Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE UN RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME AU MYANMAR
Le Conseil des droits de l'homme s'est penché aujourd'hui, dans le cadre d'une séance supplémentaire de la mi-journée, sur la situation des droits de l'homme au Myanmar. Il a été saisi dans ce cadre du rapport du Rapporteur spécial chargé de la question, M. Tomas Ojea Quintana, avec lequel elle a tenu un débat interactif.
Présentant son rapport, M. Ojea Quintana a notamment déclaré que le Myanmar se trouvait à un point important de transition politique; le Gouvernement a annoncé qu'il en était à la dernière étape de sa feuille de route pour la démocratie, ce qui fait que de nombreuses personnes ont l'espoir d'un changement positif, a-t-il souligné. Un des signaux clairs que le Gouvernement actuel pourrait envoyer pour témoigner de sa volonté de s'éloigner des pratiques de ses prédécesseurs serait la libération des prisonniers de conscience - comme cela a été le cas avec l'exemple positif de la libération de Daw Aung San Suu Kyi, a déclaré le Rapporteur spécial. M. Quintana a indiqué que les informations reçues ont continué de corroborer les allégations de travail forcé, d'exécutions extrajudiciaires, de violences sexuelles, de détentions arbitraires et de privations des droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement doit prendre au sérieux la réconciliation nationale, chercher un processus de transition inclusif et renoncer à la culture de l'impunité; il doit promouvoir, protéger et garantir les droits économiques, sociaux et culturels des différents peuples du Myanmar, a déclaré le Rapporteur spécial.
Intervenant à titre de pays concerné, le Myanmar a souligné que des élections multipartites avaient eu lieu en novembre dernier et que le pays se trouvait actuellement dans un processus d'adoption d'un système démocratique pluraliste. Bien que le Gouvernement du Myanmar considère que le mandat du Rapporteur spécial ne soit pas approprié, il a accepté de coopérer avec lui en l'invitant à se rendre sur place. Néanmoins, le pays estime que le rapport du Rapporteur spécial ne reflète pas la situation véritable du pays.
La plupart des délégations ont dénoncé le maintien en détention de nombreux prisonniers politiques et de conscience et ont demandé leur libération. Il a en outre été souligné à maintes reprises que les élections qui se sont déroulées en novembre dernier au Myanmar n'avaient été ni libres, ni transparentes. De nombreux intervenants ont déploré que le Rapporteur spécial n'ait pas été invité à se rendre au Myanmar depuis sa dernière visite il y a un an. Le Gouvernement du Myanmar a en outre été instamment prié d'engager le dialogue avec les minorités ethniques et les partis d'opposition.
Les délégations suivantes ont fait des déclarations dans le cadre du dialogue interactif: Canada, Thaïlande, Cuba, États-Unis, France, République de Corée, Japon, Chine, Maldives, Royaume-Uni, Algérie, Slovaquie, Brésil, Union européenne, Indonésie, Suisse, République tchèque, Norvège, Nouvelle-Zélande, Cambodge, République populaire démocratique de Corée, Slovénie, République démocratique populaire lao, Viet Nam, Suède et Australie.
Sont également intervenus les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Asian Legal Resource Centre, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement (au nom également de Worldview International Foundation, et Conectas Direitos Humanos), Human Rights Watch et Amnesty International.
Le Conseil poursuit ses travaux cet après-midi en se penchant sur le suivi de ses sessions extraordinaires consacrées aux situations en Côte d'Ivoire et en Jamahiriya arabe libyenne.
Examen du rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar
Présentation du rapport
M. TOMAS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré que, lors d'un récent entretien avec le représentant du Myanmar, ce dernier lui avait présenté un certains nombre de commentaires sur son rapport et demandé de le signaler lors de la présentation du rapport au Conseil. Il a ajouté que le Myanmar se trouvait à un point important de transition politique et a rappelé la tenue des élections nationales du 10 novembre et la réunion du nouveau Parlement le 31 janvier dernier. Le Gouvernement a annoncé qu'il en était ainsi à la septième et dernière étape de sa feuille de route pour la démocratie, ce qui fait que de nombreuses personnes ont l'espoir d'un changement positif, a ajouté le Rapporteur spécial. Il a rappelé que de nombreux amis du Myanmar avaient invité le Gouvernement à rechercher une véritable réconciliation nationale dans le cadre d'un processus plus inclusif que celui des élections, qui donnerait la priorité à la réalisation des droits de l'homme et qui inclurait non seulement l'opposition politique mais aussi les minorités ethniques exclues des élections de novembre. Une transition politique incomplète ne put pas apporter la stabilité au Myanmar, a ajouté M. Ojea Quintana.
