Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LES CONDITIONS DE VIE DES ENFANTS DE LA RUE ET LES STRATÉGIES À ADOPTER FACE AU PHÉNOMÈNE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme, qui tient aujourd'hui sa séance annuelle d'une journée consacrée à l'examen des questions relatives aux droits de l'enfant, s'est penché cet après-midi, dans le cadre d'une deuxième réunion-débat, sur les conditions de vie des enfants vivant ou travaillant dans la rue et les réponses et stratégies de prévention.

Dans une déclaration liminaire, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung-Wha Kang, a souligné l'importance de compter sur des données statistiques fiables et d'études sur la situation des enfants des rues. Elle a aussi rappelé que le Comité des droits de l'enfant accorde une grande importance à la situation de cette catégorie d'enfants et recommande des programmes de prévention et d'assistance, notamment en matière d'éducation, de santé et d'aide alimentaire. Le Comité souligne en outre que le fait qu'ils vivent dans les rues ne doit pas être utilisé pour traiter ces enfants en délinquants ou en criminels, mais doit encourager à mettre en place des services de prévention et de réhabilitation.

Les panélistes de la réunion-débat de cet après-midi étaient: Mme Marta Santos Pais, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence contre les enfants; M. Shaikh Khalique Abdul, Inspecteur général adjoint de la police du Sindh, au Pakistan; M. Marco Antonio Da Silva Souza, un ancien enfant de la rue aujourd'hui Directeur du Proyecto Meninos e Meninas de rua du Brésil; Mme Theresa Kilbane, Conseiller principal pour la protection de l'enfance et le changement social à l'UNICEF; et M. Kari Tapiola, Conseiller spécial du Directeur général de l'Organisation internationale du travail.

Mme Santos Pais a elle aussi constaté que les enfants des rues sont considérés comme des délinquants et des parias. Les efforts en leur faveur sont fragmentaires et les politiques, ainsi que les budgets publics, ont tendance à les ignorer. Leur vie est marquée par la violence, une violence, qui souvent les a conduits à fuir le domicile familial, paradoxalement pour trouver refuge dans la rue où ils sont exposés de fait aux formes les plus extrêmes de violence. Les autorités préfèrent les châtier plutôt que de mettre en place des mesures de prévention et de protection. La Représentante spéciale a exprimé l'espoir que l'important débat thématique d'aujourd'hui constituerait un tournant dans la promotion et la protection des droits des enfants des rues, soulignant qu'il est urgent de mettre au point des systèmes de protection de l'enfance et de soutien aux familles. Il est essentiel à cet égard de coopérer et de promouvoir des solutions de concert avec les enfants concernés.

M. Shaikh, a lui aussi déploré que, trop souvent, les jeunes de la rue sont perçus avec méfiance. Il a toutefois souligné qu'un certain nombre de problèmes concrets bloquent l'action de la police pakistanaise, citant le cadre juridique lacunaire, la formation insuffisante, les structures défaillantes et un manque général d'argent. L'Inspecteur général adjoint de la police du Sindh a indiqué qu'au niveau national, on envisage la création d'une autorité chargée de superviser la prise en charge des enfants des rues; les autorités favorisent en outre les services de police de proximité et encouragent la société civile à aider la police à appliquer des stratégies de prévention.

M. Da Silva Souza a souligné la complexité de la réalité des enfants de la rue, déclarant qu'un enfant dans la rue est souvent le signe d'une famille ou d'une communauté qui souffre. Il faut faire preuve de volonté, d'autorité, d'écoute et d'analyse de la réalité, a poursuivi M. Da Silva Souza.

Pour Mme Kilbane, le «point d'entrée» pour renforcer l'ensemble du système de protection de l'enfance touche souvent à la façon dont on traite le problème de la séparation au sein des familles en prévoyant un soutien familial et une protection des enfants. Par ailleurs, la représentante de l'UNICEF a noté que les pays reconnaissent souvent l'importance du rôle des travailleurs sociaux dans le renforcement des systèmes de protection de l'enfance, mais trop souvent, ces systèmes font face à un manque de capacité humaine, financière et institutionnelle.

