Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la République de Moldova sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, Mme Elena Beleacova, Directrice générale du Bureau des relations interethniques de la République de Moldova, a assuré que son pays a fait des progrès importants sur la voie de la prévention et de la lutte contre toute forme de discrimination. Les normes juridiques moldoves de lutte contre la discrimination correspondent aux normes internationales, a-t-elle affirmé. Les autorités moldoves reconnaissent néanmoins que des problèmes doivent être résolus en priorité, s'agissant notamment de l'absence d'une législation antidiscrimination distincte, d'un système de surveillance des actes discriminatoires et de mesures permettant de sanctionner de tels actes; de l'assistance au peuple rom – qui appelle des solutions de longue haleine; de l'intégration des étrangers; ou encore de l'enregistrement des différents cultes religieux. Un progrès sensible est constaté du point de vue de l'intégration du peuple rom dans la société de la République de Moldova, a poursuivi Mme Beleacova qui a fait part des progrès enregistrés de ce point de vue en matière d'enseignement et d'éducation, de culture, de santé, de protection sociale, d'emploi, de protection de l'enfance et de relations avec la communauté. Elle a ajouté que l'on assiste aujourd'hui à l'émergence d'une élite rom.
La délégation de la République de Moldova était également composée de M. Oleg Efrim, Vice-Ministre de la justice; de Mme Stella Jantuan, Vice-Présidente de la Commission pour les droits de l'homme et les relations interethniques du Parlement; et de M. Iurie Perevoznic, Procureur et Chef de l'unité des mineurs et de la protection des droits de l'homme.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République de Moldova, M. Patrick Thornberry, a notamment regretté que le rapport présenté par la République de Moldova ne comporte pas de statistiques concernant la population rom. Il a également relevé que des interrogations subsistent dans les domaines de l'enseignement, de la santé et de l'emploi. Le Comité est en outre préoccupé par la question de l'enregistrement des religions. Le rapporteur a néanmoins pris note du processus en cours en vue de l'adoption d'une loi-cadre sur la non-discrimination et a estimé qu'«un vent frais souffle» sur la République de Moldova dans le domaine des droits de l'homme.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la République de Moldova qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.
Le Comité a par ailleurs publié aujourd'hui un appel à la communauté internationale et au système des Nations Unies en vue de l'adoption de mesures urgentes pour la protection des ressortissants étrangers, des travailleurs migrants, des réfugiés et autres groupes minoritaires en Libye (voir le communiqué séparé publié ce matin).
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entame l'examen du rapport de Lituanie (CERD/C/LTU/4-5).
Présentation du rapport
MME ELENA BELEACOVA, Directrice générale du Bureau des relations interethniques de la République de Moldova, a affirmé que son pays avait fait des progrès importants sur la voie de la prévention et de la lutte contre toute forme de discrimination. Sur ce petit territoire occupant environ 0,3% du territoire européen, vit une population multiculturelle et multireligieuse: Ukrainiens, Russes, Gagaouzes, Bulgares, juifs et Roms. Chacun vit dans la paix et la tolérance, a assuré Mme Beleacova. La discrimination fondée sur la race et l'appartenance religieuse ne saurait être la norme dans la société moldove, a-t-elle assuré. Il n'y a pas de ségrégation ni d'apartheid en République de Moldova, a-t-elle souligné. Ni l'intolérance, ni la xénophobie, ni l'antisémitisme ne sont tolérés par le Gouvernement moldove. Les normes juridiques moldoves de lutte contre la discrimination correspondent aux normes internationales, a insisté Mme Beleacova.
La chef de la délégation moldove a fait valoir que lors de la mission qu'ils ont effectuée dans le pays, notamment dans une région accueillant une forte concentration de Roms, les experts du Conseil de l'Europe ont dans leur ensemble apprécié les mesures prises par la République de Moldova dans le cadre de la défense des minorités. Les autorités moldoves reconnaissent néanmoins que des problèmes doivent être résolus en priorité, s'agissant notamment de l'absence d'une législation antidiscrimination distincte; du système de surveillance de tout acte discriminatoire et des mesures permettant de sanctionner de tels actes, notamment de la part de fonctionnaires de police; de l'assistance au peuple rom – qui appelle des solutions de longue haleine; de l'intégration des étrangers; ou encore de l'enregistrement des différents cultes religieux.
