Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA SERBIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la Serbie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, Mme Sanja Jašareviæ-Kužiæ, Ministre adjointe pour les droits de l'homme et des minorités de la Serbie, a souligné que dans le cadre juridique et constitutionnel du pays, chacun jouit d'une égale protection devant la loi, sans discrimination aucune. Elle a ajouté que des mesures spécifiques peuvent être prises en vue de réaliser la pleine égalité de personnes ou de groupes de personnes qui se trouvent dans une situation d'inégalité par rapport aux autres citoyens, sans que ce type de mesures ne soient considérées comme instituant une discrimination. Des stratégies ont été adoptées dans les domaines de la réduction de la pauvreté, de la protection sociale, de l'interdiction de la discrimination, de la protection des personnes handicapées et de l'inclusion des Roms. La Ministre adjointe a précisé à cet égard que selon le recensement de 2002, 108 193 citoyens vivant en Serbie ont déclaré appartenir à la minorité nationale rom, mais plusieurs études ont montré que le nombre de Roms est considérablement plus élevé, se situant sans doute entre 250 000 et 500 000. Le principal problème de la population rom tient à un taux de pauvreté élevé, plusieurs fois supérieur à celui du reste de la population serbe. Il a néanmoins été précisé que le problème du logement des Roms est en voie de résolution. La délégation a également présenté le processus d'élection qui s'est déroulé en juin dernier aux conseils des minorités nationales. La Serbie reste le premier pays d'Europe en termes de nombre de personnes réfugiées et déplacées internes, a-t-elle rappelé.
La délégation serbe était également composée de M. Ljuan Koka et Mmes Gordana Govedarica, Gordana Mohoroviæ et Jasmina Ivanoviæ, conseillers auprès du Ministère des droits de l'homme et des minorités de la République de Serbie; ainsi que de Mme Draga Trniniæ, conseillère du secteur des retours et des réadmissions au Commissariat pour les réfugiés de la Serbie. Des représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère des droits de l'homme et des minorités, du Ministère de la religion et du Ministre des affaires étrangères complétaient la délégation, dont le Représentant permanent de la Serbie à Genève M. Uglješa Zvekiæ.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, M. Gun Kut, a souligné que les traumatismes liés à l'effondrement de la Yougoslavie sont la cause profonde d'un très grand nombre de problèmes qui se sont posés en termes d'intolérance et de discrimination en Serbie. À l'instar du rapporteur, plusieurs membres du Comité ont relevé que si l'infrastructure de protection des droits des minorités et de lutte contre le racisme et la discrimination raciale est impressionnante, la question qui se pose reste celle des résultats obtenus dans ces domaines. Un expert a déclaré ne pas être convaincu par l'argument selon lequel les autorités serbes ne sauraient pas où se trouvent les deux derniers fugitifs recherchés par le Tribunal pénal international, à savoir Ratko Mladiæ et Goran Hadžiæ.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Serbie qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Yémen (CERD/C/YEM/17-18).
Présentation du rapport
MME SANJA JAŠAREVIÆ-KUŽIÆ, Ministre adjointe pour les droits de l'homme et des minorités de la Serbie, a déclaré que la République de Serbie est engagée à construire la démocratie, ce qui implique le respect de certaines obligations – le respect des droits de l'homme et des minorités étant l'une des principales d'entre elles.
Attirant l'attention du Comité sur le problème de la mise en œuvre de la Convention dans une partie du territoire de la République de Serbie qui se trouve sous administration des Nations Unies en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies – à savoir la province autonome du Kosovo-Metohija –, Mme Jašareviæ-Kužiæ a rappelé que, selon cette résolution du Conseil de sécurité, le Kosovo-Metohija fait partie intégrante du territoire de la République de Serbie, de sorte que la Convention s'y applique aussi. Pour autant, a-t-elle fait observer, la République de Serbie, en tant qu'État partie, n'est pas en mesure d'appliquer la Convention ni de surveiller sa mise en œuvre au Kosovo-Metohija puisque l'administration de cette province est entièrement confiée à la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). C'est pour cette raison que le présent rapport initial n'inclut aucune information détaillée concernant la mise en œuvre de la Convention sur cette partie du territoire de la République de Serbie, a expliqué Mme Jašareviæ-Kužiæ.