M. Tapiola a déclaré que la communauté internationale devrait se préoccuper de l'indifférence que les adultes témoignent face aux difficultés des enfants des rues. Il a souligné que les États doivent veiller à prendre des mesures de soutien en faveur des familles les plus démunies, dont la pauvreté est très souvent la cause du travail des enfants dans la rue, et la société civile doit être associée aux démarches de l'État.

Au cours du débat, les délégations ont présenté les mesures prises par leurs pays aux niveaux national, régional et international, tout en soulignant la complexité de répondre à tous les défis que pose la question des enfants de la rue. La lutte contre la pauvreté a ainsi été désignée comme un des moyens de parvenir à cette fin. Il faut en outre une coopération internationale renforcée, planifiée et surtout budgétisée, une délégation estimant que tant que la question de la pauvreté ne sera pas réglée, aucune politique de lutte contre les violences faites aux enfants ne sera viable. L'aide aux familles a aussi été identifiée comme priorité afin d'éliminer les facteurs qui conduisent à l'exclusion des familles pauvres. La lutte contre l'impunité dont jouissent les auteurs de violences est aussi une piste importante ainsi que la ratification des conventions pertinentes de l'Organisation internationale du travail, notamment la Convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants.

Les délégations suivantes ont participé aux échanges: Mexique, Corée, Paraguay (au nom des pays du Mercosur), Australie, Algérie, Ukraine, Honduras, Costa Rica, Maldives, Union africaine, Pakistan (au nom de l'OIC), Suisse, Angola, Népal, Canada, États-Unis, Afghanistan, Cambodge, Norvège, Pologne, Qatar, Jordanie, Inde, Géorgie, Japon, Soudan, Maroc, Viet Nam, Égypte, Union européenne, Pérou, Indonésie, et Slovénie.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Conseil national des droits de l'homme du Maroc, SOS - Kinderdorf International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1); Défense des enfants - international (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2); Human Rights Advocates (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales3); Plan International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales4); The Consortium for Street Children (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales5); et International Harm Reduction Association (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales6).


Demain matin, à dix heures, le Conseil procédera à l'examen de deux rapports qui seront présentés par les Rapporteurs spéciaux chargés des questions relatives, respectivement, à la situation des défenseurs des droits de l'homme et à la liberté de religion ou de conviction.


Introduction

MME KYUNG WHA KANG (Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme) a rappelé les différentes analyses présentées ce matin sur la nécessité d'une approche globale et multisectorielle basée sur les droits de l'homme dans le cadre des problématiques liées aux enfants vivant et travaillant dans les rues. Il a été clairement démontré qu'il y a un besoin urgent de collecte systématique de données statistiques et de recherche sur les enfants des rues, a résumé la Haut-Commissaire adjointe. Les mécanismes internationaux, dont le Comité des droits de l'enfant, accordent une grande importance à la situation de cette catégorie d'enfants et recommandent des programmes de prévention et d'assistance, notamment en matière d'éducation, de santé et d'aide alimentaire. Le Comité souligne en outre que le fait qu'ils vivent dans les rues ne doit pas être utilisé pour traiter ces enfants en délinquants ou en criminels, mais doit encourager à mettre en place des services de prévention et de réhabilitation. La Haut-Commissaire adjointe a relevé qu'avait également été soulignée la nécessité de mesures d'accompagnement et de conseil. Cet après midi, a conclu la Haut-Commissaire adjointe, nous explorerons comment tout cela peut être mise en œuvre par des «actions orientées», une part de la discussion se focalisant sur la prévention, la réintégration et l'identification des réponses possibles aux niveaux national comme international.