Pour les années 2011-2014, a poursuivi Mme Beleacova, un certain nombre de mesures concrètes sont envisagées dans le domaine des droits de l'homme, notamment la préparation d'un projet de loi de lutte contre les discriminations; la mise en place d'une commission pour la coordination des (mesures à prendre suite aux) recommandations des organes des Nations Unies et du Conseil de l'Europe traitant des droits de l'homme; le renforcement des bases institutionnelles de lutte contre la discrimination fondée sur l'appartenance confessionnelle. Mme Beleacova a par ailleurs attiré l'attention sur les mesures envisagées afin d'améliorer la situation des immigrants. En 2009-2010, ont été enregistrés en République de Moldova 4 215 étrangers et apatrides auxquels a été accordé le statut d'immigrants. Sur ce nombre, 39% sont venus pour des raisons familiales, 29% pour des raisons professionnelles, 30% pour leurs études et 2% pour des raisons humanitaires. Sur ces 4 215 étrangers enregistrés cette année-là, 756 venaient d'Israël et 741 d'Ukraine, a notamment précisé Mme Beleacova. Elle a en outre fait part du projet de plan national d'action aux droits de l'homme de son pays, dont un chapitre prévoit des mesures de lutte contre toute forme de discrimination et de protection des droits des minorités.
Un progrès sensible est constaté du point de vue de l'intégration du peuple rom dans la société moldove, a poursuivi Mme Beleacova, rappelant qu'en 2004, les Roms représentaient 0,4% de la population du pays. Elle a fait part des progrès enregistrés de ce point de vue en matière d'enseignement et d'éducation, de culture, de santé, de protection sociale, d'emploi, de protection de l'enfance et de relations avec la communauté. Ainsi, les conditions de vie de la population rom se sont-elles sensiblement améliorées, a insisté Mme Beleacova. En 2010, grâce à un programme de nourriture scolaire, la scolarisation des enfants roms a pu être considérablement augmentée, a-t-elle notamment indiqué. Les nouveau-nés roms sont enregistrés à la naissance, a-t-elle poursuivi. Le Bureau des relations interethniques joue le rôle de coordonnateur du plan d'action 2007-2010 en faveur des Roms, a-t-elle poursuivi, ajoutant que les services compétents étaient en train d'œuvrer à l'élaboration d'un nouveau plan d'action pour la période 2011-2014. Il convient de noter que le statut de cette catégorie de la population ne se distingue en rien de celui des autres minorités nationales, a fait valoir Mme Beleacova, ajoutant que l'on assiste aujourd'hui à l'émergence d'une élite rom.
Selon des données de 2004, 93,3% des Moldoves sont des orthodoxes, a indiqué Mme Beleacova. Le pays compte 1 667 musulmans et 902 juifs. La liberté de conscience et de croyance est totale et les citoyens, sans discrimination aucune, peuvent se réunir librement; chacun est égal devant la loi. Tous les cultes religieux sont enregistrés en République de Moldova, pour autant que les documents présentés soient conformes à la loi en vigueur, a ajouté la Directrice générale du Bureau des relations interethniques. Les événements qui se sont produits le 13 décembre 2009, portant atteinte aux symboles juifs, ont fait l'objet d'une enquête et ces faits ont été condamnés par les représentants des partis politiques et des organisations ethnoculturelles du pays.
Toutes les mesures prises par la République de Moldova et exposées ci-dessus attestent de l'attention accordée par les autorités à toutes les questions relatives à la discrimination, a conclu Mme Beleacova.