Dans le cadre juridique et constitutionnel de la République de Serbie, tout le monde est égal et jouit d'une égale protection devant la loi, sans discrimination aucune, a poursuivi la Ministre adjointe. La discrimination est interdite pour quelque motif que ce soit et en particulier aux motifs de la race, du sexe, de l'appartenance ethnique, de l'origine sociale, de la religion, de la croyance politique ou autre, de la situation en termes de propriété, de la culture, de la langue, de l'âge et du handicap physique ou mental, a-t-elle précisé. Elle a ajouté que la République de Serbie peut introduire des mesures distinctes dans le but de réaliser la pleine égalité de personnes ou de groupes de personnes qui se trouvent essentiellement dans une situation d'inégalité par rapport aux autres citoyens, sans que ce type de mesures ne soient considérées comme instituant une discrimination. Sont particulièrement pertinents du point de vue de la protection contre la discrimination les documents et stratégies adoptés dans les domaines de la réduction de la pauvreté, de la protection sociale, de l'interdiction de la discrimination, de la protection des personnes handicapées et de l'inclusion des Roms, a indiqué Mme Jašareviæ-Kužiæ.
La discrimination est identifiée dans le Code pénal comme constituant un acte criminel, a poursuivi la Ministre adjointe pour les droits de l'homme et des minorités. Les plus récentes modifications apportées à ce Code interdisent également la promotion de la haine et l'incitation à la haine, à la violence et à la discrimination à l'encontre de personnes ou de groupes de personnes sur la base de leurs caractéristiques personnelles, a-t-elle souligné. Elle a en outre rappelé qu'en mars 2009, une loi sur l'interdiction de la discrimination a été adoptée. Une loi sur l'égalité entre les sexes a également été adoptée, a-t-elle ajouté. La situation des personnes handicapées devrait être encore améliorée grâce à la Stratégie pour la promotion de la situation des personnes handicapées en Serbie adoptée pour les années 2007-2015, a-t-elle poursuivi.
Un vaste cadre de protection des minorités nationales a été prévu dans la Constitution de la République de Serbie, a par ailleurs fait valoir Mme Jašareviæ-Kužiæ, soulignant qu'outre les droits garantis par la Constitution à tous les citoyens qui sont membres de minorités nationales, sont également introduites des mesures temporaires spéciales dans les domaines de la vie économique, sociale, culturelle et politique afin de réaliser la pleine égalité entre les membres des minorités nationales et la majorité de la population. La République de Serbie a ratifié la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, ainsi que la Charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires, a en outre rappelé la Ministre adjointe. En 2009, ont en outre été adoptées plusieurs lois pertinentes pour la jouissance des droits des minorités nationales, a-t-elle ajouté.
Mme Jašareviæ-Kužiæ a rappelé que le 6 juin 2010, se sont tenues dans le pays les élections aux conseils des minorités nationales. En juillet 2009, un Conseil de la République de Serbie pour les minorités nationales était créé qui est notamment chargé de surveiller la coopération entre les conseils des minorités nationales et les organes compétents de l'État et des provinces.
Le problème des «personnes juridiquement invisibles» - c'est-à-dire des citoyens dont le statut civil et les droits civils n'ont pas été reconnus parce qu'ils n'ont jamais été enregistrés nulle part et ne possèdent aucun document d'identité – se pose en Serbie comme il se pose dans tous les autres pays européens, a poursuivi la Ministre adjointe. Elle a indiqué que selon le recensement de 2002, 108 193 citoyens vivant en Serbie ont déclaré appartenir à la minorité nationale rom. Il ressort néanmoins de plusieurs études que le nombre de Roms est considérablement plus élevé, se situant sans doute entre 250 000 et 500 000. Le principal problème de la population rom tient à un taux de pauvreté élevé, plusieurs fois supérieur à celui du reste de la population serbe. Les causes en sont essentiellement liées à l'éducation, à l'emploi et au logement, a précisé Mme Jašareviæ-Kužiæ.
M. LJUAN KOKA, Conseiller au Bureau pour la mise en œuvre de la Stratégie des Roms au Ministère des droits de l'homme et des minorités de la République de Serbie, a souligné que la Serbie est le seul pays de la région à s'être doté d'un tel Bureau. La Stratégie nationale pour l'amélioration de la situation des Roms adoptée en 2009 et le programme d'action qui l'accompagne sont les outils d'une démarche stratégique qui reste le meilleur moyen d'améliorer la situation des Roms dans la société, a-t-il fait valoir. Il a en outre indiqué que quelque 108 enseignants assistants ont été affectés aux écoles pour enfants roms, a-t-il notamment fait valoir.
