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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA NORVÈGE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Norvège sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Tora Aasland, Ministre norvégienne de l'éducation et de la recherche et Ministre par intérim de l'enfance, de l'égalité et de l'insertion sociale, a souligné que combattre les crimes de haine est une priorité. La société norvégienne n'est pas exempte de préjugés ou de xénophobie, a-t-elle reconnu, ajoutant que les politiques d'intégration sont fondées sur les valeurs fondamentales de la société norvégienne telles que la liberté d'opinion et d'expression, l'égalité entre les sexes, l'égalité de traitement. Les politiques d'assimilation menées par les autorités norvégiennes à l'égard des Samis appartiennent au chapitre le plus sombre de l'histoire norvégienne, a souligné la Ministre, rappelant que le parlement sami et le Gouvernement se sont accordés sur des procédures visant à mettre en œuvre l'obligation de consulter le parlement sami pour toute question affectant directement le peuple sami. Les minorités nationales ont également été victimes de politiques d'assimilation et d'injustice de la part des autorités norvégiennes, a ajouté Mme Aasland, avant d'attirer l'attention sur le système de consultation mis en place afin d'assurer un dialogue avec les minorités nationales et la population immigrée. L'un des défis auxquels la Norvège est aujourd'hui confrontée, a-t-elle reconnu, est que les autorités ne disposent pas de suffisamment de connaissance au sujet de la nature, de l'ampleur et des causes de la discrimination.

Ont complété cette présentation Mme Arni Hole, Directrice générale au Ministère norvégien de l'enfance, de l'égalité et de l'insertion sociale; Mme Anne Folkvord, Directrice générale adjointe au même Ministère; M. Jan Austad, Conseiller auprès du Ministère de la justice et de la police; et M. Bjørn Olav Megard, Directeur général adjoint au Ministère de la réforme, de l'administration et des affaires religieuses. La délégation norvégienne était également composée de Mme Bente Angell-Hansen, Représentante permanente de la Norvège auprès des Nations Unies à Genève; de Mme Anne Merchant, du Ministère des affaires étrangères; et de conseillers auprès du Parlement sami. Il a notamment été indiqué qu'un comité d'experts indépendants a été chargé d'évaluer les politiques antérieures concernant le peuple romani/taters afin de promouvoir un processus de réconciliation entre ce peuple et les autorités. Ont également été exposées les mesures compensatoires apportées par la loi sur le Finnmark qui reconnaît notamment que les Samis et d'autres ont des droits fonciers au Finnmark et établit une commission spéciale chargée d'enquêter au sujet de toute réclamation foncière au Finnmark. La délégation a aussi apporté des réponses complémentaires s'agissant, entre autres, de la place de la Convention dans l'ordre juridique interne; de la situation des Samis et d'autres groupes minoritaires; des dispositions relatives à la détention des requérants d'asile; ou encore des raisons pour lesquelles la Norvège rejette l'utilisation du terme de «race» dans sa législation.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Norvège, M. Régis de Gouttes, a déclaré qu'il n'apparaît pas que la situation des migrants et la protection de leurs droits aient beaucoup progressé; on assiste plutôt à un durcissement de la politique migratoire. Des mesures doivent être prises pour sauvegarder la culture du peuple sami et ses droits sur les terres où il vit et les ressources naturelles qui s'y trouvent. M. de Gouttes a également rappelé les difficultés rencontrées par les Roms en termes, notamment, d'accès à l'emploi, au logement, à l'éducation et aux lieux publics. Il s'est aussi inquiété de la survivance de pratiques discriminatoires de la part d'agents chargés de l'application des lois, en particulier à l'encontre de non-ressortissants et de groupes minoritaires.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Norvège qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Irlande (CERD/C/IRL/3-4).


Présentation du rapport

MME TORA AASLAND, Ministre de l'éducation et de la recherche et Ministre par intérim chargée de l'enfance, de l'égalité et de l'insertion sociale de la Norvège, a rappelé que le 26 janvier dernier avait marqué le dixième anniversaire du meurtre à caractère raciste et nazi d'un jeune Norvégien de 15 ans qui s'appelait Benjamin Hermansen et qui fut tué au seul motif de la couleur de sa peau. Ce meurtre a changé à jamais l'esprit des Norvégiens, a-t-elle déclaré, rappelant que plus de 40 000 citoyens s'étaient rassemblés à Oslo en janvier 2001 suite à ce meurtre, pour promettre que tout serait fait afin que rien de semblable ne puisse jamais se reproduire. Cette promesse a été réitérée par le Premier Ministre norvégien dans un discours prononcé le mois dernier en mémoire de Benjamin, dix ans après son meurtre. La Ministre a souligné que combattre les crimes de haine reste une priorité de son cabinet.