Sans réconciliation nationale, la population du Myanmar ne bénéficiera pas de la sécurité et la militarisation continuera de drainer des ressources qui seraient mieux employées au développement économique, social et culturel du pays, a poursuivi le Rapporteur spécial, qui a également mis en garde contre le refus de traiter de la discrimination systématique dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, discrimination qui ne put que saper les efforts consentis pour bâtir un avenir meilleur pour la population. C'est pourquoi, a expliqué le Rapporteur spécial, l'accent a été mis dans le présent rapport sur le droit à l'éducation, droit qui est essentiel en tant que droit essentiel pour l'édification de la démocratie.
Le nouveau gouvernement du Myanmar doit s'attaquer de toute urgence aux violations étendues et systématiques des droits de l'homme, a déclaré M. Ojea Quintana. La communauté internationale a attendu patiemment que le pays commence à prendre de telles mesures et a décidé d'encourager le Myanmar à se montrer plus démocratique et à mieux respecter les droits de l'homme fondamentaux, a rappelé le Rapporteur spécial. Mais, a-t-il ajouté, il nous faut des indications fortes que la part du Gouvernement de sa volonté de s'éloigner des pratiques de ces prédécesseurs. Un des signaux les plus clairs serait la libération des prisonniers de conscience, comme cela a été le cas avec l'exemple positif de la libération de Daw Aung San Suu Kyi, a déclaré le Rapporteur spécial.
Pour M. Ojea Quintana, le nouveau gouvernement du Myanmar devra traiter tôt ou tard – et le plus tôt serait le mieux - des demandes de justice, de vérité et de reddition de compte. Il est essentiel que les enquêtes en matière de violations de droits de l'homme soient conduites de manière indépendante, impartiale, crédible et sans délai, a rappelé le Rapporteur spécial. Or, alors que le Gouvernement affirme être disposé à faire de telles enquêtes, il ne répond pas à mes questions antérieures, a affirmé le Rapporteur spécial, qui a donc jugé impossible de savoir à ce stade si les nouvelles autorités étaient sérieuses, tout en émettant de sérieux doute sur leur indépendance et leur impartialité. M. Ojea Quintana a rappelé qu'il est de la responsabilité des autorités nationales de mener de telles enquêtes, mais que la communauté internationale devait agir si elles ne le faisaient pas.
Le Rapporteur spécial a cité plusieurs témoignages de réfugiés et de demandeurs d'asile en provenance de plusieurs régions du Myanmar, et a expliqué qu'ils corroboraient les informations reçues depuis plusieurs années par la communauté internationale sur les violations dont ils ont été victimes. Ces violations sont multiples et comprennent le travail forcé, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles et sexistes, des détentions arbitraires et des privations de leurs droits économiques, sociaux et culturels. M. Ojea Quintana a remercié le Gouvernement de Malaisie pour la manière dont il a facilité sa dernière mission, précisant que ce dernier travaillait avec le Haut Commissariat pour les réfugiés pour apporter une aide humanitaires aux réfugiés du Myanmar. Il a noté cette dimension extraterritoriale de la situation des droits de l'homme au Myanmar et ajouté que les États de la région avaient donc un intérêt particulier à persuader le Gouvernement du Myanmar de prendre des mesures pour améliorer la situation des droits de l'homme à l'intérieur du pays. On estime que plusieurs millions de personnes ont fui le Myanmar pour diverses raisons, a rappelé le Rapporteur spécial.
M. Ojea Quintana a conclu en estimant que le nouveau Gouvernement du Myanmar avait devant lui la tâche formidable de créer une démocratie viable après des décennies de régime miliaire, et que la population méritait le soutien du Conseil dans ce processus. Le Gouvernement doit prendre au sérieux la réconciliation nationale, chercher un processus de transition inclusif et renoncer à la culture de l'impunité, et il doit promouvoir, protéger et garantir les droits économiques, sociaux et culturels des différents peuples du Myanmar, a rappelé le Rapporteur spécial.