Le problème du logement des Roms est en voie de résolution, a par ailleurs assuré M. Koka. Il y a environ 593 établissements humains où vivent des Roms et qui, pour la plupart, pourraient être légalisés, pour autant que puissent être traités les problèmes d'hygiène pouvant s'y poser. Il y a certes des problèmes persistants s'agissant des Roms, dont certains sont déplacés par exemple, mais les autorités serbes sont confiantes quant à la possibilité de les résoudre tous d'ici quelques années, a déclaré M. Koka.
MME GORDANA GOVEDARICA, Conseillère auprès du secteur en charge des conseils des minorités nationales et des élections au Ministère des droits de l'homme et des minorités, a exposé le processus d'élection qui s'est déroulé aux conseils des minorités nationales.
Dix-neuf conseils ont ainsi été élus dont 16 à l'issue d'élections directes alors que les trois autres étaient appelés à être constitués par des assemblées d'électeurs, a-t-elle précisé. En tout, quelque 436 000 membres des minorités nationales ont participé aux élections, a-t-elle précisé.
MME GORDANA MOHOROVIÆ, Conseillère auprès de la Division en charge des traités internationaux au Ministère des droits de l'homme et des minorités, a rappelé qu'en 2009, la Serbie a adopté la loi relative à la lutte contre la discrimination qui énonce sept types de discrimination. Le Commissaire à la protection de l'égalité a le devoir d'informer le public au sujet des cas de figure les plus fréquents de discrimination et de préciser comment la législation est alors mise en œuvre dans ces cas. Le Commissaire a pour tâche principale de recueillir les plaintes qui peuvent être portées au motif de discrimination, a précisé Mme Mohoroviæ. Elle a précisé qu'en 2010, 290 000 euros ont été attribués au bureau du Commissaire et a fait valoir que le budget du bureau pour cette année est encore supérieur.
MME JASMINA IVANOVIÆ, Conseillère du secteur de la protection sociale auprès du Ministère des droits de l'homme et des minorités, a notamment fait part des mesures prises pour accorder un soutien institutionnel aux organismes œuvrant à la lutte contre la discrimination, notamment dans le domaine de l'emploi. Elle a également fait part de projets de sensibilisation du public à la lutte contre la discrimination.
MME DRAGA TRNINIÆ, Conseillère du secteur des retours et des réadmissions au Commissariat pour les réfugiés de la Serbie, a indiqué que le Commissariat pour les réfugiés traite plus particulièrement des réfugiés, des personnes déplacés internes et des personnes de retour. La Serbie reste le premier pays d'Europe en termes de nombre de personnes réfugiées et déplacées internes, a-t-elle indiqué. Le pays compte notamment 288 centres collectifs accueillant quelque 80 000 personnes, a-t-elle souligné avant de préciser que la fermeture de ces centres collectifs est prévue grâce aux solutions durables qui ont pu être identifiées, notamment par l'accueil de ces personnes dans des logements. Mme Trniniæ a par ailleurs fait part de la mise en œuvre d'un programme de résidence permanente pour quelque 10 000 familles représentant 40 000 personnes. Il reste un petit nombre, négligeable, de personnes déplacées internes qui ont du mal à rentrer pour des raisons de sécurité, notamment pour ce qui est de retours au Kosovo-Metohija, a poursuivi Mme Trniniæ.
Le rapport initial de la Serbie (CERD/C/SRB/1) indique que selon les résultats du dernier recensement, réalisé en 2002, la République de Serbie comptait, pour une population totale de 7 498 001 habitants, 82,86% de Serbes, 3,9% de Hongrois, 1,8% de Bosniaques, 1,44% de Roms, 1,1% de Yougoslaves, 0,9% de Croates, 0,9% de Monténégrins, 0,8% d'Albanais et 0,8% de Slovaques. Toujours en 2002, les langues minoritaires parlées en République de Serbie étaient les suivantes: albanais, bosniaque, bulgare, vlach, hongrois, macédonien, allemand, rom, roumain, ruthénien, slovaque, ukrainien, croate et tchèque. Indépendamment de la langue serbe et de l'alphabet cyrillique, plusieurs entités administratives locales de la République de Serbie utilisent l'alphabet latin et les langues suivantes: albanais, bosniaque, bulgare, hongrois, roumain, ruthénien, slovaque et croate. En outre, les fidèles des différentes religions pratiquées en Serbie se répartissent comme suit: 6 371 584 orthodoxes (84,98 %), 410 976 catholiques romains (5,48 %), 239 658 musulmans (3,19 %) , 80 837 protestants (1,078 %), 785 juifs (0,01046 %), 530 adeptes de cultes proorientaux (0,0071 %), 18 768 adeptes de religions non indiquées (0,25 %), 473 croyants qui ne pratiquent aucune religion spécifique (0,0063 %), 40 068 athées (0,53 %), 197 031 personnes n'ayant pas déclaré leur religion (2,63 %) et 137 291 de religions inconnues (1,83 %).
