Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE UN RAPPORT DE LA HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME SUR L'ASSISTANCE TECHNIQUE AU KIRGHIZISTAN
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, un débat sur l'assistance technique et le renforcement des capacités en matière de droits de l'homme, au cours duquel il s'est notamment penché sur le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur l'assistance apportée au Kirghizistan.
Ce rapport a été présenté par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung-wha Kang, qui a félicité le Kirghizistan pour les initiatives qu'il a prises en vue d'adapter les lois nationales aux normes internationales. Face aux troubles politiques de juin 2010, le Haut-Commissariat avait déployé une mission à Osh afin d'informer la Haut-Commissaire de l'évolution des droits de l'homme sur le terrain. À cet égard, Mme Kang a souligné que de nombreuses informations ont fait état de pratiques discriminatoires de la part des forces de maintien de l'ordre à l'égard des minorités ethniques. Des cas de détentions arbitraires, de mauvais traitements et de tortures de détenus ont également été évoqués, notamment dans le sud du pays, a-t-elle ajouté. Aussi, a-t-elle salué la récente décision du parquet de réagir en enquêtant sur toutes les allégations relatives à ces violations et d'engager des poursuites le cas échéant. Il y a là un signe de l'engagement du Gouvernement à lutter contre ces fléaux, s'est-elle réjouie. Les affaires suivies par les services du Haut-Commissariat aux droits de l'homme ont néanmoins montré qu'il existe de graves problèmes en matière d'indépendance de la justice au Kirghizistan. Évoquant par ailleurs l'atmosphère lourde dans laquelle se déroule la campagne associée à la prochaine élection présidentielle, Mme Kang a noté avec inquiétude la prolifération de discours nationalistes de la part de certains dirigeants.
M. Turatbek Djunushaliev, Vice-Ministre des affaires étrangères du Kirghizistan, pays concerné, a souligné que les autorités kirghizes œuvrent à la coexistence pacifique des diverses parties de la population dans le cadre d'une politique d'intégration nationale et ethnique qui fait l'objet de larges consultations au sein de la population. Il a rappelé que le Kirghizistan a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, afin de disposer d'un instrument de prévention efficace en la matière, avant de souligner que le pays doit maintenant relever un nouveau défi, à savoir celui de la criminalité organisée.
Les pays suivants ont pris part au débat sur l'assistance technique et la coopération en matière de droits de l'homme: Hongrie (au nom de l'Union européenne), États-Unis, Royaume-Uni, Chine, Brésil, Bélarus. Sont également intervenues les organisations non gouvernementales ci-après: Human Rights Watch, United Nations Watch et le Centre indépendant de recherches et d'initiatives pour le dialogue. Outre la situation au Kirghizistan, ont été évoquées dans le cadre de ce débat l'assistance apportée par le Haut-Commissariat au Burundi, à la Côte d'Ivoire, au Cambodge, à Haïti, à la Guinée, à la Tunisie, au Bélarus et à la Somalie. Plusieurs intervenants ont regretté que les autorités népalaises n'aient accepté de proroger la présence du Haut-Commissariat aux droits de l'homme au Népal que pour six mois.
Cet après-midi, le Conseil doit se prononcer sur des projets de résolution concernant la promotion et la protection de tous les droits de l’homme.
