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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN LIBYE

Compte rendu de séance
Appels unanimes en faveur de la reconduction du mandat de la Commission d'enquête du Conseil

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, à la mi-journée, la question de la suite donnée à la session extraordinaire sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne, qui s'est tenue le 25 février dernier. Le Conseil est saisi, dans ce cadre, du rapport de la Commission internationale indépendante d'enquête créée lors de ladite session pour enquêter sur toutes les violations présumées du droit international des droits de l'homme commises en Jamahiriya arabe libyenne.

M. Chérif Bassiouni, Président de la Commission d'enquête, a déclaré qu'elle avait pu établir que les événements avaient débuté par des manifestations pacifiques en faveur de réformes démocratiques, qui ont été rapidement en butte à une réaction violente du Gouvernement et de ses partisans. Rapidement, les événements ont dégénéré en guerre civile. Si le nombre de victimes est difficile à établir, les estimations sont très élevées. Des actes constitutifs d'homicide, d'emprisonnements illégaux ainsi que d'autres formes de violations graves des règles fondamentales du droit international telles que la torture, la persécution, la disparition forcée, ont été commis de manière généralisée et systématique contre la population civile, avec la connaissance pleine et entière que les attaques visaient une partie de la population libyenne. De tels actes tombent sous le coup d'imputations de «crimes contre l'humanité», tels que définis par l'article 7 de la Cour pénale internationale et du droit international. Sur la base des informations disponibles actuellement, la Commission n'a pas le sentiment que les violations commises par les forces de l'opposition armée se soient inscrites dans le cadre d'attaques généralisées et systématiques contre la population civile et qui seraient assimilables à des crimes contre l'humanité. Elle a toutefois reçu des indications selon lesquelles des actes commis par des forces liées à l'opposition pouvaient être considérés comme des crimes au regard du droit international.

La Jamahiriya arabe libyenne, s'exprimant à titre de pays concerné, a assuré que les manifestations pacifiques du 15 février dernier ont été correctement gérées par les forces de sécurité de la Jamahiriya arabe libyenne. Ces manifestations légitimes ont malheureusement été rapidement détournées par des organisations terroristes. Les médias internationaux sont, pour leur part, responsables d'une grande partie des souffrances infligées actuellement à la population libyenne. Le représentant libyen a estimé regrettable que les organisations régionales, Ligue arabe en tête, aient adopté des sanctions contre son pays sur la base de rapports médiatiques mensongers. Il a par ailleurs demandé au Conseil de prolonger le mandat de la Commission internationale indépendante pour qu'elle soit en mesure d'enquêter dans les villes qui ne sont pas sous le contrôle des autorités libyennes et de constater les violations des droits de l'homme commises par l'OTAN.

Au cours du débat, la délégation de la Jordanie a donné lecture d'un message du Conseil national de transition de Lybie rappelant que la répression des libertés fondamentales du peuple et la négation de leur dignité s'exerce sur la population depuis quarante ans et a fait des milliers de victimes de violations des droits de l'homme. Le Conseil national de transition salue les recommandations faites par la Commission d'enquête et demande au Conseil des droits de l'homme de prolonger son mandat, l'assurant de sa collaboration.

Toutes les délégations qui ont participé au débat ont salué les travaux menés par la Commission d'enquête qui se sont déroulés dans des conditions particulièrement complexes et délicates. Il a été observé que le rapport confirme la détérioration de la situation des droits de l'homme en Jamahiriya arabe libyenne, y compris le fait que les autorités continuent de commettre des crimes de guerre et contre l'humanité contre leur propre population. On a déploré en particulier la criminalisation des droits à la liberté d'expression et d'opinion et le recours à la force contre des manifestants pacifiques ayant entraîné de nombreux morts et des disparitions. Les délégations se sont associées aux conclusions de la commission internationale indépendante selon laquelle ces crimes sont des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre et ont appelé au prolongement du mandat de la Commission. Certaines délégations se sont préoccupées des allégations de détention arbitraire et d'exécutions sommaires de migrants originaires de la région subsaharienne accusés d'être des mercenaires et ont souhaité que la Commission enquête sur la question. D'autres ont aussi souhaité que la Commission enquête sur les informations selon lesquelles les forces de L'OTAN auraient eu recours à une force excessive faisant plusieurs tués parmi la population civile.

Les pays suivants ont participé au débat interactif avec M. Bassiouni: Palestine (au nom du Groupe arabe), Union européenne, Jordanie (au nom du Conseil de transition libyen), Cuba, Nigéria (au nom du groupe africain), Royaume-Uni, Iraq, France, Qatar, Chine, Russie, Thaïlande, Maldives, Argentine, États-Unis, Mexique, Norvège, Brésil, Espagne, Italie, Venezuela, Turquie, Maroc, Pologne, Danemark, Canada, Allemagne, Japon, Mauritanie, Irlande, Suisse, Malaisie, Belgique, Suède, Portugal, Australie, Ouganda, République de Corée, Slovaquie, Soudan, Liban et Chili.

Des organisations non gouvernementales ont également fait des déclarations: Cairo Institute for Human Rights Studies, Reporters sans frontières - international, Human Rights Watch, Amman Center for Human Rights Studies et Nord-Sud XXI.

Le Conseil tiendra un autre débat sur la situation des droits de l'homme en Jamahiriya arabe libyenne demain, à midi, organisé par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui présentera son rapport intérimaire sur la question (A/HRC/17/45) et à laquelle participeront également M. Rashid Khalikov, Directeur du Bureau de coordination de l'aide humanitaire; M. Yacoub El Hillo, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés; ainsi que M. Bassiouni.


Cet après-midi, le Conseil se penchera sur le document final de l'examen périodique du Paraguay, avant de tenir un débat général sur la procédure de l'examen périodique universel.


Examen de la situation en Libye

Présentation de rapports

M. CHERIF BASSIOUNI, Président de la Commission d'enquête sur toutes les allégations de violations du droit international dans la Jamahiriya arabe libyenne, a rappelé que la Commission avait été constituée le 15 mars de cette année et que, lors de sa première réunion, le 6 avril dernier, elle avait décidé de prendre en considération les actes commis par toutes les parties dans l'ensemble du pays. Il a rappelé que les premières manifestations, et les réactions gouvernementales qui ont suivi, s'étaient produites le 15 février, alors que le pays était en paix. Un conflit armé s'est développé vers la fin du mois, se poursuivant durant les travaux de la Commission. Celle-ci se félicite du concours apporté par le Gouvernement ainsi que par le Conseil national de transition lors de ses visites à Tripoli, Al Zawiya, Benghazi, Al Baïdha et Tobrouk. Elle est aussi reconnaissante à la Tunisie et à l'Égypte d'avoir facilité la visite des camps humanitaires établis le long de leurs frontières. Le rapport présenté aujourd'hui est le fruit de ces visites de terrain au cours duquel les membres de la Commission ont rencontré plus de 350 personnes dont de hauts responsables gouvernementaux et du Conseil national de transition, des victimes, des témoins directs, des médecins, du personnel médical, des patients, des membres de leur famille, des prisonniers et des réfugiés. Ils ont aussi étudié, lu et visionné un nombre importants de documents, dont plus de 5000 pages, au moins 580 vidéos et plus de 2200 photos.