La Constitution garantit la protection des droits des minorités nationales. L'État garantit une protection spéciale aux minorités nationales afin de les aider à jouir d'une pleine égalité et à préserver leur identité. La Constitution stipule que l'affiliation nationale peut être librement exprimée et que nul n'est tenu de déclarer son affiliation nationale. Toutes les personnes appartenant à des minorités nationales se voient garantir, indépendamment des droits reconnus à tous les citoyens par la Constitution, des droits individuels et collectifs supplémentaires. Les personnes appartenant aux minorités nationales peuvent pouvoir prendre part à la prise de décision ou décider elles-mêmes concernant certaines questions liées à leur culture, à leur éducation, à l'information et à l'usage officiel des langues et des alphabets, conformément aux droits collectifs qui leur soient reconnus par la loi. Les personnes appartenant à des minorités nationales peuvent élire leurs conseils nationaux afin d'exercer leurs droits. La Constitution interdit la discrimination à l'égard des minorités nationales ainsi que l'assimilation forcée et garantissent l'égalité devant l'administration des affaires publiques, le droit à la préservation des spécificités nationales, le droit d'association et de coopération avec les compatriotes. La loi relative à la lutte contre la discrimination interdit la discrimination à l'égard des minorités nationales et de leurs membres sur la base de leur affiliation nationale, de leur origine ethnique, de leurs convictions religieuses ou de leur langue. La loi relative à la protection des droits et des libertés des minorités nationales réglemente le statut des minorités nationales dans la République de Serbie. On entend par minorité nationale tout groupe de citoyens qui par son nombre est suffisamment représentatif et qui, bien que représentant une minorité sur le territoire de l'État, appartiennent à un groupe ayant de longue date de solides attaches avec le territoire de l'État et possèdent des caractéristiques, comme langue, culture, affiliation nationale, origine ethnique ou conviction religieuse, qui les différencient de la majorité de la population et dont les membres se distinguent par leur volonté d'entretenir collectivement leur identité commune, y compris leur culture, leurs traditions, leur langue ou leur religion.
Par ailleurs, aux termes de l'article 128 du Code pénal, est passible d'une peine de trois ans de prison quiconque prive une autre personne des droits individuels ou des droits civils garanties par la loi ou autres règlements applicables ou les instruments généraux et traités internationaux ratifiés ou en restreint la jouissance ou qui privilégie une personne ou lui accorde des avantages quelconque sur la base de son affiliation nationale ou de son origine ethnique, de sa race, de son affiliation ou absence d'affiliation religieuse, de convictions politiques ou autres, de sexe, de langue, d'instruction, de conditions sociales, d'origine sociale ou de fortune ou de toute autre caractéristique personnelle. Si un tel acte est commis par un agent public dans l'exercice de ses fonctions officielles, l'intéressé est passible d'une peine de trois mois à cinq ans de prison. Selon l'article 317 du Code pénal, est passible d'une peine de six mois à cinq ans de prison quiconque encourage ou intensifie la haine nationale, raciale, religieuse ou l'intolérance entre les populations et communautés ethniques qui vivent en Serbie. Si l'infraction visée au paragraphe 1 dudit article est accompagnée d'une coercition de maltraitance, d'atteinte à la sécurité individuelle, de dénigrement de symboles nationaux, ethniques ou religieux, de dommages matériels, de profanation de monuments, de symboles commémoratifs ou de tombes, le délinquant est passible d'une peine d'un à huit ans de prison. Si elle commise à la suite d'un abus d'une fonction officielle ou d'un abus d'autorité ou si l'infraction entraîne des émeutes, des actes de violence ou d'autres conséquences graves pour la coexistence des peuples, des minorités nationales ou des groupes ethniques qui vivent en Serbie, la peine applicable est de un à huit ans et/ou de deux à dix ans de prison.
