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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE AUDITIONNE DES ONG SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION AU PARAGUAY

Compte rendu de séance
À l'occasion de la Journée internationale des populations autochtones, le Président souligne le rôle du Comité dans la défense des droits des populations autochtones

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu, ce matin, des représentants d'organisations non gouvernementales au sujet de la situation qui prévaut au Paraguay s'agissant de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport du Paraguay sera examiné par le Comité demain après-midi et jeudi matin.

Les représentants d'ONG ont attiré l'attention des experts sur les discriminations dont sont victimes les peuples autochtones et les communautés d'ascendance africaine au Paraguay. Ils ont notamment insisté sur la détérioration de l'environnement des peuples autochtones et sur le fait que ces peuples sont souvent privés de leurs terres. Juridiquement, les droits des peuples autochtones sont reconnus dans la législation paraguayenne, mais c'est son application à cet égard qui est lacunaire, a-t-il été affirmé. Plusieurs intervenants ont par ailleurs fait observer que les communautés d'ascendance africaine, contrairement aux peuples autochtones, ne sont pas reconnues en tant que telles par l'État paraguayen.

L'attention a en outre été attirée sur le fait que la législation paraguayenne ne fait aucune référence à la discrimination raciale à proprement parler – une lacune qu'a notamment relevée le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport paraguayen, M. Régis de Gouttes. À cet égard, il a été demandé au Comité de recommander au Paraguay d'adopter le projet de loi, actuellement en cours d'examen, qui envisage d'intégrer dans la loi une définition de la discrimination raciale.

Les représentants des ONG ci-après ont fait des déclarations: Comisión Jurídica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos; Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer; Amnesty International.

En cette Journée internationale des populations autochtones, le Président du Comité, M. Anwar Kemal, a tenu à souligner, en début de séance, que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est un défenseur incessant des populations autochtones. Il a en effet pris un certain nombre de décisions et adopté des communications à l'adresse des gouvernements pour défendre des droits des populations autochtones.


Le Comité entamera l'examen du rapport initial du Paraguay (CERD/C/PRY/1-3) demain après-midi à 15 heures.


Aperçu des échanges avec des ONG concernant le rapport du Paraguay

Un représentant de la Comisión Jurídica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos a fait observer que la Journée internationale des populations autochtones permet aux ONG d'ouvrir un dialogue direct et sincère avec les membres du Comité et avec les représentants des États. C'est donc un honneur pour les populations autochtones de bénéficier de cette coïncidence entre la commémoration de cette Journée internationale et la tenue de la présente session du Comité, a-t-il souligné. Les populations autochtones et d'ascendance africaine sont particulièrement victimes de la discrimination raciale, a-t-il poursuivi. Il a ajouté que les peuples autochtones ont choisi de rester en marge de la civilisation occidentale et sont aujourd'hui réfugiés dans les montagnes et les lieux éloignés, a-t-il rappelé. Au Paraguay, a-t-il souligné, beaucoup de peuples autochtones sont privés de leurs terres et la détérioration de leur environnement est devenue alarmante.

Une représentante du Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer a souhaité que l'État paraguayen approfondisse le suivi de l'application du Programme d'action de Durban afin que la discrimination raciale touchant les femmes, les populations autochtones et les populations d'ascendance africaine soit dûment prise en compte. Une autre représentante de cette ONG a notamment demandé au Comité d'engager le pays à appliquer loi de 2010 sur les langues, s'agissant surtout de l'application des deux langues officielles, l'espagnol et le guarani, dans l'administration et la justice. Il faut remédier à la discrimination qui prévaut en termes d'accès à la justice à l'encontre des populations autochtones et d'ascendance africaine, a souligné cette représentante. Il faut en outre créer une nouvelle institution qui remplace l'Institut paraguayen pour les peuples autochtones, a-t-elle ajouté.

Une représentante d'Amnesty International a fait part des principales sources de préoccupation de son organisation, soulignant qu'elles concernent avant tout les peuples autochtones du Paraguay et la discrimination raciale à leur encontre. Les violations des droits de l'homme contre les peuples autochtones se poursuivent aujourd'hui, surtout en ce qui concerne le droit à la terre, à la consultation et au consentement et leur situation socioéconomique. Les droits autochtones au Paraguay sont pourtant parmi les plus avancés d'Amérique latine; la Constitution reconnaît en effet les droits de ces peuples à la terre et le Paraguay a adopté la Convention n°169 de l'OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux, a salué la représentante. Pourtant, dans la pratique, il y a une véritable absence de politique publique destinée aux populations autochtones; le cadre institutionnel à cette fin fait défaut, a-t-elle souligné. Le manque de statut ministériel de l'Institut paraguayen pour les peuples autochtones empêche cette institution d'avoir l'autorité nécessaire pour influer sur les autres ministères; en outre, les peuples autochtones ne considèrent pas cet Institut comme étant représentatif - peut-être simplement parce que cette institution n'est pas tenue de se mettre d'accord avec ces populations pour décider des politiques à mettre en œuvre. Selon un rapport de 2002, 65% de la population autochtone au Paraguay ne jouissaient pas d'une possession légale et légitime de ses terres. En outre, a poursuivi la représentante d'Amnesty International, dans la région du Chaco, les terres autochtones ne représentent que 1,8% des terres.