Réunion-débat sur les conditions de vie des enfants vivant ou travaillant dans la rue et réponses et stratégies de prévention

Exposés des panélistes

MME MARTA SANTOS PAIS, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, a souligné que, malgré l'affirmation de nombreuses valeurs inscrites en particulier dans les conventions internationales, on constate que les enfants des rues sont considérés comme des délinquants et des parias. Les efforts en leur faveur sont fragmentaires et les politiques, ainsi que les budgets publics, ont tendance à les ignorer. Leur vie est marquée au fer rouge de la violence, une violence qui souvent les a conduits à fuir le domicile familial, paradoxalement pour trouver refuge dans la rue, a-t-elle expliqué. Il est fréquent que, là, ils soient pris en charge par des cartels qui les exploitent et les exposent de fait aux formes les plus extrêmes de violence.

Personne ne sait avec précision combien d'enfants vivent et ou travaillent dans la rue dans le monde, a affirmé Mme Santos Pais. Les filles sont particulièrement menacées dans ce contexte. Elles sont sans doute moins nombreuses que les garçons mais aussi moins visibles. Quel que soit leur sexe, la situation des enfants des rues est aggravée dans les pays où règne l'instabilité politique. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), les enfants des rues en Égypte ont été particulièrement exposés à la violence lors du récent soulèvement.

Partout, il existe une tendance inquiétante à criminaliser les enfants des rues, déclaré la Représentante spéciale. Comme le remarque l'étude de l'ONU «La violence contre les enfants», ces mineurs sont «diabolisés pour des activités qui, même lorsqu'elles comprennent de menus larcins, ne méritent en aucun cas la violence gratuite et cruelle que ceux-ci endurent», a fait observer Mme Santos Pais. Ils sont «perçus comme une menace, sont stigmatisés par les médias et blâmés pour l'augmentation supposée de la délinquance juvénile». Les autorités préfèrent les châtier plutôt que de mettre en place des mesures de prévention et de protection.

La Représentante spéciale a exprimé l'espoir que l'important débat thématique du jour constituerait un tournant dans la promotion et la protection des droits des enfants des rues. Elle s'est dite convaincue que des actions concrètes seraient évoquées cet après-midi afin de générer un «changement de paradigme». Pour prendre cette direction, il est urgent de développer des systèmes de protection de l'enfance disposant de moyens et de soutien aux familles. Il est essentiel à cet égard de coopérer et de promouvoir des solutions de concert avec les enfants concernés. Il est crucial de rédiger des lois interdisant toute forme de violence contre les enfants, partout et en tout temps. Et enfin il est urgent de mettre sur pied des mécanismes de recueil de plaintes pour soutenir les enfants victimes de violences, a conclu Mme Santos Pais.

M. ABDUL KHALIQUE SHAIKH, Inspecteur général adjoint de la police de la province du Sindh (Pakistan), a déclaré que son pays compte environ un million et demi d'enfants vivant dans les rues. Les opérations militaires dans le Nord, ainsi que les récentes inondations, ont entraîné une forte augmentation du nombre des personnes déplacées ainsi que des enfants des rues, en particulier dans la province du Sindh. Dans ce contexte, la police pakistanaise joue un rôle de premier plan dans le traitement des problèmes suscités par ces enfants ainsi que pour la résolution des difficultés auxquelles ils sont confrontés. La perception des agents de police est déterminante: or, trop souvent, les jeunes concernés sont vus avec méfiance. M. Shaikh a relevé un certain nombre de problèmes concrets qui bloquent l'action de la police pakistanaise: cadre juridique lacunaire, formation insuffisante, structures défaillantes (foyers, tribunaux pour mineurs, centres de réinsertion) et un manque général d'argent. En réaction, les autorités ont adopté des mesures concrètes telles que formations continue des agents, dans le cadre d'une obligation générale de protection des enfants concernés. Au niveau national, on envisage la création d'une autorité chargée de superviser la prise en charge des enfants des rues. Les autorités favorisent en outre les services de police de proximité et encouragent la société civile à aider la police à appliquer des stratégies de prévention.