Le Ministère des droits de l'homme et des droits des minorités, créé à la mi-2008, administre pour le compte des pouvoirs publics les activités liées à la protection et à la promotion des droits de l'homme et des droits des minorités et à la mise en œuvre de la politique de lutte contre la discrimination, indique le rapport. Le Secrétariat provincial à la réglementation, à l'administration et aux minorités nationales créé en 2002 au sein du Conseil exécutif de la province autonome de Voïvodine s'emploie dans cette province à mettre en œuvre des activités visant à garantir la jouissance des droits individuels et collectifs des minorités nationales, ajoute-t-il.
L'adoption, en mars 2009, de la loi relative à la lutte contre la discrimination a marqué un tournant extrêmement important en ce qui concerne la législation antidiscrimination en République de Serbie. Cette loi définit les expressions «discrimination» et «traitement discriminatoire» comme étant toute différenciation injustifiée ou tout acte ou omission (exclusion, limitation ou privilège) ayant pour effet, ouvertement ou de façon dissimulée, de traiter de façon inégale des personnes ou des groupes ainsi que les membres de leurs familles ou des personnes qui leur sont proches sur la base de la race, de la couleur de la peau, de l'ascendance, de la citoyenneté, de l'affiliation nationale ou de l'origine ethnique, de la langue, des convictions religieuses ou politiques, du sexe, de l'identité sexuelle, de l'orientation sexuelle, de la fortune, de la naissance, des caractéristiques génétiques, de l'état de santé, du handicap, de la situation conjugale ou familiale, du casier judiciaire, de l'âge, de l'apparence, de l'appartenance à des organisations politiques, syndicales ou autres et d'autres caractéristiques personnelles réelles ou supposées. L'article 5 de cette loi réprime comme formes de discrimination directe et indirecte les violations du principe de l'égalité de droits et d'obligations, le fait de tenir une personne responsable du comportement d'autrui, l'entente en vue de commettre un acte de discrimination, l'incitation à la haine ainsi que les harcèlements et les traitements humiliants. Les formes graves de discrimination réprimées par l'article 13 de la loi comprennent notamment l'incitation et l'encouragement à l'inégalité, à la haine et à l'intolérance sur la base de l'affiliation nationale, raciale ou religieuse, de l'affiliation politique, du sexe, de l'identité sexuelle et du handicap, et ledit article réprime l'esclavage, la traite de personnes, l'apartheid, le génocide, le nettoyage ethnique et l'incitation à ces actes, ainsi que la discrimination manifestée par les autorités publiques dans le cadre de procédures menées devant les autorités publiques. Les articles 41 à 46, qui réglementent la protection judiciaire contre la discrimination, disposent que quiconque faisant l'objet d'un traitement discriminatoire peut former un recours devant les tribunaux. La procédure instituée à la suite d'un tel recours est accélérée.
Pendant la période 1992-2008, le Ministère de l'intérieur de la République de Serbie a mis en examen 572 personnes accusées d'avoir commis 366 actes de discrimination constituant une infraction pénale. La plupart des infractions pénales signalées ont été celles visées par l'article 317 du Code pénal — incitation à la haine nationale, raciale et religieuse et à l'intolérance — à savoir 268 et/ou 73,2 % du groupe total d'infractions liées à des actes de discrimination. Viennent ensuite les infractions visées par l'article 131 du Code pénal, à savoir atteinte à la liberté de religion et du culte — 70, par l'article 129 du Code pénal, à savoir atteinte au droit d'utiliser sa langue et son alphabet propres — 20. Le nombre de mises en examen pour discrimination a augmenté depuis 2004, lorsque le Ministère de l'intérieur a donné pour instruction à tous les services nationaux de police, afin de renforcer la protection des groupes minoritaires et des établissements du culte, d'intervenir dès lors qu'existaient les moindres indices d'infraction motivée par une haine national, raciale ou religieuse.
Examen du rapport
M. GUN KUT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, a souligné que le pays se trouve au centre des Balkans et qu'il est un État successeur de la République de Yougoslavie, laquelle a connu une tragédie qui a laissé des empreintes dans l'ensemble de cette région et en particulier en Serbie. Les traumatismes liés à l'effondrement de la Yougoslavie sont la cause profonde d'un très grand nombre de problèmes qui se sont posés en termes d'intolérance et de discrimination en Serbie, a souligné M. Kut.
