Aller au contenu principal

LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT TIENT UN DÉBAT SUR LA MANIÈRE D'ABORDER LA QUESTION DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu ce matin un débat consacré aux questions de la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarmement nucléaire, et la prévention de la guerre nucléaire, auquel ont participé les délégations de la République populaire démocratique de Corée, de la Belgique, du Pakistan, de la Syrie, de l'Iran, du Royaume-Uni, de l'Algérie, des États-Unis, du Japon et de la Fédération de Russie.

Ouvrant les échanges d'aujourd'hui, M. Pedro Oyarce, Président de la Conférence du désarmement, a rappelé le débat quant à l'opportunité d'engager un programme échelonné de désarmement nucléaire selon un calendrier déterminé ou si d'autres options doivent être envisagées pour l'élaboration d'une convention internationale sur l'interdiction des armes nucléaires. M. Oyarce a invité les États à présenter leurs idées à cet égard, tout en évitant de répéter ce qui a déjà été dit.

Un orateur a souligné que les États dotés d'armes nucléaires fondent leur sécurité sur la dissuasion de l'arme nucléaire et sont restés figés dans le paradigme de la guerre froide. La sécurité du monde est l'otage de cette façon de penser, qui alimente la course aux armements nucléaires. Malgré les obligations contractées par les États, le développement et le stockage des armes nucléaires continuent de menacer la paix et la sécurité internationales. Il a été souligné que la mission fondamentale devrait être l'interdiction et l'élimination des armes nucléaires, et un orateur a estimé que la non-prolifération sans désarmement nucléaire n'avait pas de sens. La priorité devrait être donnée à la conclusion d'une convention internationale interdisant la mise au point, les essais, la production, le stockage, le transfert et l'utilisation ou la menace de l'utilisation des armes nucléaires. En outre, les États dotés d'armes nucléaires doivent cesser immédiatement l'amélioration et la mise au point de systèmes d'armes nucléaires et adopter un programme complet selon un calendrier convenu pour la réduction des armes nucléaires et leurs vecteurs. Ils doivent aussi renoncer à la doctrine nucléaire basée sur le recours en premier à l'arme nucléaire.

D'autres orateurs se sont prononcés en faveur d'une approche progressive, étape par étape, afin de parvenir à la réduction des armes nucléaires.


La prochaine séance de la Conférence se tiendra lundi, 28 février à 11 heures, pour entendre le Président de l'Assemblée générale, le Ministre des affaires étrangères de l'Autriche et le Vice-Ministre des affaires étrangères de Bulgarie. D'autres dignitaires s'adresseront à la Conférence du désarmement dans la journée de mardi. Les débats de la Conférence sur les questions de fond reprendront jeudi.


Déclarations

M. PEDRO OYARCE (Chili), Président de la Conférence du désarmement, a indiqué que la discussion d'aujourd'hui porterait sur le thème général du désarmement nucléaire. Il a rappelé que les résolutions de l'Assemblée générale et la dernière Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ont confié à la Conférence du désarmement des responsabilités claires à ce sujet. La feuille de route établie lors de la Conférence d'examen s'appuie sur les engagements pris par les puissances nucléaires et devrait également être servir à canaliser les débats à la Conférence du désarmement. Sur le plan multilatéral, les avis divergent quant à 'approche à adopter. Une option consiste à œuvrer à l'interdiction immédiate et complète des armes nucléaires, tandis que l'autre est une approche étape par étape. Parmi les différentes propositions, il a mentionné une initiative pour un programme échelonné de désarmement nucléaire selon un calendrier déterminé, y compris la conclusion d'une convention sur l'interdiction des armes nucléaires. Il reste à nommer un coordonnateur, un organe subsidiaire ou d'un comité spécial pour traiter de cette question au sein de la Conférence d'une manière plus spécifique et participative. Le Président a dit qu'il serait intéressant d'obtenir les avis et points de vue des États sur ces questions. Il s'est demandé s'il existe une volonté entre les membres de la Conférence de négocier un programme échelonné avec un calendrier convenu au niveau multilatéral. M. Oyarce a déclaré qu'il espérait que les États présenteront des idées et éviteront de répéter ce qui a déjà été dit.