Le rapport périodique de la République de Moldova (CERD/C/MDA/8-9) indique que la République de Moldova est un État multiethnique et multilingue composé de Moldoves − nationalité fondatrice de l'État − qui constituent avec les représentants d'autres groupes ethniques − les Ukrainiens, les Russes, les Bulgares, les Gagaouzes, les Juifs, les Roumains, les Bélarussiens, les Roms (plus communément appelés Tziganes), les Polonais, entre autres − le peuple unifié et la Moldova, la République de Moldova étant leur patrie commune, poursuit le rapport. Le rapport fait observer que l'existence d'un régime séparatiste établi au début des années 90 par des méthodes non constitutionnelles dans la partie orientale de la République de Moldova (la région de Transnistrie, qui compte 550 000 habitants), complique considérablement l'application uniforme sur tout le territoire de la République des dispositions des conventions internationales auxquelles celle-ci est partie. Ces dernières années, malgré l'absence de résultats concrets dans le cadre du processus de règlement du conflit transnistrien, un certain nombre de changements qualitatifs se sont produits. Depuis 2008, les autorités moldoves exécutent des mesures visant à établir des relations de confiance, à rapprocher les populations des deux rives du Dniestr et à créer les conditions indispensables au règlement politique du conflit et au rétablissement de l'intégrité du pays. Malheureusement, en dépit de tous les efforts mis en œuvre, le processus de règlement du conflit transnistrien reste au point mort. Le principal problème en suspens réside dans l'élaboration et l'adoption d'un statut juridique spécifique pour la région transnistrienne qui préserve la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République de Moldova. La principale raison de l'absence de progrès dans le règlement du conflit tient à la politique d'obstruction et à l'intransigeance des dirigeants séparatistes de Tiraspol, qui bénéficient d'un appui constant de la part de la Fédération de Russie. La présence militaire et les intérêts de la Fédération de Russie, qui se positionne pourtant en tant que médiateur, nuisent au processus de règlement du conflit et empêchent le rétablissement de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République de Moldova. Dans les circonstances présentes, les autorités moldoves continuent de faire des efforts pour parvenir à une solution globale et durable du conflit transnistrien et une restauration de l'intégrité de la République moldove.
Le rapport indique que le Code pénal érige en infraction toute atteinte aux droits et libertés inscrits dans la Constitution et la législation, qui serait commise pour des motifs tenant au sexe, à la race, à la couleur, à la langue, à la religion, aux convictions politiques et autres, à l'origine nationale ou sociale, à l'appartenance à une minorité nationale, au patrimoine, à la situation de fortune ou à toute autre situation. Le Code pénal érige aussi en infraction tout acte commis délibérément dans l'intention d'attiser la haine ou l'hostilité ethniques. Il criminalise toute distinction, exclusion, limitation ou préférence appliquée à une personne, un groupe ou une communauté. Il réprime le fait de porter atteinte à l'égalité en droits pour des motifs tenant au sexe, à la race, à la couleur, à la langue, à la religion, aux convictions, à l'origine nationale et sociale, à l'appartenance à une minorité nationale et au patrimoine, et incrimine la discrimination fondé sur l'orientation sexuelle. Il n'existe en République de Moldova aucun texte législatif spécifique visant à éliminer la discrimination, mais un projet de loi sur la prévention de la discrimination et la lutte à mener en la matière a été élaboré qui définit des notions telles que celles de discrimination (directe ou indirecte), d'oppression et d'incitation à la discrimination, et élabore des mesures positives qui ne sont pas spécifiées dans la législation nationale en vigueur; il prévoit la création d'une commission gouvernementale chargée notamment de l'élaboration et promotion de la politique antidiscrimination, de soumettre aux organes de l'État et aux collectivités locales des observations et des propositions visant à prévenir et à combattre la discrimination.
Le Bureau des relations interethniques est l'organe de l'administration centrale chargé de mettre en œuvre la politique de l'État dans le domaine des relations interethniques, indique par ailleurs le rapport. Le Conseil de coordination des organisations ethnoculturelles auprès du Bureau des relations interethniques a le statut d'organe consultatif public; le Bureau considère cet organe comme un maillon des consultations et du dialogue permanents avec les organisations ethnoculturelles dans le processus d'élaboration et de mise en œuvre de la politique de l'État dans les domaines culturel, éducatif, linguistique et autres qui touchent aux intérêts et aux besoins des minorités nationales en République de Moldova. La représentation des personnes appartenant aux minorités nationales, notamment des représentants de la minorité rom et des petites minorités nationales, dans l'administration publique centrale (ministères et autres organes) ne correspond pas à l'importance relative de ces minorités dans la population moldove, reconnaît par ailleurs le rapport.