M. Kut a souligné combien la Serbie est diversifiée: elle est pluriethnique, plurireligieuse et également plurielle du point de vue des alphabets utilisés dans le pays, a-t-il précisé. Les Roms sont probablement la minorité la plus nombreuse, suivis par les Hongrois, les Bosniaques, les Croates et les Slovaques, a-t-il ajouté. Du point de vue de l'énoncé textuel, la protection accordée aux droits de l'homme dans la Constitution est à peu près impeccable, s'est félicité le rapporteur. En outre, la loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales est un texte législatif impressionnant, a-t-il ajouté. La protection des minorités nationales est assurée, entre autres, dans les domaines de la culture, de l'éducation, de l'utilisation des langues et de l'écriture. Existent également des conseils nationaux de minorités. Ainsi, tout compte fait, l'infrastructure (de protection) est impressionnante. La question qui se posera alors est de savoir ce qu'il en est du point de vue des résultats, a souligné M.Kut.
Ainsi, le rapporteur s'est-il enquis des résultats obtenus, par exemple, dans les domaines de l'éducation et du logement des Roms, en particulier du point de vue de la ségrégation dans ces domaines.
M. Kut a estimé qu'il y avait en Serbie un manque de volonté politique de mettre en œuvre un certain nombre de programmes et stratégies, ce qui s'explique notamment par l'absence d'appui public et soulève donc la question de la nécessaire promotion de campagnes de sensibilisation.
Constatant le vaste réseau de programmes et d'institutions mis en place en Serbie pour traiter des questions relevant de la Convention, M. Kut s'est enquis de la manière dont les autorités s'y prennent, dans ce contexte, pour éviter les chevauchements et éviter que chacun, face à un tel réseau, s'en remette aux autres pour agir, avec le risque qu'en fin de compte, plus personne ne fasse rien.
Plusieurs autres experts ont salué la législation existante – qualifiée d' «exemplaire» par l'un d'entre eux – mais ont souligné qu'il reste à la mettre en œuvre. Il semble que l'on assiste à l'adoption de mesures visant à montrer que l'État serbe fait tout ce qu'il faut, en apparence, notamment pour adhérer à l'Union européenne; mais l'important est la mise en œuvre de ces mesures, a souligné un membre du Comité.
Un expert a salué l'ampleur des progrès accomplis par le pays depuis le départ de Milosevic, en particulier dans le domaine de la poursuite des crimes de guerre. Il n'en demeure pas moins qu'il reste, pour la Serbie, beaucoup de pain sur la planche, notamment pour ce qui est de la gestion du passé, a poursuivi cet expert. Comment le pays s'y prend-il pour susciter un changement d'attitude parmi certains de ses citoyens qui continuent d'avoir une attitude hostile à l'égard de certains groupes ethniques, a-t-il demandé? Insistant pour que le pays coopère pleinement à l'appréhension des deux derniers fugitifs recherchés par le Tribunal pénal international, à savoir Ratko Mladiæ et Goran Hadžiæ, cet expert a déclaré ne pas être convaincu par l'argument selon lequel les autorités serbes ne sauraient pas où ces deux fugitifs se trouvent. Pendant la période couverte par le présent rapport, un certain nombre d'événements sont intervenus au Kosovo, au cours desquels «des actes ont été commis par des ressortissants de votre pays» à l'égard des personnes d'origine albanaise, a par ailleurs souligné ce même expert, avant de rappeler que l'obligation redditionnelle est à la base de la démocratie.
Combien de réfugiés et de personnes déplacées existe-t-il encore en Serbie et quelle est leur situation, a demandé un autre expert?
Souvent, quand ils ne sont pas Roms, les parents retirent leurs enfants des écoles où sont scolarisés un grand nombre de Roms, a relevé un membre du Comité, plaidant pour la création d'écoles véritablement pluriethniques. Un autre expert s'est étonné du placement fréquent d'enfants roms dans les écoles pour enfants handicapés. En fin de compte, qui décide de l'établissement où doivent être placés les élèves, a-t-il demandé?
Quelles sont les priorités de la Serbie, à court et moyen termes, en matière de droits de l'homme, a demandé un expert?
Le nombre d'incidents motivés par l'origine ethnique de la victime a augmenté depuis 2004, a relevé un autre expert.
Un membre du Comité a rappelé l'immense complexité de la Serbie, un pays qui a traversé une série de tragédies et dont la situation, il faut le rappeler, fut à l'origine de la procédure d'alerte rapide et d'action urgente instituée par le Comité. Les membres des minorités nationales sont souvent victimes de discriminations en termes d'accès aux droits, a souligné l'expert, qui a voulu connaître le bilan de la mise en œuvre de l'importante stratégie mise en place par le pays en faveur de l'amélioration de la situation des Roms.