Une société inclusive est une société fondée sur l'égalité des droits et sur la possibilité ouverte à tous d'y participer, a poursuivi Mme Aasland, ajoutant que l'égalité de traitement et la lutte contre la discrimination sont égalité des questions prioritaires pour son cabinet. Dans la vie réelle, lorsqu'une personne se plaint de discrimination, cela implique souvent une discrimination multiple, c'est-à-dire obéissant à plusieurs motifs, a-t-elle fait observer; c'est pourquoi l'approche norvégienne s'efforce de promouvoir l'égalité et la non-discrimination pour tous dans tous les domaines de la société.

Aucun pays ne peut prétendre être exempt de zones de discrimination, a souligné la Ministre. Généralement, a-t-elle poursuivi, la société norvégienne est considérée comme assez homogène, même si les immigrants et leurs enfants représentent désormais 11% de la population. Pour autant, les questions relatives aux minorités ne sont pas nouvelles pour la Norvège: l'État norvégien avait été créé sur le territoire de deux peuples: les Norvégiens et les Samis. Cinq minorités nationales vivent en Norvège, a indiqué Mme Aasland: les Kvens, les Juifs, les Finnois de la forêt, les Roms et les Romani. Le Gouvernement s'efforce de maintenir un dialogue étroit avec les organisations qui représentent ces minorités, a-t-elle précisé. Ka diversité n'est pas seulement une force; elle contribue aussi à la croissance économique du pays et à son enrichissement culturel.

La société norvégienne n'est pas exempte de préjugés ou de xénophobie, a poursuivi la Ministre. Il y a des gens vivant en Norvège qui se sentent stigmatisés et victimes de discrimination. «Nous travaillons activement pour lutter contre les préjugés et la xénophobie», a-t-elle assuré. Les politiques d'intégration sont fondées sur les valeurs fondamentales de la société norvégienne telles que la liberté d'opinion et d'expression, l'égalité entre les sexes, l'égalité de traitement, le droit de se marier et de choisir son conjoint, a-t-elle ajouté.

Les politiques d'assimilation menées par les autorités norvégiennes à l'égard des Samis appartiennent au chapitre le plus sombre de l'histoire norvégienne, a poursuivi Mme Aasland. Elle a rappelé que le parlement sami, le Samediggi, avait été instauré en 1989. En 2005, le Samediggi et le Gouvernement se sont accordés sur des procédures visant à mettre en œuvre l'obligation de consulter le parlement sami pour toute question affectant directement le peuple sami, ce qui ne signifie pas que ces consultations se soldent toutes sur un accord.

Les minorités nationales ont, elles aussi, été victimes par le passé de politiques d'assimilation et d'injustice de la part des autorités norvégiennes, a ajouté la Ministre, faisant valoir la volonté de son gouvernement de maintenir un dialogue étroit avec les organisations qui représentent les minorités, afin d'assurer qu'elles sont entendues. Mme Aasland a par ailleurs attiré l'attention sur le système de consultation mis en place afin de maintenir le dialogue avec les minorités nationales et la population immigrée. Un forum de contact avec les minorités nationales et un comité de contact entre les immigrants et les autorités ont ainsi été mis sur pied.

La Ministre a par ailleurs exposé les trois piliers juridiques et institutionnels qui constituent la base des efforts déployés par la Norvège afin de prévenir la discrimination ethnique. Il s'agit en premier lieu la loi contre la discrimination de 2005, qui couvre la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique, l'origine nationale, l'ascendance, la couleur de peau, la langue, la religion ou la croyance; toute discrimination fondée sur l'un de ces motifs est interdite dans tous les domaines de la société norvégienne. Reconnaissant que l'égalité dans la vie professionnelle est essentielle, les autorités ont récemment institué l'obligation légale pour les employeurs privés comme publics de prendre des mesures actives pour promouvoir l'égalité et de présenter chaque année un rapport sur la manière dont ils s'acquittent de cette obligation. Le deuxième pilier de l'action de prévention de la discrimination repose sur l'ombudsman pour l'égalité et contre la discrimination qui est chargé de veiller à la mise en œuvre de la loi contre la discrimination, a poursuivi Mme Aasland. Toute personne qui le souhaite peut, gratuitement, déposer une plainte devant l'ombudsman; en outre, une plainte peut aussi être déposée devant un tribunal civil. Enfin, le Gouvernement norvégien a lancé un plan d'action national et intersectoriel afin de promouvoir l'égalité et de prévenir la discrimination ethnique.

