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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TIENT UN DÉBAT SUR LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a consacré la journée d'aujourd'hui à un débat thématique sur la «discrimination raciale à l'égard des personnes d'ascendance africaine».

Cette journée de débat s'inscrit dans le contexte de l'Année internationale pour les personnes d'ascendance africaine, dont la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, dans une déclaration ouvrant la discussion, a rappelé qu'elle vise particulièrement à reconnaître le rôle des personnes d'ascendance africaine dans le développement global et la construction des sociétés dont elles font partie; à rendre justice pour les actes actuels ou passés qui ont créé ou perpétué la discrimination; et à développer des stratégies assurant l'égalité et éliminant la discrimination à l'encontre des personnes d'ascendance africaine qui continuent de souffrir de discrimination. Une telle action est indispensable au regard des aspects persistants du legs intolérable du commerce transatlantique des esclaves qui continue d'affecter les vies des personnes d'ascendance africaine, a souligné Mme Navi Pillay. Les personnes d'ascendance africaine continuent de faire face à des défis en termes de réalisation de leurs droits de l'homme, a insisté la Haut-Commissaire.

Les travaux de la journée se sont articulés autour de cinq thèmes: personnes d'ascendance africaine et mécanismes internationaux de droits de l'homme – défis et réalisations; histoire et effets du commerce transatlantique des esclaves sur les personnes d'ascendance africaine; situations socioéconomiques actuelles et problèmes d'intégration sociale des personnes d'ascendance africaine; femmes d'ascendance africaine; personnes d'ascendance africaine issues de migrations récentes en provenance d'Afrique.

À l'issue de cette discussion, il semble qu'il y ait unanimité sur l'élaboration, par le Comité, d'une recommandation générale sur le sujet de la discrimination raciale à l'encontre des personnes d'ascendance africaine, a fait observer en conclusion de la journée Mme Fatimata-Binta Victoria Dah, membre du Comité.

La contribution des personnes d'ascendance africaine aux sociétés dans lesquelles elles vivent a été soulignée par de nombreux orateurs. Au regard des discriminations persistantes dont souffrent encore les personnes d'ascendance africaine dans de nombreux pays, plusieurs intervenants ont plaidé en faveur d'une action affirmative en faveur de ces personnes. Il a été souligné que résoudre le problème de la visibilité des personnes d'ascendance africaine, c'est-à-dire les reconnaître en tant que groupe et disposer de statistiques les concernant, est un préalable à toute action en leur faveur. L'attention a par ailleurs été attirée sur la recrudescence de la xénophobie et du racisme à l'encontre des demandeurs d'asile et des réfugiés. Profilage racial, faible pourcentage de plaintes déposées par les victimes d'origine africaine et forte proportion de personnes d'ascendance africaine dans les prisons et dans les centres de rétention constituent trois indicateurs de discrimination raciale à l'encontre de ces personnes, a-t-il été souligné. Le Président du Comité, M. Anwar Kemal, a souligné que, tout au long de l'Histoire, les personnes d'ascendance africaine ont souffert d'une manière particulièrement marquée de la discrimination raciale par les problèmes de chômage, d'insécurité physique, de logement et de soins de santé inadéquats, d'espérance de vie plus basse que la moyenne et par de nombreux autres désavantages.

Ont fait des déclarations à titre de panélistes: M. Patrick Thornberry, membre du Comité; Mme Mirjana Najcevska, Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine; Mme Gay McDougall, Experte indépendante sur les questions des minorité; M. Ali Moussa Iye, Chef de la Section du dialogue interculturel à la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture; M. Carlos Quesada, Directeur régional pour l'Amérique latine à Global Rights; Mme Fabiana del Popolo, Experte démographique à la Division de la population de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC); Mme Verene Shepherd, experte membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine; Mme Suzanne Mbiye Diku, membre du Conseil d'administration du Conseil des femmes noires européennes; Mme Moya Teklu, Advice Council, African Canadian Legal Clinic; Mme Alice Edwards, Conseillère juridique de haut rang à la Division de la protection internationale du Haut Commissariat pour les réfugiés.

