Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, une réunion-débat consacrée à la pleine jouissance des droits fondamentaux des personnes d'ascendance africaine. Cette table ronde s'inscrit dans le cadre du débat de haut niveau du Conseil afin de marquer l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine.
Mme Navi Pilay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a ouvert les échanges en dénonçant la survivance de stéréotypes raciaux et autres discriminations dont sont encore victimes les personnes d'ascendance africaine, y compris dans les institutions publiques, dans la police et la justice et ce, malgré les progrès accomplis dans plusieurs pays. Elle a annoncé la mise en place prochaine, par ses services, d'un programme d'action de lutte contre ces discriminations.
Cinq panélistes ont ensuite fait des exposés: M. Luis Almagro, Ministre des affaires étrangères de l'Uruguay; Mme Florence Imbiri Jaoko, Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya; Mme Mirjana Najcevska , Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine; M. Pastor Murillo membre du Comité pour l'élimination des discriminations raciales et Mme Epsy Campbell, Présidente du centre des femmes afrocostariciennes de San José du Costa Rica.
Les panélistes ont eux aussi souligné la persistance des discriminations envers les personnes d'ascendance africaine. Il s'agit d'un problème structurel lié à l'histoire et qui nécessite l'adoption de stratégies globales et de mesures ciblées, dont des législations spécifiques et des actions de discrimination «positive» pour mieux y répondre. Les panélistes ont également souligné l'importance de l'outil statistique pour une meilleure approche de ces questions. Un panéliste a proposé la création d'un forum permanent des personnes d'ascendance africaine au sein des Nations Unies ainsi que la création d'un fonds pour la mise en œuvre de la Déclaration de Durban.
Au cours des débats, toutes les délégations ont condamné la situation vécue par de nombreuses personnes d'ascendance africaine, regrettant que la couleur de peau continue d'être un facteur discriminant et source d'injustice. Certaines délégations ont regretté que dix ans après, les principes de la Conférence de Durban ne soient pas encore pleinement appliqués, tandis que d'autres se sont attachées à présenter les progrès réalisés ou en cours dans leurs pays respectifs. Toutes ont plaidé pour la mise en œuvre de véritables politiques en vue de l'élimination de ces discriminations.
Les délégations suivantes ont participé au débat: Nigéria (au nom du Groupe africain), Chili, Cuba, Organisation de la Conférence islamique, Union européenne, Djibouti, Brésil, Pérou, Panama, Brésil, Colombie, et États-Unis.
Ont également pris la parole des représentants du Réseau des institutions nationales africaines de droits de l'homme, de Nord Sud XXI et de la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme.
Le Conseil tient à partir de 15 heures son débat général, au cours duquel s'exprimeront des délégations de pays qui n'ont pas participé au débat de haut niveau qui s'est tenu depuis le début de la session, lundi dernier.
Réunion-débat sur les droits de l'homme des personnes d'ascendance africaine
Introduction
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé que l'Assemblée générale avait proclamé 2011 Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Malgré tous les progrès accomplis, beaucoup reste à faire en matière de lutte contre le racisme, a-t-elle souligné. Des stéréotypes survivent et les personnes d'ascendance africaine sont plus souvent que d'autres en butte à l'arbitraire, notamment de la part de la police. Elles sont aussi souvent victimes de profilage racial et sont sous-représentées dans les institutions publiques, la justice en particulier, a observé la Haut-Commissaire. Mme Pillay a annoncé que le Haut Commissariat prévoyait de mettre en place un cadre d'action pour lutter contre la discrimination, et qu'il proposerait aussi un programme pour la poursuite de cette action au-delà de l'année 2011.
Exposés des panélistes
M. LUIS ALMAGRO, Ministre des affaires étrangères de l'Uruguay, a déclaré que les pays d'Amérique latine avaient encore beaucoup de chemin à faire pour garantir les droits des personnes d'ascendance africaine. Il existe encore des formes flagrantes de racisme dans le monde et des formes plus insidieuses contre lesquelles nous ne pouvons lutter par des législations. Nous devons trouver des solutions pour combler ces disparités, a-t-il déclaré, avant de souligner que, dans le cas de l'Uruguay, la prédominance de la population blanche avait réduit le poids des populations d'ascendance africaine arrivées plus tardivement, au cours de la période coloniale. C'est un problème structurel, a poursuivi le ministre. Les personnes d'ascendance africaine ont moins accès à l'éducation, aux soins et aux fonctions élevées. En 2008, seules 640 femmes occupaient des fonctions dans les Parlements d'Amérique latine, et seules dix étaient d'ascendance africaine. Une étude statistique a en outre révélé que la situation a peu évolué depuis 2006. M. Almagro a toutefois précisé que, depuis 2005, son pays avait mis en place des mesures concrètes pour lutter contres ces disparités, notamment par des mesures de discrimination positive. Un plan national d'accès à l'égalité des chances a ainsi été adopté, qui vise à éradiquer les stéréotypes raciaux, et une loi concernant notamment les secteurs où travaillent les femmes d'ascendance africaine a été promulguée. Le Ministre a souligné la nécessité de statistiques fiables qui permettent de mieux mesurer les discriminations dont ces populations sont victimes. Nous ne pouvons pas célébrer quoi que ce soit avant d'avoir résolu ces problèmes de discrimination, a-t-il conclu.