Les autorités norvégiennes ont une responsabilité spéciale pour ce qui est d'assurer que tous les résidents en Norvège soient inclus dans la société norvégienne en ayant accès aux services publics sur un pied d'égalité, a poursuivi la Ministre. L'un des défis auxquels la Norvège est aujourd'hui confrontée, a-t-elle reconnu, est que les autorités ne disposent pas de suffisamment de connaissance au sujet de la nature, de l'ampleur et des causes de la discrimination.

MME ARNI HOLE, Directrice générale au Ministère norvégien des enfants, de l'égalité et de l'insertion sociale, a souligné que l'on ne saurait exclure la possibilité d'une discrimination structurelle dans les services publics ou sur le marché du travail ou du logement dans une économie ouverte comme l'est l'économie norvégienne. De ce point de vue, une personne peut se sentir victime de discrimination; mais il n'est pas évident de déterminer si cette personne a été victime d'une discrimination de facto ou si une personne quelconque a commis un délit. C'est la raison pour laquelle l'État finance l'Ombudsman pour l'égalité et contre la discrimination et le Tribunal pour l'égalité et contre la discrimination afin qu'ils traitent des plaintes individuelles pour traitement inégal, a indiqué Mme Hole. Il ne fait aucun doute que des préjugés persistent dans la société norvégienne, a-t-elle par ailleurs admis; mais d'un point de vue juridique, un préjugé n'équivaut pas à une discrimination. Il convient en outre d'établir une claire distinction entre la discrimination et le manque d'intégration des réfugiés et des travailleurs migrants, a-t-elle ajouté, tout en admettant que le manque d'intégration puisse conduire à la perception d'un traitement inégal. C'est pourquoi les autorités norvégiennes s'efforcent de promouvoir l'égalité et de prévenir la discrimination tout en appliquant des politiques d'intégration.

M. JAN AUSTAD, Conseiller au Ministère de la justice et de la police de Norvège, a pour sa part déclaré que la violence raciste n'est pas un phénomène important en Norvège, mais il n'en demeure pas moins qu'il a été jugé nécessaire d'améliorer le système permettant d'enregistrer des crimes racistes. La tâche est ardue qui consiste à identifier le motif d'un crime, a-t-il souligné. Certaines organisations non gouvernementales suggèrent d'élaborer une définition claire de ce qui doit être considéré comme un crime de haine, a-t-il ajouté, indiquant qu'il est envisagé d'apporter des modifications au système d'enregistrement des crimes et que toute suggestion en la matière sera la bienvenue.

MME ANNE FOLKVORD, Directrice générale adjointe au Ministère norvégien de l'enfance, de l'intégration sociale et de l'égalité, a rappelé que plus de 11% de la population norvégienne est d'origine immigrée. La politique d'intégration suivie par la Norvège vise notamment à placer le migrant dans une situation où il puisse protéger ses droits et réaliser pleinement son potentiel, notamment en participant au marché de l'emploi, a-t-elle indiqué.

M. BJØRN OLAV MEGARD, Directeur général adjoint au Ministère norvégien de la réforme, de l'administration et des affaires religieuses, a rappelé que la Norvège comporte plusieurs minorités nationales, dont celle du peuple sami. Les procédures de consultation adoptées en 2005 entre les autorités de l'État et le parlement sami ont permis d'accroître la prise de conscience quant au devoir des différents partenaires de se consulter, a-t-il souligné. En janvier dernier, a par ailleurs indiqué M. Megard, a été institué un comité d'experts indépendants chargé d'évaluer les politiques antérieures concernant la population romani/taters afin de promouvoir un processus de réconciliation entre cette population et les autorités. M. Megard a ensuite exposé les mesures compensatoires apportées par la loi sur le Finnmark de 2005 qui reconnaît notamment que les Samis et d'autres populations ont des droits fonciers au Finnmark et établit une commission spéciale chargée d'enquêter au sujet de toute réclamation foncière au Finnmark. Cette commission doit encore examiner les réclamations foncières des Samis de l'Est et il ne saurait être question de préjuger des résultats de ce processus, a souligné M. Megard.

