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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND LES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES RUSSE, IRANIEN, MOLDOVE, AUSTRALIEN, SLOVÈNE, THAÏLANDAIS, CUBAIN ET BANGLADAIS

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu ce matin les Ministres des affaires étrangères de huit pays et un Vice-Ministre des affaires étrangères. Il s'agit de M. Sergey Lavrov, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie; de M. Ali Akbar Salehi, Ministre des affaires étrangères de la République islamique d'Iran; de M. Iurie Leanca, Ministre des affaires étrangères et de l'intégration européenne de la République de Moldova; de M. Kevin Rudd, Ministre des affaires étrangères de l'Australie; de M. Samuel Žbogar, Ministre des affaires étrangères de la Slovénie; de M. Kasit Piromya, Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande; de M. Bruno Rodríguez Parrilla, Ministre des relations extérieures de Cuba; de Mme Dipu Moni, Ministre des affaires étrangères du Bangladesh; et de M. Min Dong-Seok, Vice-Ministre des affaires étrangères et du commerce de la République de Corée.

Les Ministres se sont félicités du climat international actuel et des progrès en faveur du désarmement, à l'image de M. Lavrov qui a parlé de «tendances saines». La conclusion réussie de la Conférence d'examen de 2010 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ainsi que la conclusion du nouveau traité américano-russe START ont été le plus souvent citées, mais aussi l'entrée en application de la Convention sur les armes à sous-munitions.

Les Ministres ont en revanche tous regretté l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement. M. Leanca a estimé que la participation croissante de Ministres des affaires étrangères aux délibérations de la Conférence reflétait à la fois le soutien politique constant à cette institution et un sentiment croissant de frustration face du fait qu'elle n'est pas utilisée comme elle pourrait l'être, et ce depuis déjà des années. M. Rudd a estimé que la Conférence se trouvait dans une situation similaire à celle de la Conférence sur la réduction des armements de la Société des Nations en 1937: soit elle reprenait le travail, soit elle était balayée par l'Histoire. M. Leanca a estimé que la Conférence devait rester l'organe multilatéral central pour négocier des accords internationaux dans le domaine du désarmement. M. Lavrov a quant à lui appelé à ne pas chercher de «solutions faciles» en lançant des forums parallèles sur le désarmement. C'est au sein de la Conférence du désarmement qu'il faut agir et non en dehors, a-t-il affirmé, en rejetant par ailleurs tout renoncement à la règle du consensus, dans lequel il a vu un principe fondamental en matière de désarmement.

Plusieurs des Ministres ont rappelé la réunion de haut niveau sur le désarmement qui s'est tenue à New York en septembre dernier, marquée par une volonté affichée de relancer la Conférence du désarmement. M. Žbogar a souhaité que cette réunion fasse l'objet d'un suivi concret par la Première Commission lors de la prochaine session de l'Assemblée générale et a estimé que cette mesure était compatible avec le souhait exprimé par plusieurs pays de convoquer une quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement. M. Piromya a souhaité un élargissement de la Conférence du désarmement et la nomination d'un coordinateur spécial en ce sens, tout en affirmant que cette demande ne devait pas être interprétée comme un détournement des travaux de fond de la Conférence, qui peuvent parfaitement se dérouler parallèlement à cette question de l'élargissement.

De nombreuses idées ont été avancées pour lutter contre l'impasse actuelle, a résumé M. Min, pour qui le projet de traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires est actuellement «le mieux décanté». M. Rudd a pour sa part rappelé que la négociation sur ce traité était la priorité absolue de l'Australie à la Conférence. M. Min a estimé que la négociation de ce traité produirait un élan qui permettrait d'aborder d'autres questions essentielles à l'ordre du jour de la Conférence, comme le désarmement nucléaire général, les armes dans l'espace extra-atmosphérique ou encore les garanties négatives de sécurité.

Mme Moni a insisté sur ces garanties négatives de sécurité, ajoutant que les États non nucléaires avaient le droit d'en bénéficier en attendant un désarmement nucléaire général. M. Lavrov a quant à lui mis l'accent sur la question de la militarisation de l'espace extra-atmosphérique et a demandé qu'on étudie au plus vite la proposition présentée en 2008 par son pays et la Chine, afin d'éviter une nouvelle course aux armements dans l'espace, qu'il a comparée à la course aux armements atomiques que l'on commence à peine à dépasser.