Les deux membres du Comité ayant fait office de modérateurs de cette journée de discussion étaient MM. Pastor Elias Murillo Martínez et Pierre-Richard Prosper.

Outre des membres du Comité, sont également intervenus au cours de la journée un représentant du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le Vice-Ministre des affaires étrangères du Guatemala, M. Luis Raul Estebes Morales, et un représentant du Brésil.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également fait des déclarations: Human Rights Advocates; Type International; Global Rights.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Rwanda (CERD/C/RWA/13-17).


Déclarations d'ouverture

M. ANWAR KEMAL, Président du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a indiqué que l'objectif de cette journée de discussion, dans le cadre de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine, était de donner un nouvel élan à la mission du Comité dont la création, il y a 40 ans, s'inscrivait dans un contexte marqué par la forme particulièrement odieuse de discrimination raciale qui prévalait alors en Afrique australe, en particulier en Afrique du Sud. Tout au long de l'histoire, a poursuivi le Président du Comité, les personnes d'ascendance africaine ont souffert d'une manière particulièrement marquée de la discrimination raciale, marquée par des problèmes de chômage, d'insécurité physique, de logement et de soins de santé inadéquats, d'espérance de vie plus basse que la moyenne et par de nombreux autres désavantages.

La traite transatlantique des esclaves, qui trouve son origine dans la cupidité la plus inhumaine, était justifiée en invoquant l'infériorité supposée des personnes d'ascendance africaine, a rappelé M. Kemal. Le régime colonial en Afrique a également porté avec lui l'oppression et la ségrégation raciales, a-t-il ajouté. Pourtant, les personnes d'ascendance africaine ont contribué de manière significative au développement de toutes les sociétés dans lesquelles elles ont vécu. En contraste saisissant avec la situation qui a prévalu en Afrique du Sud durant la plus grande partie du vingtième siècle, l'élection libre et impartiale à la présidence de la nation la plus puissante du monde d'un homme d'ascendance africaine apporte l'espoir à tous ceux qui rêvent d'un avenir sans discrimination raciale.

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a souligné le rôle pivot joué depuis quatre décennies par le Comité en matière de lutte contre la discrimination raciale. En 2009, a-t-elle rappelé, l'Assemblée générale a proclamé l'année 2011 Année internationale pour les personnes d'ascendance africaine. Cette Année offre aux États Membres, à la société civile et à toutes les autres parties prenantes l'occasion de renforcer les mesures nationales et la coopération régionale et internationale au bénéfice des personnes d'ascendance africaine s'agissant de la jouissance pleine et entière de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, a souligné Mme Pillay. En outre, cette Année offrira une base permettant de promouvoir leur participation et leur intégration dans tous les aspects de la société et de promouvoir une meilleure compréhension et un meilleur respect de leur patrimoine et de leur culture.

L'Année internationale vise particulièrement à reconnaître le rôle des personnes d'ascendance africaine dans le développement global et la construction des sociétés dont elles font partie; à rendre justice pour les actes actuels ou passés qui ont créé ou perpétué la discrimination; et à développer des stratégies assurant l'égalité et éliminant la discrimination à l'encontre des personnes d'ascendance africaine qui continuent de souffrir de discrimination, a précisé la Haut-Commissaire. Une telle action est indispensable au regard des aspects persistants du legs intolérable du commerce transatlantique des esclaves, qui continue d'affecter les vies des personnes d'ascendance africaine. Dans de nombreuses sociétés, ces personnes restent souvent victimes de conditions significativement inégales et défavorables, ainsi que du racisme, de la pauvreté et de l'exclusion. Les personnes d'ascendance africaine continuent de faire face à des défis en termes de réalisation de leurs droits humains, s'agissant notamment du droit à une éducation et une formation de qualité; du droit d'accès à la santé publique et aux soins médicaux, du droit de travailler et d'être représentées dans les emplois publics, a encore rappelé Mme Pillay.