Le rapport périodique de la Norvège (CERD/C/NOR/19-20) indique que, conjointement avec le Sámediggi (parlement sami), et suivant les procédures de consultation entre les autorités de l'État et le Sámediggi, le Ministère du travail et de l'insertion sociale a établi un groupe d'analyse chargé des statistiques samis. Le groupe d'analyse présentera chaque année un rapport au Ministère et au Sámediggi, qui viendra consolider les bases factuelles des évaluations et décisions lors des consultations. Le Bureau de statistique publie tous les deux ans une mise à jour des statistiques disponibles concernant les Samis. La Commission du Finnmark, créée par décret du 14 mars 2008 et composée de cinq membres est chargée de spécifier et de reconnaître les droits existants à la terre et aux ressources naturelles, conformément à la législation et à la jurisprudence nationales. Elle tiendra compte des traditions samis dans ce processus. Les pays nordiques ont par ailleurs engagé un processus devant aboutir à une convention nordique sami. On enregistre depuis peu une multiplication des propos racistes et discriminatoires à l'égard des Samis et de leurs droits en tant que peuple autochtone, notamment dans les médias et les forums de discussion sur Internet, indique plus loin le rapport. Le Gouvernement précise que la promotion des droits de l'homme devient progressivement un outil de désamorçage des conflits par l'instauration de relations juridiques structurées et légitimes entre l'État et les peuples autochtones, et entre les différents groupes ethniques. La mise en œuvre au niveau national des instruments relatifs aux droits de l'homme est déterminante si l'on veut prévenir la montée des tensions raciales et culturelles, des propos racistes et de la discrimination à l'égard des minorités et des Samis, à titre individuel et en tant que peuple. En s'appuyant sur le dialogue, l'information et les processus démocratiques, le Gouvernement cherche à promouvoir la connaissance, la compréhension et le respect des procédures démocratiques établies pour défendre les intérêts des Samis. Les langues samis sont toujours menacées. Les langues samis vivantes sont un élément central de la culture sami, c'est pourquoi un plan d'action gouvernemental de soutien aux langues samis a été présenté en mai 2009, ajoute le rapport.

Le Gouvernement entend redoubler d'efforts dans sa lutte contre la discrimination ethnique et a pour cela présenté un nouveau plan d'action pour la promotion de l'égalité et la prévention de la discrimination ethnique en avril 2009. Le plan d'action est destiné à combattre et à prévenir la discrimination directe et indirecte et couvre une période de quatre ans. Il s'agit essentiellement de mesures de lutte contre la discrimination à l'égard des personnes issues de minorités, y compris des immigrés et de leurs enfants, des Samis et des minorités nationales.

Aux termes de la loi sur l'immigration, les ressortissants étrangers sont tenus de contribuer à l'établissement de leur identité. Ils peuvent être arrêtés et placés en détention préventive s'ils refusent de communiquer leur identité ou si tout porte à croire qu'ils ont décliné une fausse identité. Des mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'après avoir envisagé des moyens moins agressifs. La période de détention préventive peut aller jusqu'à quatre semaines, mais ne peut excéder 12 semaines, sauf en présence de motifs particuliers, par exemple si le ressortissant étranger s'applique à faire échouer ou retarder l'action de la police en vue de l'établissement de son identité. La prolongation d'une période de détention préventive au-delà de 12 semaines est évaluée au cas par cas et doit être régulièrement réexaminée par un tribunal. Les autorités norvégiennes n'ont pas souhaité fixer une limite à la durée maximale de la détention préventive. Établir l'identité d'un ressortissant étranger peut être une tâche laborieuse et de longue haleine, souvent en raison du manque de coopération de la part de l'intéressé. S'agissant des demandes de nationalité norvégienne présentées après le 1er septembre 2008, les demandeurs âgés de 18 à 55 ans sont tenus d'avoir suivi 300 heures de formation reconnue en langue norvégienne ou d'être en mesure de prouver qu'ils possèdent les connaissances requises en norvégien ou en sami, indique par ailleurs le rapport. Les élèves titulaires d'un permis de séjour sont autorisés à suivre le deuxième cycle de l'enseignement secondaire, contrairement aux demandeurs de permis de séjour en attente de décision. Les demandeurs d'asile mineurs peuvent être admis au deuxième cycle de l'enseignement secondaire dans l'attente de la décision, mais ils ne pourront pas terminer l'année scolaire si leur demande est rejetée. La possibilité d'accorder aux demandeurs d'asile mineurs le droit de suivre les cours du deuxième cycle de l'enseignement secondaire est en cours d'examen, mais aucune décision définitive n'a encore été prise à ce sujet.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. RÉGIS DE GOUTTESM, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Norvège, a relevé les profonds changements intervenus ces dernières années en Norvège, un pays qui est devenu divers et multiculturel. Beaucoup d'éléments d'information présentés par la Norvège sont positifs, a-t-il souligné. D'autres appellent des compléments d'informations, notamment pour ce qui est des données démographiques. Ainsi, serait-il utile de connaître plus précisément le nombre de Samis. M. de Gouttes a aussi souhaité disposer de davantage de données démographiques s'agissant en particulier des catégories de personnes susceptibles de subir des discriminations.