Un autre membre du Comité a noté les progrès réalisés s'agissant des poursuites contre les auteurs de crimes de guerre devant la Cour internationale de justice à La Haye. La délégation a demandé quelles mesures ont été prises pour continuer de changer l'attitude de certains citoyens envers les personnes d'origine différente afin d'éviter une répétition des atrocités commises dans le passé. L'expert a encouragé la Serbie à redoubler d'efforts pour localiser et livrer les fugitifs restants, dont Ratko Mladiæ.
Un autre expert a dit qu'il était utile et instructif de disposer de données suffisantes sur la composition des minorités dans le pays. Il a aussi demandé des explications complémentaires sur la question des parties intéressées par les minorités.
Un expert a demandé à la délégation d'indiquer sa position sur les informations qui continuent de faire état de ségrégation à l'égard des Roms dans le domaine de l'éducation.
Un membre du Comité a souligné la nécessité de disposer d'une forte volonté politique pour empêcher la propagation de discours de haine. Un expert s'est dit préoccupé par le rôle des partis politiques et autres organisations qui pratiquent une propagande haineuse et l'incitation à la violation des droits des minorités. Il a encouragé l'État à prendre des mesures pour corriger cette situation.
Déclaration de la société civile
Un représentant de l'Ombudsman de Serbie a informé le Comité sur les problèmes d'inégalité au sein de la société serbe et qui exigent des mesures afin de les combattre et les éliminer. Les progrès réalisés par l'État dans ce domaine sont évidents, a reconnu l'intervenant, qui a toutefois souligné que des lacunes subsistent dans la réalisation d'activités visant à l'amélioration de la situation des minorités nationales et l'élimination de toute forme de discrimination, de préjugés et d'inégalités. Le représentant de l'Ombudsman a souligné que l'État n'avait pas réussi à développer les capacités afin de pouvoir garantir le respect des droits collectifs des minorités nationales en conformité avec les principes de bonne gouvernance; il a échoué à mettre en œuvre les recommandations de l'ombudsman au sujet des droits collectifs qui participent de l'autonomie locale. Les formes ouvertes de racisme et de chauvinisme sont fréquentes, a déclaré le représentant, qui a attiré l'attention sur les manifestations organisées dans le village de Jabuka en juin 2010 lorsque des Serbes et des Macédoniens ont fait pression et ont eu recours à la force physique contre la population rom locale. La «fracture éthique» en Serbie est importante et se traduit par la méfiance entre la majorité et les minorités, mais aussi par la méfiance entre les communautés minoritaires elles-mêmes.
Réponses de la délégation
La délégation de Serbie a déclaré que le pays a fondé ses institutions démocratiques sur l'héritage positif de la Yougolavie, en particulier en ce qui concerne l'égalité de toutes les nations, le pays comptant 29 minorités nationales.
Le discours raciste est un résidu du passé qui est malheureusement encore présent dans la vie publique et politique, mais les plus hautes autorités nationales et la société civile s'efforcent d'y répondre. En 2009, la Cour constitutionnelle avait reçu une proposition visant à interdire le travail des groupes de supporters de football en raison de leurs activités visant à la violation des droits de l'homme des minorités et d'incitation à la haine nationale, religieuse ou raciale. La Cour constitutionnelle a également reçu une proposition d'interdire l'organisation patriotique «Obraz» et «1389». Au cours de la même année, la Cour a poursuivi son processus sur proposition du procureur général d'interdire l'organisation «Nacionalni Stroj».
La délégation serbe a assuré le Comité que la pleine coopération avec la Cour internationale de justice reste une priorité et la Serbie fait tout en son pouvoir pour traduire en justice les deux fugitifs dont il a été question. Une récompense est offerte pour toute information pouvant mener à l'arrestation de Ratko Mladiæ et Goran Hadžiæ. La délégation a précisé que le tribunal compétent de la Serbie traduit en justice 11 personnes accusées d'aider Ratko Mladiæ.
En ce qui concerne les crimes de guerre au Kosovo-Metohija, la délégation a déclaré que l'État a établi un bureau de procureur spécial sur les crimes de guerre. Dans la même optique, la délégation a souligné que toute l'attention voulue est accordée aux crimes répertoriés par Dick Marty, rapporteur spécial du Conseil de l'Europe et la Serbie fera tout les efforts pour enquêter sur les allégations de trafic d'organes humains.