Dans son rapport intérimaire sur la situation des droits de l'homme au Myanmar (A/HRC/16/59, en anglais seulement), le Rapporteur spécial regrette de n'avoir par été invité à se rendre dans le pays depuis février 2010. Il rappelle que le Myanmar a organisé, le 7 novembre 2010, des élections nationales pour la première fois depuis plus de deux décennies. S'il note que les élections n'ont pas satisfait aux critères internationaux en la matière, il constate qu'une semaine après le scrutin Daw Aung San Suu Kyi a été libérée sans condition à la fin de sa période d'assignation à résidence. Il note en revanche que le Gouvernement n'a pas procédé à la libération des prisonniers politiques et que, fin janvier 2011, 2189 prisonniers de conscience restaient en détention et il en demande la libération immédiate et inconditionnelle. Au milieu d'un grand nombre d'incertitudes, le Rapporteur spécial estime toutefois qu'on peut prudemment espérer certains changements positifs, notamment en matière de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de la population. C'est pour cette raison, explique-t-il, que le rapport se concentre sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels, en commençant par le droit à l'éducation.
Pays concerné
M. THANT KYAW (Myanmar) a fait part de son souhait de brosser le tableau de la situation afin de disposer d'un point de vue «équilibré et rationnel» sur son pays. Il a rappelé que des élections multipartites avaient eu lieu en novembre et que le pays était actuellement dans un processus d'adoption d'un système démocratique pluraliste. Il a signalé que 37 formations politiques avaient participé au scrutin, ainsi que 82 candidats indépendants pour un total de candidatures atteignant les 3 000 postulants à un siège au Pyithu Hluttaw, la chambre des représentants, à l'Amyotha Hluttaw (chambre des nationalités) et aux 14 assemblées d'États et de régions. Le tribunal spécial chargé de recevoir les plaintes en a reçu 29 qui sont en cours d'examen. La première session pluraliste du Parlement à s'être jamais tenue en un demi-siècle s'est tenue le 31 janvier. Avec l'émergence d'un gouvernement civil qui en est au stade initial, le processus démocratique aborde l'étape finale de la feuille de route politique.
Bien que le Gouvernement considère que le mandat du Rapporteur spécial ne soit pas approprié, il a accepté de coopérer avec lui en l'invitant à se rendre sur place pour constater la situation telle qu'elle est. Depuis sa nomination en 2008, M. Ojea Quintana s'est rendu à trois reprises dans le pays, sa dernière visite remontant à février 2010. S'il n'a pas été possible de l'accueillir par la suite en raison du processus de préparation des élections et de la session parlementaire qui devait s'ouvrir, le représentant a assuré que le Rapporteur spécial était toujours le bienvenu.
Le Myanmar estime que la présentation orale du Rapporteur spécial, ainsi que son rapport au Conseil, ne reflète pas la situation véritable du pays. Il contient des allégations sur le processus électoral avec lequel le représentant du Myanmar s'est dit «en désaccord total». En outre, les allégations à l'encontre du Gouvernement sur l'imposition de restrictions sur les parlementaires sont inexactes. Il s'est aussi inscrit en faux sur les allégations relatives au système éducatif, assurant notamment que l'enseignement dans langues locales était assuré. Par ailleurs, le budget de l'éducation a été augmenté de près de 20%.
Après avoir contesté les faits non avérés figurant dans un grand nombre de paragraphes qu'il a dit ne pas pouvoir contester un à un par manque de temps, le représentant du Myanmar a conclu en exprimant le désir de son pays à coopérer avec les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial continuera d'être accueilli, mais, en échange, le Myanmar s'attend à ce que ses rapports soient basés sur «les principes de l'indépendance, de l'impartialité, de l'objectivité et de l'optimisme», le respect mutuel étant la clé d'une coopération fructueuse.
Débat interactif
MME ALISON LECLAIRE CHRISTIE (Canada) a exhorté le pays à respecter les engagements qu'il a pris au regard de principes tels que la démocratie, la bonne gouvernance et la promotion des droits de l'homme. Elle lui a demandé de libérer tous les prisonniers politiques et d'engager un dialogue constructif avec l'opposition et tous les groupes ethniques. Le scrutin de novembre 2010 ne s'est pas déroulé de manière libre, honnête et transparente, a poursuivi la représentante canadienne. La liberté d'expression continue de faire l'objet de restrictions, a-t-elle ajouté. Elle a exprimé l'espoir que les autorités birmanes examineront plus avant les recommandations qui leur ont été adressées dans le cadre de l'Examen périodique universel. La représentante canadienne a demandé au Gouvernement de coopérer pleinement avec les Nations Unies et de permettre au Rapporteur spécial de remplir son mandat.