M. PASTOR ELIAS MURILLO MARTINEZ, Membre du Comité, a souhaité poser un certain nombre de questions s'agissant, notamment, des passerelles existantes entre les personnes d'ascendance africaine et leur diaspora; de la place qu'occupent les personnes d'ascendance africaine parmi les victimes du racisme et de la discrimination raciale; ou encore du degré d'intégration de ces personnes dans les sociétés dans lesquelles elles vivent. Une autre question consiste à savoir si l'on peut parler de discrimination structurelle à l'encontre de ces personnes, a-t-il ajouté.

M. Murillo a rappelé que le Comité a considéré que cette journée de discussion thématique pourrait contribuer à l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Il a exposé les différents sujets qui seront abordés au cours de la journée et qui incluent une approche historique intégrant la question de la traite transatlantique d'esclaves.

Personnes d'ascendance africaine et mécanismes internationaux de droits de l'homme: défis et réalisations

M. PATRICK THORNBERRY, Membre du Comité, a rappelé que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été la première convention des Nations Unies à être adoptée et opérationnelle. Il a rappelé l'importance qu'a revêtu la Conférence de Durban, en 2001, qui a permis de stimuler la lutte contre le racisme et la discrimination à l'encontre des personnes d'ascendance africaine en incluant, dans ses documents finaux, un chapitre consacré spécifiquement à cette question. M. Thornberry a rappelé que le Comité avait organisé une discussion thématique sur la discrimination liée à l'ascendance, et qu'avait notamment été abordée dans ce contexte la question de la «stratification sociale». Le préambule de l'observation générale adoptée par le Comité à l'issue de cette journée de discussion thématique faisait référence à de nombreuses formes de discrimination fondée sur l'ascendance, notamment en raison de la caste, de l'ascendance africaine, de l'ascendance asiatique ou encore de l'ascendance autochtone, a précisé l'expert.

M. Thornberry a ensuite attiré l'attention sur les contributions qu'apportent les personnes d'ascendance africaine aux sociétés dans lesquelles elles vivent et a fait observer que la reconnaissance de cette contribution est en cours, comme en atteste la reconnaissance du multiculturalisme par de nombreux pays. De nombreuses observations finales adoptées par le Comité à l'issue de l'examen de rapports d'États parties à la Convention ont trait à des recommandations visant les personnes d'ascendance africaine en rapport avec les inégalités dont elles souffrent ou avec les discriminations qui sont observées à leur encontre. La recommandation générale n°27 du Comité, qui ciblait les Roms, pourrait servir de référence pour l'élaboration d'une recommandation générale concernant les personnes d'ascendance africaine, a estimé l'expert.

MME MIRJANA NAJCEVSKA, Présidente du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a déclaré que le racisme est vivant. Il y a toujours des racines profondes, des préjugés, qui s'opposent à la bonne volonté de lutter contre le racisme, a-t-elle souligné. Les mécanismes internationaux de droits de l'homme sont l'un des outils les plus puissants pour lutter contre la discrimination raciale, a affirmé Mme Najcevska. Pour autant, trop souvent les gouvernements qui ont exprimé leur souhait de se joindre aux procédures associées à ces mécanismes en ratifiant les instruments internationaux adéquats manquent de volonté politique lorsqu'il s'agit d'insuffler des changements concrets. En outre, il convient que les personnes d'ascendance africaine se reconnaissent elles-mêmes en tant que groupe et soient disposées à s'exprimer en tant que telles; que les États dans lesquels vivent ces personnes les reconnaissent eux aussi en tant que groupe; que soient reconnus les besoins spécifiques et les conditions de vie des personnes d'ascendance africaine dans les différents pays; et enfin que soient reconnues les discriminations spécifiques dont sont victimes ces personnes. Étant donné que de nombreux cas de discrimination ne sont pas punis pour la simple raison que les victimes ne sont pas toujours préparées à porter plainte pour discrimination devant un tribunal, il conviendrait de passer d'une approche réactive de la lutte contre la discrimination – une approche basée sur le dépôt d'une plainte – à une approche pro-active.