MME MIRJANA NAJCEVSKA, Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a fait observer que la généralisation du discours sur la discrimination fait que les discriminations spécifiques passent, souvent et littéralement, à la trappe. Dès lors, il faut partir du principe que l'inégalité raciale ne relève pas fondamentalement de comportements privés, mais bien plutôt des politiques et lois de nature discriminatoire, qui rendent impossible l'ascension sociale des personnes d'ascendance africaine. Compte tenu des fortes résistances institutionnelles au changement, il faut se pencher sur des solutions pratiques. Le Groupe de travail a ainsi proposé de réfléchir au concept d'«afrophobie» et d'envisager des mesures d'action positive, ou affirmative, pour venir à bout de la discrimination. Il sera ainsi possible de mettre en question les hiérarchies admises et d'envisager de nouvelles approches. S'imposeraient alors des mesures palliatives et redistributrices - instauration de quotas, fixation d'objectifs sélectifs en matière de logement, par exemple - permettant de remédier à la discrimination active dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine. Une telle démarche suppose un engagement sur une longue durée et systématique – d'où l'importance d'initiatives telles que la «Décennie des personnes d'ascendance africaine», a conclu Mme Najcevska.
M. PASTOR ELIAS MURILLO MARTINEZ, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a rappelé qu'à Durban était né, avec la notion de personnes d'ascendance africaine, un nouveau concept. Il a vu dans la proclamation de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine une preuve de la volonté de la Communauté internationale de faire avancer le processus de reconnaissance et de visibilité des diasporas africaines. Le processus est en cours et se manifeste sous diverses formes, comme la réforme constitutionnelle qui permet de reconnaitre la notion d'État pluriethnique et pluriculturel dans plusieurs pays d'Amérique latine, la reconnaissance dans certains cas de droits collectifs, la reconnaissance de droits de propriété sur les territoires ancestraux ou encore la formation de revendications collectives. Il a aussi «l'effet Obama».
Il n'en reste pas moins que de 10 à 60 millions de personnes ont été enlevées et victimes de la traite, a ajouté M. Murillo qui a rappelé que, pour chaque esclave qui a survécu à la traite, un autre mourait. Ces personnes ont subi l'horreur et le souvenir en reste dans leurs descendants. En outre, malgré leur contribution à l'économie mondiale et à celle de leur pays, beaucoup de personnes d'ascendance africaine souffrent de la pauvreté, souvent elle-même liée au racisme. Dans de nombreux pays, comme aux États-Unis, l'espérance de vie des personnes d'ascendance africaine est d'environ sept ans inférieure à la moyenne nationale et elles sont au contraire surreprésentées au n sein de la population carcérale. La barrière du racisme et de la discrimination raciale demeure, qui se manifeste dans la faible participation aux instances décisionnelles, le nombre limité des mesures législatives en faveur de ces populations, l'inégalité dans l'accès au travail ou encore dans une faible éducation qui reproduit la pauvreté d'une génération à l'autre. La proclamation de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine offre une occasion propice au dialogue politique et à la lutte contre les discriminations dont les personnes d'ascendance africaine restent l'objet, a estimé M. Murillo.
MME EPSY CAMPBELL, Présidente du Centre des femmes afro-costaricienne à San José, Costa Rica, a estimé que la conférence de Durban avait permis que la situation des personnes d'ascendance africaine soit connue du monde entier. Mais, a-t-elle ajouté, Durban reste lettre morte depuis des années et les personnes d'ascendance africaine et les autochtones restent victimes de discrimination. Les possibilités de participer activement aux organes décisionnels pour améliorer leur situation restent très faibles. Il est encore plus limité pour les femmes, a ajouté Mme Campbell, qui a indiqué qu'en 2008 seulement 10 femmes d'ascendance africaine étaient présentes au Congrès d'Amérique latine, représentant 80 millions de personnes. Ces femmes connaissent également des discriminations quant il s'agit de défendre leurs droits les plus élémentaires comme le droit à la terre, ou au crédit. Pour elles, la seule manière d'occuper un emploi est souvent de devenir domestique, sans parler du trafic et de l'exploitation sexuelle, a poursuivi Mme Campbell.