M. MARCO ANTONIO DA SILVA SOUZA, Directeur du projet Meninos e Meninas de rua (garçons et filles des rues, du Brésil, a déclaré que les actions adéquates et opportunes manquaient face au phénomène des enfants des rues. Il a attribué cette insuffisance au renoncement de l'État, aux stéréotypes véhiculés par les médias et à l'indifférence de la société, ce qui stigmatise les enfants et nous éloignent des solutions à trouver. Pourtant, la plupart de ces enfants travaillent pour nourrir leur famille, a déclaré M. Da Silva Souza, mais les sociétés font semblant de l'ignorer en les traitant comme des délinquants, des criminels. Il a cependant reconnu que la réalité est complexe et qu'elle nécessite une compréhension globale. Un enfant dans la rue est souvent le signe d'une famille ou d'une communauté qui souffre. Il faut une approche globale, a encore plaidé le représentant, avant de proposer que les actions visant ces enfants intègrent les familles et surtout les enfants eux-mêmes. Il faut faire preuve de volonté, d'autorité, d'écoute et d'analyse de la réalité, a poursuivi M. Da Silva Souza. Dans ce contexte, les plans nationaux et la coopération internationale doivent s'articuler et disposer de moyens adaptés. Il faut renforcer la famille en tant que cercle d'intégration prioritaire. Celui qui vous parle aujourd'hui est un survivant de la violence et du trafic des rues, a tenu à rappeler M. Da Silva Souza.

MME THERESA KILBANE, Conseillère principale pour la protection de l'enfance et le changement social (UNICEF), a souligné que les enfants de la rue sont souvent des enfants vulnérables. La violence, l'exploitation et les abus ne pouvant être abordés au cas par cas, il convient d'avoir une approche plus globale, approche sur laquelle Mme Kilbane a souhaité centrer son propos.

Des progrès ont été faits dans le renforcement de la protection de l'enfance grâce à la «cartographie» des diverses situations, la compréhension de la manière dont les choses se passent dans tel ou tel pays, a déclaré la représentante de l'UNICEF. Des outils ont été mis au point pour cartographier et évaluer les systèmes de protection de l'enfance, une vingtaine de pays ayant entamé ce travail d'évaluation de leur système de protection de l'enfance l'an passé. En se basant sur cette cartographie et en partenariat avec les gouvernements nationaux et certains partenaires clés, les bureaux de pays de l'UNICEF ont commencé à développer un «modèle de système de protection de l'enfance», a expliqué Mme Kilbane. Ce modèle prend en compte la législation et les politiques, les ressources et les services. Il reconnaît que de nombreux acteurs sont impliqués: l'enfant lui-même, la famille, la collectivité et l'État. Le modèle est sous-tendu par les normes culturelles, ainsi que par les structures sociales existantes, et les structures passées et présentes de gouvernance.

Le «point d'entrée» pour renforcer l'ensemble du système de protection de l'enfance touche souvent à la façon dont on traite le problème de la séparation au sein des familles en prévoyant un soutien familial et une protection des enfants, a poursuivi Mme Kilbane. Par ailleurs, les pays reconnaissent souvent l'importance du rôle des travailleurs sociaux qui ont un rôle fondamental dans le renforcement des systèmes de protection de l'enfance. Mais Mme Kilbane a noté que, trop souvent, ces systèmes font face à un manque de capacité humaine, financière et institutionnelle.

M. KARI TAPIOLA, Conseiller spécial du Directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT), a déclaré que la communauté internationale devrait se préoccuper de l'indifférence que les adultes témoignent face aux difficultés des enfants des rues. M. Tapiola a indiqué que si le travail dans les rues ne fait pas partie, en soi, des pires formes de travail recensées par l'OIT, il n'en reste pas moins que ce phénomène risque d'entraîner les enfants dans d'autres activités illégales, criminelles et préjudiciables pour eux, telle la prostitution. En ratifiant la Convention n° 182, les membres de l'OIT se sont engagés à éliminer les pires formes de travail des enfants. Ce faisant, les États doivent veiller à prendre des mesures de soutien en faveur des familles les plus démunies, dont la pauvreté est très souvent la cause du travail des enfants dans la rue, à moins qu'ils ne soient victimes d'autres formes d'exploitation, par exemple de travail domestique. La société civile – ici les employeurs et les organisations de salariés – doit être associée aux démarches de l'État. Les systèmes juridiques de lutte contre les pires formes de travail des enfants doivent être adaptés à la situation et aux besoins de ceux-ci. Enfin, les États doivent prendre des mesures systématiques de prévention.