S'agissant de la situation des Roms de Moldova, le rapport indique notamment que le décret gouvernemental du 21 décembre 2006 sur l'adoption du Plan d'action en faveur des Roms pour la période 2007-2010 a été adopté dans le but de créer des conditions propices au développement socioculturel de la minorité rom. Pour améliorer le taux de scolarisation des enfants, le Centre national rom de la République de Moldova a proposé de former des médiateurs sociosanitaires, qui travaillent aujourd'hui bénévolement, mais qui doivent néanmoins obtenir un agrément officiel. Ces médiateurs, qui sont issus des localités à forte population rom, contribuent à faciliter l'accès de ces populations aux services de base et la scolarisation des enfants. Le faible taux de scolarisation des enfants roms s'explique notamment par les facteurs suivants: pauvreté, vulnérabilité et instabilité croissante des familles, alcoolisme et toxicomanie, indifférence des parents, absence de supervision parentale en raison du départ des parents pour l'étranger. Ces facteurs sont source de vulnérabilité pour les enfants, qu'ils poussent à se livrer à des actes délictueux.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
M. PATRICK THORNBERRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République de Moldova, a relevé que la République de Moldova a prévu dans son plan d'action national de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. Il a en outre relevé que le pays est partie à la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales.
Le rapporteur a toutefois regretté que le rapport présenté par la République de Moldova ne comporte pas de statistiques concernant la population rom; or, selon les sources, les estimations vont, s'agissant de cette communauté en République de Moldova, de 13 000 à 250 000 personnes.
M. Thornberry a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet des modifications que la République de Moldova envisage d'apporter à son Code pénal et de leur application à toutes les personnes se trouvant sur le territoire national, y compris les étrangers et apatrides.
Le rapporteur a en outre suggéré que les autorités moldoves se penchent sur les actes de hooliganisme, qui peuvent avoir une composante de discrimination raciale.
La législation moldove reprend-elle bien tous les motifs de discrimination énoncés à l'article premier de la Convention, a demandé le rapporteur?
M. Thornberry a d'autre part souhaité en savoir davantage sur les activités quotidiennes du Bureau des relations interethniques.
Les mesures draconiennes d'enregistrement des cultes religieux s'appliquent-elles sans discrimination à tous les groupes religieux, s'est interrogé le rapporteur, relevant la gravité des conséquences d'un non-enregistrement dans ce contexte?
Les Roms sont-ils représentés au Parlement, dans l'administration et dans les autres organes de l'État, a en outre demandé M. Thornberry? Il a prié la délégation de fournir davantage de renseignements pour illustrer la déclaration qu'elle a faite en introduction selon laquelle on a assisté à «l'émergence d'une élite rom» en République de Moldova.
Appartenance ethnique et pauvreté vont parfois de pair, a rappelé le rapporteur, avant de demander à la délégation si les autorités moldoves avaient bien saisi l'importance de ce lien.
Un autre membre du Comité a souhaité connaître les instruments relatifs aux droits de l'homme relevant de la Communauté des États indépendants (CEI) auxquels la République de Moldova est partie. Cet expert s'est lui aussi inquiété de l'absence de données précises et à jour concernant la population rom en République de Moldova; pour 2009, a-t-il fait observer, le rapport du Département d'État américain mentionne un chiffre de 250 000 Roms en République de Moldova, soit un chiffre quasiment vingt fois supérieur à celui avancé par le pays. Ce même expert a relevé qu'il semble y avoir sous-représentation des membres des minorités nationales dans la police et dans l'armée. Les partis politiques eux-mêmes sont-ils pluriethniques, a-t-il demandé?
Un expert a relevé que la République de Moldova possède désormais une législation complète s'agissant de nombreuses questions; en outre, des lois sont encore à l'état de projet, notamment pour ce qui est des projets de modifications du Code pénal et du projet de loi portant sur toutes les formes de discrimination. Aussi, cet expert a-t-il encouragé le pays à poursuivre sur cette voie et à adopter ces nouvelles lois.
Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la préparation du plan d'action pour la défense des droits de l'homme qui est en cours d'élaboration. Le processus de préparation du nouveau plan d'action en faveur des Roms pour les années 2011-2014 prévoit-il une consultation et une participation effectives de la communauté rom, a également demandé cet expert? Qu'en est-il des mesures prises pour renforcer la sécurité des Roms, notamment en faisant en sorte que les plaintes pour discrimination soient effectivement poursuivies par les services policiers et judiciaires compétents, a-t-il en outre demandé?
Un expert a affirmé avoir l'impression qu'il n'y a pas, en République de Moldova, de véritable politique d'insertion des Roms.
Sur 17 associations musulmanes, 13 ont été radiées du registre d'État, ont relevé plusieurs experts, l'un d'eux s'enquérant des raisons de ces radiations.