Cette analyse a permis d'établir que les événements avaient débuté par des manifestations pacifiques en faveur de réformes démocratiques qui ont été rapidement en butte à une réaction violente du Gouvernement et de ses partisans. Rapidement, les événements ont dégénéré en guerre civile. Si le nombre de victimes est difficile à établir, les estimations sont très élevées. Des actes constitutifs de massacres, d'emprisonnements illégaux ainsi que d'autres formes de violations sévères des règles fondamentales du droit international, telles que la torture, la persécution, la disparition forcée, ont été commis de manière généralisée et systématique contre la population civile, avec la connaissance pleine et entière que les attaques visaient une partie de la population libyenne. De tels actes tombent sous le coup d'imputations de «crimes contre l'humanité», tels que définis par l'article 7 de la Cour pénale internationale et du droit international. Des crimes de guerre ont en outre été commis par les forces gouvernementales et leurs partisans.

Sur la base de l'information disponible actuellement, la Commission n'a pas le sentiment que les violations commises par les forces de l'opposition armée se soient inscrites dans le cadre d'attaques généralisées et systématiques contre la population civile et qui seraient assimilables à des crimes contre l'humanité. Elle a toutefois reçu des indications selon lesquelles des actes commis par des forces liées à l'opposition pouvaient être considérés comme des crimes internationaux – homicides, torture, traitements cruels - commis en particulier contre des détenus, des travailleurs migrants et des mercenaires présumés ou perçus comme tels. Il s'agit de crimes de guerre en vertu du droit international, a insisté M. Bassiouni.

La Commission a demandé aux deux parties de mener des enquêtes exhaustives, impartiales et transparentes au sujet de ces violations. Elle leur a aussi demandé de libérer tous les prisonniers qui n'ont pas été inculpés. Elle se félicite de la libération de cinq journalistes étrangers et de l'autorisation donnée à Mme Iman El-Obeidi de pouvoir quitter le pays, rappelant que la Commission avait intercédé en leur faveur. Une liste de journalistes et de 87 prisonniers a aussi été remise aux autorités de Tripoli, la Commission espérant qu'il sera donné une suite favorable à leur libération.

M. Bassiouni a souligné qu'un travail d'enquête et d'analyse était encore nécessaire, compte tenu de la gravité et de la complexité de la situation. La Commission recommande par conséquent que le Conseil des droits de l'homme demeure saisi de la situation en prorogeant son mandat ou en créant un autre mécanisme qui aurait la capacité de poursuivre le travail d'enquête indispensable. Ce mécanisme devra avoir suffisamment de temps et être doté de suffisamment de souplesse pour remplir correctement le mandat défini par le Conseil. La Commission considère que la situation actuelle en Libye, ainsi que les éléments révélés par elle, devront être considérés dans la perspective de la justice post-conflit à venir et des mécanismes de justice transitionnelle qui seront nécessaires pour apporter justice et réconciliation au peuple libyen afin d'assurer la paix et la justice dans le pays, ainsi qu'entre celui-ci et la communauté internationale.

Le rapport de la Commission internationale indépendante d'enquête sur les violations présumées du droit international des droits de l'homme commises en Jamahiriya arabe libyenne (A/HRC/17/44, version préliminaire en anglais seulement), indique notamment que la Commission a décidé d'examiner les mesures prises par toutes les parties qui auraient pu constituer des violations des droits sur tout le territoire de la Jamahiriya arabe libyenne. Elle a également examiné les violations commises avant, pendant et après les manifestations en témoignent un certain nombre de villes dans le pays en février 2011. Dans ses recommandations, la Commission invite notamment le Gouvernement de la Libye de cesser immédiatement les actes de violence commis contre des civils en violation et de procéder à la libération inconditionnelle et immédiate de tous ceux qui sont détenus à la suite de leur participation à des manifestations pacifiques ou détenus arbitrairement. La Commission invite le Gouvernement de la Libye et le Conseil national de transition de s'acquitter de leurs obligations respectives en vertu du droit international humanitaire, en particulier celles concernant la protection des civils, y compris la facilitation de l'accès immédiat, libre et sans entrave pour le personnel humanitaire à toutes les personnes ayant besoin d'assistance. La Commission recommande au Conseil des droits de l'homme, compte tenu des délais courts dans lesquels elle a dû achever ses travaux et compte tenu de la gravité et la complexité de la situation, de rester saisi de la situation en prorogeant le mandat de la Commission ou en mettant en place un mécanisme à même de poursuivre les investigations nécessaires sur les droits de l'homme et la situation du droit humanitaire dans le pays pour une période d'un an.

Pays concerné

M. MUSTAFA SHABAN (Jamahiriya arabe libyenne) a remercié le Président du Conseil des droits de l'homme d'avoir invité son pays à participer à ce dialogue, une décision sage qui permettra au Conseil de connaître la vérité. Le représentant a fait savoir que son gouvernement a pleinement coopéré avec la Commission internationale indépendante et qu'il entend bien continuer de respecter toutes ses obligations au regard des instruments internationaux des droits de l'homme. La Jamahiriya arabe libyenne nie tout recours systématique à la violence qui aurait été commandité par les autorités, de même que toute violation systématique des droits de l'homme de la population.