Assistance technique et renforcement des capacités
Présentation du rapport de la Haut-Commissaire sur l'assistance technique et la coopération au Kirghizistan
MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a souligné que le rapport du Haut-Commissariat sur l'assistance technique et la coopération dans le domaine des droits de l'homme au Kirghizistan, traite des activités d'assistance technique et du travail du Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans le pays suite aux violences interethniques de l'année passée. Elle a félicité le pays pour les initiatives que le Gouvernement a lancées en vue d'adapter les législations nationales aux normes internationales et a exprimé l'engagement du Haut-Commissariat à collaborer avec le Kirghizistan pour l'application de ces nouvelles lois. Face aux troubles politiques de juin 2010, le Haut-Commissariat avait déployé une mission à Osh afin d'informer la Haut-Commissaire de l'évolution des droits de l'homme sur le terrain. Or, depuis, de nombreux rapports ont fait état de pratiques discriminatoires des forces de maintien de l'ordre envers les minorités ethniques, a souligné Mme Kang. Des cas de détentions arbitraires, de mauvais traitements et de tortures de détenus ont également été évoqués, notamment dans le Sud du pays, a-t-elle ajouté. Aussi, a-t-elle salué la récente décision du parquet de réagir en enquêtant sur toutes les allégations relatives à ces violations et d'engager des poursuites le cas échéant. Il y a là un signe de l'engagement du Gouvernement à lutter contre ces fléaux, s'est-elle réjouie. Elle a en outre souligné que le Haut-Commissariat a encouragé le pays à prendre des mesures préventives et à adopter la législation permettant de mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture, conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture - ratifié par le pays en décembre 2008.
Le système judiciaire doit rester impartial, quelle que soit l'origine ethnique des personnes impliquées, a poursuivi Mme Kang. Or, a-t-elle relevé, actuellement, l'opinion publique n'a toujours pas confiance dans l'État quant à sa capacité à respecter la primauté du droit, alors que l'impunité et l'absence d'indemnisation des victimes alimentent les tensions ethniques. Il faudrait donc notamment que les auteurs des violences commises en juin 2010 aient à répondre de leurs actes devant la justice. Les affaires suivies par les services du Haut-Commissariat aux droits de l'homme ont montré qu'il existe de graves problèmes en matière d'indépendance de la justice au Kirghizistan, a insisté Mme Kang. Elle a par ailleurs évoqué la campagne associée à la prochaine élection présidentielle et l'atmosphère lourde dans laquelle elle se déroule. Dans ce contexte, la Haut-Commissaire adjointe a noté avec inquiétude la prolifération de discours nationalistes de la part de certains dirigeants, alors que le pays compte plus de 70 minorités. Il faut que le Gouvernement assure le développement d'une société basée sur des valeurs commune et sur le respect de tous, a-t-elle souligné. Mme Kang a rappelé que le Haut-Commissariat s'est dit prêt à aider le Kirghizistan à appliquer les recommandations qui lui ont été adressées dans le cadre de l'examen périodique universel. Saluant enfin les mesures prises au Kirghizistan aux fins de la réconciliation nationale, elle a souligné que celles-ci devaient s'accompagner d'une procédure judicaire équitable. Enfin, elle a remercié le Gouvernement pour son étroite collaboration avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et son bureau régional à Bichkek.
Le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur l'assistance technique et la coopération dans le domaine des droits de l'homme au Kirghizistan (A/HRC/17/41) couvre la période comprise entre juin 2010 et février 2011 et accorde une attention toute particulière aux évolutions des processus législatif et électoral, en particulier dans le domaine des droits de l’homme. Dans ce contexte, un certain nombre de questions essentielles du point de vue des droits de l’homme sont identifiées et, sur cette base, des domaines d’assistance ayant pour but d’aider le Kirghizistan à remplir ses obligations en matière de droits de l’homme sont examinés. L'organisation d'élections présidentielles libres, régulières et pacifiques durant le dernier trimestre de 2011, au cours desquelles tous les citoyens du Kirghizistan devraient pouvoir exercer leur droit de choisir leur président, sera un défi majeur du programme national, souligne par ailleurs le rapport. Le Gouvernement devrait prendre immédiatement des mesures pour remédier aux carences en ce qui concerne la protection du droit des détenus à un procès équitable. La Cour suprême devrait également vérifier de la manière la plus complète possible les allégations de torture et la recevabilité de preuves pouvant avoir été obtenues sous la contrainte. D'autre part, le Gouvernement devrait s'assurer que les avocats peuvent s'acquitter de l'ensemble de leurs fonctions professionnelles sans être intimidés ou harcelés. Par ailleurs, le Gouvernement devrait garantir un procès équitable à toutes les personnes jugées dans le cadre des événements du 7 avril 2010 et dans les affaires relatives aux violences interethniques de juin 2010 et à leurs répercussions dans le sud.