Cette situation s'explique par un racisme structurel, a encore lancé la présidente du centre des femmes afro-costaricienne, qui a en outre déploré le faible taux d'accès aux soins génésiques et les atteintes au droit des femmes de disposer de leur propre corps. Il y a beaucoup d'efforts à faire pour mettre un terme à ces statistiques désastreuses, a poursuivi Mme Campbell, qui a cependant reconnu que des efforts étaient faits par les pays d'Amérique latine. Mais ces efforts restent faibles, a-t-elle ajouté, avant de faire quelques propositions. Elle a ainsi plaidé pour l'élaboration d'une stratégie globale de lutte contre les discriminations qui accorde la priorité aux femmes et enfants d'ascendance africaine, et qui inclue la création d'un forum des personnes d'ascendance africaine au sein des Nations Unies et la création d'un fonds de soutien pour la mise en œuvre concrète de la Déclaration de Durban.
MME FLORENCE SIMBIRI JAOKO, Présidente de la Commission des droits de l'homme du Kenya, la colonisation de l'Afrique par l'Occident et le Moyen Orient et l'esclavage déterminent la perception de la discrimination raciale actuelle, tant par ses victimes que par ses auteurs. Les institutions nationales de droits de l'homme ont un rôle à jouer en contribuant à réparer les torts commis par le passé. Les lacunes des lois visant à réprimer les discriminations et les inégalités laissent penser que la tâche ne sera pas facile. La plupart des personnes d'origine africaine connaissent des obstacles importants dans l'accès aux services sociaux et sont davantage sujets à l'exploitation économique dans les pays d'accueil, notamment en Occident. En Afrique, nombre de personnes d'ascendance africaine continuent d'être victimes d'esclavage, par exemple en Mauritanie, au Darfour, de même qu'en Afrique du Nord. Certains instruments et mécanismes permettent de lutter avec efficacité contre la discrimination raciale, tel le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Mme Simbiri Jaoko a ensuite expliqué que le Kenya applique des mesures radicales de lutte contre la discrimination, notamment l'imposition de quotas dans la fonction publique et la promulgation de lois autorisant les mesures de «discrimination positive». Les États doivent, de manière générale, adopter des dispositifs destinés à réprimer les comportements discriminatoires, a-t-elle ajouté. Il faut enfin que les Africains puissent s'inspirer de modèles - tel que Nelson Mandela- aux niveaux national et international.
Débat interactif
Lors du débat qui a suivi ces présentations, nombre de délégations ont rappelé que le sort des personnes d'ascendance africaine avait été à l'origine de la Conférences mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban en 2001. Le représentant du Nigéria, au nom du Groupe africain, a rappelé que la Commission des droits de l'homme avait alors demandé que soit créé un mécanisme pour étudier la question des personnes d'ascendance africaine. Il s'est dit heureux de constater que l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine coïncide avec le dixième anniversaire de la Déclaration de Durban. Le représentant du Chili a estimé que le moment était venu d'examiner les progrès réalisés dans la lutte contre les discriminations raciales et a insisté sur la nécessité d'un engagement de la communauté internationale dans son ensemble pour lutter contre les discriminations, car les obstacles restent nombreux.
L'appréciation des progrès réalisés et des obstacles encore à surmonter a été plus ou moins sévère. Le représentant de Cuba a ainsi regretté que la communauté internationale n'ait pas respecté ses engagements dans ce domaine, ajoutant que le racisme et la xénophobie sont de plus en plus présents et qu'il existe toujours des partis politiques qui prônent de telles concepts. Il a estimé qu'il fallait éliminer les causes profondes du racisme et de la discrimination et promouvoir un nouvel ordre mondial plus juste. Au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, la délégation du Pakistan a elle aussi estimé que, malgré les promesses de Durban, les traitements inégaux et discriminatoires continuaient, notamment pour les personnes d'ascendance africaine qui ont émigré vers les pays occidentaux. Il a ajouté que l'islam proclamait l'égalité entre tous les êtres humains et la lutte contre la discrimination et l'esclavage et a assuré de la solidarité de l'Organisation de la Conférence islamique à la promotion de la cause des personnes d'ascendance africaine.