Débat

Le débat a porté sur les différents mécanismes mis en place dans les pays pour répondre concrètement aux problèmes posés par la situation des enfants de la rue. Les délégations ont exposé les mesures d'ordre général, comme la ratification des textes pertinents dont la Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux Protocoles facultatifs, ou la Convention 138 de l'Organisation internationale du travail.

Des mesures plus spécifiques ont également été prises comme la mise en place de programmes dédiés aux enfants et aux travailleurs sociaux en lien avec ces enfants ou la création de mécanisme d'évaluation des politiques pertinentes comme en Angola. L'Uruguay a pour sa part ciblé en priorité ses zones frontalières où le phénomène est exacerbé.

La complexité de répondre à tous les défis a également été soulignée. L'Union africaine a indiqué que l'aspect multidisciplinaire du problème rendait très difficile une bonne coordination entre initiatives nationales et internationales. De ce fait, aucune région ou institution ne peut prétendre résoudre seule ce problème. Il faut une coopération internationale renforcée planifiée et surtout budgétisée. Sur cet aspect de la coopération internationale, le Honduras a souhaité savoir comment selon les experts, il était possible de l'améliorer.

Cependant, les mesures préventives doivent s'accompagner de politiques curatives et punitives. Un groupe d'organisations non gouvernementales s'est déclaré préoccupé par l'impunité dont jouissent les auteurs de violence contre les enfants, et le Mexique a souligné qu'il fallait prendre des sanctions contre ces personnes.

Cependant, pour résoudre ces problèmes, une approche globale, incluant les enfants et les familles, est nécessaire, autant que l'identification des causes profondes. À ce titre, l'Algérie a estimé que la pauvreté était la première d'entre elles, mais aussi la violence domestique, la crise du logement ou l'échec scolaire qui poussent les enfants dans les rues et les rend vulnérables à tous les dangers. Dans ce contexte, aucune solution ne sera efficace si les pays ne sont pas aidés dans leurs efforts pour réduire la pauvreté. Les Maldives ont accusé la cybercriminalité d'accentuer le problème. Tant que ces causes existeront, aucune solution ne sera viable, a aussi déclaré la Costa Rica.

Réponses des panélistes

MME SANTOS PAIS a rappelé que les enfants qui sont intervenus ce matin devant le Conseil avaient dit deux choses: «Nous ne sommes pas un fardeau» et «n'oubliez pas que nous avons un fort potentiel». Il faut que nous établissions un partenariat avec ces enfants, fondé non pas sur la façon dont nous les percevons mais en fonction de ce qu'ils nous disent, a-t-elle affirmé. Il convient d'établir aussi un partenariat avec les familles. Il faut investir dans la prévention, et en premier lieu dans la prévention de la criminalisation des situations, a-t-elle conclu.

M. SHAIKH a précisé que la protection de l'enfance ne se résume pas à un seul domaine ni ne ressortit à une seule instance. Le rôle des organisations internationales est important à ce niveau pour évaluer les bonnes pratiques et retenir les meilleures. Quant à leur diffusion et à leur mise en œuvre, ces deux démarches impliquent nécessairement l'intervention d'acteurs locaux.

M. DA SILVA SOUZA a souligné la nécessité de réfléchir au sujet sous l'angle de la collectivité. Lorsque l'on pense aux enfants de la rue, il faut prendre trois choses en compte: la collectivité, l'école et la santé. L'alcool au foyer et la drogue jouant un rôle, bien souvent les collectivités ne sont pas prêtes à prendre en charge les familles en difficulté, d'où le rôle primordial des pouvoirs publics, a-t-il souligné.

Répondant à une question relative à la réinsertion des enfants des rues, Mme KILBANE a estimé que les difficultés tiennent d'abord à la stigmatisation dont ces enfants sont victimes. Les gouvernements doivent adopter des mesures éducatives en leur faveur, quitte à imaginer des méthodes d'enseignement alternatives, et soutenir les familles concernées. Mme Kilbane a fait observer que les bonnes pratiques dans ce domaine doivent être partagées le plus largement possible, mais aussi les erreurs commises et les leçons tirées de ces erreurs. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a engagé des initiatives régionales dans ce domaine, a-t-elle ajouté.