M. SO SE PYONG (République populaire démocratique de Corée) a déclaré que la communauté internationale se trouvait face à une tâche urgente pour la prévention d'une course aux armements nucléaires, la promotion du désarmement nucléaire, et la réalisation d'un monde sans armes nucléaires. Bien que deux décennies se soient écoulées depuis la fin de la guerre froide, les systèmes de défense s'appuyant sur les armes nucléaires n'ont pas diminué. En fait, certains pouvoirs sont à la recherche d'un nouveau plan de frappe nucléaire contre certains pays et poursuivent la mise au point des armes nucléaires. Une telle attitude est irresponsable et arbitraire, et témoigne d'une stratégie d'hégémonie mondiale fondée sur la supériorité nucléaire. L'objectif du désarmement en général ne sera atteint qu'avec l'élimination totale des armes nucléaires. Par conséquent, la mission fondamentale de désarmement devrait être l'interdiction et l'élimination des armes nucléaires. Le désarmement nucléaire est directement lié à la survie de l'humanité alors que les armes nucléaires demeurent hors de contrôle. Par conséquent, la non-prolifération sans désarmement nucléaire est absurde. La priorité devrait être donnée à la conclusion d'une convention internationale interdisant la mise au point, les essais, la production, le stockage, le transfert et l'utilisation ou la menace de l'utilisation des armes nucléaires. Les États dotés d'armes nucléaires devraient cesser immédiatement l'amélioration et le développement de systèmes d'armes nucléaires et adopter un programme complet associé à un calendrier convenu pour la réduction des armes nucléaires et de leurs vecteurs. Ils doivent aussi renoncer à la doctrine nucléaire basée sur le recours en premier des armes nucléaires et répondre à l'appel pour des négociations visant à conclure une convention internationale.

M. FRANÇOIS ROUX (Belgique), intervenant dans le cadre du débat consacré mardi au programme de travail de la Conférence, a déclaré que la Belgique est disposée à envisager l'adoption d'un programme de travail simplifié. Mais à deux conditions: qu'un accord puisse se dégager dans les meilleurs délais et que ce programme simplifié offre à la Conférence une perspective réelle de parvenir à entamer des négociations. Tout en souhaitant voir les discussions de fond se poursuivre, la Belgique encourage donc vivement la présidence chilienne à continuer ses consultations au sujet d'un possible programme de travail simplifié. Elle reste ouverte à toutes solutions permettant de progresser, telles que la mise en place d'organes subsidiaires. En ce qui concerne la thématique de la cessation de la course aux armes nucléaires, le désarmement nucléaire et la prévention d'une guerre nucléaire, M. Roux a rappelé que le désarmement et la non-prolifération nucléaire font partie de la politique générale belge en matière de sécurité internationale. Toutes les composantes du thème dont nous discutons aujourd'hui ne peuvent pas, même si nous le souhaiterions, être abordés de front et avec la même intensité. C'est pourquoi une méthode graduelle, et parfois discrète, axée sur l'obtention progressive de résultats qui favorisent et étendent le consensus international doit être suivie. Au-delà de la gradualité c'est aussi la séquence qui importe, et à cet égard, le premier sujet à aborder selon la Belgique demeure le traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires.

M. SHAFQAT ALI KHAN (Pakistan) s'est félicité de la possibilité d'échanger les points de vue sur les questions de la cessation de la course aux armements nucléaires et le désarmement nucléaire et la prévention de la guerre nucléaire. Le Pakistan a mis en garde contre la fausse idée selon laquelle un traité d'interdiction de la production de matières fissiles est l'élément le plus important de l'ordre du jour. Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires reflète l'engagement de la communauté internationale en faveur de la non-prolifération et du désarmement nucléaires. Malheureusement, on a de plus en plus l'impression que les États dotés d'armes nucléaires estiment avoir un droit permanent de conserver ces armes. Il ne saurait y avoir de progrès dans ce domaine tant que ces États refuseront de négocier sur les stocks existants, a souligné le représentant pakistanais.

M. FAYSAL KHABBAZ HAMOUI (Syrie) a déclaré que la Syrie était convaincue que le désarmement nucléaire était la première des priorités en matière de désarmement; tant que ces arsenaux dangereux restent aux mains de certains pays, le monde ne pourra jouir de la paix, de la stabilité et de la sécurité. La situation internationale, en particulier la violation de leurs obligations par certains États dotés d'armes nucléaires, exige que l'on se penche calmement sur la situation pour mettre au point une nouvelle feuille de route et un cadre solide pour les travaux de la Conférence. La Syrie appuie la création de comités spéciaux chargés de traiter les quatre points principaux. M. Hamoui a par ailleurs déclaré que la Syrie salue la participation des États observateurs dans l'échange de vues, ce qui ne peut qu'enrichir les travaux de la Conférence.

M. MOHAMMAD HASSAN DARYAEI (Iran) a souligné que le public est de mieux en mieux sensibilisé aux questions relatives aux armes nucléaires et au rôle des États dotés d'armes nucléaires. La recherche de domination fondée sur l'hypothèse erronée que «la force fait le droit» sert à justifier la possession par ces États d'arsenaux nucléaires. Or, le développement, le stockage et la menace d'utilisation de ces armes compromettent la sécurité internationale. En dépit de leurs affirmations sur la réduction de leurs armes, ces pays fondent leur sécurité sur la possession de l'arme nucléaire et ils restent figés dans le paradigme de la guerre froide. La sécurité du monde est l'otage de cette façon de penser ne fait qu'alimenter la course aux armements nucléaires. Depuis 1978, la communauté internationale a dû attendre pendant plus de deux décennies l'approbation, par la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, de l'objectif longtemps recherché du désarmement nucléaire complet, et il ne faut pas permettre que certains pays violent ces engagements. Malgré les obligations contractées par les États en vertu de l'article 6, la poursuite du développement et du stockage des armes nucléaires continue de menacer la communauté internationale, a souligné le représentant iranien.