La représentante de l'Union européenne a pour sa part affirmé que l'Union avait toujours été attachée à lutte contre toute forme de racisme, de xénophobie et de discrimination raciale et avait toujours adopté des politiques et mesures fondées sur la non-discrimination et la protection des victimes des discriminations. Elle a précisé que tous ses États Membres étaient parties à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et estimé que le racisme et la xénophobie étaient des phénomènes qui touchent tous les pays et que chacun devait donc prendre des mesures.
Plusieurs délégations, à l'instar de Djibouti, ont insisté sur le devoir de mémoire, que l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine devrait permettre de renforcer. L'Année internationale est une occasion de célébration mais aussi de souvenir, a pour sa part déclaré le représentant du Brésil, pour qui le passé ne doit pas nous guider mais nous permettre de reconnaître les erreurs passées, afin de ne pas les reproduire.
Plusieurs délégations ont expliqué les mesures prises par leur pays pour faire mieux comprendre et reconnaître la participation des personnes d'ascendance africaine à l'histoire de leur pays. Le représentant du Pérou a ainsi rappelé que le Président Alan García avait il y a quelques mois demandé pardon au nom de l'État aux personnes d'ascendance africaine du pays pour les discriminations dont elles avaient été victimes dans l'histoire du pays. Il a également rappelé qu'il avait été décidé de créer un musée national afropéruvien qui rendra hommage au rôle des personnes d'ascendance africaine dans l'édification de la société péruvienne. La représentante du Panama a mentionné la création d'une Journée de l'ethnie noire et d'un conseil de l'ethnie noire.
Les délégations n'ont pas cherché à dissimuler les difficultés et les progrès encore à accomplir. Ainsi, le représentant du Brésil, tout en disant sa fierté pour son pays qui jouit aujourd'hui d'une société multiculturelle, pluriethnique, plurireligieuse et plurilinguistique, a noté que cela n'avait pas toujours été le cas et que, pendant longtemps, cette pluralité avait coïncidé avec de profondes inégalités et discriminations économiques et sociales. Pour illustrer le chemin encore à parcourir, il a fait observer qu'on voyait encore peu de diplomates brésiliens d'ascendance africaine alors que le Brésil est le pays du monde qui compte la plus forte communauté de personnes d'ascendance africaine.
Plusieurs autres délégations se sont attachées à décrire les mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'encontre de personnes d'ascendance africaine. Ainsi, la représentante de la Colombie a expliqué que le plan de développement national pour 2010-2014 prévoit des actions différenciées et des mesures de discrimination positive en faveur des personnes d'ascendance africaine, y compris des programmes d'allocation de bourses. Le représentant des États-Unis a mis l'accent sur la promotion par son pays des accords internationaux qui visent à promouvoir la participation et la contribution des personnes d'ascendance africaine et leurs droits. Ainsi, les États-Unis coopèrent avec le Brésil et la Colombie en faveur de plans d'action visant à assurer aux personnes d'ascendance africaine un meilleur accès à la justice, la santé ou l'éducation. Ils collaborent aussi avec l'UNESCO à la mise en place d'un programme scolaire de lutte contre le racisme et entendent organiser, le 14 mars, en collaboration avec l'Organisation des États américains, un forum régional sur les bonnes pratiques pour la promotion des personnes d'ascendance africaine dans l'hémisphère occidental.
Le représentant du Réseau des institutions nationales africaines de droits de l'homme a insisté sur cette nécessité pour les États d'identifier de manière adéquate les personnes concernées afin de prendre les mesures correctives indispensables à la rupture du cercle vicieux de la pauvreté et de la marginalisation sociale, notamment. La représentante du Panama a mentionné l'incorporation depuis l'an dernier dans les recensements de son pays d'une variable d'auto-identification ethnique, mais elle a reconnu que les indications statistiques stables faisaient encore défaut, ce qui nuit à la promotion des droits.
Enfin, l'organisation Nord Sud XXI a relevé l'importance de l'action positive, notamment l'octroi de mesures compensatoires aux personnes d'ascendance africaine victimes de discrimination. Les conséquences des discriminations antérieures, associées au changement climatique, ont des effets négatifs, voire mortels, pour ces personnes, a-t-il aussi été observé.