Pays concerné
M. TURATBEK DJUNUSHALIEV, Vice-Ministre des affaires étrangères du Kirghizistan, a attiré l'attention sur le fait que son pays a récemment accédé à plusieurs instruments internationaux. Il a également rappelé les mesures législatives prises par le Kirghizistan pour renforcer la promotion et la protection des droits de l'homme. Par ailleurs, les autorités œuvrent à la coexistence pacifique des diverses parties de la population dans le cadre d'une politique d'intégration nationale et ethnique faisant l'objet de larges consultations au sein de la population. Le 5 avril 2008, le Kirghizistan a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, afin de disposer d'un instrument de prévention efficace en la matière, a en outre fait valoir le Vice-Ministre.
Le Kirghizistan doit maintenant relever un nouveau défi, à savoir celui de la criminalité organisé, a poursuivi le Vice-Ministre des affaires étrangères. Il a par ailleurs rappelé que le Gouvernement a entrepris de réformer le système judiciaire afin de le mettre en conformité avec les normes internationales en la matière. S'agissant du conflit ethnique ayant déchiré le sud du pays il y a un an, M. Djunushaliev a déclaré que le Gouvernement a réussi sans aide extérieure à maîtriser la situation et à éviter une catastrophe humanitaire. Ces événements n'étaient pas un génocide; ils s'apparentaient plutôt à un soulèvement armé, a-t-il expliqué. Il convient désormais de renforcer le multiculturalisme au sein d'une société qui est plurilingue, a-t-il souligné. Une assemblée du peuple doit être convoquée sous peu pour réfléchir à la meilleure manière d'y parvenir, a-t-il indiqué.
Débat général
M. ANDRÁS DÉKÁNY (Hongrie au nom de l'Union européenne) a rendu hommage aux efforts accomplis par le Kirghizistan et a invité ce pays à tenir pleinement compte des recommandations contenues dans le rapport de la Haut-Commissaire. Il a par ailleurs fait savoir que l'Union européenne est profondément déçue par la décision récente du Gouvernement népalais de ne proroger que pour une durée de six mois la présence du Haut-Commissariat au Népal et a exhorté ce Gouvernement à reconsidérer sa position. Enfin, l'Union européenne tient à féliciter l'Expert indépendant sur Haïti pour son travail et se réjouit de l'attitude des autorités haïtiennes à l'égard de cet Expert; elle félicite également le Cambodge et la Guinée pour leur coopération avec le Haut-Commissariat.
MME EILEEN CHAMBERLAIN (États-Unis) s'est félicitée des rapports des Experts indépendants sur Haïti et sur le Burundi ainsi que du travail d'assistance technique fourni par le Haut-Commissariat à ces deux pays. Elle a par ailleurs encouragé les membres du Conseil à adopter le projet de résolution sur l'aide technique à la Côte d'Ivoire et a salué la décision des autorités ivoiriennes de demander la création d'un mandat d'expert indépendant. La représentante des États-Unis s'est en outre félicitée du rapport de la commission internationale indépendante sur les événements de juin 2010 au Kirghizistan et a fait part de la satisfaction de son pays face à l'attitude exemplaire et constructive des autorités kirghizes sur leur chemin vers la démocratie. Les États-Unis saluent, enfin, les efforts du Gouvernement de la Somalie pour collaborer avec la communauté internationale en vue d'améliorer la jouissance des droits de l'homme du peuple somalien.
M. PETER GOODERHAM (Royaume Uni) a appelé tous les États à autoriser et faciliter les visites des procédures spéciales. Il a invité le Kirghizistan à appliquer les recommandations de la commission internationale indépendante sur les événements de juin 2010. Evoquant les situations en Côte d'Ivoire et au Burundi, il a appelé la communauté internationale à souligner les développements positifs induits par le récent «printemps arabe». Il a félicité la Tunisie pour son projet d'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Il faut également continuer d'aider Haïti, a-t-il souligné. Il s'est par ailleurs déclaré profondément préoccupé par la décision du Népal de ne proroger la présence du Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans ce pays que pour six mois seulement, alors que six mois supplémentaires (soit 12 mois au total) seraient nécessaires. De même, il faudrait également proroger le mandat concernant le Cambodge.