En cette ère de discrimination structurelle, la question de l'invisibilité des personnes d'ascendance africaine est importante, a poursuivi Mme Najcevska, pour qui cette invisibilité résulte d'un manque de statistiques concernant ces personnes. Mme Najcevska a par ailleurs souligné qu'elle était favorable à l'action affirmative – qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines tels que l'éducation, le logement, la santé ou encore la culture – et a estimé que les mécanismes internationaux devraient jouer un rôle moteur en faveur de la promotion d'une telle action.

MME GAY McDOUGALL, Experte indépendante sur les questions des minorités, a souligné qu'aucun autre document n'est aussi éloquent que celui issu de la Conférence de Durban pour condamner l'esclavage et le colonialisme et établir un lien entre ces tragédies et le racisme et la discrimination raciale actuels. Le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine a été créé suite à cette Conférence, a-t-elle rappelé. Elle a en outre attiré l'attention sur l'importance, du point de vue de l'examen approfondi des questions aujourd'hui discutées, qu'ont pu revêtir les visites qu'elle a effectuées dans le cadre de son mandat d'expert indépendant – créé en 2005 -, notamment en France, en Guyane, en Colombie, en République dominicaine et au Canada.

Ces vingt dernières années, les mécanismes des droits de l'homme ont progressé dans la manière d'appréhender la problématique des droits de l'homme des personnes d'ascendance africaine dans la diaspora, a poursuivi Mme McDougall. La diaspora africaine est très variée, a-t-elle souligné, précisant qu'à l'heure actuelle, il y a entre 7 et 9 millions de personnes d'ascendance africaine en Europe. Ce que souhaitent les personnes d'ascendance africaine en Colombie est différent de ce que souhaitent les migrants africains au Moyen-Orient, par exemple, et il convient donc de toujours garder à l'esprit ce que souhaitent les personnes d'ascendance africaine selon l'endroit où elles vivent, a souligné l'Experte indépendante.

Le point commun de tous ces groupes de la diaspora est qu'ils sont confrontés au racisme, a fait observer Mme McDougall. Le problème en Europe est, de ce point de vue, grave, les personnes d'ascendance africaine y étant victimes de profilage racial de la part de la police (notamment au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas) et de haine raciale. Une idée se répand selon laquelle l'Europe devrait être mono-raciale, s'est-elle inquiétée. Il existe par ailleurs de grandes disparités entre les normes internationales, les normes nationales et la réalité sur le terrain, a-t-elle déploré. La situation en termes de non-application des lois est incroyable, d'autant plus que la plupart de ces lois ne s'applique qu'au secteur public, a-t-elle souligné. Il faut insister davantage sur des mesures d'action positive et s'orienter vers une forme d'action orientée vers les résultats, a-t-elle conclu.

Histoire et effets du commerce transatlantique des esclaves sur les personnes d'ascendance africaine

M. ALI MOUSSA IYE, Chef de la Section du dialogue interculturel à la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, a déclaré que cette Année internationale pour les personnes d'ascendance africaine conforte l'Unesco dans son rôle de promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel. Il a attiré l'attention sur un programme phare de l'Unesco, à savoir le projet «la Route de l'esclave».

Les personnes d'ascendance africaine sont les survivants d'un triple déni d'humanité, d'identité et de citoyenneté, a-t-il poursuivi, avant de souligner qu'il convient de se garder d'enfermer ces personnes dans une identité de victime. Les personnes d'ascendance africaine continuent d'être victimes de la discrimination fondée sur l'apparence physique, la couleur de la peau, a souligné M. Iye. Il a affirmé que pour mieux lutter contre le racisme et la discrimination raciale à l'encontre des personnes d'ascendance africaine, il est crucial de remonter à la traite négrière et à l'esclavage, ce qui permet de mieux comprendre la fracture éthique et morale de nos sociétés. Exposant les conséquences de l'esclavage sur les personnes d'ascendance africaine, il a souligné que l'on ne peut comprendre la situation actuelle de l'Afrique sans prendre en compte la déstructuration profonde et la saignée démographique imposées à ce continent durant les siècles de traite.