S'agissant de l'incorporation du droit international dans l'ordre juridique interne norvégien, M. de Gouttes a relevé que contrairement à ce qui a été fait pour la plupart des autres instruments internationaux des droits de l'homme, la Convention n'a pas été intégrée dans la loi sur les droits de l'homme, ce qui risque de priver cet instrument d'une primauté formelle de ses dispositions sur celles du droit interne.

Abordant la question de l'incrimination de la discrimination fondée sur la race, M. de Gouttes a relevé que selon ce qu'indique le rapport, le législateur norvégien a voulu éviter de recourir au terme de «race»; la discrimination raciale serait donc couverte par la discrimination ethnique. Mais puisque ce terme de discrimination raciale figure expressément dans la Convention, le Gouvernement norvégien devrait envisager une modification de la loi interne de manière à ce que la discrimination fondée sur la race y soit visée de manière adéquate, a estimé le rapporteur. Par ailleurs, il n'existe pas dans la législation pénale de disposition incriminant spécialement les organisations racistes, a-t-il déploré.

Il n'apparaît pas, à la lecture du rapport, que la situation des migrants et la protection de leurs droits aient beaucoup progressé, a par ailleurs déploré M. de Gouttes. On assiste plutôt à un durcissement de la politique migratoire, à l'instar de ce qui se passe dans beaucoup de pays européens, a-t-il déclaré. Il a ainsi souligné que les conditions et la durée de la détention préventive des ressortissants étrangers qui ne communiquent pas leur identité réelle demeurent sévères. En outre, les exigences d'apprentissage de la langue norvégienne comme critère pour l'intégration et l'accès à la nationalité norvégienne demeurent strictes et ne tiennent pas compte de la variété des groupes minoritaires.

M. de Gouttes s'est ensuite enquis de l'évaluation qui peut être faite des différents plans d'action nationaux visant à combattre la discrimination ethnique. Il a également souhaité connaître la raison pour laquelle l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal civil général a été retardée. Relevant l'introduction dans le Code pénal civil général d'une circonstance aggravante lorsque le crime est commis avec une motivation ethnique ou raciale, l'expert a demandé à la délégation si elle était en mesure de citer quelques exemples de peines aggravées ainsi encourues ou prononcées. M. de Gouttes s'est en outre enquis des suites judiciaires données aux actes de crime de haine enregistrés en Norvège (257 en 2007 dont 209 motivés par la race ou l'appartenance ethnique, selon le paragraphe 92 du rapport).

Après avoir salué, entre autres, le projet «Sécurité et confiance» de la Direction de la police nationale lancé en 2008 afin d'instaurer une relation de confiance entre les immigrés et la police, M. de Gouttes a relevé, s'agissant des relations entre immigrés et police, qu'il résulte des observations finales du Comité des droits de l'homme ou encore de celles du Comité contre la torture que la police continuerait parfois d'opérer des interpellations et des fouilles fondées sur l'origine apparente – une pratique de profilage raciale que condamne le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

Le rapporteur a par ailleurs souligné que le Gouvernement norvégien, en raison de l'afflux des demandes d'asile, a pris en septembre 2008 des mesures restrictives afin de diminuer le nombre de requérants qui sont considérés comme n'ayant pas besoin de protection. Ainsi, le paragraphe 122 du rapport précise-t-il que la Direction de l'immigration a rejeté 60% des demandes. Aussi, le rapporteur a-t-il souligné qu'un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance datant de 2009 s'inquiétait de la mise en place de nouvelles procédures accélérées visant à traiter les cas manifestement infondés qui risquaient de mettre en danger l'application normale des garanties juridiques existantes pour les demandeurs d'asile.

M. de Gouttes a d'autre part relevé les informations contenues dans le rapport de la Norvège qui font apparaître que le niveau d'emploi, d'éducation, de pauvreté et de logement continue d'être bien inférieur chez les immigrés, par rapport au reste de la population. En outre, a déploré le rapporteur, le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance et les informations en provenance des ONG font apparaître l'existence de discours à caractère xénophobes et racistes de la part de certaines personnalités ou de certains partis politiques tel que le Parti progressiste qui, comme d'autres organisations extrémistes, procèdent à un amalgame entre immigration et délinquance voire terrorisme.