M. YANG ZHILUN (Chine) a félicité le Haut-Commissariat pour son apport aux pays en développement et a souligné que le droit au développement devait avoir la priorité dans le cadre des droits économiques, sociaux et culturels.
M. JOÃO ERNESTO CHRISTÓFOLO (Brésil au nom d'un groupe de pays) a rappelé que le concept de coopération était au cœur d'un certain nombre de documents qui donnent forme au système de l'ONU en matière de droits de l'homme. Il a toutefois ajouté que les États étaient en premier lieu responsables de la promotion et de la protection des droits de l'homme chez eux. Ceux qui ont besoin d'une assistance technique et d'un renforcement de leurs capacités doivent coopérer étroitement avec le système de l'ONU en fonction de leurs propres priorités, a-t-il souligné. Le premier cycle de l'examen périodique universel a montré qu'un grand nombre de pays étaient désireux de recevoir un soutien et une assistance technique, a-t-il fait observer. Il s'agit là d'un signe clair de la nécessité de mettre en place des stratégies de coopération, a-t-il déclaré.
MME LARISA BELSKAYA (Bélarus) a insisté sur l'importance que revêt à ses yeux la collaboration des Nations Unies à la mise en œuvre des recommandations issues de l'examen périodique universel. Elle a souligné que les autorités du Bélarus ont adopté un plan d'action pour l'application des recommandations issue de l'EPU. Ce plan d'action a été élaboré en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, notamment pour ce qui a trait à la lutte contre la violence sexiste et à la lutte contre la traite des êtres humains, a-t-elle indiqué. Les autorités du Bélarus inviteront plusieurs rapporteurs spéciaux à se rendre dans le pays, a fait savoir la représentante.
Organisations non gouvernementales
M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) a souligné que le rapport de son organisation en date du 8 juin dernier faisait état de problèmes de partialité de la justice dans les affaires ayant trait aux violences de juin 2010 au Kirghizistan. Les procès ont lieu dans une atmosphère hostile, avec profération d'insultes et attaques physiques, a-t-il précisé. Il a regretté que les procureurs, dans ces affaires, se soient fondés seulement sur des aveux et aient rejeté les allégations de tortures sans mener d'enquêtes appropriées. Il a souligné que la plupart des victimes de ces violences étaient d'origine ouzbèke, comme la majorité (85%) des personnes détenues suite à ces événements. Il s'est cependant réjoui que le nouveau procureur nommé en avril dernier ait donné des instructions claires appelant à réagir immédiatement à toute allégation de torture. Cependant, reste à savoir si, après ces enquêtes, l'impunité cessera vraiment pour les cas des tortures et de mauvais traitements. Pour que tel soit le cas, il faut que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme exerce une pression sur le Gouvernement kirghize afin que cessent les pratiques relevant de la torture et que les responsables de telles pratiques soient traduits en justice.
M. MATTIA ZANAZZI (United Nations Watch) s'est félicité de l'attitude constructive du Gouvernement kirghize, tout en se disant préoccupé par les obstacles à l'administration de la justice. Il a mentionné les mauvais traitements de détenus et a qualifié d'inacceptable l'actuelle culture de l'impunité, dont pâtit principalement la minorité ouzbèke.
M. DEO HAKIZIMANA (Centre indépendant de recherches et d'initiatives pour le Dialogue - CIRID) a félicité le Canada d'avoir expulsé un présumé responsable d'assassinat qui s'était réfugié au Canada pour fuir la justice et d'avoir refusé l'asile politique à un dirigeant de l'ancien parti unique burundais soupçonné d'implication dans les crimes commis durant la crise déclenchée, en 1993, par l'assassinat du Président burundais. La représentante a assuré que ces décisions très symboliques favorisent considérablement la défense des droits de l'homme au Burundi. À cet égard, elle a plaidé en faveur de l'application d'un projet de consolidation de la paix baptisé «Cadres de dialogue», conçu par les Nations Unies et le Gouvernement du Burundi.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC11/092F