MME JO ADAMSON (Royaume-Uni) a réitéré la position du Royaume-Uni en faveur d'un monde sans armes nucléaires et a assuré qu'il était absolument faux que la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires était la seule chose qui leur importait. Lors de la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, 22 des points discutés n'ont fait l'objet d'aucun blocage de la part des États dotés d'armes nucléaires, et ces points reflètent un certain nombre des éléments de base de la Conférence du désarmement. Des propositions de programme de travail équilibrées ont été faites par le passé et le Royaume-Uni n'a pas bloqué ces initiatives. La représentante britannique a déclaré que sa délégation était disposée à s'engager sur toutes les questions centrales, et ne fera pas obstruction aux efforts pour réaliser des progrès à leur égard.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a rappelé que l'interdiction des armes nucléaires est une obligation, pas une option. On a assisté au cours des dernières années à des appels de plus en plus forts en faveur d'un monde exempt d'armes nucléaires, mais ils sont restés sans espoir parce que les doctrines nucléaires adoptées et mises en œuvre par certaines puissances nucléaires ont consacré le rôle des armes nucléaires comme un élément essentiel dans leurs stratégies de défense. De telles politiques ont entaché la crédibilité des systèmes de non-prolifération. Pour sa part, l'Algérie estime que la meilleure solution pour mettre fin à la menace posée par les armes nucléaires est l'adoption de normes internationales interdisant ces armes grâce à un texte juridiquement contraignant. Il est impensable que ces armes continuent d'être considérées comme légitimes dans le monde d'aujourd'hui. La Conférence du désarmement doit œuvrer à trouver des mesures concrètes, y compris un calendrier pour l'élimination définitive de ces armes. M. Khelif a déclaré que le document CD/1864 présenté l'an dernier était un excellent point de départ pour permettre à la Conférence de s'acquitter de ses obligations et de jouer un rôle dans la protection de la paix et de la sécurité internationales.

MME LAURA KENNEDY (États-Unis) a rappelé que le Président des États-Unis avait fait allusion aux deux options d'une convention unique globale et de mesures progressives de renforcement mutuel. Le Gouvernement américain estime fermement que la seconde méthode est la voie à suivre et consacre tous ses efforts pour la promouvoir. Un certain nombre d'observations ont surtout porté sur les États dotés d'armes nucléaires et Mme Kennedy a rappelé à cet égard que le Président américain et la Secrétaire d'État sont des multilatéralistes convaincus. En ce qui concerne le traité d'interdiction de la production de matières fissiles, les États-Unis estiment que cela fait partie de l'approche étape par étape et constitue une étape qui aurait dû être prise il y a plusieurs années. Ils espèrent donc vivement que l'on s'y atteler maintenant. La représentante a aussi affirmé que son pays est lié par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et qu'il se soumet scrupuleusement à ses obligations au titre de cet instrument. Le nouveau Traité START s'inscrit également dans le cadre de cette approche étape par étape. S'il a été relevé que le rythme de ces négociations bilatérales avait été lent, les États-Unis, en tant que démocratie, doivent soumettre tous les traités à la discussion et cela prend du temps. Les États-Unis poursuivront leurs efforts dans le cadre de la Conférence et d'autre instances dans le monde, et sont intéressés d'entendre les idées de chacun sur la façon dont une convention sur les armes nucléaires pourrait fonctionner. En particulier, comment en serait vérifié le respect des obligations?

M. AKIO SUDA (Japon), a déclaré que l'élimination totale des armes nucléaires ne pourrait être assurée par une convention unique, mais exigeait l'adoption de plusieurs mesures concrètes. À cette fin, l'étape la plus urgente pour le Japon est la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées.

M. VLADIMIR NOVOKHATSKY (Fédération de Russie) a déclaré que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires devrait être renforcé, plus efficace et universel. Il a souligné que la Russie s'acquitte de ses obligations de bonne foi, tant par la conclusion d'accords bilatéraux que dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Il a estimé que le nouveau Traité START contribuerait à renforcer la stabilité internationale et consolider le régime de non-prolifération. La Russie estime que l'élimination des armes nucléaires devrait être l'objectif ultime de toutes les mesures qui doivent être prises, et tous les États, tant nucléaires que non nucléaires, devrait œuvrer à cette fin.

Le Président de la Conférence, M. OYARCE, a déclaré qu'il espérait que les discussions futures mettraient davantage l'accent sur des mesures concrètes et des idées, plutôt que des déclarations générales. Le débat d'aujourd'hui a révélé deux choses: la nécessité de poursuivre les efforts pour trouver une formule qui permettrait de commencer les travaux de fond et la nécessité de concentrer les interventions en vue de parvenir à un débat sur les questions de fond. La semaine prochaine, les délégations devront porter leur attention sur une approche pratique é la question d'un traité interdisant la production de matières fissiles.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC11/012F