de paix et de réconciliation. Par ailleurs, le représentant du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones a proposé la tenue d'un séminaire international d'experts sur la vérité et la réconciliation en 2013. D'autres organisations non gouvernementales sont également intervenues.

Dans une seconde série d'interventions, les délégations ont réaffirmé leur attachement et leur défense des valeurs véhiculées par Nelson Mandela. Certaines comme le Canada, le Maroc ou l'Indonésie, sont revenus sur les cadres législatifs respectifs de leur pays qui protègent et promeuvent la diversité culturelle et la tolérance. Ainsi le Canada, reconnaît la diversité comme composante de son identité nationale et l'Indonésie accorde une égalité en droit aux plus de mille communautés qui composent le pays.

Le Chili a estimé que l'expérience de l'Afrique du Sud devrait inspirer tous les pays et être intégrée dans tous les processus de réconciliation; elle doit être érigée en patrimoine mondial de l'humanité. Il appartient en outre au Conseil de véhiculer l'éthique de Nelson Mandela. Pour sa part, en tant que pays à diversité culturelle inégalée, la délégation de l'Inde a déclaré que la violence et le terrorisme ne prospèrent que dans un monde d'intolérance, avant d'appeler la communauté internationale à développer la compréhension mutuelle et à célébrer la diversité qui constitue notre monde.

La Fédération de Russie s'est pour sa part inquiétée de la renaissance de l'intolérance et de la xénophobie prenant souvent la forme de slogans nazis. Les générations d'aujourd'hui ne doivent pas oublier où a abouti cette idéologie, a ajouté son représentant avant de plaider pour l'adoption de mécanisme de lutte contre la propagation de cette idéologie. Rejoignant cette analyse, la Norvège a ajouté qu'il est aujourd'hui plus que jamais important de répondre à ce discours dans le débat public et d'élaborer des contre-arguments, tout en protégeant la liberté d'expression.

D'autres délégations ont souligné que, sortant de conflits, ils avaient adopté des mesures de réconciliation nationale dans le but de réinstaurer la cohésion. Ainsi, la Serbie commémore les massacres de Srebrenica et promeut un esprit de tolérance et de dialogue interculturel, tout en mettant en œuvre ses obligations internationales en la matière. En Namibie, dernière colonie d'Afrique ayant souffert de l'apartheid, le président Sam Nujoma a décidé de pardonner aux Blancs; la Namibie exhorte les pays qui connaissent ou ont connu des tensions et des conflits à tourner la page du passé et à se tourner vers l'avenir. En conclusion, la Commission sud-africaine des droits de l'homme a estimé que la Journée internationale Nelson Mandela sera l'occasion de faire le point sur les progrès réalisés en matière de droits de l'homme et de réconciliation, y compris dans le domaine de la xénophobie à l'égard des autres africains.

Conclusions

MME SAHLI a souligné que la réconciliation et la tolérance imposaient de nouveaux défis. Il est du rôle des sociétés civiles, selon elle, d'encourager les cadres de concertation afin de forger une culture de tolérance et de réconciliation en s'appuyant sur l'acceptation des différences. Il s'agit de préparer les esprits à la réconciliation et au pardon, a souligné l'experte du Groupe de travail sur les personnes d'ascendance africaine. S'agissant de l'Afrique, elle a estimé qu'il convenait d'éviter de s'embarquer dans des considérations ethniques ou tribales, voire claniques. En rétablissant les vérités et en réparant les torts, on doit éviter de sombrer dans les différences sociales, a-t-elle ajouté. Quant à la crise que connaît l'esprit de tolérance sur le plan international, il ne suffit pas de ramener celui-ci à la morale; cette notion invite à réfléchir à l'altérité, en articulant la politique et le droit. Malgré l'intérêt que connaît de manière croissante la notion de tolérance, celle-ci demeure critiquée, notamment en raison de son ambiguïté. La communauté internationale doit demeurer saisie de cette question et servir de socle commun.

M. MINTY a souligné que les mots sont parfois très nobles mais ils ne peuvent par eux-mêmes en finir avec le racisme. Nelson Mandela, tout comme le Mahatma Gandhi, ont montré qu'il s'agissait d'un combat quotidien. Nous avons combattu le système et non pas une population en Afrique du Sud, a-t-il rappelé. Si les victimes de la répression se sont montrées disposées à pardonner, cela ne signifie pas que cela soit chose aisée, a-t-il reconnu. Les nouveaux dirigeants des pays d'Afrique australe ont parfois eu à travailler côte à côte avec leurs anciens tortionnaires. Il faut pardonner, ce qui veut dire pardonner vraiment afin que de telles atrocités ne se reproduisent jamais. Il faut faire preuve de tolérance, d'amour et de pardon et il est essentiel que cette démarche soit inclusive. «Je suis car tu es», et «aucun individu n'est une île», est le concept sur lequel s'est appuyé l'Afrique du Sud, a ajouté son ambassadeur. Il ne faut jamais permettre au racisme de devenir respectable, a-t-il averti, en faisant allusion aux dérives électoralistes de certains dirigeants politiques. Le racisme est une maladie contagieuse, a-t-il conclu.

M. AO est revenu sur les observations de la délégation canadienne en matière d'éducation. L'éducation est le fondement même permettant d'aplanir les obstacles vers la tolérance. Il faut s'adresser aux enfants dès leur plus jeune âge. Il est important que les programmes scolaires incluent les éléments essentiels de la diversité culturelle, de la diversité religieuse pour que les jeunes acceptent les différences chez leurs camarades, a conclu le Lieutenant-Gouverneur d'Australie du Sud.

M. COULIBALY a déclaré que la lutte contre le racisme diffère selon que l'on affaire à un État sortant d'un conflit ou pas. La lutte contre l'intolérance et en faveur du pardon sont bien à la base du processus de réconciliation, a-t-il affirmé. Si des modèles existent à travers le monde, on peut les suivre ou s'en inspirer, même si les causes des conflits diffèrent d'un pays à l'autre. C'est la raison pour laquelle la Côte d'Ivoire s'est inspirée de la voie tracée par Nelson Mandela dans un pays aussi profondément divisé que l'était la «Nation arc-en-ciel». Il s'est félicité de l'instauration de la Journée Nelson Mandela qui «magnifie la tolérance, la paix et la réconciliation» et à laquelle s'associera son pays le 18 juillet prochain.


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HRC11/132F