M. SEK WANNAMETHEE (Thaïlande) a espéré que le Gouvernement du Myanmar aille vers un processus démocratique plus inclusif et transparent. Dans ce contexte, il lui a demandé de renforcer ses engagements avec le Conseil et de répondre positivement aux recommandations du Rapporteur spécial. Il a estimé que le respect et la mise en œuvre des droits politiques et civils sont essentiels et complémentaires. Dans ce contexte, il a insisté sur la nécessité de la coopération internationale et l'assistance, en particulier dans le domaine socio économique pour le renforcement des capacités du pays.
M. JUAN QUINTANILLA (Cuba) a rappelé que son pays s'opposait aux sanctions et à la confrontation. Les sanctions contribuent uniquement à approfondir les différences et les problèmes. Des exercices de cette nature ne sont pas compatibles avec l'esprit de coopération et de dialogue qui doit primer dans l'action du Conseil des droits de l'homme. Il faut éviter ces pratiques si on entend éviter que le Conseil échoue comme la précédente Commission. Par ailleurs, la situation du Myanmar a déjà été examinée par le Groupe de travail chargé de l'Examen périodique universel au début de cette année, a conclu le représentant de Cuba.
MME MARGARET WANG (États-Unis) s'est réjouie du rapport de M. Ojea Quintana et s'est dite déçue que le Rapporteur spécial n'ait pas été invité à se rendre au Myanmar depuis un an. Elle a relevé que le rapport présenté par M. Ojea Quintana dresse un tableau dramatique de la situation qui prévaut dans ce pays. Des milliers de prisonniers de conscience continuent d'être détenus dans des conditions déplorables et des milliers de personnes appartenant à des minorités fuient vers les pays voisins, a-t-elle souligné. Les élections de novembre dernier n'étaient ni justes ni libres, a ajouté la représentante américaine. Elle a plaidé en faveur de davantage de coopération entre le Myanmar et les Nations Unies afin de lutter contre l'impunité.
M. JEAN-FRANCOIS MATTÉI (France) a dénoncé le «déni flagrant de démocratie» qu'ont constitué les élections de novembre. «Des violations massives des droits de l'homme continuent d'être commises» dans le pays, a-t-il affirmé. La France appelle ce pays «à prendre de façon urgente toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l'impunité, le cas échéant avec l'assistance des Nations Unies». M. Mattéi a demandé au Rapporteur spécial quelle étaient ses vues sur le rôle que devait jouer la communauté internationale dans ce cadre. La France appelle les États membres du Conseil à se prononcer en faveur du renouvellement du mandat du Rapporteur spécial.
M. PARK SANG-KI (République de Corée) s'est déclaré satisfait des efforts du Myanmar pour la promotion et la protection des droits de l'homme, notamment avec la tenue d'élections et la libération de Daw Aung San Suu Kyi. La volonté politique du Myanmar est essentielle, a déclaré le représentant, qui a toutefois estimé que le Gouvernement devrait prendre en considération les recommandations de la communauté internationale, notamment en ce qui concerne les élections de l'année dernière, qui n'ont pas satisfait aux normes internationales en la matière. Il s'est aussi dit préoccupé par le grand nombre de prisonniers politiques et de conscience tout en se félicitant que le pays ait adhéré à un certain nombre de textes internationaux dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
M. KENICHI SUGANUMA (Japon) a indiqué appuyer pleinement les activités du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar dont il partage l'évaluation des élections de novembre dernier, qui n'étaient pas libres. Le Gouvernement du Myanmar devrait engager le dialogue avec le mouvement pro-démocratique et libérer tous les prisonniers de conscience, a poursuivi le représentant japonais. En outre, a-t-il ajouté, ce Gouvernement devrait inviter le Rapporteur spécial à se rendre dans le pays sans plus tarder. Le Japon se réjouit que le Rapporteur spécial ait, dans son rapport de cette année, mis l'accent sur le droit à l'éducation. L'éducation aux droits de l'homme est essentielle car elle permet de sensibiliser les populations à l'existence de ces droits et donc de mieux les exercer.
