Fil d'Ariane
COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE: AUDITION D'ONG SUR LES RAPPORTS DE LA BOLIVIE ET DE L'URUGUAY
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu, ce matin, des représentants d'organisations non gouvernementales qui ont présenté des exposés sur la situation en Bolivie et en Uruguay s'agissant de l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les rapports de ces deux pays seront examinés au cours cette semaine, ainsi que le rapport de Cuba.
S'agissant de la Bolivie, les questions relatives à la situation des populations autochtones ont particulièrement été soulevées, le pays comptant 36 peuples autochtones formant une partie importante de la population totale. Le représentant d'une organisation non gouvernementale a souligné que la population autochtone a longtemps été rejetée en Bolivie et que le pays est imprégné d'un racisme structurel qui a conditionné les relations sociales; les paysans autochtones constituent le groupe de population le plus paupérisé du pays. Il a toutefois été relevé que se multiplient aujourd'hui en Bolivie des efforts visant à rendre plus «visibles» les autochtones et les paysans et qui, associés à un phénomène d'inclusion, entraînent des changements radicaux. Un autre intervenant a soulevé la question du droit à la terre pour les paysans autochtones, s'agissant notamment de la problématique de la restitution des terres par ceux qui, par le passé, se sont appropriés les terres du pays; la redistribution des terres à laquelle il faudrait procéder en Bolivie doit être conforme à la Constitution et équitable, a insisté cet intervenant.
Le représentant d'une ONG a attiré l'attention sur la situation du peuple aymara, qui constitue une population de 7 millions d'individus répartis dans une zone couvrant l'Argentine, le Chili, la Bolivie et le Pérou et qui souffre de nombreuses discriminations, notamment du point de vue de l'accès à l'eau. Les autochtones souhaitent défendre leur cosmogonie et les objectifs qui y sont associés, a souligné un autre orateur, rappelant que pour les autochtones, la justice n'est pas communautaire mais tout simplement originelle. Il a par ailleurs été souligné que les populations autochtones en Bolivie se préoccupent des critères et variables qui seront élaborés dans le contexte des prochains recensements démographiques et sur lesquels s'appuieront les politiques et programmes en faveur des autochtones.
Une intervenante a déploré que la Bolivie n'ait pas mis en œuvre la recommandation que lui avait adressée le Comité s'agissant de la nécessité de l'incorporation d'une perspective soucieuse d'équité entre les sexes. Les femmes autochtones doivent surmonter de nombreux obstacles pour participer pleinement à la vie du pays, notamment sur le plan politique. Aucune femme d'ascendance africaine n'est membre de l'Assemblée nationale, a-t-elle notamment fait observer. D'autre part, l'inégalité entre les sexes est patente en ce qui concerne les revenus, a-t-elle ajouté. Il y avait jadis beaucoup de discrimination à l'encontre des femmes, en particulier des femmes autochtones; mais désormais, les choses changent peu à peu, sous l'impulsion du Président Evo Morales et de la nouvelle Constitution politique de l'État, a fait valoir une intervenante. Une autre intervenante a estimé que les maux dont souffre le pays découlent souvent de l'impunité qui règne du fait d'un déni de justice à l'égard des victimes de violations des droits de l'homme liées au racisme; aussi, a-t-elle plaidé en faveur de l'élaboration par les autorités compétentes d'un programme global de réhabilitation des victimes.
Plusieurs membres du Comité sont ensuite intervenus pour poser des questions complémentaires aux représentants d'ONG en ce qui concerne la Bolivie, notamment s'agissant de la consultation des populations autochtones dans l'élaboration de projets industriels ayant un impact pour elles; des discours de haine dans les médias et de l'existence éventuelle d'un code de déontologie; de la représentation des autochtones dans les instances gouvernementales; du fonctionnement de la justice communautaire autochtone. Un expert ayant souhaité savoir s'il existe des organisations racistes en Bolivie, le représentant d'une ONG a indiqué qu'un groupe de jeunes se sont organisés dans une Unión Juvenil Cruceñista qui se livre à des attaques contre des organisations de paysans. Une autre ONG est intervenue pour rappeler qu'une loi de partage des juridictions avait été adoptée en Bolivie. Les autorités ont reporté l'adoption d'une loi-cadre sur l'égalité des chances qui intègrerait la perspective sexospécifique dans l'ensemble de la législation nationale, a-t-il en outre été indiqué. La représentation des autochtones au sein de l'Assemblée nationale n'est pas directe et il est incontestable que la loi électorale viole de ce point de vue la Constitution, a déclaré un intervenant.
En ce qui concerne l'Uruguay, le représentant d'une organisation non gouvernementale a souligné que des violations de droits de l'homme s'y produisent tant par action que par omission et il a attiré l'attention sur la discrimination raciale dont sont victimes les populations d'ascendance africaine, qui représentent environ 11% de la population uruguayenne. Il a insisté pour que soient davantage reconnus l'héritage et la culture de ces populations. Il a en outre rejeté la déclaration publique faite par le Président uruguayen en mars 2010 qui nie l'existence de tout racisme ou discrimination raciale dans le pays. L'orateur a dénoncé la «situation d'urgence sociale» dans laquelle se trouve la communauté d'ascendance africaine en Uruguay du fait du racisme et de la discrimination raciale dont elle est victime. L'intolérance religieuse, la ségrégation résidentielle et territoriale et le racisme dont sont victimes les Afro-uruguayens ont pour conséquence pour eux une moindre espérance de vie que la moyenne nationale, a-t-il souligné. Il a déploré que l'Uruguay n'ait pas respecté les recommandations qui lui ont été adressées par le Comité.
Plusieurs membres du Comité ont pris note des discriminations dont semblent souffrir les Uruguayens d'ascendance africaine. Un expert a relevé que l'intervention de l'organisation non gouvernementale concernant l'Uruguay donnait l'impression qu'il n'y avait eu aucune amélioration de la situation des personnes d'ascendance africaine en Uruguay, alors que le rapport présenté par l'État partie indique que nombreux organes institutionnels ont été créés afin précisément de traiter cette question; comment expliquer que ces organes aient pu être à ce point inefficaces, a demandé l'expert? Le représentant de l'ONG a indiqué que certaines institutions ont été créées mais n'ont jamais concrètement fonctionné.
Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus au cours de la séance: Capitulo Boliviano de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo; Instituto de Terapia e Investigación sobre las secuelas de la Tortura y la Violencia; Centro de Estudios Jurídicos et Investigación Social; Comité de América latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer; Parlamento del pueblo Qollana Aymara; Confederación Sindical Única de Trabajadores campesinos de Bolivia; Confederación de pueblos indígenas de Bolivia; Consejo nacional de Ayllus Markas del Kullasuyo; Confederación nacional de Mujeres de Bolivia; et, concernant l'Uruguay, Asamblea Afrodescendiente.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Bolivie (CERD/C/BOL/17-20).
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CERD11/003F