En ce qui concerne les incidents de propagande haineuse, la délégation serbe a souligné que l'État était en train de modifier son code pénal pour qualifier ces actes de crimes, mais a précisé que la loi sur l'information publique contenait déjà un article sur le «discours de haine». Elle a ajouté que des mesures ont été prises contre certaines publications.
La délégation a déclaré qu'environ 90% des fonctionnaires de police ont indiqué leur appartenance à une minorité nationale, dont 19% étaient des Roms. L'État entend augmenter le nombre de Roms dans la police et les invite à postuler aux postes vacants dans la police.
En ce qui concerne la question des enfants roms et leur accès à l'éducation, la délégation a déclaré tous les mécanismes mis en place par l'État visent l'inclusion sociale comme objectif prioritaire. En termes pratiques, les enfants des groupes extrêmement vulnérables reçoivent une attention particulière conformément à la loi. Cet effort a commencé au début de 2010 et il est maintenant obligatoire que tous les enfants soient inscrits à l'école dans leurs communautés de résidence. Quand un enfant rom est inscrit dans une école, l'enseignant doit recueillir des renseignements afin de déterminer le niveau de l'enfant son adaptation à son environnement. La décision sur l'opportunité ou non d'une pension alimentaire pour enfants et la façon d'apporter un soutien concerne uniquement les enfants des groupes extrêmement vulnérables.
En ce qui concerne l'amélioration de la situation des femmes roms, l'État les a fait participer à l'élaboration de la stratégie actuelle. Des données récentes ont montré que les jeunes filles roms qui ont reçu l'aide d'une assistance pédagogique sont restées à l'école et le taux d'abandon a considérablement diminué. Malheureusement, les femmes roms restent largement sous-représentées sur le marché du travail. Mais des mesures ont été prises pour s'assurer que celles qui étaient aptes au travail reçoivent une aide dans la recherche d'un emploi.
La délégation a indiqué que le pays comptait environ 47 000 réfugiés dans 54 centres. Elle a ajouté que très peu de personnes déplacées rencontrent des problèmes pour l'obtention de documents, mais l'État fait un effort pour venir en aide à toutes les personnes confrontées à ce problème. La Serbie a fait des efforts pour améliorer les conditions de vie et l'accès à l'emploi des personnes déplacées. Les projets visant à aider les rapatriés seront mises en œuvre dans un proche avenir. La délégation a informé le Comité que les membres de toutes les minorités nationales ont exercé leur droit à l'éducation dans leur langue maternelle ou ont eu accès à des services qui les ont aidés à apprendre la langue utilisée dans les écoles dans les communautés où ils vivent. La Constitution protège le droit de tout citoyen à utiliser la langue maternelle par l'éducation, la culture, l'information et dans les procédures judiciaires et administratives.
En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment déclaré que l'État est décidé de mettre l'accent sur la lutte contre discrimination à l'égard des minorités, les incidents de discrimination raciale étant plus rares. La délégation a toutefois déclaré être consciente de la présence de la discrimination raciale dans le pays et a assuré que le pays intensifie les efforts pour l'interdire. L'État a en outre mis en chantier un projet de loi contre la propagande haineuse qui serait basé sur la législation internationale.
S'agissant des langues des minorités nationales, la délégation a dit que ces langues sont en usage dans plusieurs parties du pays pour ce qui concerne les groupes les plus importants.
La délégation a souligné, en réponse à d'autres questions, que l'État était conscient des violations des droits des Roms dans le cadre du processus de déplacement vers d'autres lieux de résidence où, à précisé la délégation, une meilleure situation peut leur être assurée. La Serbie présentera un rapport écrit au Comité sur la manière dont ces réinstallations ont été menées et promet de corriger les erreurs.
Observations préliminaires
M. GUN KUT, expert chargé de l'examen du rapport de la Serbie, a fait remarquer que toutes les évolutions positives en Serbie jusqu'à présent ont pu être réalisées grâce à la volonté politique du Gouvernement serbe. Mais les recommandations du Comité devraient souligner les chevauchements et incohérences dans les structures juridiques et institutionnelles, le danger de politisation de ces institutions et la nécessité d'assurer la complémentarité des institutions. M. Kut a également soulevé la question du bon fonctionnement de l'Ombudsman pour les droits de l'homme, les efforts à mener pour une meilleure sensibilisation du public, notamment. La question des Roms, s'agissant en particulier du logement et de l'éducation, devrait être examinée. M. Kut a conclu que l'ensemble de la population doit être associée au processus visant à assurer la pleine réalisation de leurs droits par les minorités du pays.
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CRD11/011F