Le représentant a déclaré que les manifestations pacifiques du 15 février dernier ont été correctement gérées par les forces de sécurité de la Jamahiriya arabe libyenne. Ces manifestations légitimes ont malheureusement été rapidement détournées par des organisations terroristes. Les événements en Libye ne sont plus comparables à ceux qui se sont déroulés en Égypte par exemple. La Libye se trouve ainsi confrontée aujourd'hui à une insurrection armée appuyée par des mercenaires étrangers. Cette situation s'explique par la situation générale dans la région et par un complot médiatique international contre la Libye, a assuré le représentant. Les médias internationaux sont responsables d'une grande partie des souffrances infligées actuellement à la population libyenne. Il est d'autre part regrettable que les organisations régionales, Ligue arabe en tête, aient adopté des sanctions contre la Jamahiriya arabe libyenne sur la base d'informations mensongères dans les médias. La Jamahiriya arabe libyenne est en proie aux exactions de bandes criminelles coupables de crimes de guerre et contre l'humanité. Le représentant libyen a dénoncé en outre les bombardements et l'embargo maritime international contre son pays, qui ont entraîné l'interruption des services publics essentiels et causé des centaines de morts et blessés.

La Jamahiriya arabe libyenne demande au Conseil de remplir son devoir moral qui est de dénoncer les crimes de guerre commis contre elle par l'OTAN. Le pays déposera une plainte officielle contre cette organisation. Il demande en outre au Conseil de prolonger le mandat de la Commission internationale indépendante, pour qu'elle soit en mesure d'enquêter dans les villes qui ne sont pas sous le contrôle des autorités libyennes, d'établir la présence de mercenaires étrangers au service de la rébellion et de constater les violations des droits de l'homme commises par l'OTAN. La Commission doit en outre corriger les allégations non fondées dans son rapport au sujet de prétendues arrestations de journalistes et de civils par les autorités. Enfin, la Commission devra entendre des témoignages neutres concernant la situation réelle et la gestion des événements par les autorités officielles.

Débat interactif

M. IBRAHIM KHRAISHI (Palestine au nom du Groupe arabe) a félicité les membres de la Commission d'enquête pour leur travail et leur professionnalisme dans des conditions particulièrement complexes et délicates. Il a prié le Gouvernement libyen de strictement respecter le droit international et le droit humanitaire ainsi que de permettre à la population libyenne de réaliser ses aspirations visant à la création d'un État démocratique fondé sur la justice et l'égalité. Il a demandé à la Commission d'apporter des précisions sur la manière dont son mandat serait susceptible d'être renouvelé, compte tenu des besoins observés durant sa mission.

MME MARIANGELA ZAPPIA (Union européenne) a qualifié d'inacceptables les allégations du «régime de Kadhafi», estimant que la Commission avait été en mesure d'effectuer un travail remarquable. Dans le contexte actuel, la communauté internationale avait le droit de réagir fermement. Si l'Union européenne a dénoncé les violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme et du droit international humanitaire par le Gouvernement libyen et ses partisans, demandant la traduction en justice des responsables, elle considère que les violations éventuellement commises par l'opposition ne revêtent pas à l'inverse de caractère systématique. Elle a demandé à M. Bassiouni comment le Haut-Commissariat pourrait intensifier son engagement s'agissant de la situation libyenne.

M. SHEHAB A. MADI (Jordanie) a donné lecture d'un message du Conseil national de transition de Libye qui remercie le Président de la Commission internationale indépendante d'enquête, dont le rapport est objectif et professionnel. Le Conseil national de transition rappelle que le peuple libyen a manifesté pacifiquement le 15 février dernier pour voir ses revendications écrasée dans la violence par forces de sécurité, comme cela se pratique depuis quarante ans en Libye. La répression des libertés fondamentales du peuple et la négation de leur dignité ont été le moyen adopté par le régime de Mouammar Kadhafi pendant plus de quatre décennies, laissant des milliers de personnes victimes de violations des droits de l'homme. Le Conseil national de transition affirme son acceptation des recommandations contenues dans le rapport de la Commission. Il demande au Conseil des droits de l'homme de prolonger le mandat de la Commission internationale indépendante et l'assure qu'il collaborera avec cette instance.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a rappelé que sa délégation avait à maintes reprises tiré la sonnette d'alarme au sein du Conseil pour dénoncer les plans de déstabilisation de la Libye qui refusent de recourir aux moyens diplomatique. Il a fustigé l'usage de la force par l'OTAN et l'utilisation de drones et d'armes hautement sophistiquées et très létales, et s'est érigé contre les dommages «collatéraux» ayant fait de nombreuses victimes parmi la population civile. Il a soutenu les propositions de l'Union africaine visant à un dialogue national du peuple libyen. Il a dénoncé la violence, l'hypocrisie de ceux qui envahissent prétendument pour protéger les civils. Le représentant cubain a plaidé pour un règlement interne de la situation, sans ingérence étrangère.

M. UMUNNA HUMPHREY ORJIAKO (Nigéria au nom du Groupe africain) s'est félicité que la Commission se soit penchée sur les violations commises par toutes les parties. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, l'établissement des faits sur le terrain exige une enquête approfondie. Le Groupe africain appelle toutes les parties à protéger la population civile et est alarmé par le fait que des migrants, particulièrement ceux originaires d'Afrique subsaharienne, aient été pris à partie, maltraités et leurs domiciles perquisitionnés de manière arbitraire. L'accusation d'être des mercenaires en fonction de l'origine nationale ou de la couleur de la peau des personnes mises en cause est condamnable, estime le Groupe africain qui se dit troublé par le fait que ces exactions aient été associées à l'opposition. Le Groupe africain soutient les recommandations de la Commission en faveur de l'ouverture d'enquêtes impartiales par les parties.

M. PETER GOODERHAM (Royaume-Uni) a déclaré que son pays soutient pleinement les activités de la Commission internationale indépendante, dont les conclusions doivent être mises en œuvre. Le Royaume-Uni estime que les actes du Gouvernement libyen contre sa propre population doivent être dénoncés devant le Tribunal pénal international. Le représentant britannique a condamné en particulier les attaques ciblées contre des établissements de santé et l'utilisation abusive de l'emblème de la Croix-Rouge. Le Royaume-Uni relève aussi, pour les réfuter, des allégations faites aujourd'hui par certaines délégations, qu'il renvoie à ce propos au paragraphe 235 du rapport de la Commission internationale indépendante: «la Commission n'a pas constaté d'éléments suggérant que des zones civiles ont été délibérément prises pour cible par les forces de l'OTAN, ni qu'elle ait mené des attaques aveugles contre des civils».

M. HUSSEIN AL-ZUHAIRRY (Iraq) a félicité les membres de la Commission internationale indépendante pour le travail très courageux effectué dans des circonstances particulièrement graves et dangereuses. Il a condamné tout recours à la force et à la violence, qui ne font qu'aggraver la situation et les souffrances endurées par la population civile. Il a rappelé que lors de la session extraordinaire sur la situation en Libye, son pays avait dénoncé l'utilisation de mercenaires étrangers et l'utilisation d'armes lourdes pour répondre aux manifestants. Il appelé à la restitution du droit des peuples à la justice et à la dignité.