Observations des panélistes
MME NAJCEVSKA a estimé que la première mesure qui devrait être prise est la reconnaissance tout à fait spécifique de la discrimination frappant les personnes d'ascendance africaine. Il s'agit de créer un contexte favorisant la promotion de ces personnes grâce à des actions «affirmatives» en leur faveur, a-t-elle dit, avant d'estimer indispensable une politique de redistribution des ressources.
M. MURILLO a répondu à la question posée par le Pérou sur ce qu'il conviendrait de faire contre le racisme véhiculé par les médias, en estimant qu'il conviendrait de lancer des campagnes de sensibilisation. Quant à la préoccupation exprimée par le Panama, sur les bonnes pratiques, il faut continuer à avancer, reconnaître l'existence du problème, le racisme étant un phénomène qui n'est pas toujours facile à saisir, a-t-il dit.
MME CAMPBELL a déclaré qu'il convient avant tout d'éliminer, par la voie juridique, tous les partis ou organisations qui incitent à la discrimination contre les personnes d'ascendance africaine. Il ne s'agit pas là d'une question de respect ou de modalités de coexistence, mais bien de strict respect de la loi. Des mesures doivent aussi être prises pour éliminer la propagande raciste dans les médias, voire la publicité raciste. Des mécanismes spécifiques de plainte pourraient être introduits, également par la voie judiciaire. Les mesures de lutte contre la discrimination raciale présentées par le Panama présentent des caractéristiques utiles, a dit Mme Campbell, notamment en ce qu'elles permettent à des groupes spécifiques, historiquement défavorisés, de faire valoir leurs droits.
MME SIMBIRI JAOKO a observé que la signature par le Kenya des traités internationaux oblige le pays à garantir que les partis politiques ne représentent pas un groupe ethnique exclusivement. Mme Jaoko a également mis en garde contre les abus commis par et dans la presse. Il faut faire un travail de sensibilisation auprès des journalistes, pour leur faire prendre conscience de l'importance de leurs méthodes de présentation des personnes et des situations, en vue d'éviter les discours haineux.
Suite du débat
Haïti a rappelé le rôle fondamental de son pays dans la prise de conscience de la discrimination contre les personnes d'ascendance africaine, au niveau onusien notamment. Malheureusement, malgré toutes les mesures prises, certains continuent d'être victimes de discriminations et les bonnes intentions doivent dépasser le stade des mots. La pleine jouissance de leurs droits par les personnes d'ascendance africaine ne sera pas assurée par le seul martèlement de slogans creux, a ajouté la délégation.
Le représentant du Maroc a déploré qu'une communauté entière demeure marginalisée de par la couleur de peau. La communauté internationale se doit de promouvoir les droits des personnes d'ascendance africaine, a déclaré le représentant, ajoutant que la crise a aggravé les choses. Il a souligné que l'Année internationale 2011 permettait d'améliorer la prise de conscience du problème et d'aller de l'avant en ce sens.
La délégation du Honduras a évoqué la minorité afrohondurienne, indiquant qu'un programme spécifique en sa faveur avait été mis en place, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Il convient toutefois de faire plus, a-t-elle reconnu, et la communauté internationale doit renforcer ses efforts.
La représentante de l'Algérie a estimé que le débat du jour était la «première manifestation de substance» de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Le Conseil «se trouve au centre de la problématique de la reconnaissance des injustices subies»; «il lui appartient de veiller au rétablissement de la justice» en contribuant à la suppression de tous les obstacles à la jouissance des droits des personnes d'ascendance africaine en premier lieu celui de ne pas faire l'objet de discrimination. «Dès lors qu'elles demeurent attachées à la préservation de leur héritage culturel, cet attachement est diabolisé, même en Europe où il est qualifié du terme péjoratif de 'communautarisme' et exploité à des fins démagogiques et populistes», a-t-elle déploré.
Le représentant du Portugal s'est félicité de la visite prévue du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine dans son pays, rappelant l'attachement du Portugal à la lutte contre la discrimination raciale. Une institution nationale a été créée pour lutter contre ce phénomène. Le Portugal est fier des contributions que lui apportent les peuples d'ascendance africaine qui s'inscrivent dans le patrimoine national.
La délégation du Mexique a indiqué qu'un organe public avait été créé sur son territoire, le Conseil national de lutte contre la discrimination, afin de promouvoir l'inclusion sociale et le droit à l'égalité des personnes d'ascendance africaine. Celles-ci se sentent isolées et pensent ne pas avoir accès aux services publics, a-t-il reconnu, soulignant la volonté de son pays à encourager la participation de ces personnes à la vie publique.
