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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND DES RESPONSABLES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU CANADA, DE LA FINLANDE, DES ÉTATS-UNIS ET DU MEXIQUE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu cet après-midi M. Lawrence Cannon, Ministre des affaires étrangères du Canada; M. Alexander Stubb, Ministre des affaires étrangères de la Finlande; Mme Hillary Clinton, Secrétaire d'État des États-Unis; et M. Juan Manuel Gómez Robledo, Vice-Ministre des affaires multilatérales et des droits de l'homme du Mexique. Tous ont souligné que la Conférence devait reprendre rapidement des négociations de fond avant qu'il ne soit trop tard et que les États ne se tournent vers d'autres enceintes.

M. Cannon a déclaré que plus l'impasse persistera à la Conférence du désarmement, plus la confiance entre ses membres s'effritera et plus il sera difficile de créer l'esprit de compromis essentiel pour que les États entament des négociations. Si le consensus devait rester impossible sur le programme de travail, les États risquent de chercher à obtenir des résultats en matière de désarmement au sein d'autres enceintes, a averti le ministre canadien, tout en ajoutant que son pays ferait tout son possible pour que la Conférence se remette au travail en 2011.

M. Stubb a regretté que les efforts tendant à revitaliser la Conférence du désarmement n'aient apparemment pas porté leurs fruits, et a souligné qu'une rapide reprise des négociations de fond permettrait à la Conférence de retrouver son autorité. Le ministre finlandais a rappelé que la Conférence avait obtenu de grands résultats dans le passé et il n'y a pas de raison qu'elle n'y parvienne de nouveau à l'avenir.

Mme Clinton a pour sa part estimé qu'on ne pouvait pas risquer de voir retomber la dynamique actuelle en matière de désarmement et qu'il fallait donc lancer dès maintenant la négociation sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Pour la Secrétaire d'État américaine, il est inacceptable qu'un seul pays empêche le lancement de la négociation d'un tel traité, qui est souhaitée par tous les autres membres de la Conférence.

M. Gómez Robledo a demandé que la Conférence du désarmement fasse preuve de «cohérence» et ne «laisse pas d'espace au paradoxe», en se montrant inefficace et incapable de commencer des négociations de fond alors même que le calendrier multilatéral est renouvelé. Le Vice-Ministre mexicain a estimé que la Conférence du désarmement ne remplissait pas actuellement son mandat et le Mexique est prêt à relancer les négociations sur le désarmement au sein de l'Assemblée générale des Nations Unies pour contourner le blocage à la Conférence.


À la reprise de ses travaux demain matin, à 10 heures, la Conférence du désarmement entendra le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergueï Lavrov, qui sera suivi de hauts dignitaires de l'Iran, de l'Australie, de la Slovénie, de la Thaïlande, de Cuba, du Bangladesh, de la République de Moldavie et de la République de Corée.

Déclarations

M. LAWRENCE CANNON, Ministre des affaires étrangères du Canada, a déclaré que son pays, qui a présidé la Conférence du désarmement en début d'année, avait dû faire face aux mêmes défis que tous les présidents de la Conférence du désarmement des dernières années, depuis la conclusion du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, à savoir que cette enceinte traditionnelle du désarmement était bloquée. En tant que pays ayant participé activement aux travaux de toutes les instances de désarmement depuis 1946, le Canada a été partie prenante aux réalisations historiques de la Conférence et des instances qui l'ont précédée: du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, a rappelé M. Cannon.

Mais aujourd'hui, alors que plus qu'à tout autre moment dans l'histoire récente, la prolifération des armés nucléaires constitue une menace alarmante pour la paix et la sécurité internationales, la Conférence, qui a pourtant réussi à négocier une interdiction des essais nucléaires, s'avère depuis 1998 incapable d'entamer des négociations sur la prochaine mesure de désarmement et de non-prolifération qui s'impose: un traité visant à interdire la production des matières fissiles destinées à la fabrication de telles armes. Plus l'impasse persistera à la Conférence, plus la confiance entre ses membres s'effritera et plus il sera plus difficile de créer l'esprit de compromis essentiel pour que les États entament des négociations, a averti M. Cannon. De même, si certains pays continuent de faire obstacle à un consensus sur le programme de travail à la Conférence, d'autres tenteront de plus en plus de réaliser des progrès sur le terrain du désarmement dans d'autres enceintes, telles que l'Assemblée générale, où il n'est pas nécessaire de recueillir tous l'unanimité pour poursuivre les travaux, a prévenu le ministre, qui a toutefois jugé naturel que certains pays souhaitent éviter le risque d'un vote majoritaire aux Nations Unies sur des problèmes de sécurité ayant des incidences sur le plan national.