M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a déclaré que son pays considérait que le Conseil national de transition était le seul titulaire de l'autorité gouvernementale et il ne reconnaît donc pas la légitimité de la délégation venue de Tripoli pour représenter le peuple libyen. Soulignant que la Commission d'enquête avait accompli un travail remarquable, il a ajouté que la France était conscience de l'urgence de protéger la population libyenne. «Les crimes commis contre le peuple libyen par le colonel Kadhafi et ses représentants ne doivent pas rester impunis», a-t-il déclaré. «Ces autorités ne peuvent plus revendiquer un rôle, quel qu'ils soit, dans la représentation de l'État libyen. Le colonel Kadhafi doit partir». Il a enfin souligné que, «seul titulaire de l'autorité gouvernementale, le CNT avait des responsabilités particulières en matière de promotion et de la protection des droits de l'homme».

M. ABDULLA FALAH ABDULLA AL-DOSARI (Qatar) a remercié les membres de la Commission internationale indépendante pour leur rapport objectif. Le représentant a noté que ce document fait état de violations du droit pénal international, sur la base de nombreux entretiens réalisés dans tout le pays. Le rapport confirme la détérioration de la situation des droits de l'homme en Jamahiriya arabe libyenne, y compris le fait que les autorités continuent de commettre des crimes de guerre et contre l'humanité en s'en prenant à leur propre population. Le Qatar appuie les revendications politiques des Libyens dans le respect de l'état de droit. Le Qatar demande par ailleurs au Conseil national de transition de respecter toutes les normes internationales de droits de l'homme. Le représentant a déclaré que son pays est favorable à la prolongation du mandat de la Commission, à laquelle il demande de faire enquête, en particulier, sur les allégations de crimes contre les enfants et les femmes.

M. HE YAFEI (Chine) a pris note des résultats du rapport de la Commission internationale indépendante et exprime sa préoccupation face à la situation humanitaire qui ne cesse de se détériorer en Libye. La Chine est tout aussi préoccupée par les attaques contre les populations civiles. Dans ce contexte, il a demandé à la Commission d'exercer pleinement son mandat; dans la situation libyenne, toutes les parties doivent respecter les résolutions des Nations Unies et de l'Union africaine et éviter tout abus. En outre, toute solution politique doit tenir compte de l'intérêt de l'État libyen dont la souveraineté doit être respectée; toute solution devra être négociée.

M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a pris note de la méthodologie utilisée par les membres de la Commission d'enquête, notamment leur décision sur la date initiale de la crise, ainsi que l'excellente approche juridique adoptée pour l'établissement des faits en fonction des stades de l'évolution de la situation. Toutefois, il a voulu savoir pourquoi les experts n'ont pas réussi à vérifier la véracité des informations selon lesquelles les forces de l'OTAN auraient eu recours à une force excessive alors qu'il y avait de nombreux témoins oculaires. Il a souligné que son pays participait activement à la recherche d'une solution pacifique au conflit. Il a invité les parties extérieures à contribuer à chercher des solutions de compromis, sans s'écarter de l'esprit et de la lettre du droit international. Il a noté l'utilisation de moyens innombrables et particulièrement meurtriers des forces de l'OTAN et ne comprenait pas l'envergure des moyens mis en œuvre.

M. SEK WANNAMETHEE (Thaïlande) a fait part de la reconnaissance de son pays pour les efforts méritoires de la Commission internationale indépendante, compte tenu des contraintes de temps. Le représentant s'est dit très alarmé des observations de la Commission s'agissant du recours excessif à la force contre des civils. La Thaïlande demande par ailleurs que les ressortissants étrangers résidant en Libye soit protégés. Il est urgent à cet égard de résoudre la crise humanitaire sur le terrain, ce qui implique d'assurer le retour en Libye des organisations internationales humanitaires.

MME IRUTHISHAM ADAM (Maldives) a déclaré que sa délégation ne reconnaît pas la légitimité du régime de Mouammar Kadhafi et de ceux venus parler en son nom. Elle a honte d'être dans la même salle que les représentants d'un homme qui utilise la force militaire et paramilitaire pour tuer et torturer des milliers de personnes parmi sa propre population. En agissant ainsi, son gouvernement et lui sont devenus directement responsables des événements tragiques qui se sont produits. Dans ce contexte, les Maldives continuent d'appuyer très vigoureusement l'intervention militaire en Libye dans le but de protéger des populations civiles. S'agissant du rapport, elle a estimé qu'il représentait une étape importante vers la responsabilité et la justice. De son point de vue, le rapport est équilibré. Les Maldives appellent les autorités de Tripoli à mettre en œuvre de façon inconditionnelle les recommandations de ce rapport.

M. HÉCTOR RAÚL PELÁEZ (Argentine) a rappelé son appui à la suspension de la Libye du Conseil des droits de l'homme et que l'Argentine a été co-auteur de la décision d'envoi de la Commission d'enquête. Il a remarqué que dans les conclusions et recommandations qui s'adressent au conseil national de transition, il a noté que celles-ci renvoient à des fonctions relevant des prérogatives de l'État et pourraient être interprétées comme une reconnaissance implicite de la légitimité du Conseil. Face aux violations des droits de l'homme telles que celles perpétrées en Libye, il est évident qu'il faille envisager des enquêtes qui conduiraient à la comparution devant la justice des auteurs des violations des droits de l'homme, et de permettre l'indemnisation des victimes. Il a souligné qu'aux yeux de l'Argentine, l'État est le seul garant en matière de protection des droits de l'homme, comme l'a affirmé le Conseil des droits de l'homme dans sa résolution 12/5.

MME EILEEN CHAMBERLAIN DONAHOE (États-Unis) s'est félicitée du rapport de la Commission internationale indépendante, qui décrit de manière précise le système de gouvernement instauré par M. Kadhafi, c'est-à-dire un régime brutal, fondé sur la terreur, l'intimidation et l'exploitation habile des liens de loyauté. Ce gouvernement a, pendant longtemps, criminalisé les droits fondamentaux que sont la liberté d'expression et d'opinion, et bafoué les principes de l'état de droit et d'indépendance de la justice. Ce gouvernement est responsable, par ses actes, de la situation actuelle, a estimé la représentante. Les crimes attribués au gouvernement de M. Kadhafi par la Commission ne sont pas explicables par la seule confusion qu'ont entraîné les événements: il s'agit d'une stratégie préméditée, a assuré la représentante américaine. Celle-ci s'est félicitée par ailleurs que la «feuille de route» du Conseil nationale de transition libyen comprend les principes des droits de l'homme et reflète son intention de se conformer aux principes des Conventions de Genève, des droits de l'homme et de la lutte contre le terrorisme.