M. JIANG YINGFENG (Chine) est convaincu que c'est uniquement grâce au dialogue et à la coopération que l'on peut parvenir au respect des droits de l'homme, la confrontation allant à l'encontre de cet objectif. La Chine se félicite des progrès démocratiques accomplis par le Myanmar, en particulier avec la tenue des élections. Elle appelle le Conseil à faire un constat objectif de la situation régnant dans ce pays. En tant que voisine et amie du Myanmar, la Chine est prête à aider ce pays dans sa marche vers le progrès économique, social et politique.
MME AISHATH LIUSHA ZAHIR (Maldives) a estimé que les autorités du Myanmar doivent être aidées dans la mise en œuvre de leurs obligations internationales. Les Maldives appellent toutefois le Myanmar à faire preuve de plus d'honnêteté et d'ouverture, constatant qu'en la matière, le Myanmar a échoué. Les élections n'ont pas répondu aux normes internationales, les libertés continuent d'être bafouées, les violations des droits de l'homme se poursuivent. Le Myanmar doivent s'atteler à des réformes démocratiques, non pas parce que la communauté internationale le lui demande mais parce que c'est cela son intérêt, a en outre déclaré la représentante. Elle s'est aussi dite déçue du rejet de la quasi totalité des recommandations de l'Examen périodique universel, avant de l'inviter à un processus démocratique plus inclusif. Dans ce contexte, elle a demandé au Rapporteur spécial comment le Conseil pouvait aider le pays et encourager un segment plus réformateur du Gouvernement.
M. PETER GOODERHAM (Royaume-Uni) a remercié le Rapporteur spécial, M. Ojea Quintana, de poursuivre l'étude de la situation des droits de l'homme relevant de son mandat malgré le refus du «régime militaire» de l'autoriser à se rendre dans le pays ces derniers mois. La communauté internationale a la responsabilité de mener une enquête indépendante sur les graves violations des droits de l'homme dans ce pays et pourrait le faire par le biais d'une commission indépendante d'enquête. Le nombre de prisonniers politiques a augmenté par rapport à l'an dernier, a poursuivi le représentant britannique. Les élections de 2010 n'étaient pas crédibles, a-t-il ajouté. Il est essentiel que le Rapporteur spécial puisse se rendre dans le pays afin de mener à bien son évaluation de la situation des droits de l'homme qui y prévaut, a-t-il conclu.
M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) s'est dit encouragé par l'approche prônée par le Rapporteur spécial «basée sur la recherche du dialogue et de la coopération». L'Algérie espère que les efforts en cours au Myanmar conduiraient à «consolider la stabilité et la réconciliation nationale». Elle estime que l'engagement du pays dans l'Examen périodique universel avait «révélé la volonté de ce pays de coopérer avec les mécanismes onusiens de droits de l'homme». Constatant que certaines délégations s'autorisaient à parler de «régimes» lorsqu'elle mentionne certains gouvernements, il a demandé le respect d'une certaine tenue dans les débats et de proscrire ce genre de termes.
M. BRANISLAV LYSÁK (Slovaquie) a regretté que le Rapporteur spécial n'ait pu se rendre sur le terrain depuis l'année dernière avant d'appeler le gouvernement du pays à l'accueillir sur son sol. Il a en outre apporté son soutien au mandat du Rapporteur spécial. I a dénoncé les irrégularités des élections de novembre 2010 qui n'ont pas respecté les normes internationales en la matière. Il a aussi appelé à la libération de tous les prisonniers politiques, avant de demander au Rapporteur spécial s'il pensait que les prochaines élections pourront être libres, transparentes et inclusives.
MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVÊDO (Brésil) s'est réjouie des recommandations figurant dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar. Elle s'est enquise de l'impact sur le terrain de la coopération mise en place au Myanmar par les institutions des Nations Unies (UNICEF, OIT, notamment). Elle s'est également enquise auprès du Rapporteur spécial de la manière dont pourrait selon lui être amélioré l'accès à la justice et aux droits de l'homme. Dans quelle mesure la libération des prisonniers politiques pourrait-elle contribuer à la réconciliation dans le pays, a-t-elle également demandé?
MME RADKA PÁTALOVÁ (Union européenne) a encouragé le Myanmar à inviter au plus vite le Rapporteur spécial à visiter le pays. En dépit des indications données par le Gouvernement cet automne sur la possible libération des prisonniers de conscience, celles-ci n'ont pas eu lieu, a regretté la représentante, qui a donc demandé leur libération immédiate et sans condition. Elle a regretté le rejet par le Myanmar de certaines des recommandations que lui a adressé le Conseil dans le cadre de l'Examen périodique universel, même si certaines autres ont été acceptées. La représentante de l'Union européenne a demandé au Rapporteur spécial comment il évaluait le processus actuel en matière de libertés politiques. Elle a dit partager les préoccupations du Rapporteur spécial sur le respect du droit à l'éducation.