Ces conséquences de l'esclavage ont été aggravées par la colonisation, a ajouté M. Iye. Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, l'abolition de la traite et de l'esclavage a très peu changé les conditions de vie des victimes africaines, a-t-il poursuivi, rappelant notamment les lois ségrégationnistes qui ont perduré dans certains pays jusque dans la deuxième partie du Vingtième siècle. Après l'abolition de l'esclavage, ce ne sont pas les victimes qui ont été indemnisées mais les esclavagistes qui ont été dédommagés pour compenser la perte de leur capital humain, a encore rappelé M. Iye. Il a en outre évoqué un vaste champ de réflexion sur lequel pourraient se pencher les psychologues en relation avec, par exemple, la peur qu'ont les Blancs d'une revanche des Noirs. M. Iye a plaidé en faveur d'une action affirmative en tant que moyen de susciter les transformations nécessaires à un meilleur vivre ensemble.

Dialogue interactif

Un représentant du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a félicité le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale pour avoir organisé cette journée de discussion consacrée à la discrimination raciale à l'encontre des personnes d'ascendance africaine. Il a souscrit aux propos tenus évoquant un manque de mise en œuvre des engagements contractés par les États parties.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères du Guatemala a souligné que les personnes d'ascendance africaine constituent encore aujourd'hui un groupe de population qui, à travers le monde, souffre de marginalisation et de discrimination raciale. Il a rappelé que son pays s'était porté co-auteur de la résolution proclamant l'année 2011 Année internationale pour les personnes d'ascendance africaine, le Guatemala souhaitant par là exprimer sa préoccupation face à la situation de discrimination structurelle dont souffrent les personnes d'ascendance africaine dans de nombreux pays, y compris au Guatemala.

Le représentant du Brésil a rappelé que son pays, qui compte la deuxième population d'ascendance africaine la plus nombreuse du monde, est fier de sa diversité. Néanmoins, le racisme et les préjugés ont laissé une grande partie de la population en marge de la société brésilienne, a-t-il reconnu. Ce n'est qu'après avoir surmonté les inégalités sociales que le Brésil se réalisera pleinement en tant que démocratie, a-t-il souligné avant de rappeler que cette année a été promulgué dans son pays le statut de l'égalité raciale, qui peut être invoqué devant les tribunaux nationaux.

Il existe des pays qui, tels la Norvège ou la Suède, n'ont pas participé à la traite des esclaves et dans lesquels on rencontre quand même de la discrimination à l'encontre des personnes d'ascendance africaine, a souligné un membre du Comité, estimant que cela atteste que la traite n'est pas la seule cause de la discrimination à l'encontre de ces personnes. Une experte a affirmé qu'il convenait de distinguer personnes d'origine africaine et personnes d'ascendance africaine. Un expert a souligné que le profilage racial est une manifestation évidente de discrimination raciale à l'égard des personnes d'ascendance africaine. Le faible pourcentage de plaintes déposées par les victimes d'origine africaine – et donc la difficulté d'accès à la justice – est un autre indicateur de discrimination raciale, a-t-il souligné, avant d'ajouter que la proportion importante de personnes d'ascendance africaine dans les prisons et dans les centres de rétention est un troisième indicateur à cet égard.

Le représentant d'une ONG a rappelé le caractère fondamental du droit de chacun de participer à la gouvernance. Or, a-t-il souligné, aux États-Unis, environ 13% des Afro-américains n'ont pas le droit de vote au niveau national en raison de condamnations pénales. En Colombie, les personnes d'ascendance africaine souffrent de problèmes écologiques et politiques, a-t-il ajouté. Une autre ONG a dénoncé la discrimination institutionnelle dont souffrent les personnes d'ascendance africaine aux Pays-Bas, ainsi d'ailleurs que dans d'autres pays de l'Union européenne tels que la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Une ONG a insisté sur la problématique du manque de données et a fait observer que l'on assiste sur le continent américain, ces cinq dernières années, à la reconnaissance de l'existence d'une dimension structurelle, sans que cela n'aboutisse pour autant à une prise de mesures correctrices.