Un membre du Comité, M. Régis de Gouttes – en qualité de Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay –, a constaté que la législation paraguayenne ne fait aucune référence à la discrimination raciale à proprement parler. Il a également relevé que la législation pénale contre la discrimination n'est pas non plus satisfaisante, car elle ne reprend pas les incriminations à caractère obligatoire formulées à l'article 4 de la Convention. S'agissant de la situation des peuples autochtones, M. de Gouttes a rappelé que le Comité, dans une décision prise au titre de la procédure d'alerte rapide et d'action urgente, avait saisi l'an dernier le Gouvernement du Paraguay au sujet du sort de plusieurs communautés autochtones. Relevant qu'il existe au Paraguay des cartes d'identité nationale pour tous, et des cartes d'identité ethnique pour les populations autochtones, l'expert a souhaité savoir s'il n'y a pas un risque d'effet stigmatisant dans la création d'une telle carte d'identité ethnique. Il s'est en outre enquis de données concernant la situation pénitentiaire et notamment le nombre d'autochtones dans les prisons du Paraguay.

La discrimination raciale n'est effectivement pas codifiée dans la législation paraguayenne, a souligné un représentant de la Comisión Jurídica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos. Au Chaco, territoire situé entre la plaine d'Amazonie et la pré-cordillère des Andes et où la richesse biologique est reconnue au niveau mondial, se sont établis de nombreux peuples autochtones qui ont été victimes de discrimination raciale dès l'époque de la domination coloniale, a-t-il poursuivi. Les peuples autochtones sont maintenus en marge, exclus de toute forme de participation politique, et cette forme de discrimination raciale devrait être prise en compte par l'État paraguayen, a-t-il insisté, appelant les autorités de ce pays à tenir compte également de l'apartheid écologique et du racisme environnemental.

Une représentante du Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer a souligné que – contrairement aux peuples autochtones – les communautés d'ascendance africaine ne sont pas reconnues par l'État paraguayen. En outre, aucune politique spécifique ne vise ces communautés.

Une représentante d'Amnesty International a rappelé que dans le cadre de l'examen périodique universel, le Paraguay s'est engagé à respecter des recommandations importantes concernant les droits des peuples autochtones. Juridiquement, les droits des peuples autochtones sont reconnus dans la législation nationale du Paraguay; mais c'est leur application qui est lacunaire, a souligné cette représentante.

Un membre du Comité a souligné que souvent, en Amérique latine, les communautés d'ascendance africaine sont invisibles. Aussi s'est-il enquis du niveau de participation des organisations de la société civile dans la perspective du prochain recensement national de la population du Paraguay. Il a également souhaité savoir si la population d'ascendance africaine du pays se différenciait par l'utilisation de quelconques langues autochtones.

Un autre expert a souhaité connaître les chiffres officiels concernant la taille de la population autochtone au Paraguay. Relevant notamment que le guarani a statut de langue officielle au Paraguay, l'expert a également souhaité en savoir davantage au sujet de la législation existante en faveur de la défense des langues autochtones dans ce pays.

Un représentant de la Comisión Jurídica para el Autodesarrollo de los Pueblos Originarios Andinos a rappelé que la Convention n°169 de l'OIT a été ratifiée par le Paraguay en 1993 et fait, depuis lors, partie de la législation nationale. Or, en pratique, il a été constaté que les normes de la Convention sont bien loin d'être respectées par l'État paraguayen. Quant aux populations d'ascendance africaine, elles furent très bien accueillies par les peuples autochtones, les deux communautés ayant en commun un profond amour de la Terre, a-t-il souligné. Lorsque les autochtones furent dépouillés de leurs terres, les personnes d'ascendance africaine subirent le même sort, a souligné le représentant. Il a déploré que l'État paraguayen s'efforce de rendre invisible la présence des populations d'ascendance africaine dans le pays, ce qui n'est pas le cas pour les populations autochtones.

Une représentante du Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer a dénoncé le racisme qui touche les enfants des communautés d'ascendance africaine. En effet, les personnes d'ascendance africaine ne sont même pas mentionnées dans les manuels scolaires où il est enseigné que les Paraguayens ont des origines espagnoles et autochtones, sans qu'aucune mention ne soit faite de l'existence, dans la population paraguayenne, d'ascendances africaines.

Une autre représentante de cette ONG a attiré l'attention sur un projet de loi actuellement en cours d'examen qui envisage d'intégrer une définition de la discrimination raciale et a demandé au Comité de recommander au Paraguay d'adopter ce projet de loi.

Une représentante d'Amnesty International a insisté sur la nécessité de mettre en place, au Paraguay, un processus de consultation des peuples autochtones conforme aux dispositions de la Convention n°169 de l'OIT, afin d'assurer le consentement libre et éclairé de ces populations, alors qu'aucune norme adéquate n'existe actuellement dans ce pays pour garantir un tel consentement.

Soulignant en conclusion le rôle essentiel des médias dans la lutte contre la discrimination raciale, M. Régis de Gouttes a souhaité savoir s'il existe au Paraguay des phénomènes de diffusion de stéréotypes raciaux et racistes par la presse et l'Internet. Il s'est aussi interrogé sur la présence des communautés autochtones dans les instances des media.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD11/023F