Existe-t-il en République de Moldova des partis politiques ayant un fondement ethnique, a demandé un expert?
Plusieurs membres du Comité ont félicité la République de Moldova pour la ponctualité et la régularité de la soumission de ses rapports périodiques au Comité.
Un membre du Comité a recommandé aux autorités moldoves de permettre l'autodéfinition des sondés lors du prochain recensement, sans leur proposer le choix entre plusieurs options.
Réponses de la délégation
La délégation de la République de Moldova a indiqué qu'un certain nombre de dispositions interdisant la discrimination fondée sur divers motifs figurent dans plusieurs textes du corpus législatif tels que la Constitution, le Code pénal ou encore le Code du travail. Pour autant, il est vrai que la République de Moldova ne dispose pas d'une loi cadre sur la non-discrimination qui permettrait de faire la synthèse de toutes ces normes, a-t-elle poursuivi. Aussi, en 2008, le pays a-t-il commencé à travailler à l'élaboration d'une telle loi-cadre. Le projet de loi-cadre à cet effet vient tout juste d'être adopté par le Gouvernement, le 18 février dernier; il est donc désormais soumis à une commission parlementaire et on peut espérer que d'ici le mois de mai, il pourra être adopté par le Parlement. Cette loi-cadre correspond aux directives européennes sur la non-discrimination, a précisé la délégation. Ce projet de loi-cadre prévoit la création d'une commission parlementaire indépendante qui serait chargée d'examiner les plaintes dont elle pourrait être saisie et de lancer une action en cas de violation de la loi. Il est envisagé que cette loi-cadre entre en vigueur le 1er juillet prochain, a indiqué la délégation.
S'agissant de la liberté de culte et des mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'encontre des différents groupes religieux, la délégation a indiqué que depuis 2007, l'enregistrement des cultes relève du Ministère de la justice. Il peut être fait appel devant les tribunaux d'un refus d'enregistrement prononcé par le Ministère, a souligné la délégation, après avoir notamment précisé que pour être enregistré, un culte doit avoir cent adeptes au moins résidant sur le territoire national en tant que citoyens. Expliquant pourquoi treize associations sur dix-sept associations islamiques ont été radiées du registre d'État, la délégation a expliqué que tous les deux ans, chaque association doit présenter une attestation assurant qu'elle est toujours active; or les associations qui ont été radiées n'avaient pas présenté une telle attestation dans les délais impartis, ce qui s'explique notamment par le fait que certaines d'entre elles avaient été créées par des étudiants qui, à l'issue du délai de deux ans, n'avaient apparemment plus maintenu de liens avec le pays.
En ce qui concerne le bureau du Médiateur (Ombudsman), la délégation a indiqué qu'un groupe de travail a été mis sur pied qui est chargé de se pencher sur une réforme juridique qui permettrait de préciser le statut du Médiateur, sous l'angle de ses rapports avec les pouvoirs publics. Ainsi, est-il envisagé de modifier la Constitution afin d'accorder un statut constitutionnel au Médiateur, a indiqué la délégation. Seront également précisées les procédures de nomination du Médiateur, a-t-elle ajouté.
La délégation a indiqué qu'un deuxième Plan national pour les droits de l'homme, faisant suite au premier Plan qui portait sur la période 2004-2008, a été approuvé l'an dernier par le Gouvernement et se trouve actuellement en phase d'examen en vue de son adoption définitive.
Il ne saurait être question de nier qu'il peut exister des incidents de violations des droits de la personne pour des raisons raciales ou ethniques, a poursuivi la délégation de la République de Moldova; mais il ne saurait s'agir d'un problème systémique et les victimes disposent de divers recours face à de tels incidents, a-t-elle ajouté. La victime a toujours accès à ces voies de recours pour porter plainte, a insisté la délégation. La République de Moldova dispose d'un nombre suffisant de bons mécanismes permettant aux citoyens de porter plainte tant au pénal qu'au civil, a-t-elle assuré.
La République de Moldova est en train de préparer des projets d'amendements aux articles 176 et 346 du Code pénal, a par ailleurs rappelé la délégation. Le Code pénal est certes censé réprimer des délits mais il constitue aussi un outil de prévention, a souligné la délégation. Elle a notamment indiqué qu'en 2009, une action avait été intentée en justice sur la base de l'article 346 relatif à l'incitation à la haine; la plainte déposée avait trait à une réunion lors de laquelle des militants auraient appelé à la haine. Faute de preuve, l'affaire s'est achevée sur un non-lieu, a précisé la délégation.