M. TAPIOLA a rappelé que le Bureau international du travail célébrait une Journée mondiale contre le travail des enfants. Il a noté un grand nombre de convergences dans les débats, même si, a-t-il souligné, «les convergences ne se traduisent pas toujours en action». M. Tapiola a souligné l'importance du travail de sensibilisation à effectuer auprès des enfants eux-mêmes, dans les écoles et auprès des éducateurs, ainsi qu'auprès de la police. Les forces de l'ordre doivent être en mesure de faire la différence entre victimes et criminels, a-t-il relevé, avant d'ajouter: lorsque vous voyez un enfant mendier dans la rue, il ne faut pas le voir comme un vaurien ou un délinquant mais plutôt comme une victime, voire très probablement une victime de la pire forme de travail forcé qui soit.

Suite du débat

Des délégations ont indiqué que s'il importe d'adopter mesures et programmes centrés sur telle ou telle vulnérabilité précise – violence au foyer, abandon scolaire, addiction à des drogues par exemple –, il faut aussi envisager des systèmes transversaux, capables de répondre aux nombreux besoins des enfants des rues. Il faut adopter à cet égard des approches diversifiées, ouvertes et globales, permettant notamment d'éliminer les facteurs qui conduisent à l'exclusion des familles pauvres, et donc à celle de leurs enfants. Une délégation a souligné l'importance d'aider les familles à mieux assurer le développement de leurs enfants. Une autre a insisté sur la nécessité de tenir compte des besoins spécifiques des garçons et des filles vivant dans la rue: les premiers restent en général en communication avec leurs familles, contrairement aux jeunes filles, plus radicalement laissées à elles-mêmes.

Des délégations ont fait connaître les efforts concertés que leurs pays ont consentis en vue de la protection des droits enfants, notamment leur protection contre la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle. S'agissant des pires formes de travail auxquelles les enfants sont soumis, ou du travail des enfants dans le secteur informel, des délégations ont fait connaître les mesures correctives qu'ils ont prises sur les plans économique et social. Certaines délégations ont décrit les programmes d'aide internationale qu'ils organisent en collaboration avec les pays confrontés à des situations graves du fait de conflits ou de catastrophes naturelles. D'autres ont mis en avant les modifications législatives auxquelles leurs pays ont procédé pour améliorer le cadre institutionnel de la lutte contre l'exploitation du travail des enfants. Une délégation a appelé les États à faire assumer aux entreprises leur responsabilité sociale dans ce domaine.

La nécessité de sanctionner les membres des forces de l'ordre qui commettent des actes de violence contre des enfants a été mise en avant. Les systèmes judiciaires doivent, quant à eux, être adaptés aux besoins très spécifiques des mineurs vivant ou travaillant dans la rue; de même, les mineurs détenus ou placés en institutions doivent y être rigoureusement séparés des adultes. La ratification des conventions pertinentes de l'Organisation internationale du travail a été préconisée, notamment la Convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants. On a aussi insisté sur l'importance déterminante de l'enregistrement systématique des naissances, condition nécessaire de la reconnaissance des enfants en tant que sujets de droit et donc de leur accès aux prestations publiques.

Il a aussi été observé que, d'une manière générale, et en dépit les progrès enregistrés depuis le Sommet mondial pour les enfants en 1990, il reste encore beaucoup à faire pour garantir le respect des droits des enfants, notamment en matière d'éducation. Une délégation a observé que les droits des enfants ne peuvent être garantis que dans des sociétés vivant, elles-mêmes, dans la paix et la sécurité. Le représentant de l'Afghanistan a dénoncé à cet égard les attaques meurtrières dont sont victimes les enfants de son pays.

De très nombreuses délégations ont demandé aux experts de leur donner des exemples d'approches concrètes couronnées de succès et de bonnes pratiques.