M. JUAN JOSÉ GÓMEZ CAMACHO (Mexique) a condamné les graves violations des droits de l'homme en Libye, en particulier celle du droit à la vie, à l'intégrité physique et à la sécurité personnelle, perpétrées à l'encontre de la population civile, qui se sont aggravées au cours des derniers mois écoulés. Le délégué a ensuite rejeté les transgressions au droit international humanitaire commises par le Gouvernement de la Libye, et plus spécifiquement les attaques indiscriminées contre la population civile. Il a exhorté toutes les parties à respecter scrupuleusement les normes internationales relatives aux droits de l'homme et le droit international humanitaire. Il a relevé que les conclusions du rapport de la Commission d'enquête donnent à penser que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont été commis durant les derniers mois. La gravité de ces conclusions ne permet pas d'alternatives, a-t-il estimé, incitant la communauté internationale à agir résolument et sans équivoque sur le fait que les violations décrites ne sont en aucun cas justifiables, et que les États Membres ne sont disposés ni à les ignorer ni a les tolérer.

MME BENTE ANGELL-HANSEN (Norvège) a souhaité réaffirmer le soutien de sa délégation au travail de la Commission d'enquête tout en déclarant avoir pris note des résultats de son enquête. En outre sa délégation soutient la proposition de prolonger le mandat de la Commission d'enquête en vue de lui permettre de poursuivre son travail. Elle a par ailleurs estimé que les détails contenus dans ce rapport constituent de graves violations des droits de l'homme et sont des actes intolérables. Ils ne doivent pas rester impunis et les auteurs doivent rendre des comptes a-t-elle ajouté. Dans ce contexte la délégation de Norvège s'est félicitée que la Cour pénale internationale ait décidé de mener des enquêtes dans ce domaine. Kadhafi ne peut plus faire partie du futur de la Libye, a-t-elle ajouté, avant d'inviter les parties libyennes à respecter les recommandations du rapport, à cesser le feu et à entreprendre des négociations en vue de trouver une solution pacifique au conflit.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVEDO (Brésil) a observé que le rapport de la Commission d'enquête fait état d'allégations de violations graves des droits de l'homme par les deux parties en conflit et que la Commission ne peut encore vérifier la véracité de toutes les allégations. C'est pourquoi le Brésil estime que le mandat de la Commission doit être prolongé. Le Brésil appelle à l'instauration d'un cessez-le-feu en préalable à la recherche d'une solution politique durable au conflit. La représentante brésilienne a déclaré enfin que la priorité doit être donnée à la protection des populations civiles.

M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) a d'emblée affirmé qu'il ne reconnaissait pas le Gouvernement de la Libye comme un interlocuteur légitime. Il a formé le vœu que les parties au conflit cessent immédiatement les agressions et entament des négociations susceptibles de mettre fin à ce chapitre dramatique de l'histoire libyenne, favorisent l'entrée de l'aide humanitaire et d'urgence si nécessaires à l'heure actuelle, et aboutissent à un règlement politique définitif. Il a appelé à une solution politique rapide et à l'incrimination du régime du Colonel Mouammar Kadhafi et des membres de son Gouvernement. La communauté internationale a un rôle très important à jouer, comme l'affirment les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le représentant espagnol a mentionné le rôle et le sort des journalistes sans lesquels le monde serait dans l'impossibilité de savoir ce qui se passe à l'intérieur d'un pays divisé. Il a souhaité que le Conseil national de transition puisse s'exprimer au cours de ce débat, et a informé que l'Espagne considère ce Conseil comme le représentant légitime du peuple libyen, à la lumière des circonstances actuelles.

MME LAURA MIRACHIAN (Italie) a déclaré soutenir le renouvellement du mandat de la Commission d'enquête. Elle a condamné tous les actes de violence du gouvernement qui, par son comportement perd toute légitimité. La représentante a en outre déclaré rejeter les explications des représentants du «gouvernement de Kadhafi» tout en se félicitant de l'enquête que compte mener la Cour pénale internationale. En outre, l'Italie salue les mesures prises par le Conseil national de transition en vue de bâtir un ordre constitutionnel et un État démocratique sur la base de la primauté du droit. La situation humanitaire est par ailleurs critique et la représentante italienne a rappelé la nécessité d'une coopération bilatérale pour fournir une aide à tous les civils. Elle a indiqué qu'en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés et l'organisation internationale pour les migrations, l'Italie a ouvert plusieurs centres d'accueil, dont celui de Lampedusa, pour accueillir les Libyens qui fuient les combats.

M. GERMÁN MUNDARAÍN HERNÁNDEZ (Venezuela), prenant note du rapport de M. Bassiouni, a assuré que son pays ne reste pas indifférent aux souffrances du peuple libyen. Le Venezuela lance un appel à la résolution politique du conflit en Jamahiriya arabe libyenne dans le respect du principe de souveraineté territoriale de ce pays. Le représentant a condamné les frappes militaires de l'OTAN, assimilables selon lui à des «crimes de guerre».

M. OÐUZ DEMÝRALP (Turquie) s'est alarmé devant l'ampleur des atteintes aux droits de l'homme dans le conflit en cours en Libye et a exhorté à des mesures bien définies pour résoudre la crise. Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, au désarmement et à la démobilisation, et surtout à une assistance humanitaire immédiate pour la population civile. Il a déclaré que son pays intensifiait ses efforts pour venir en aide au peuple libyen, grâce à un pont aérien qui a permis le transport de l'assistance, l'évacuation et les soins aux blessés et l'aide aux migrants et aux Libyens bloqués à la frontière tunisienne. Il a soutenu le projet de résolution sur la situation des droits de l'homme en Libye et la déclaration de l'ambassadeur de Jordanie, qui a prêté sa voix aux victimes.

M. OMAR HILALE (Maroc) a estimé que le mandat de la Commission reste inachevé, d'où l'impératif de répondre positivement à la demande de proroger son mandat. Le Maroc se félicite en outre de l'attention particulière que la Commission d'enquête a accordé à la dimension humanitaire de la crise libyenne et à la nécessité d'apporter l'aide nécessaire aux populations civiles victimes de ce conflit politico militaire. Les faits relevés par la Commission confirment que les objectifs tracés par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l'homme sont malheureusement loin d'être atteints, en raison de l'extrême gravité des violations des droits de l'homme et des atteintes graves aux libertés fondamentales. Dans ce contexte, sa délégation exhorte toutes les parties concernées à écouter le message unanime de la communauté internationale et à assumer leurs responsabilités envers le peuple libyen.