MM. Salehi et Rodríguez Parrilla ont tous deux rappelé la proposition du Mouvement des pays non alignés tendant à détruire l'ensemble des armes nucléaires d'ici à 2025. M. Rodríguez Parilla a par ailleurs regretté que, vingt ans après la fin de la guerre froide, il existe encore des alliances militaires qui reposent sur la notion de «parapluie nucléaire» et des armes nucléaires stockées dans des pays non nucléaires.

En fin de séance, le représentant de la République populaire démocratique de Corée a pris la parole pour répondre aux propos du Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée.


La Conférence du désarmement doit entendre cet après-midi, à 15 heures, de hauts dignitaires de la Roumanie, du Japon et de l'Albanie.


Déclarations

M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, s'est félicité du climat de compréhension qu'il a jugé fructueux dans les relations euro-atlantiques, parlant de «tendances saines» que l'on trouve aussi dans le domaine du désarmement et du contrôle des armements. Il a cité en ce sens la conclusion réussie de la conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ainsi que la conclusion du nouveau traité américano-russe START. Présentant START comme une contribution de la Russie au désarmement, M. Lavrov a ajouté que les réductions d'armement prévues par le traité seront irréversibles et se feront de manière stable et transparente, sur une base d'égalité. Il faudra ensuite évaluer l'efficacité et la viabilité du nouveau traité, au fur et à mesure de sa mise en œuvre, a déclaré M. Lavrov, pour qui cela amènera à un stade où il faudra s'attaquer à toute une série de questions concrètes. S'il est évident que Moscou et Washington ont toujours les plus importants arsenaux nucléaires, nous ne vivons pas dans un vide et il devient de plus en plus nécessaire d'impliquer l'ensemble des États nucléaires dans le processus de réduction des arsenaux.

La position de la Russie répond au principe-clef de «la sécurité dans l'indivisibilité», tenant compte d'éléments tels que le déploiement de boucliers antimissiles, la présence d'armes dans l'espace extra-atmosphérique ou encore les armes classiques, a poursuivi M. Lavrov. Il a estimé qu'un premier pas vers un désarmement plus poussé serait de retirer les armes nucléaires tactiques des territoires étrangers où elles ont déployées. En outre, a fait observer le Ministre, il existe d'autres questions prioritaires, comme la question de l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Il a lancé en ce sens un appel aux États concernés qui n'y ont pas encore adhéré, ajoutant que les moratoires unilatéraux, certes, utiles, ne peuvent remplacer l'application du traité. Il est important que les parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires respectent scrupuleusement les mesures de vérification par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a rappelé M. Lavrov. Concernant l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, il s'est prononcé en faveur de discussions multilatérales sur le cycle du combustible nucléaire, ajoutant que l'accès de tous à l'énergie nucléaire pacifique devait se faire dans le respect scrupuleux de la non-prolifération. Il a rappelé la création en Russie d'un centre international de production d'uranium faiblement enrichi sous l'égide de l'AIEA.

Rappelant la participation active de la Fédération de Russie à la réunion du haut niveau de New York sur le désarmement tenue en septembre dernier, le Ministre a regretté que la Conférence du désarmement reste bloquée. Mais il a exclu tout appui de la Russie aux projets tendant à renoncer à la règle du consensus, dans lequel il a vu un principe fondamental en matière de désarmement, tout en ajoutant qu'il ne fallait toutefois pas abuser de cette règle et en faire un droit de véto. M. Lavrov a appelé à ne pas chercher de «solutions faciles» en lançant des forums parallèles sur le désarmement. C'est au sein de la Conférence du désarmement qu'il faut agir et non en dehors, a-t-il affirmé.

M. Lavrov a estimé que ce serait une erreur de ne pas s'inquiéter des risques d'une militarisation de l'espace. Il a rappelé la présentation en 2008 d'une initiative russo-chinoise de traité concernant le placement d'armes dans l'espace extra atmosphérique et a demandé qu'on étudie au plus vite cette proposition, afin d'éviter une nouvelle courses aux armements, qu'il comparée à la «chimère du monopole nucléaire» qui a entraîné une course aux armements atomiques que l'on commence à peine à dépasser. Il a expliqué que le projet porte sur des mesures de transparence et de confiance dans l'espace, et pourrait être le premier pas vers la négociation d'un instrument international juridiquement contraignant.