M. DICKY KOMAR (Indonésie) a noté que le Rapporteur spécial insiste dans son rapport sur la fourniture d'aide humanitaire au Myanmar. Il lui a demandé quelles solutions efficaces il pouvait proposer dans ce domaine. Il a relevé que le Rapporteur spécial avait souligné la nécessité pour le Myanmar de combler «le déficit en matière de droits économiques, sociaux et culturels» comme une priorité absolue, tout en soulignant le rôle important de la communauté internationale à fournir l'assistance nécessaire. Dans ce contexte, il a demandé au Rapporteur spécial quelles seraient les mesures les plus efficaces qui permettraient de mieux augmenter le niveau de la coopération du Myanmar avec la communauté internationale sur la base d'un véritable dialogue et de la coopération. L'Indonésie se félicite de la tenue d'élections générales ainsi que de la décision de libérer Daw Aung San Suu Kyi. Ces deux événements devraient être considérés comme des jalons positifs et significatifs. La communauté internationale devrait réagir positivement à l'évolution récente au Myanmar pour s'assurer que d'autres améliorations auront lieu dans le pays.
M. JÜRG LAUBER (Suisse) a remercié M. Ojea Quintana pour son engagement inlassable dans l'accomplissement de son mandat. Son travail dans des conditions difficiles est d'une importance capitale pour la protection et la promotion des droits de l'homme au Myanmar, a-t-il déclaré. Les élections au Myanmar se sont déroulées dans une atmosphère d'intimidation, de coercition et de corruption généralisée, a-t-il poursuivi. La situation des droits de l'homme est restée désastreuse en 2010, même après la tenue des élections, a-t-il ajouté. Plus de 2000 prisonniers d'opinion sont toujours incarcérés au Myanmar au titre de lois imprécises et dans des conditions effroyables, a en outre souligné le représentant suisse, avant de demander la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes actuellement détenues pour ces seuls motifs. Le Gouvernement du Myanmar doit engager le dialogue avec les minorités ethniques et les partis d'opposition, y compris la Ligue nationale pour la démocratie.
M. PATRICK RUMLAR (République tchèque) a rappelé que les droits économiques, sociaux et culturels ne pouvaient s'exercer pleinement en l'absence des respects des droits civils et politiques, comme c'est le cas depuis plus de vingt ans au Myanmar. Le représentant a rappelé que le pays comprenait plus de 2000 prisonniers de conscience. Il a demandé des précisions au Rapporteur spécial sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il s'est dit préoccupé de la situation des minorités ethniques et a demandé des précisions sur la situation dans les régions peuplées par ces minorités. Le représentant tchèque a souhaité que le Rapporteur spécial donne davantage d'indications sur les mesures que la communauté internationale pourrait déployer pour assurer un meilleur respect des droits de l'homme dans le pays et la réconciliation nationale.
MME HELGA FASTRUP ERVIK (Norvège) a espéré que le Gouvernement du Myanmar allouera les moyens financiers nécessaires pour la mise en œuvre de ses obligations et en vue d'appliquer les réformes. Elle a regretté que les visites n'aient pu être possibles depuis février 2010 et a exhorté le pays à corriger cette situation. Il est important que les signes que le Gouvernement envoie soient perçus de manière de positive par la communauté internationale, a conclu la représentante.
M. MICHAEL MCBRYDE (Nouvelle-Zélande) a salué la libération de Daw Aung San Suu Kyi et a dit espérer qu'elle serait suivie de la libération de tous les autres prisonniers politiques. Il s'est enquis auprès du Rapporteur spécial, M. Ojea Quintana, de la nature des travaux qu'il entend mener dans le pays s'agissant des droits des enfants, et plus particulièrement de la question de l'utilisation des enfants soldats, qui a toujours cours au Myanmar. Le représentant néo-zélandais a par ailleurs exprimé l'espoir que le Rapporteur spécial puisse jouir d'un plein accès au pays.