Quelles suites ont-elles été données aux 23 plaintes pour discriminations diverses reçues en 2008 par le Médiateur (ombudsman) pour l'égalité et contre la discrimination, a par ailleurs demandé le rapporteur?

Plusieurs grandes sociétés multinationales ayant leur siège social en Norvège ou opérant grâce à des capitaux norvégiens et qui travaillent en particulier dans les secteurs du pétrole, du gaz et des pêcheries continueraient de porter atteinte aux populations autochtones à l'étranger en affectant leur santé, leur droit à la vie et à la terre et la qualité de leur eau, a également souligné M. de Gouttes. Le Gouvernement norvégien envisage-t-il de prendre d'autres mesures dans le contexte, notamment, du respect des dispositions de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail et de la Déclaration sur les droits des populations autochtones?

Un autre membre du Comité a soulevé la question des effets négatifs des investissements de certaines entreprises norvégiennes dans des régions du monde où résident des populations autochtones; ainsi, en 2009, des populations autochtones des Philippines et du Chili ont été victimes de violations des dispositions de la Convention n°169 de l'OIT par une entreprise norvégienne. Il en va de même pour des entreprises – norvégiennes ou à capitaux en partie norvégiens – qui opèrent au Laos et en Amazonie.

La discrimination ethnique n'englobe pas tous les aspects de la discrimination raciale, a pour sa part souligné un expert. Un autre membre du Comité s'est demandé comment la Norvège pouvait parler de discrimination raciale sans accepter le terme de «race». Certes, a-t-il admis, il n'y a pas de race et chacun appartient à la même espèce humaine; mais dans les consciences et dans certaines politiques, il subsiste des différenciations dont il faut bien tenir compte pour les combattre.

Plusieurs membres du Comité ont évoqué la situation des Samis de l'Est, une experte soulignant à cet égard que la création d'un musée tel que celui construit à Neiden (Musée des Samis de l'Est) ne va pas dans le sens d'une revitalisation culturelle mais constitue plutôt un signe de déclin. Financer la culture et ouvrir un musée ne suffit pas à protéger une culture, a insisté un expert.

Y a-t-il un danger réel d'islamisation de la société norvégienne ou bien la rhétorique qui cherche à faire croire à la réalité d'un tel danger ne procèderait-elle pas plutôt d'une islamophobie, a demandé un expert? Il a par ailleurs dénoncé le profilage racial dont sont victimes de manière disproportionnée les membres des groupes minoritaires.

Un expert s'est enquis des mesures prises par les autorités pour lutter contre la xénophobie s'exprimant sur l'Internet.

Interventions de la société civile

M. MAGNUS FORBERG ANDERSEN (Norwegian Centre for Human Rights) a regretté que la Norvège ait choisi de rejeter la demande claire que lui avait adressée le Comité d'envisager l'incorporation de la Convention en droit interne par le biais de la loi sur les droits de l'homme afin d'assurer la primauté de cet instrument sur la législation interne en cas de conflit. Il a en outre souhaité informer le Comité du fait que la Constitution norvégienne ne contient aucune disposition spécifique assurant une protection contre la discrimination ethnique, contrairement aux recommandations adressées au pays par des organes internationaux.

MME ELISABETH HAUGSETH (Bureau de l'Ombudsman norvégien pour l'égalité et contre la discrimination) a attiré l'attention sur l'éventuelle discrimination indirecte dont peuvent être victimes certains groupes en Norvège, tant pour ce qui est de la possibilité d'accéder à une formation linguistique adéquate que de la qualité de cette formation. Certains groupes sont exclus du droit à une formation linguistique, a-t-elle souligné, évoquant notamment la situation des personnes qui déménagent d'une municipalité à une autre et qui peuvent se voir refuser le droit de poursuivre leur formation. Mme Haugseth a par ailleurs indiqué que l'ombudsman avait l'impression que la fourniture de services publics était essentiellement basée sur une norme d'apparence neutre du point de vue de l'appartenance ethnique de l'utilisateur, ce qui, en réalité, favorise les personnes d'origine ethnique norvégienne. Il en va ainsi de certains services offerts dans le domaine de la santé, la Norvège ne disposant par exemple d'aucune institution centralisée ayant compétence pour offrir un traitement médical aux réfugiés traumatisés. Des services publics neutres peuvent aboutir à une discrimination indirecte sur la base de l'appartenance ethnique, a insisté Mme Haugseth. Elle a en outre invité le Comité à recommander à la Norvège de faire en sorte que les femmes qui séjournent actuellement dans des centres de crise (ou centres d'accueil) depuis longtemps se voient offrir un logement alternatif dans un délai raisonnable.