La Conférence du désarmement a un palmarès impressionnant et notre tâche est de renforcer sa viabilité, a encore déclaré le Ministre russe des affaires étrangères, pour qui il nécessaire d'avoir une vision polycentrique du monde. La Fédération de Russie est prête à s'atteler à cette tâche, a conclu M. Lavrov.

M. ALI AKBAR SALEHI, Ministre des affaires étrangères de la République islamique d'Iran, a dénoncé la «poussée de maladie infectieuse» que représente la pauvreté dans le monde, contre laquelle tous les pays doivent agir de concert. Or, dans des situations d'insécurité, il est très difficile, voire impossible, pour des États comme pour des organisations internationales de poursuivre leurs objectifs sociaux et culturels. La sécurité et un préalable à la prospérité de toutes les nations, a ajouté M. Salehi, qui a ensuite développé la notion de «sécurité durable», non discriminatoire et fondée sur une perception réaliste des menaces, sans créer des conflits artificiels. Dans un tel système, aucun groupe de pays ne peut assurer sa sécurité en menaçant celle des autres, a affirmé le Ministre, qui a ajouté qu'il fallait, pour parvenir à une telle sécurité durable, manifester de la volonté politique et mettre en place les institution et mécanismes nécessaires.

M. Salehi a dénoncé comme principale menace à la sécurité internationale la présence des milliers d'armes nucléaires, ajoutant que le recours à de telles armes constituerait un crime contre l'humanité. La communauté internationale doit donc agir pour se débarrasser une fois pour toute des armes de destruction massive. Ainsi, la République islamique d'Iran estime que la destruction des armes chimiques est essentielle pour la crédibilité de la Convention sur les armes chimiques. Or, les deux principaux détenteurs ont récemment annoncé qu'ils ne parviendraient pas à détruire l'ensemble des leurs stocks d'armes chimiques, avant la date butoir de 2012, déjà repoussée. Nous n'avons pas progressé dans le désarmement nucléaire et, partout dans le monde, les budgets militaires augmentent, a affirmé M. Salehi, pour qui l'apparition de nouvelles doctrines, dont certaines n'excluent pas le recours à des armes nucléaires contre des États non nucléaires, risque de rendre le monde encore moins sûr. Il a rappelé que l'avis consultatif de la Cour internationale de justice incite les États à négocier de bonne fois un désarmement nucléaire. Le Ministre a rappelé la proposition du Mouvement des pays non alignés tendant à détruire l'ensemble des armes nucléaires d'ici à 2025, avant de regretter que, vingt ans après la fin de la guerre froide, il existe encore des alliances militaires qui reposent sur la notion de «parapluie nucléaire» et des armes nucléaires stockées dans des pays non nucléaires. Il a proposé un traité visant à interdire l'emploi des armes nucléaires, à supprimer le recours à l'arme nucléaire de toutes les doctrines de défense, l'interdiction de la production de matière fissiles à des fins militaires, la déclaration et la suppression de tous les stocks de matériaux fissiles pouvant permettre la fabrication d'armes atomiques, enfin la mise en place d'un échéancier pour la destruction de toutes les armes nucléaires.

Le Ministre iranien a ensuite dénoncé l'insécurité au Moyen Orient, qu'il a attribuée à la possession de l'arme nucléaire par «le régime sioniste» et à la politique d'oppression de celui- ci. Il a rappelé que la République islamique d'Iran avait proposé depuis longtemps une zone dénucléarisée au Moyen Orient, en rejetant la responsabilité de son échec sur le «régime sioniste» accusé de refuser d'adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et de rejeter tout contrôle international. Il a également regretté l'appui que ce régime reçoit de certains États nucléaires.

M. Salehi a exprimé des préoccupations face aux risques de militarisation de l'espace et a invité à ne pas répéter à propos de l'espace les mêmes erreurs que lors de la course aux armements nucléaires. Les trois piliers du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ne devraient pas être ramenés à un seul, celui de la non-prolifération, a poursuivi le Ministre, qui a dénoncé une «nouvelle aristocratie» fondées sur une division intolérable entre eux qui possèdent l'arme nucléaire et ceux qui ne la possèdent pas. Il a demandé que chaque État puisse se doter de l'énergie nucléaire, jugeant par ailleurs illusoire tout idée de monopole de la connaissance en matière d'énergie nucléaire. La République islamique d'Iran est prête à procéder à des négociations constructives permettant la mise ne œuvre de tels principes, a conclu M. Salehi.