M. BIENG THÉNG (Cambodge) a mis l'accent sur la promotion et la protection des droits de l'homme sur la base du dialogue constructif. Il a affirmé que la situation au Myanmar est compliquée et ajouté qu'il fallait reconnaitre que le pays s'était engagé sur un processus démocratique. Le Conseil des droits de l'homme doit le reconnaître et s'engager dans un processus constructif. Le Myanmar a progressé sur la voie de la mise en ouvre de sa feuille de route en sept étapes, afin de transformer le pays en démocratie, a estimé le représentant. Le Cambodge encourage et salue les efforts du Myanmar et l'invite à travailler avec le Secrétaire général des Nations Unies et le Rapporteur spécial afin de répondre à leurs préoccupations concernant la situation des droits de l'homme dans le pays.
M. SO SE PYONG (République populaire démocratique de Corée) a salué les efforts du Myanmar pour la mise en œuvre de ses obligations en matière de droits de l'homme. Il a toutefois dénoncé les mandats spécifiques de pays, estimant que les rapports qu'ils produisent vont à l'encontre d'un dialogue constructif. Ils poussent à la division et nuisent à la confiance entre États. Il est grand temps que nous évitions les mandats spécifiques de pays, a lancé le représentant. Si le Conseil entend fonctionner sans confrontation, entend éviter l'échec de la Commission des droits de l'homme et jouer le rôle qui lui est confié par les peuples alors les mandats spécifiques de pays doivent finir une bonne fois pour toutes, a conclu le représentant.
M. MARKO HAM (Slovénie) a estimé qu'il convenait de mettre l'accent sur le fait que la période postélectorale pourrait fournir l'occasion de développements positifs dans le domaine des droits de l'homme. La Slovénie encourage le Myanmar, après avoir libéré Daw Aung San Suu Kyi, à libérer tous les prisonniers de conscience. La Slovénie espère en outre que le Myanmar suivra les recommandations qui lui ont été adressées à l'issue de Examen périodique universel.
M. YONG CHANTHALANGSY (République démocratique populaire lao) s'est félicité des efforts importants consentis par le Gouvernement du Myanmar pour renforcer la démocratie et améliorer le sort de sa population tout en favorisant la réconciliation nationale. Il s'est félicité de la réussite des élections législatives de novembre dernier. Le Gouvernement lao respecte les principes de non-ingérence dans les affaires internes des autres pays, a rappelé le représentant, qui s'est dit convaincu que le nouveau gouvernement du Myanmar prendra toutes les mesures politiques et économiques nécessaires et améliorera la situation des droits de l'homme dans le pays. Il a invité la communauté internationale à dialoguer de manière constructive avec le Gouvernement du Myanmar.
M. TRAN CHI THANH (Viet Nam) a pris note avec satisfaction de la tenue d'élections l'année dernière et de la libération sans condition de Aung San Suu Kyi. C'est pour nous un signe que le pays s'engage vers un processus de réconciliation nationale essentiel, a estimé le représentant. La coopération avec les procédures du Conseil des droits de l'homme est aussi un signe positif de la volonté du pays de s'engager vers cette voie. Il a dit prendre note du fait que, malgré ses difficultés, le pays renforce ses capacités en matière d'éducation, avec notamment l'adoption d'un Plan national d'éducation pour tous.
MME ANNA UGGLA (Suède) a déploré que le Gouvernement du Myanmar n'ait pas organisé des élections justes, transparentes et inclusives. Elle a en outre relevé que plus de deux mille prisonniers de conscience demeurent dans les prisons du Myanmar et que ce nombre est en augmentation; en outre, ces prisonniers de conscience sont détenus dans de mauvaises conditions, a-t-elle souligné.
M. PETER WOOLCOTT (Australie) a estimé que le rapport d'étape montrait la nécessité pour la communauté internationale de rester engagée au Myanmar. Prenant note de l'accent mis par le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, le représentant a invité le Myanmar à prendre toutes les mesures pour veiller à é la pleine réalisation de ce droit, sans discrimination. Le représentant a rappelé que les élections de 2010 n'avaient pas respecté les critères internationaux et a affirmé que l'Australie suivra de très près l'évolution du processus politique. L'Australie invite le Gouvernement à dialoguer avec tous les partis, y compris les partis démocratiques d'opposition qui ont contesté la légitimité de ces élections. Le représentant, qui s'est félicité de la libération de Daw Aung San Suu Kyi, a demandé au Gouvernement de veiller à sa sécurité et de libérer sans condition tous les prisonniers de conscience. Il a émis l'espoir que le Myanmar examinera de plus près les recommandations du Rapporteur spécial et y donnera suite.