Situations socioéconomiques actuelles et problèmes d'intégration sociale des personnes d'ascendance africaine

M. CARLOS QUESADA, Directeur régional pour l'Amérique latine à Global Rights, a indiqué que Global Rights est une organisation dont la division chargée de l'Amérique latine est entièrement dédiée à la question de la discrimination raciale contre les personnes d'ascendance africaine. Il a rappelé que c'est lors de la conférence préparatoire régionale tenue à Santiago du Chili en vue de la Conférence de Durban que les personnes concernées, arrivées à cette conférence régionale comme «Noirs» en sont repartis comme «personnes d'ascendance africaine».

Un tiers de la population latino-américaine est composé de personnes d'ascendance africaine; or, sur ce continent, ces personnes restent confrontées à des problèmes structurels en termes d'accès à la santé, l'éducation ou l'emploi, entre autres, a poursuivi M. Quesada. Il a attiré l'attention sur la relation perverse qui existe en Amérique latine entre race, violence et pauvreté. La carte de la pauvreté coïncide avec celle de l'implantation des personnes d'ascendance africaine, a-t-il insisté. Les recensements adéquats réalisés récemment dans plusieurs pays de la région (qui ont identifié les Afro-descendants dans leurs recensements) n'ont malheureusement pas servi à changer véritablement les politiques de lutte contre la pauvreté ou pour intégrer les personnes d'ascendance africaine, a-t-il ajouté. M. Quesada a en outre attiré l'attention sur la problématique de la mise en œuvre concrète des droits collectifs, pourtant reconnus par de nombreux pays de la région, de l'Équateur au Brésil. Au vu des différentes perceptions et définitions auxquelles donne lieu l'action affirmative, M. Quesada a estimé que le Comité, qui a adopté une observation générale sur la question, pourrait judicieusement organiser un atelier sur l'action affirmative afin de demander aux États membres ce que signifie réellement pour eux un tel mode d'action.

Par vidéo-conférence, en direct de Santiago du Chili, MME FABIANA DEL POPOLO, Experte démographique à la Division de la population de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a souligné qu'en dépit de progrès en matière juridique, des lacunes persistent en Amérique latine quant à l'exercice par les personnes d'ascendance africaine de leurs droits. Elle a fait part des programmes réguliers mis en place par la CEPALC en application de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Durant la décennie 2000, 17 pays de la région ont ajouté des questions sur l'identification dans leurs recensements; mais ce faisant, on a surtout insisté sur les peuples autochtones et seuls huit pays (Brésil, Colombie, Costa Rica, Cuba, Équateur, El Salvador, Honduras, Nicaragua) ont pris en compte les personnes d'ascendance africaine, a-t-elle précisé, avant d'ajouter que quatre pays supplémentaires procèdent désormais à l'identification des personnes d'ascendance africaine dans les recensements. La différenciation entre les notions d'ethnie et de race est une question qui n'est pas encore réglée dans la région, a-t-elle ajouté.

Mme del Popolo a souligné que les études menées par la CEPALC rendent compte d'importantes inégalités, au détriment des personnes d'ascendance africaine, en termes de santé et notamment de santé génésique. Le taux de mortalité infantile des enfants est plus élevé pour les personnes d'ascendance africaine, a-t-elle souligné. On peut en déduire qu'il y a ici violation du droit à la santé, a-t-elle insisté. Les études montrent qu'il y a également des inégalités ethniques en matière d'éducation, en particulier au niveau supérieur, a-t-elle poursuivi. Il en va de même pour ce qui est de l'accès à l'emploi, qui est moindre pour les personnes d'ascendance africaine et renvoie surtout aux emplois les moins bien payés. Certains pays de la région, en particulier le Costa Rica et le Nicaragua, s'en sortent mieux pour ce qui est indicateurs d'accès à l'éducation pour les personnes d'ascendance africaine; mais pour ces personnes, cela ne se reflète pas ensuite en termes d'accès à l'emploi, a indiqué Mme del Popolo. Ainsi, les études de la CEPALC montrent qu'en Amérique latine, les inégalités subsistent au détriment des personnes d'ascendance africaine; aussi, les politiques doivent-elles veiller à s'attaquer aux discriminations raciales et structurelles, a-t-elle conclu.