M. IURIE LEANCA, Vice-Premier Ministre, Ministre des affaires étrangères et Ministre de l'intégration européenne de la République de Moldova, a estimé que la participation croissante de Ministre des affaires étrangères aux délibérations de la Conférence du désarmement reflétait à la fois le soutien politique constant à cette institution et un sentiment croissant de frustration face du fait qu'elle n'est pas utilisée comme il pourrait l'être, et ce depuis déjà des années. Face à un monde changeant, nous ne pouvons plus nous permettre de rester inertes et de simplement assister à l'évolution des menaces à la sécurité internationale. Il faut être honnête: nous sommes déjà en retard sur les événements. Certaines questions de désarmement attendent depuis le siècle dernier d'être traitées par la Conférence du désarmement. Notre alternative consiste à simplement attendre en espérant que les menaces seront elles aussi patientes, ou prendre des décisions concrètes pour préserver l'humanité du désastre d'un régime des armes sans contrôle. La République de Moldova partage également la préoccupation d'une possible perte du seul organe internationale chargé de donner naissance à des traités en matière de sécurité et de désarmement. Citant la Convention sur les mines antipersonnel et la récente Convention sur les armes à sous-munitions, M. Leanca a rappelé que des traités très nécessaires et efficaces avaient pu être élaborés et conclus en-dehors de la Conférence du désarmement. Pourtant, il a estimé que la Conférence du désarmement devait rester l'organe multilatéral central pour négocier de tels accords internationaux.

Rappelant la participation de son pays à tous les grands traités de désarmement internationaux, le Ministre a insisté sur la nécessité d'un contrôle efficace et transparent du potentiel militaire de l'État autoproclamé de Transdniestrie, qu'il a présenté comme un grave sujet de préoccupation pour la République de Moldova. Il a aussi rappelé l'attachement inconditionnel de son pays à une solution durable, globale et pacifique au conflit de cette région.

M. Leanca a estimé que, dans cette période de blocage au sein de la Conférence du désarmement, c'est de mesures de confiance que la Conférence a le plus besoin. S'étonnant qu'en dehors des quatre questions centrales en débat, il n'y ait pas au sien des membres de la Conférence du désarmement pour d'autres sujets, comme celui des armements conventionnels, il a proposé que la Conférence reprenne au plu vite ses travaux sur ces questions non essentielles, tut en poursuivant les négociations sur les questions essentielles. Il a en outre estimé qu'il n'y avait pas d'arguments valables pour continuer de reporter le début de négociation sur le traité d'interdiction de la production de matières fissiles sur la base du «mandat de Shannon» et qu'il fallait au plus vite avancer sur la question de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique et sur les garanties négatives de sécurité.

M. KEVIN RUDD, Ministre des affaires étrangères de l'Australie, a estimé que la Conférence du désarmement se trouvait dans une situation similaire à celle de la Conférence sur la réduction des armements de la Société des Nations en 1937: soit elle reprendrait le travail, soit elle serait balayée par l'Histoire. Les récentes avancées en matière de désarment nucléaire offrent une occasion unique de transformer en réalité notre objectif commun d'un monde libéré des armes nucléaires. L'Australie veut voir la Conférence du désarmement travailler de nouveau et négocier des traités de désarmement multilatéraux. À ce stade, l'Australie éprouve un sentiment de frustration face à la Conférence, mais elle reste engagée en faveur de solutions, a ajouté le Ministre.

L'engagement de l'Australie en faveur de la Conférence du désarmement concerne l'ensemble des questions essentielles, a déclaré M. Rudd, qui s'est dit fier de l'engagement fort de son pays en faveur du désarmement et de la non-prolifération et a ajout que l'Australie considère le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires comme la pièce centrale du dispositif de non-prolifération. L'Australie appuie également le principe des garanties de sécurité négatives et se félicite de l'adoption de garanties plus fermes présentant moins de lacunes par les États nucléaires. Enfin, l'Australie reconnaît que l'espace présente des défis partagés aussi bien que des opportunités: il joue désormais un rôle essentiel dans l'économie et la sécurité internationales. L'Australie appuie une approche fondée sur des règles qui permettent de protéger chacun et de profiter à tous.