Se disant conscient de l'utilité que la Conférence du désarmement avait démontrée dans le passé, le ministre a estimé que le défi collectif consistait à réinventer l'approche du travail de la Conférence. Pour le Canada, il faut se concentrer sur les quatre domaines d'action fondamentaux de la Conférence: désarmement nucléaire; traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires: prévention d'une course à l'armement dans l'espace extra­-atmosphérique; et garanties de sécurité négatives. Le ministre a préconisé une nouvelle perspective, à savoir que le principe selon lequel l'ouverture de négociations sur une question ne signifie pas qu'il faille négliger les trois autres. M. Cannon a rappelé que le Canada avait souhaité, en ouvrant les séances plénières de la Conférence à la société civile, tenté de créer un espace de dialogue transparent, avec l'espoir que les pays trouveraient un terrain d'entente ef dégageraient les principes d'un compromis éventuel sur le programme de travail. Il a toutefois reconnu qu'il faudrait encore du temps et de la patience pour trouver un nouvel accord sur le programme de travail.

M. ALEXANDER STUBB, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a déclaré que, lors de la réunion de haut niveau sur le désarmement tenue en septembre dernier à New York, il avait entendu des appels en faveur de la reprise des travaux de fond par la Conférence du désarmement. Et pourtant, a-t-il regretté, les efforts tendant à revitaliser la Conférence ne semblent pas avoir porté de fruits. Aucun progrès réel n'a été obtenu depuis cette réunion et la situation à Genève reste bloquée, avec de nombreuses délégations qui continuent à recourir à des obstacles procéduriers sans offrir d'alternatives crédibles pour un travail de fond, a ajouté M. Stubb, qui a jugé la situation «regrettable et bureaucratique». Il a ajouté que le programme de travail adopté en 2009 représentait la meilleure base de travail pour les discussions à venir.

Pour M. Stubb, une reprise rapide des négociations de fond permettrait à la Conférence de retrouver son autorité avant qu'il ne soit trop tard et que les États ne se tournent vers d'autres enceintes. La Conférence a obtenu de grands résultats dans le passé et il n'y a pas de raison qu'il ne puisse en obtenir de nouveaux à l'avenir.

MME HILLARY RODHAM CLINTON, Secrétaire d'État des États-Unis, a déclaré que, plus de vingt ans après la fin de la guerre froide, le monde comptait plus de 20 000 armes nucléaires. Et chaque jour sont fabriquées des matières fissiles qui permettront de faire d'autres bombes. La question est donc de savoir si nous arrêteront la production de ces matières fissiles, a ajouté Mme Clinton, qui a exhorté la Conférence du désarmement à préparer sans plus attendre un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles, lequel constituerait un pas essentiel vers la production d'un monde sans armes nucléaire. Les États-Unis ont récemment officiellement révisé leur posture de défense et réduit l'importance des armes nucléaires dans la défense nationale, a fait valoir Mme Clinton, qui également rappelé que son pays avait également rejoint les autres membres du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, lors de la conférence d'examen, qui été un succès, et ont signé avec la Russie un nouveau traité START qui ramènera le nombre d'ogives nucléaires des États-Unis à un niveau inférieur à ce dont ils disposaient dans les années 50.