M. REMIGIUSZ A. HENCZEL (Pologne) s'est déclaré consterné par l'ampleur des violations des droits de l'homme commises par le gouvernement de M. Kadhafi, qui constituent, selon les constations de la Commission internationale indépendante, des infractions graves aux dispositions de nombreux traités internationaux de droits de l'homme, auxquels la Libye est partie. Le représentant polonais a déploré en particulier la criminalisation des droits à la liberté d'expression et d'opinion, et le recours à la force contre des manifestants pacifiques ayant entraîné de nombreux morts et des disparitions. La Pologne s'associe aux conclusions de la Commission selon laquelle ces crimes sont des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

MME MARIA MOLLER (Danemark) a jugé inacceptable le discours fait par le représentant du «régime de Kadhafi» et que les allégations qu'il a faites confirmaient que ce régime a perdu toute légitimité. Elle s'est félicitée, en revanche, de la déclaration présentée au nom au nom du Conseil national de transition. La représentante danois a exprimé sa préoccupation s'agissant des allégations d'assassinats, de disparitions forcées, de meurtres et d'agressions ciblées contre les civils, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes et a demandé que des enquêtes soient menées. Dans ce contexte, elle a exhorté le «régime de Kadhafi» et le Conseil national de transition à fournir des informations aux familles, aux agences humanitaires et aux gouvernements concernés sur tous ceux qui ont été détenus ou sont portés disparus. Elle a en outre noté que la Commission d'enquête avait trouvé des preuves de crimes de guerre et crimes contre l'humanité et a condamné l'absence de reddition de compte pour de telles violations. Les responsables présumés doivent être jugés et le travail de la Commission, y compris sa coopération avec la Cour pénale internationale, est indispensable à cet égard. Elle a estimé que la Commission doit poursuivre sa tâche et identifier les responsables. Elle a appuyé le projet de résolution sur la situation des droits de l'homme en Libye ainsi que le renouvellement du mandat de la Commission d'enquête.

MME ALISON LECLAIRE CHRISTIE (Canada) a déclaré que les crimes contre l'humanité et autres crimes de guerre sont des crimes graves et la communauté internationale doit montrer une détermination collective pour garantir la responsabilité et protéger les civils. Le Canada est préoccupé par les informations faisant état de dix à quinze mille morts et ainsi que par les déplacements de population vers les pays voisins, notamment l'Égypte et la Tunisie. Le Canada demande au «gouvernement de Kadhafi» et à l'opposition de remplir leurs obligations de protéger les civils. La représentante s'est aussi déclarée préoccupée par les allégations concernant le recours à la violence sexuelle contre les populations. De telles actions sont des crimes et guerre et des crimes contre l'humanité. Elle a appelé à des investigations supplémentaires afin de traduire en justice les auteurs de ces actes.

M. KONRAD SCHARINGER (Allemagne) a appelé le gouvernement de M. Kadhafi à cesser immédiatement de recourir à la violence, à libérer tous ses prisonniers politiques et à lever l'interdiction faite aux médias de faire leur travail. Le représentant a relevé que les conditions d'un cessez-le-feu ont été fixées de manière très claire par le Groupe de contact. Le régime est responsable de la protection de ses citoyens et des ressortissants étrangers sur son territoire. Le représentant allemand a estimé que la volonté de liberté du peuple libyen ne saurait être réprimée éternellement. L'Allemagne estime enfin essentiel que la Commission internationale indépendante soit en mesure de mener ses travaux à leur terme. C'est pourquoi son mandat doit être prolongé par le Conseil des droits de l'homme, a conclu le représentant.

M. OSAMU SAKASHITA (Japon) a déclaré que, compte tenu de la gravité de la situation humanitaire, son pays continue à fournir une assistance humanitaire. Il s'est érigé contre l'utilisation de la force contre la population civile et a souhaité savoir s'il existait des détails supplémentaires à ceux figurant dans le rapport de la Commission sur les violations des droits de l'homme qui pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Il a aussi appuyé le travail de la Commission d'enquête et s'est prononcé en faveur de la poursuite de son travail, afin de jeter les bases d'une solution durable au conflit. Il a lancé un appel au régime libyen et au Conseil national de transition pour qu'ils mettent en œuvre les recommandations de ladite Commission.

M. CHEIKH AHMED OULD ZAHAF (Mauritanie) a rappelé que lors de la session extraordinaire sur la Libye, le 25 février dernier, il avait estimé qu'il n'y avait aucune raison d'utiliser la force disproportionnée contre des manifestants. Il est clair que depuis cette session, la situation s'est particulièrement détériorée a-t-il poursuivi. Il a été dit que Kadhafi a perdu toute légitimité, a-t-il encore ajouté, avant de recommander la prorogation du mandat de la Commission d'enquête. Sa délégation appuie en outre le peuple libyen dans sa volonté de choisir ses nouveaux dirigeants.

M. MICHEÁL TIERNEY (Irlande) s'est dit favorable au prolongement du mandat de la Commission internationale indépendante. Le représentant a observé que le rapport de ladite commission prouve que le gouvernement de M. Kadhafi attaque délibérément des civils, des travailleurs humanitaires et le personnel médical. Le représentant a condamné la tentative des autorités libyennes d'empêcher la couverture médiatique des manifestations et du conflit en procédant à l'arrestation, à la torture et à la disparition forcée de journalistes. Le délégué irlandais s'est félicité de ce que la Commission ait réussi à faire la lumière sur une part de cette vérité.

M. DANTE MARTINELLI (Suisse) a condamné avec la plus grande fermeté toute violence exercée contre les populations civiles. La Suisse demande donc instamment au Gouvernement de Tripoli de mettre fin aux violations du droit international humanitaire et qu'un accès humanitaire rapide et sans entraves soit garanti. Par ailleurs, la Suisse est préoccupée par les informations faisant état de recrutement d'enfants soldats. C'est pourquoi elle considère bienvenu le souhait de la Commission d'enquête d'approfondir la question. De plus, la Suisse accueillerait favorablement de plus amples enquêtes concernant les activités de mercenaires et d'entreprises militaires et de sécurité privées dans ce contexte.