M. Rudd a déclaré que, pour son pays, les négociations sur le traité d'interdiction de la production de matières fissiles représentaient la priorité. L'arrêt de la production de matières fissiles permettant de fabriquer des armes nucléaires est essentiel au désarment nucléaire car il permettrait de limiter la quantité de matériaux disponibles pour la fabrication de bombes. En outre, ce traité renforcerait les contrôles sur les matériaux fissiles et viendrait compléter le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, qui permet d'entraver la production d'armes nucléaires en interdisant les essais; le traité sur les matières fissiles imposerait une quantité maximale de matériaux disponibles pour les fabriquer. Ce traité ne serait pas une fin en elle-même, mais un moyen en vue d'une autre fin, plus ambitieuse: un monde libéré des armes nucléaires. Les divergences d'opinion au sein de la Conférence du désarmement ne doivent pas empêcher les négociations de commencer, elles seront le point à négocier.

Pour M. Rudd, la «fenêtre d'opportunité» permettant de profiter de la bonne volonté des États sur le désarmement nucléaire et les activités de non-prolifération n'est pas très grande et les difficultés ne pourront être surmontées ni rapidement ni facilement. Il faudra un engagement résolu de tous les États-membres, mais l'Australie se veut optimiste: «Ne négocions jamais sous l'emprise de la peur mais n'ayons jamais peur de négocier», a conclu le Ministre australien.

M. SAMUEL ŽBOGAR, Ministre des affaires étrangères de la Slovénie, a fait observer que l'impasse dans laquelle se trouve actuellement la Conférence du désarmement ne contribue pas au renforcement de la paix et de la sécurité internationales, qui est l'objectif premier des Nations Unies. C'est pourquoi il faut espérer que le suivi de la réunion de haut niveau sur l désarmement tenue en septembre denier à New York permettra à la communauté internationale d'avancer, a ajouté le Ministre, qui a souhaité que cette initiative fasse l'objet d'un suivi concret par la Première Commission lors de la prochaine session de la prochaine session de l'Assemblée générale. Il a estimé que cette mesure était compatible avec le souhait exprimé par plusieurs pays de convoquer une Ive session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le désarmement.

M. Žbogar s'est félicité du regain d'élan en matière de désarmement et de non- prolifération dans le monde, marqué par le succès de la conférence de d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et la conclusion du nouveau traité START. Il s'est également réjoui qu'un accord ait été trouvé sur les moyens de suivre la mise en œuvre de la résolution adoptée en 1995 par la conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires sur la création d'une zone exempte d'armes nucléaire au Moyen Orient, ainsi que de l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes à sous-munitions. Il a rappelé que la Slovénie avait été l'un des premiers États à avoir ratifié cette Convention.

De tels succès montrent qu'avec une volonté politique suffisante, on peut d'adapter à un environnement politique en constant changement, a déclaré le Ministre. M. Žbogar a ensuite souligné les notions de sécurité humaine, de réhabilitation post-conflit et de développement dans le domaine du désarmement. Ce sont des valeurs et des objectifs importants pour la Slovénie, qui sont également au programme de sa candidature à un poste de membre non permanent du Conseil de sécurité pour 2012-2013.

M. Žbogar a répété que, pour la Slovénie, le programme de travail adopté en 2009 par la Conférence du désarmement représentait une base de travail crédible pour l'avenir et a estimé que les négociations sur un futur traité relatif à l'interdiction de la production des matières fissiles devraient commencer au plus vite, de même que les négociations sur les trois autres principaux points à l'ordre du jour de la Conférence. Il s'est félicité dans ce contexte des efforts de certains membres pour lancer des discussions préliminaires informelles. Le Ministre a également estimé qu'il faudrait accorder plus d'attention à la question de l'élargissement de la Conférence, lequel pourrait s'inscrire dans le processus de relance et contribuer à réanimer «l'esprit de Genève»

M. KASIT PIROMYA, Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, a insisté sur la nécessité d'une volonté politique pour parvenir au désarmement, qui n'est lui-même qu'un moyen de rendre le monde plus sûr, et non une fin en soi. Cette volonté politique doit s'accompagner d'une prise de conscience et de la promotion du dialogue. La Conférence du désarmement a été créée pour faire progresser le désarmement et il est regrettable que ces grandes réalisations soient désormais éloignées dans le temps, a déclaré le Ministre, pour qui il ne faut pas poursuivre dans l'impasse actuelle, mais au contraire réveiller la Conférence.