La délégation a par ailleurs mentionné cinq affaires pour lesquelles était invoqué l'article 178 du Code pénal, relatif à l'égalité entre les citoyens; ces affaires concernaient la région de Transniestrie, mais aucune d'entre elles ne faisait référence à des motivations raciales ou ethniques, les raisons invoquées étant d'ordre social.
Le Bureau des migrations, chargé de s'occuper des questions relatives aux réfugiés et à l'asile, relève du Ministère de l'intérieur, a poursuivi la délégation. Les inspecteurs de ce Bureau mènent des inspections dans les lieux où résident des personnes qui pourraient se trouver en situation irrégulière. En 2010, ont pu être identifiées 24 personnes se trouvant en situation irrégulière et 19 d'entre elles ont été expulsées du pays sur décision judiciaire, a précisé la délégation.
Revenant sur la situation des Roms, la délégation a réaffirmé qu'il y a effectivement à l'heure actuelle en République de Moldova une élite rom qui participe à tous les domaines de la vie sociale du pays. En ce qui concerne la scolarisation des enfants roms, la délégation a souligné que les élèves roms sont scolarisés dans les mêmes écoles que les autres enfants; il n'y a pas d'écoles spéciales pour les enfants roms, a-t-elle insisté. La délégation a par ailleurs indiqué que les instituts d'enseignement supérieur de la République de Moldova accueillent actuellement quelque 40 Roms.
En réponse à d'autres questions, la délégation a rappelé qu'une république autonome des Gagaouzes avait été créée en 1994 sur le territoire de la République de Moldova; à l'heure actuelle, les Gagaouzes élisent leurs représentants tous les 4 ans. L'assemblée (autonome) ainsi élue a le droit d'adopter des lois qui ne soient pas contraires à la Constitution de la République de Moldova dans les domaines de l'économie, de l'enseignement, de la culture, de la santé ou encore des prestations sociales, entre autres. Le chef des Gagaouzes peut être élu pour deux mandats. La langue officielle des Gagaouzes est le gagaouze et la langue de l'État est le russe. À l'heure actuelle, on compte quelque 150 000 Gagaouzes, dont 20% ont une nationalité autre que celle de la République de Moldova (notamment des Bulgares).
La République de Moldova n'emprisonne les individus que pour des crimes très graves, a en outre souligné la délégation. Interrogée sur le nombre de Roms en prison, la délégation a affirmé que ce nombre était très faible, mais a indiqué qu'elle fournirait ultérieurement aux experts des statistiques précises à ce sujet.
Pour qu'une communauté religieuse soit enregistrée, il faut que le culte y afférent soit d'abord enregistré, a par ailleurs indiqué la délégation.
Observations préliminaires
M. THORNBERRY, rapporteur pour le rapport de la République de Moldova, a jugé riche la discussion que les experts ont eue avec la délégation de ce pays. Il y a matière à réfléchir, a-t-il ajouté, rappelant que les observations finales seront l'affaire du Comité dans son ensemble. Il a pris note du processus en cours en vue de l'adoption d'une loi-cadre sur la non-discrimination et s'est dit impatient de voir ce qui sortira de ce processus. Les recommandations qui seront adressées à la République de Moldova se concentreront sur ce qui a été discuté durant l'examen du présent rapport périodique, a par ailleurs souligné M. Thornberry.
Si le Comité est préoccupé par la question de l'enregistrement des religions, c'est parce que, si les formalités sont certes nécessaires, il n'en demeure pas moins que les dispositions de la loi, même lorsqu'elles sont neutres sur le papier, peuvent aussi s'appliquer d'une manière qui lèserait davantage un groupe qu'un autre, a d'autre part expliqué le rapporteur, évoquant dans ce contexte la notion de discrimination indirecte. Pour ce qui est des Roms, des questions ont été soulevées en ce qui concerne l'enseignement, la santé ou l'emploi, a rappelé M. Thornberry.
En conclusion, M. Thornberry a indiqué avoir l'impression qu'«un vent frais souffle» sur la République de Moldova dans le domaine des droits de l'homme.
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CERD11/015F