MME SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a déclaré que depuis l'escalade de la situation en Libye en conflit armé, les choses n'ont pas cessé de se détériorer et l'engagement des forces de l'OTAN a ajouté une dimension complexe à une situation d'ores et déjà bien compliquée. La déléguée a également noté que depuis le début des violences et du conflit, les civils, et parmi eux des citoyens étrangers, en particulier des travailleurs migrants, ont été affectés de manière disproportionnée. Elle a ajouté sa voix aux appels lancés à toutes les parties au conflit pour qu'elles fassent preuve de retenue et veillent à la protection des civils. La représentante de la Malaisie a aussi appelé toutes les parties au conflit à se conformer à la lettre à tous les instruments juridiques en vigueur au titre du droit humanitaire international et des droits de l'homme. Au vu de la poursuite de la détérioration de la situation humanitaire et de la sécurité, la déléguée a accueilli favorablement les propositions tendant à l'établissement d'un couloir humanitaire et pour l'accès de l'assistance et des travailleurs humanitaires dans le pays. Elle a jugé en outre très importante la coopération de tous les partenaires, particulièrement des parties au conflit. La Malaisie s'est ensuite prononcée en faveur de la reddition de compte pour toutes les violations des droits de l'homme par toutes les parties au conflit. La représentante a estimé que les allégations de recours aveugle, excessif et disproportionné à la force par les forces de l'OTAN, y compris contre les civils et les infrastructures civiles méritaient le même degré d'attention et qu'il fallait enquêter à cet égard. Après avoir mentionné la demande faite par la Commission d'enquête en vue de la prorogation de son mandat, elle a voulu savoir comment ce mandat pourrait être amélioré, le cas échéant.

M. FRANÇOIS ROUX (Belgique) a exprimé la profonde inquiétude de son pays face à la détérioration de la situation humanitaire et du respect des droits de l'homme dans l'ensemble du territoire libyen, jugeant inquiétant que cette dégradation persiste et même qu'elle s'aggrave. Il a rappelé que les États Membres des Nations Unies avaient entériné «à l'unanimité et de manière irrévocable» en 2005 le principe de la responsabilité de protéger. La lutte contre l'impunité est une des priorités de la politique de la Belgique dans le domaine des droits de l'homme et du droit international en général, ce qui implique en l'espèce le renouvellement du mandat de la Commission d'enquête, a-t-il dit.

MME ANNA UGGLA (Suède) a souligné l'importance de définir les responsabilités s'agissant de toutes les violations des droits de l'homme: il s'agit là d'un devoir découlant des obligations des États au regard du droit international. Compte tenu des violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises en Libye, notamment les attaques directes commises contre des civils, la Suède soutient pleinement les travaux de la Commission internationale indépendante nommée par le Conseil et se prononcera en faveur de la prolongation de son mandat.

M. PEDRO RODRÍGUES DA SILVA (Portugal) a pris note des conclusions du rapport de la Commission d'enquête. Elle doit poursuivre ses enquêtes sur les auteurs de violations des droits de l'homme, estime le Portugal. À cette fin, sa délégation apportera son soutien pour le renouvellement de ce mandat. Il a en outre estimé que la situation humanitaire préoccupant mérite que le Conseil continue de s'y intéresser.

MME SALLY DAWKINS (Australie) a déclaré qu'il était clair que Kadhafi avait perdu toute légitimité. Le Gouvernement australien considère que la poursuite des violations des droits de l'homme et des abus du «régime Kadhafi» est à la fois choquante et inacceptable. L'Australie est favorable à la prorogation du mandat de la Commission et à la recommandation de celle-ci pour que le Conseil demeure saisi de la question libyenne.

MME ROSSETTE NYIRINKINDI KATUNGYE (Ouganda) a présenté ses condoléances aux victimes innocentes de violence depuis le début des événements en Libye. S'agissant du mandat de la Commission d'enquête, la représentante a estimé que la prorogation de son mandat était nécessaire. Elle a souligné que tous les auteurs de crimes de haine, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre doivent être individuellement tenus pour responsables et traduits devant la justice. Cet appel contre l'impunité doit être entendu pour tous les auteurs sans distinction, a ajouté la représentante de l'Ouganda, y compris pour les acteurs non étatiques. L'Ouganda appelle en outre à des enquêtes concernant les allégations de détention arbitraire et les exécutions sommaires de migrants originaires de la région subsaharienne accusés d'être des mercenaires. Toutes les parties doivent enfin répondre à l'appel de l'Union africaine invitant au cessez-le-feu, a demandé la représentante.

M. KWON HAERYONG (République de Corée) a constaté que le rapport de la Commission internationale indépendante fait état de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire en Libye. Le représentant a déclaré que le Gouvernement de la Libye doit prendre très au sérieux les recommandations de la Commission et mener des enquêtes impartiales au sujet des allégations de violations des droits de l'homme. La République de Corée demande à toutes les parties au conflit de protéger les civils, notamment les femmes et les enfants, de toute violation de leurs droits fondamentaux, en particulier de les protéger contre les crimes sexuels.

M. FEDOR ROSOCHA (Slovaquie) a indiqué que sa délégation souscrivait entièrement aux recommandations de la Commission et a estimé indispensable que le Conseil des droits de l'homme demeure saisi de la question, compte tenu de la gravité et de la complexité de la situation. Le représentant a demandé au Président de la Commission quels seraient les principaux domaines sur lesquels il fallait se concentrer dans la perspective du retour futur à la paix civile. Quel rôle la communauté internationale pourrait-elle jouer, et en particulier le Conseil des droits de l'homme? Quelles initiatives la Commission envisage-t-elle de prendre en premier lieu dès la prorogation éventuelle de son mandat, a-t-il encore demandé.

M. HAMZA OMER HASSAN AHMED (Soudan) s'est associé à la déclaration de la délégation de Jordanie au nom du Conseil national de transition libyen, avant de se déclarer préoccupé par la détérioration des droits de l'homme et du droit international humanitaire sur le terrain. Son pays a apporté une aide matérielle concrète aux populations civiles. Le représentant soudanais a aussi déclaré soutenir les conclusions du rapport et recommandé la prorogation du mandat de la Commission d'enquête internationale.

MME NAJLA RIACHI ASSAKER (Liban) a déclaré qu'après avoir examiné le rapport, son gouvernement ne peut que déplorer le recours excessif à la force contre des civils, les détentions arbitraires et les disparitions forcées commis par le Gouvernement de la Libye. Des ressortissants libanais ont eux-mêmes été victimes de disparition forcée en Libye. Le Liban est favorable à la prolongation du mandat de la Commission internationale indépendante.