Il ne faut pas laisser retomber la dynamique actuelle et la Conférence doit dès à présent passer à la négociation d'un traité vérifiable sur la production des matières fissiles pour la fabrication de bombes nucléaires, a répété Mme Clinton. La Secrétaire d'État américaine a rappelé que la Conférence a produit des traités historiques, mais le dernier en date remonte à 1996. Depuis, la Conférence est bloquée. «Un seul pays, un ami des États-Unis», continue d'empêcher un consensus pour le lancement de négociations sur un traité sur les matières fissiles, a fait observer Mme Clinton, qui a averti: «notre patience à des limites». Pour les États-Unis, il n'y a «pas de justification» à ce qu'un seul pays abuse du principe d'unanimité pour remettre en question le consensus des autres membres sur le commencement de la négociation.

Il existe certes au sein de la Conférence du désarmement toute une palette d'opinions concernant ce futur traité et les négociations seront longues et difficiles, a reconnu Mme Clinton, mais il faut les commencer. Et s'il est impossible de les commencer au sein de la Conférence du désarmement, il faudra le faire ailleurs, a-t-elle ajouté. Si nous voulons éviter que des matières fissiles tombent entre les mains de terroristes, il faut en réduire les stocks et la production, a poursuivi la Secrétaire d'État, qui a ajouté que son pays avait beaucoup progressé vers ces objectifs, tant sur le plan bilatéral, avec la Russie, que sur le plan multilatéral. Les États-Unis sont profondément attachés à la réduction des armements nucléaires. À long terme, leur vision est celle d'un monde débarrassé des armes nucléaires. Certes, ce sera difficile et cela prendra beaucoup de temps, mais c'est possible si chacun fait des efforts. C'est pourquoi il faut faire ce premier pas. Aucun pays n'est tenu de donner un accord à un traité, a rappelé Mme Clinton, qui a estimé que ce qui est inacceptable, c'est d'empêcher des pays de se lancer dans une négociation en vue d'un tel traité.

C'est à cette enceinte de prendre des décisions, a encore déclaré Mme Clinton, qui a lancé aux représentants à la Conférence du désarmement: «Vous êtes les maîtres de la décision». Elle a conclu en affirmant que les États-Unis étaient prêts à appuyer la Conférence et à respecter les intérêts de sécurité légitimes de chaque État.

M. JUAN MANUEL GÓMEZ ROBLEDO, Vice-Ministre des affaires multilatérales et des droits de l'homme du Mexique, a demandé que la Conférence du désarmement fasse preuve de cohérence et ne «laisse pas d'espace au paradoxe», en se montrant inefficace et incapable de commencer des négociations de fond alors même que le calendrier multilatéral est renouvelé. Il a salué les travaux effectués par les six dernières présidences de la Conférence mais il a regretté que le travail mené sur les règles de fonctionnement ait primé depuis quinze ans sur le travail de fond. Le Mexique considère que le débat actuel ne constitue pas un travail de fond. Quand elle se limite à des délibérations, la Conférence du désarmement ne remplit pas son mandat et fait double emploi avec la Commission du désarmement de l'Assemblée générale, a encore ajouté M. Gómez Robledo, qui a également regretté que la Conférence ignore la société civile. Il a en outre estimé que la règle du consensus ne devait pas être utilisée comme un droit de véto, lequel est antidémocratique, tout en jugeant «extrêmement éloignées» les perspectives d'une amélioration des méthodes de travail de la Conférence.

Pourtant, il faut prendre des décisions qui rompent avec l'inertie actuelle, a poursuivi le vice-ministre mexicain, qui a averti qu'on ne pouvait continuer de consacrer des ressources à un forum qui ne fait rien. Il s'et dit favorable à un ultimatum à la Conférence du désarmement et à une date-butoir avant laquelle elle devrait sortir de son impasse actuelle. Il a rappelé que le Mexique avait tenté en vain, en 2005, de relancer les négociations sur le désarmement au sein de l'Assemblée générale pour contourner le blocage à la Conférence du désarmement et le pays est prêt à répéter une telle initiative. Il a remercié la Nouvelle Zélande et le Japon d'avoir favorisé des débats de fond en marge de la Conférence, tout en estimant que ces discussions utiles ne pouvaient se substituer aux travaux de négociation qui sont la raison d'être de la Conférence. La négociation, a ajouté le vice-ministre, est le seul moyen de parvenir à un accord et un traité sur les matières fissiles qui permettra de lutter contre le spectre du terrorisme nucléaire.


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DC11/014F