Femmes d'ascendance africaine

MME VERENE SHEPHERD, experte membre du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a attiré l'attention sur la lutte menée par les femmes d'ascendance africaine du Commonwealth des Caraïbes contre la discrimination raciale – lutte qui remonte à la période de l'esclavage. La lutte n'a jamais été la chasse gardée des hommes, a-t-elle souligné. Elle a souligné qu'il faut demander réparation pour les femmes qui ont, elles aussi, été marquées par l'esclavage.

MME SUZANNE MBIYE DIKU, membre du Conseil d'administration du Conseil des femmes noires européennes, a indiqué que son organisation est une ONG européenne englobant 30 associations de femmes noires présentes dans 18 pays de l'Union européenne. Le paternalisme et la difficulté réelle d'accéder à la participation et aux ressources ont incité ces personnes à créer une structure qui puisse dépasser les limites nationales, a-t-elle expliqué. Ont présidé à cette création le manque d'accès des femmes noires aux droits, même fondamentaux, aux opportunités et aux ressources ainsi que la nécessité de lutter contre les stéréotypes négatifs, a-t-elle ajouté. Pour elle, il faut miser sur l'éducation et la formation. Il est plus facile pour un homme de faire valoir un statut de réfugié politique que pour les femmes de faire valoir les souffrances dont elles pâtissent dans leur corps, a-t-elle en outre affirmé. Lorsqu'elle arrive en Europe, la femme africaine se voit nier la formation professionnelle, a-t-elle également déclaré.

Personnes d'ascendance africaine issues de migrations récentes en provenance d'Afrique

MME MOYA TEKLU, Advice Council, African Canadian Legal Clinic, a fait observer que, selon un classement récent, les politiques d'intégration du Canada se classent en troisième position au niveau mondial, gagnant deux places dans ce classement en quelques années seulement. Mais la grande majorité de la population canadienne étant d'origine européenne ou asiatique, il est difficile de voir ce qu'il en est réellement dans ce pays, de la situation des personnes d'ascendance africaine issues de migrations récentes en provenance d'Afrique. Le racisme anti-noir au Canada est perceptible dans le chômage, le sous-emploi et les disparités en termes de rémunérations dont pâtissent les personnes d'ascendance africaine dans ce pays, a souligné Mme Teklu. Au Canada, l'exclusion des personnes d'ascendance africaine touche également l'arène politique, a-t-elle poursuivi, expliquant que les «minorités visibles» sont invisibles dans les postes gouvernementaux. Au Canada, près d'un immigrant sur cinq a un revenu faible, soit une proportion deux fois supérieure à celle des Canadiens de souche, a-t-elle ajouté.

MME ALICE EDWARDS, Conseillère juridique de haut rang à la Division de la protection internationale du Haut Commissariat pour les réfugiés, a attiré l'attention sur le sort des centaines de réfugiés qui trouvent la mort en Méditerranée alors qu'ils cherchent à gagner l'Europe à partir de l'Afrique du Nord. La non-discrimination est centrale pour le mandat de protection dévolu au HCR, a-t-elle par ailleurs rappelé. Le droit à demander et à recevoir l'asile pour être à l'abri de toute persécution doit être garanti, a-t-elle souligné, avant de dénoncer la recrudescence de la xénophobie et du racisme à l'encontre des demandeurs d'asile et des réfugiés. Les demandeurs d'asile et les réfugiés sont de plus en plus fréquemment ciblés par la violence et par des actes à motivation raciale, a-t-elle également déploré. Souvent, les réfugiés sont davantage considérés comme des personnes alimentant la concurrence plutôt que comme des personnes pouvant contribuer positivement au marché de l'emploi, a-t-elle ajouté. Les réfugiés se trouvant en milieu urbain sont plus à même de souffrir de xénophobie et de crimes de haine, a-t-elle insisté.