Rappelant sa participation, au nom des pays observateurs à la Conférence du désarmement, à la réunion de haut niveau sur le désarmement tenue à New York en septembre dernier, M. Piromya a précisé que les États membres avaient alors affirmé leur volonté politique de relancer la Conférence, et il a invité cette dernière à s'inspirer de conclusions de la réunion de New York. L'impasse apparente va à l'encontre des progrès et à l'esprit qui règne par ailleurs, a-t-il fait observer, en faisant référence à l'entrée en vigueur du nouveau traité START. Les membres de la Conférence du désarmement doivent donc reprendre les travaux de fond, comme le lui demande la première Commission de l'Assemblée générale, et ce, sur un pied d'égalité.

La communauté mondiale rêve depuis longtemps d'un désarment nucléaire mondial, a déclaré le Ministre, qui a rappelé que la Thaïlande était un petit pays qui souhaitait contribuer à la création d'un monde plus sûr. Il s'est réjoui que la société civile puisse dans l'avenir participer plus activement aux travaux de la Conférence. Il a rappelé que le groupe informel d'observateurs à la Conférence du désarmement formé l'an dernier comprenait des États de diverses régions du monde et a souhaité que les États non actuellement membres de la Conférence soient davantage consultés. Il a également souhaité un élargissement de la Conférence du désarmement et la nomination d'un coordinateur spécial en ce sens, tout en affirmant que cette demande ne devait pas être interprétée comme un détournement des travaux de fond de la conférence, qui peuvent parfaitement se dérouler parallèlement à cette question de l'élargissement.

M. BRUNO RODRÍGUEZ PARRILLA, Ministre des relations extérieures de Cuba, a préconisé un désarmement général et complet, et pas seulement nucléaire, placé sous contrôle international. Il a dénoncé le comportement des États nucléaires comme celui d'un «club de privilégiés» qui tentent d'empêcher l'accès légitime de tous les États à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Il a rappelé que la Conférence du désarmement avait reçu mandant de négocier des accords de désarmement et a estimé qu'elle n'avait pas respecté son mandat. Il a engagé les États-Unis à cesser de s'opposer à la négociation d'accords contraignants de désarmement nucléaire, et a rappelé que son pays avait présenté un plan concret visant à une élimination progressive des armes nucléaires de manière vérifiable d'ici à 2025. Il faut aussi créer des zones exemptes d'armes nucléaires et notamment au Moyen Orient, a déclaré le Ministre, qui a dénoncé le comportement d'Israël, seul État nucléaire de la région.

M. Rodríguez Parrilla a souhaité la négociation d'un traité relatif à la production de matières fissiles. Pour le Ministre, ce qui manque à la Conférence du désarmement, c'est la volonté politique. Il a estimé que la négociation d'un traité sur la production de matières fissiles représenterait un pas en avant, mais serait néanmoins insuffisante. Ce qu'il faut, c'est un désarmement général, a-t-il répété. Celui-ci permettrait aussi de libérer des ressources pour lutter contre la pauvreté, la faim ou les maladies, et en faveur de l'éducation. Nous avons le devoir de mettre en place un nouvel ordre mondial fondé sur la solidarité et la justice, a déclaré le Ministre, qui a conclu en affirmant que Cuba, qui assumera la présidence de la Conférence dans le courant de cette année, agira alors dans cet esprit.

MME DIPU MONI, Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, a rappelé qu'elle s'était adressé à la Conférence du désarmement il y a un an, à un moment où on espérait que la Conférence pourrait reprendre rapidement es travaux, ce qui n'a hélas, pas été le cas. Nous ne cessons de parler mais nous n'agissons toujours pas, a déclaré la Ministre. Cela ne signifie pas que le désarmement ne progresse pas en dehors de la Conférence, a-t-elle ajouté, mais elle a souhaité que la réunion de haut niveau de New York de septembre dernier permette de remettre la Conférence du désarmement sur les rails. Se réjouissant de la conclusion du nouveau traité START, la Ministre a estimé que les deux grands États nucléaires devraient aller encore plus loin et a estimé que la récente «posture nucléaire» annoncée par les États-Unis , visant à exclure du risque de représailles nucléaires les pays non nucléaires qui respectent le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires , allaient dans le bon sens.