Réponses de la délégation

Pour lutter contre le racisme, il est important de lutter contre l'idée que les gens seraient divisés en différentes races, ce qui est faux, notamment d'un point de vue biologique, a souligné la délégation norvégienne. C'est pourquoi la législation norvégienne rechigne à utiliser le terme de «race», a-t-elle expliqué.

Les Samis de l'Est représentent un groupe d'une cinquantaine de personnes et dans ce contexte, un musée semble une bonne chose pour faire revivre une partie de cette culture ancienne des Samis de l'Est dont il reste malheureusement peu de chose, ce qui préoccupe les autorités norvégiennes, a par ailleurs indiqué la délégation.

S'agissant de l'incorporation de la Convention en droit interne et du fait que cet instrument n'y soit pas incorporé par le biais de la loi sur les droits de l'homme comme cela a été fait pour d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la délégation a estimé que la Convention était suffisamment incorporé dans la législation norvégienne par le biais de la loi anti-discrimination.

Le 18 juin 2009, a par ailleurs indiqué la délégation, le Parlement norvégien (Storting) a désigné un comité chargé de proposer une révision limitée de la Constitution en vue de renforcer la position des droits de l'homme et ce comité doit présenter ses conclusions au Parlement d'ici janvier 2012.

La délégation a par ailleurs expliqué que le rapport présenté par la commission chargée de proposer une nouvelle législation anti-discrimination complète a fait l'objet d'audiences publiques; le Gouvernement va examiner ce rapport et les points de vues exprimés durant les audiences et présentera ensuite une proposition visant à renforcer la législation anti-discrimination, a-t-elle précisé.

Une nouvelle loi entrée en vigueur en janvier 2010 oblige les autorités locales à créer des centres d'accueil pour toutes les personnes victimes de violence, y compris les personnes victimes de violence conjugale, de mariage forcé ou de traite, a d'autre part rappelé la délégation.

On estime entre 40 000 et 80 000 le nombre de Samis en Norvège; mais cela est difficile à déterminer car tous ne souhaitent pas être inscrits comme Samis lors des recensements; il en va d'ailleurs de même pour nombre de personnes appartenant à d'autres minorités nationales, a indiqué la délégation. Les Samis de l'Est constituent un groupe très réduit: on parle de 50 à 100 personnes, a-t-elle poursuivi. On estime par ailleurs à environ 700 le nombre de Roms norvégiens, la plupart établis à Oslo, et entre 1500 et 2000 le nombre de Juifs.

La question des activités des entreprises norvégiennes ne relève pas de la responsabilité de ce comité, a par ailleurs estimé la délégation, tout en assurant que les autorités norvégiennes attachent une grande importance à cette question du respect des droits de l'homme par les entreprises privées. La Norvège continuera de suivre les recommandations du Conseil des droits de l'homme à ce sujet, a par ailleurs souligné la délégation.

S'agissant des questions relatives à la détention des requérants d'asile, la délégation a rappelé que le délai de détention est au maximum de quatre semaines consécutives et ne peut dépasser en tout 12 semaines, sauf si des raisons particulières l'exigent.

Les mutilations génitales féminines sous toutes leurs formes sont illégales en Norvège, a par ailleurs indiqué la délégation. Le plan d'action contre les mutilations génitales féminines pour les années 2008-2011 est en train de faire l'objet d'une évaluation dont les résultats seront publiés cette année par un institut de recherche indépendant, a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, le plan d'action contre les mariages forcés pour la période 2008-2011 a fait l'objet d'une évaluation dont les résultats ont été publiés en juin 2010, concluant que les objectifs que s'était fixés le Gouvernement avaient été atteints.

La délégation a rappelé que selon la loi sur la nationalité, les candidats à la citoyenneté norvégienne âgés de 18 à 55 ans doivent suivre un total de 300 heures de cours de norvégien avant de faire acte de candidature. À ce stade, aucun test d'évaluation en langue norvégienne n'est exigé à l'issue de ces cours.

Questions complémentaires de membres du Comité

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations selon lesquelles les Roms, mais aussi les membres d'autres communautés, ne sont pas admis dans certains lieux publics tels que les bars ou les restaurants; il semblerait même que la police aide parfois les tenanciers de ces lieux à expulser ces personnes.

Un expert s'est dit troublé par la façon dont la délégation norvégienne rejette l'utilisation du terme de «race» et a rappelé que la définition de la discrimination raciale est claire et bien connue de tous. Le débat est peut-être clos pour la Norvège, mais absolument pas pour le Comité qui continuera de souligner que la position du pays dans ce domaine est contraire à la sienne, a insisté l'expert.