Réponses des panélistes

MME SANTOS PAIS a reconnu que l'on ne savait même pas en fait ce qui poussait filles et garçons dans la rue, entre ce que ces enfants considèrent eux-mêmes comme une chance et ce qui relève de l'absence de choix. La prévention est la clé et il faut refuser le recours systématique au pénal par manque d'imagination. Il faut établir une liste des bonnes pratiques, a-t-elle souligné, émettant l'espoir que le débat d'aujourd'hui donnerait lieu à un rapport susceptible de servir de document de référence pour la session du Conseil de l'an prochain. Il n'y a pas de solution qui puisse fonctionner si l'on ne travaille pas avec les enfants dont on parle, a-t-elle conclu.

M. SHAIKH a déclaré que la question fondamentale réside dans la concrétisation des engagements internationaux, notamment la ratification des instruments des droits de l'homme. Il convient à cet égard de créer les institutions nécessaires, si possible sans coût supplémentaire, et d'assurer la formation du personnel concerné, tout en maximisant les ressources déjà disponibles. Il faut en outre veiller à ce que les populations locales se sentent véritablement concernées par les politiques et mesures prises par les États en faveur des enfants des rues.

M. DA SILVA SOUZA a souligné qu'il fallait pouvoir compter sur la volonté politique mais il faut aussi que les financements suivent. Est-ce que c'est l'enfant qui est «en conflit avec la loi» ou bien est-ce l'inverse, a-t-il demandé. Reconnaissant qu'il s'agissait de questions extrêmement complexes, il a estimé important d'avoir un espace – un espace de délibération, telle que les grandes conférences régionales par exemple – où les enfants, filles et garçons, soient entendus. Selon lui, il est fondamental que l'on fasse des recherches pour savoir qui sont les enfants des rues. Bien souvent, les lois sont dures avec les familles, beaucoup trop dures par rapport à ce que devraient faire des politiques publiques en la matière, a-t-il conclu.

MME KILBANE a déclaré qu'il faut mettre l'accent sur des mécanismes de prévention et de protection de la jeunesse et de la famille. Il faut aussi absolument renforcer la collecte des statistiques, afin de mieux cerner les besoins des enfants des rues. Toutes ces démarches nécessitent la mise à disposition de ressources complémentaires.

M. TAPIOLA a constaté en définitive que si l'on ignore beaucoup de choses sur le phénomène des enfants de la rue, on en sait suffisamment pour agir et pour persévérer dans ce qui se fait déjà de positif. La mise en place d'un bureau ou d'un observatoire est peu coûteuse et permet à la fois d'entendre les enfants et de répertorier les actions. On parle ici de victimes et il faut qu'on s'en rappelle, a-t-il conclu.

___________


1Déclaration conjointe: SOS - Kinderdorf International, The Consortium for Street Children, Bureau international catholique de l'enfance, Service social international, International Movement ATD Fourth World, Défense des enfants – international, et la Fédération internationale Terre des hommes.

2Déclaration conjointe: Défense des enfants – international, Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Fondation sommet mondial des femmes, Plan International, Vision Mondiale International, Fédération internationale Terre des hommes, et le Bureau international catholique de l'enfance.

3Déclaration conjointe: Human Rights Advocates, Fondation sommet mondial des femmes, The Consortium for Street Children, et Défense des enfants – international.
4Déclaration conjointe: Plan International, Organisation mondiale contre la torture (OMCT), The Consortium for Street Children, Défense des enfants – international, Fondation sommet mondial des femmes, Bureau international catholique de l'enfance, Mouvement mondial des mères, SOS - Kinderdorf International, ECPAT International, et Vision Mondiale International.
5Déclaration conjointe: The Consortium for Street Children, Bureau international catholique de l'enfance, Défense des enfants – international, Fondation sommet mondial des femmes, SOS - Kinderdorf International, Fédération internationale Terre des hommes, et International Harm Reduction Association.

6Déclaration conjointe: International Harm Reduction Association, Human Rights Watch, The Consortium for Street Children, Vision Mondiale International, et le Bureau international catholique de l'enfance.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC11/026F