Le Bangladesh accorde une grande priorité aux garanties de sécurité négatives, a ajouté Mme Moni, qui a estimé que les États non nucléaires aient le droit de bénéficier de telles garanties en attendant un désarmement nucléaire général. Elle a souhaité que la Conférence du désarmement s'attelle très rapidement à un tel traité. Pour Mme Moni, la Conférence du désarmement reste la tribune appropriée pour traiter des questions de désarmement. Elle a estimé que l'espace extra atmosphérique devait rester exempt d'armes et a souhaité la multiplication des zones régionales exemptes d'armes nucléaires, tout en reconnaissant que c'était peu probable en Asie du Sud. Il faut éviter de détourner vers les armements des ressources qui pourraient être utilisées pour réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement, a affirmé la Ministre.

La Ministre bangladaise a souhaité que les discussions à la Conférence du désarmement soient structurées autour des quatre éléments de base. L'engagement au niveau politique devrait être renforcé, car les discussions techniques ne permettront pas d'aller plus loin. Enfin, Mme Moni a souhaité que le Secrétaire général des Nations unies poursuive ses efforts pour créer un environnement favorable et faciliter la conclusion d'un consensus à Genève.

M. MIN DONG-SEOK, Vice-Ministre des affaires étrangères et du commerce de la République de Corée, a affirmé que son pays était un «partisan ardent» du désarmement et de la non-prolifération. Ces derniers ont réalisé d'importants progrès durant les dernières années, a-t-il estimé, en citant le nouveau traité START américano-russe t le succès en 2010 de la conférence de réexamen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Il a rappelé que la République de Corée accueillerait en 2012 le prochain Sommet sur la sécurité nucléaire. En tant qu'État non nucléaire, avec un programme nucléaire civil actif pleinement conforme aux traités internationaux, la République de Corée contribue à la non-prolifération nucléaire, a affirmé M. Min.

Le Vice-Ministre a regretté la stagnation de la Conférence du désarmement depuis plus de dix ans. Il est évident que la patience de la communauté internationale s'amenuise. Il faut relancer effectivement la Conférence, qui doit adopter un programme de travail et entamer cette année des discussions de fond, sur la base du programme de travail adopté en 2009. De nombreuses idées ont été avancées pour lutter contre l'impasse actuelle, a relevé le Vice-Ministre, qui a estimé que le projet de traité d'interdiction des matières fissiles était «le mieux décanté» et que sa négociation serait donc la prochaine étape logique vers un monde sans armes nucléaires. Le futur traité d'interdiction de la production de matières fissiles et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires revêtent un caractère essentiel, a affirmé M. Min, pour qui l'élan que donnerait le début d'une négociation sur le traité sur les matières fissiles permettrait d'aborder d'autres questions comme le désarmement nucléaire général, les armes dans l'espace extra atmosphérique ou encore les garanties négatives de sécurité.

Le Vice-Ministre de la République de Corée a en outre dénoncé les violations flagrantes des traités internationaux et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies par la République populaire démocratique de Corée. Il a insisté sur l'engagement de son pays et son strict respect des résolutions du Conseil de sécurité, et a demandé instamment à la République populaire démocratique de Corée de respecter ses obligations et engagements internationaux.

Droit de réponse

M. SO SE PYONG (République populaire démocratique de Corée) a pris la parole pour «rejeter catégoriquement les allégations» du Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée. La Corée du Sud sait parfaitement en quoi consiste la question nucléaire dans la péninsule de Corée et pourquoi la situation est actuellement bloquée. La question nucléaire dans la péninsule de Corée devrait être réglée entre la République populaire démocratique de Corée et les États-Unis, car elle est le résultat de la politique nucléaire des États-Unis dans la région, a-t-il affirmé, ajoutant que la République de Corée n'était pas concernée. Il a affirmé que son pays avait proposé récemment l'ouverture de négociation avec les États-Unis, qui ont été rejetées, alors que les États-Unis et la Corée du Sud menaient - et mènent de nouveau depuis hier - des manœuvres militaires conjointes qui constituent une provocation dangereuse.


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DC11/015F