Un autre membre du Comité a admis que la science avait montré que tous les hommes appartiennent effectivement à la même race, ce qui apporte une preuve que le racisme et la discrimination raciale n'ont pas de fondement scientifique; pour autant, il ne faut pas oublier que la vérité scientifique est une rupture épistémologique avec la réalité et que subsistent dans la réalité des personnes qui acceptent le racisme. Pour lutter contre le racisme, il faut tout de même parvenir à une définition, a souligné cet expert; dire qu'il existe une discrimination fondée sur la race ne revient pas à légitimer l'ancienne conception (que dément désormais la science), a-t-il insisté.

Les races n'existent pas, comme l'a prouvé la science; mais dans les conceptions, dans les mentalités, elles persistent, a ajouté un autre expert, qui a invité la délégation à prendre des renseignements sur la question auprès de M. Asbjørn Eide ou à de M. Morten Kjærum, experts respectivement norvégien et danois qui faisaient jadis partie du Comité. Il est difficile d'accepter qu'il n'y ait pas de mention de la couleur de peau dans la législation antidiscriminatoire en Norvège, a-t-il poursuivi. Par ailleurs, quel message les autorités norvégiennes lancent-elles à leur public en plaçant la Convention sur un plan inférieur, s'est-il interrogé?

En l'état, il est clair que le Comité souhaite l'incorporation de la notion de discrimination raciale dans la législation nationale norvégienne au moins pour deux raisons, a pour sa part souligné un autre membre du Comité. D'une part parce que la notion de discrimination raciale est présente dans le texte de la Convention que la Norvège a ratifiée; or les traités ratifiés par la Norvège sont supérieurs à la loi interne. D'autre part parce que la notion de race est certes biologiquement fausse mais le fait est que sociologiquement, certains y croient encore et en abusent. «Je ne sais pas ce qu'est la race, mais je sais ce qu'est le racisme», a expliqué l'expert, le racisme étant «l'utilisation abusive par certains de la notion de race à des fins de rejet de l'autre parce qu'il est différent».

Comment la Norvège comprend-elle le droit à l'autodétermination et quelles mesures a-t-elle prises afin d'assurer ce droit au peuple sami, a demandé un membre du Comité?

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a assuré que le point de vue du Gouvernement est que les Roms, pas plus que les membres d'autres communautés, ne devraient être chassés d'aucun lieu public.

La question de l'autodétermination pour le peuple sami a été abordée par le Gouvernement norvégien sur le plan politique en 2008, par le biais d'un projet de loi, et il a été dit que cette question devait être abordée par le parlement sami, qui a un rôle consultatif, a indiqué la délégation.

La délégation a réitéré son point de vue concernant les raisons du rejet par la Norvège du terme de «race».

Observations préliminaires

M. RÉGIS DE GOUTTES, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Norvège, s'est félicité du débat avec la délégation norvégienne, qui a été marqué par un dialogue ouvert et franc - y compris pour les questions où persistent des divergences de points de vues. Évoquant quelques questions qui, selon lui, devraient être prises en compte par le Comité lors de l'élaboration de ses observations finales, il a rappelé que le Comité souhaitait l'incorporation de la Convention en droit interne norvégien par le biais de la loi sur les droits de l'homme et l'incrimination de la discrimination raciale. M. de Gouttes a également mentionné la politique migratoire et la situation des réfugiés et immigrés en Norvège, s'agissant notamment de l'apprentissage de la langue norvégienne et de la durée de détention préventive des immigrés non encore identifiés. Il a également évoqué les difficultés d'accès des immigrés à l'emploi, au logement et aux services de santé et d'éducation, ainsi que la situation des femmes et enfants immigrés, notamment les enfants non accompagnés.

En ce qui concerne le peuple sami, M. de Gouttes a notamment mentionné la nécessité d'adopter des mesures pour sauvegarder la culture de ce peuple et ses droits sur les terres où il vit et les ressources naturelles qui s'y trouvent. Le rapporteur a également rappelé les difficultés rencontrées par les Roms, notamment en termes d'accès à l'emploi, au logement, à l'éducation et aux lieux publics. M. de Gouttes a d'autre part évoqué la question de la propagation d'idées racistes par des organisations racistes, mais aussi par certains politiciens voire par des médias. Il y a aussi la survivance de pratiques discriminatoires de la part d'agents chargés de l'application des lois, en particulier à l'encontre de non-ressortissants et de groupes minoritaires, a ajouté l'expert.


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