L'Afrique du Sud s'est félicitée des thèmes de cette Année internationale, à savoir la reconnaissance, la justice et le développement. Son représentant a émis l'espoir que l'on redoublera d'efforts en faveur des personnes d'ascendance africaine. Il a exhorté la communauté internationale à «se réengager» en leur faveur. Une conférence sur les problèmes de la diaspora sera organisée prochainement par l'Afrique du Sud de concert avec l'Union africaine. Le représentant a relevé que le racisme était souvent une question négligée. Il a demandé aux experts ce qu'ils aimeraient voir figurer dans le bilan, dix après la Déclaration de Durban.
Quant au Costa Rica, il s'efforce d'intégrer les personnes d'ascendance africaine, a indiqué son représentant, en assurant la promotion de la diversité et de la culture de ces populations. Il a énuméré les initiatives prises par son pays à cet égard.
Le représentant de la République du Congo a souligné que l'égalité des chances demeurait un leurre pour nombre d'émigrés africains, sans parler des nombreuses discriminations à l'embauche ou au logement. Il a appelé tous les États à demeurer vigilants face à cette question.
Le représentant de l'Espagne a souligné que c'était en mettant l'accent sur les droits qu'il convenait d'aborder les problématiques de développement. Il a indiqué que son pays avait apporté un appui humanitaire en s'appuyant sur des organismes multilatéraux et bilatéraux.
La Chine a émis l'espoir que les activités de cette Année internationale permettraient d'accélérer le processus de promotion des personnes d'ascendance africaine.
La délégation de la Mauritanie a regretté que la représentante de la Commission des droits de l'homme du Kenya ait cité son pays comme un cas de discrimination raciale. Évoquant les événements de 1989 ayant entraîné les déplacements de populations négro-mauritaniennes, il a rappelé qu'un accord avait pu permettre leur retour au pays. Aujourd'hui, toutes les communautés du pays jouissent de droits égaux, a-t-il assuré. Il a indiqué que sa délégation apporterait des précisions complémentaires le 18 mars lors de l'examen périodique final de son pays.
Une représentante de la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme a félicité le Honduras pour sa politique de promotion des personnes d'ascendance africaine. Celles-ci se sont mêlées aux populations autochtones et elles luttent ensemble pour faire valoir leurs droits, a-t-elle précisé. Il convient de ne pas oublier ce qui s'est passé en 1492 et pendant toute la conquête espagnole, a-t-elle conclu.
Conclusions des panélistes
Pour MME NAJCEVSKA, il faudra d'abord reconnaître l'existence physique des personnes d'ascendance africaine, puis procéder à un recensement des discriminations concrètes dont elles sont victimes. Les discriminations envers les personnes d'ascendance africaine basées sur l'esclavage ont en réalité des répercussions sur tous les Africains.
M. MURILLO a souligné qu'Haïti, qui était à l'origine le symbole de l'indépendance des Africains, est aujourd'hui assimilé aux catastrophes naturelles. Il conviendrait que le Haut Commissariat fasse des efforts pour donner une image plus concrète des problèmes que rencontre ce pays et de la manière d'y remédier. L'expert a également observé que le suivi des objectifs du Millénaire pour le développement est un thème qui nécessite l'engagement de tous les États en faveur des personnes d'ascendance africaine, soulignant que les statistiques globales fournies dans ce cadre masquent les difficultés spécifiques auxquelles ces personnes sont confrontées.
MME CAMPBELL a déclaré que cette Année des personnes d'ascendance africaine doit être marquée par l'action, telle que définie par les Déclaration et Plan d'action de Durban. En outre, les dix prochaines années devront être consacrées à un examen minutieux des mesures prises en faveur des personnes d'ascendance africaine, qui ont particulièrement besoin de bénéficier de la solidarité de la communauté internationale. Mme Campbell a préconisé la création d'un «indice de l'égalité raciale», sur le modèle d'outils similaires adoptés relativement à l'égalité entre les sexes, qui s'accompagnerait de la mise sur pied d'un fonds mondial destiné à financer les mesures favorables à l'égalité raciale.
MME SIMBIRI JAOKO a espéré que son pays, le Kenya, sera en mesure, comme la Mauritanie, de dire un jour qu'il a résolu tous ses problèmes relatifs à l'inégalité raciale. En fin de compte, la réussite dans ce domaine se mesurera au nombre des citoyens qui jouiront effectivement des droits défendus par les institutions nationales de droits de l'homme.
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HRC11/013F