Mme Edwards a indiqué que lors de ses consultations annuelles de 2010 avec les ONG, le HCR s'était penché sur les stratégies de protection des réfugiés et demandeurs d'asile contre le racisme, les préjugés et la violence à motivation raciale. Le HCR est disposé à renforcer sa coopération avec le Comité en ce qui concerne l'intégration des réfugiés et des demandeurs d'asile - qui devient l'une des grandes priorités du HCR, a-t-elle conclu.

Dialogue interactif

Pour s'occuper de la question des femmes d'ascendance africaine, la CEPALC s'appuie sur l'existence dans la région Amérique latine et Caraïbes d'un réseau régional de femmes d'ascendance africaine, a indiqué Mme del Popolo. M. Quesada a précisé que ce réseau comporte en fait un réseau de femmes de la diaspora (africaine) et un réseau de femmes noires d'ascendance africaine spécifique au Brésil.

Comme l'avait souligné l'ancienne Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, la lutte contre le racisme a avancé, mais le racisme a désormais un autre visage, a souligné un membre du Comité.

Un autre membre du Comité a indiqué avoir perçu un soutien, parmi ses collègues, en faveur d'une recommandation générale du Comité sur les personnes d'ascendance africaine. Sur la base de la discussion de ce jour, peuvent s'esquisser les grandes lignes d'un tel texte, mais il conviendra de réfléchir à l'éventuelle distinction entre «origine africaine» et «ascendance africaine» et à ce que l'on entend par discrimination structurelle et par discrimination institutionnelle, a-t-il ajouté.

Il existe une prise de conscience en Afrique du fait que la diaspora existe et que l'Afrique pourrait en profiter, a enfin souligné un expert.

Conclusion

MME FATIMATA-BINTA VICTORIA DAH, membre du Comité, a rappelé que la présente journée de discussions thématiques s'inscrit dans le cadre de la résolution 64/169 (décembre 2010) de l'Assemblée générale des Nations Unies, résolution initiée par le Comité.

Mme Dah a souligné que la traite des esclaves et la colonisation ont pesé et pèsent encore sur les discriminations à l'encontre les personnes d'ascendance africaine; mais elles n'en sont pas la seule source. La Conférence de Durban est à l'origine de la reconnaissance de la qualité de victimes des personnes d'ascendance africaine, a-t-elle en outre rappelé. Des pays qui n'ont pas participé à la traite connaissent des problèmes de discrimination à l'encontre des personnes d'ascendance africaine et cela est dû notamment à des questions de migrations, a-t-elle poursuivi. Enfin, a encore souligné l'experte, la situation actuelle est marquée par l'émergence de nouvelles formes de discrimination raciale.

S'exerceraient ainsi l'encontre des personnes d'ascendance africaine des discriminations structurelles et institutionnelles, des discriminations directes et indirectes, des discriminations pernicieuses, a poursuivi Mme Dah. Il existerait des différences régionales substantielles en termes de situations des personnes d'ascendance africaine, a-t-elle en outre souligné. Mme Dah a rappelé l'importance de la sensibilisation des populations sur la nécessité et le bien-fondé des recensements, dont il faut en outre améliorer la qualité.

Les personnes d'ascendance africaine, et notamment les femmes, peuvent elles-mêmes faire bouger les choses, a souligné l'experte. Des mesures spéciales ont été préconisées par la plupart des intervenants, a-t-elle relevé; mais chaque politique en la matière doit être ciblée avec précision sur les personnes d'ascendance africaine et non pas viser l'ensemble des personnes marginalisées. Enfin, l'État doit ensuite être interpellé sur les résultats de cette politique, a souligné Mme Dah.

Il semble qu'il y ait unanimité pour recommander au Comité d'élaborer une recommandation générale sur le sujet de la discrimination raciale à l'encontre des personnes d'ascendance africaine.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CRD11/018F