M. PEDRO OYARCE (Chili) a déclaré que la protection du peuple libyen était urgente et qu'elle supposait l'ouverture d'enquêtes impartiales et indépendantes, la reconnaissance des responsabilités, la punition des responsables et le versement des réparations nécessaires. Le Chili est favorable à la prorogation du mandat de la Commission.

Organisations non gouvernementales

MME LAILA MATAR (Cairo Institute for Human Rights Studies) s'est déclarée satisfaite par les mesures prises au sein du Conseil vis-à-vis de la Libye, notamment sa suspension et la mise en place de le Commission d'enquête. Elle s'est en outre dite encouragée par les conclusion et recommandations du rapport avant d'appeler à la création d'un mandat spécifique sur la situation en Libye. Cependant le rapport de la Commission internationale indépendante n'est qu'une étape, a poursuivi la représentante, qui a appelé à l'élargissement du mandat.

MME HELENE SACKSTEIN (Reporters sans frontières - international) a déclaré que son organisation publiera mardi prochain un rapport sur la mission qu'elle vient de réaliser en Libye. Le rapport montre en particulier que ce pays est en train de vivre une «révolution médiatique», une nouvelle génération de journalistes ayant pris en main la création de nouvelles structures d'information. La représentante a demandé que cessent les agressions contre les journalistes travaillant à Tripoli et dans d'autres zones placées sous l'autorité du gouvernement de M. Kadhafi.

M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) a indiqué que son organisation disposait d'informations au sujet de vagues d'arrestations lancées par le Gouvernement visant les opposants, les personnes ayant manifesté ou étant soupçonnées d'avoir soutenu les protestations. Des personnes ont disparu, d'autres ont été victimes de tortures. Human Rights Watch constate que des violations se sont aussi produites du côté de l'insurrection. Il se félicite de l'engagement du Conseil national de transition de respecter le droit international humanitaire.

M. KHALED SAID (Amman Center for Human Rights Studies) a déclaré que la décision prise par la communauté internationale dès les premiers événements en Libye et la suspension de la qualité de membre de la Libye témoignent de l'importance de ces événements. Le représentant a noté que le rapport de la Commission d'enquête fait une comparaison entre les deux forces, les révolutionnaires et le gouvernement, mais a souligné que ces deux parties ne sauraient être placées sur le même plan du fait des inégalités dans les ressources et les responsabilités. Le régime libyen a agi d'une manière qui le rend responsable de crimes contre l'humanité.

M. CURTIS DOEBBLER (Nord-Sud XXI) a pris note du rapport de la commission internationale indépendante. Il a reconnu le droit des peuples à décider de leur propre gouvernement. Le représentant a estimé que ce droit ne peut être appuyé par l'utilisation de la violence exercée par des puissances étrangères. Le représentant a jugé que les bombardements de la Libye par l'OTAN constituent actuellement la plus grande menace pour les droits de l'homme dans ce pays. Le Conseil doit condamner ces bombardements et appeler les parties à résoudre leur différend de manière pacifique. La Commission internationale indépendante doit pour sa part enquêter sur l'utilisation de la force par l'OTAN, a demandé le représentant.

Conclusion du Président de la Commission internationale d'enquête

M. BASSIOUNI a attiré l'attention sur un projet de recherche qu'il a mené il y a un an, financé par l'Union européenne, qui était consacré à un bilan des guerres survenues depuis la Deuxième Guerre mondiale. De manière surprenante, un tel bilan n'avait jamais été dressé, a-t-il constaté. Selon les résultats de son travail, M. Bassiouni a indiqué que 313 conflits avaient eu lieu entre 1945 et 2008, provoquant 92 millions de morts. Dans plus de 130 conflits, les pays concernés ont accordé une impunité totale aux responsables au nom de la paix et de la réconciliation nationale. Seules, 827 personnes ont été poursuivies pour leurs responsabilités et abus dans ces conflits. Peut-on imaginer combien de meurtriers ont pu provoquer la mort de 92 millions de personnes, a-t-il demandé, supposant qu'ils se chiffraient probablement en millions alors que moins de 900 ont été effectivement poursuivis.

Revenant au cas de la Libye, M. Bassiouni a rappelé que les violations actuelles n'étaient pas nouvelles pour la population libyenne soumise à un joug de 42 ans. La communauté internationale s'efforce d'examiner le phénomène libyen avec les yeux de la normalité, alors que la situation n'a rien de normal, a-t-il observé. L'armée joue un rôle très limité car le régime n'a pas confiance en elle. Du coup, ce sont les katiba, les forces paramilitaires, qui commettent le plus grand nombre de violences. Et seuls les chefs de katiba considérés comme dignes de confiance sont dotés d'armements conséquents. Du coup, la situation ne suppose pas de simples enquêtes mais des efforts constants pour savoir ce qu'il en est de la réalité de la situation. La Libye étant peu peuplée, et sur cinq millions de personnes, seule une fraction de la population est affectée par les troubles, au nombre peut-être de deux millions. On peut estimer le nombre de morts à dix ou quinze mille, a indiqué le président de la Commission. Mais compte tenu de la petite taille du pays et de sa démographie, la proportion de la population concernée est importante et l'impact social est énorme, a observé M. Bassiouni. Les affirmations selon lesquelles 30 000 personnes auraient été victimes des bombardements de l'OTAN est absurde, par ailleurs, selon le chef de la Commission.

M. Bassiouni a souligné qu'il ne suffit pas de passer deux semaines dans le pays, de parcourir 3000 km en six jours pour avoir une idée vraiment exacte de la situation et la connaître en profondeur. Il faut donc avoir du personnel de l'ONU sur place et accomplir un travail de terrain. Or, cela coûte de l'argent, alors que les ressources sont rares. Il convient de penser de manière globale et cohérente en sachant à quoi peut servir la rédaction d'un tel rapport. Le Secrétaire général doit en outre savoir ce qui se fait à Genève, afin d'éviter les doublons. Il ne faut pas que New York tourne le dos à ce qui se fait ici, par simple ignorance, a-t-il averti, face au risque d'un manque de coordination au sein de l'ONU.

En Libye même, il faudra reconstruire des institutions, l'armée et la police en premier lieu, si l'on veut lutter contre l'impunité. M. Bassiouni a enfin constaté que les autorités de Tripoli avaient fait preuve d'esprit de coopération avec la Commission, souhaitant que cet état d'esprit perdure. Il a conclu que la commission ne pourrait s'acquitter de sa mission que si on lui accordait les ressources financières et humaines nécessaires.


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HRC11/081F