Organisations non gouvernementales
M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a regretté les obstructions du Gouvernement du Myanmar en ce qui concerne la collecte d'information sur la situation dans le pays. Il a indiqué que son organisation détenait des preuves que le Gouvernement continue de violer les droits de l'homme, a déclaré le représentant, avant de dénoncer la «mascarade» que constituent les élections de l'année dernière. Les États qui continuent de citer ces élections comme des exemples sont mal informés ou de mauvaise foi, a-t-il encore lancé. Les normes internationales qui ont fait leurs preuves ailleurs ont été ignorées au Myanmar. Le pays aurait en outre menti sur les dispositions qui interdisent la peine de mort dans le pays. Aucune référence n'est contenue dans la Constitution ni dans aucune autre législation interne. Nous invitions le Conseil à prendre note des déclarations mensongères du Myanmar et à prendre des mesures, a conclu le représentant.
MME POOJA PATEL (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, au nom également de Worldview International Foundation, et Conectas Direitos Humanos) a déclaré que les élections de 2010 au Myanmar n'ont en aucun cas correspondu aux normes minimales énoncées par le Rapporteur spécial avant ces élections. Le Parlement lui-même n'a pu exercer son contrôle sur le budget national. Lors de son Examen périodique universel, le Myanmar a déclaré que les allégations de violences sexuelles et d'impunité, entre autres, étaient infondées. Il est urgent d'établir une commission indépendante d'enquête permettant de faire la lumière sur les crimes commis au Myanmar.
MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) s'est félicitée de l'accent mis par le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, en dénonçant les mesures prises sous le régime militaire, qui avaient abouti à une grave dégradation de l'éducation dans le pays. Elle a jugé honteux que la majorité des prisonniers politiques n'ont pas été libérés, le Gouvernement n'ayant toujours pas pris de mesure d'amnistie, même limitée. Elle a dénoncé les mesures prises dans le conflit contre les Karen et a accusé les militaires d'avoir utilisée des détenus comme éclaireurs pour déceler les mines antipersonnel dans certaines zones.
M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a déclaré que le fait que le Myanmar ait rejeté les recommandations de l'Examen périodique universel est la preuve que les autorités n'ont aucune volonté politique de respecter les droits de l'homme. Il a exhorté la communauté internationale à donner suite à la recommandation du Rapporteur spécial visant la création d'une commission d'enquête sur les allégations de violation des droits de l'homme. Il a appelé les États à titre individuel et collectif à demander aux autorités de libérer les prisonniers politiques, de lever les restrictions sur les poursuites contre les représentants de l'autorité et à lancer des enquêtes indépendantes, a conclu le représentant.
Conclusion du Rapporteur spécial
M. OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré que le Gouvernement du Myanmar a consenti un effort important en organisant des élections législatives; mais ces élections n'ont pas été libres, ni inclusives, a-t-il précisé. Les nouvelles autorités du Myanmar vont assurer la direction administrative, politique et judiciaire du pays; aussi, doivent-elles engager une action politique concrète pour mettre un terme à la situation de graves violations des droits de l'homme qui perdure dans le pays depuis longtemps. Le Gouvernement du Myanmar doit approfondir sa coopération avec les Nations Unies, a poursuivi M. Ojea Quintana, rappelant ici que le pays l'avait accueilli à trois reprises et avait pleinement coopéré avec le processus de l'Examen périodique universel; mais il faut renforcer cette coopération afin qu'elle aboutisse à des résultats concrets et importants. Les prisonniers de conscience ont été condamnés à des peines très sévères, contrairement à la Constitution qui interdit que soient prononcées des peines attentatoires à la dignité humaine, a poursuivi M. Ojea Quintana; il faut donc que ces peines soient sans plus tarder amnistiées ou commuées. Les autorités doivent libérer les prisonniers de conscience, a ensuite déclaré le Rapporteur spécial. Il est essentiel que les nouvelles autorités s'attellent à la réforme des forces armées afin d'éviter que les droits des civils ne soient remis en cause dans les régions où il y a des troubles. Il convient en outre pour les autorités d'œuvrer à la lutte contre la discrimination, alors que dans certaines régions du pays, des populations sont victimes de discrimination, ce qui est contraire à la Constitution qui proclame que le Myanmar est un État pluriethnique.
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HRC11/033F