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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA BOLIVIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Bolivie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, Mme Nilda Copa, Ministre de la justice de la Bolivie, a rappelé que le pays s'est doté d'une nouvelle Constitution et de nouvelles lois lui permettant d'œuvrer à l'édification d'un État plurinational et participatif, précisant qu'il s'agit d'une œuvre de longue haleine. Le Vice-Ministre de la décolonisation au Ministère des cultures de la Bolivie, M. Félix Cárdenas, a souligné que le racisme et le patriarcat sont deux caractéristiques du colonialisme et qu'il convient maintenant de «décoloniser les esprits». Mme Marianela Paco, Députée de l'Assemblée législative, a indiqué que la loi contre le racisme et toute forme de discrimination a été adoptée en octobre 2010 pour mettre en place les mécanismes et procédures permettant de prévenir et de sanctionner les actes de racisme et toute forme de discrimination. M. Nelson Marcelo Cox Mayorga, Vice-Ministre par intérim de la justice et des droits fondamentaux de la Bolivie, a pour sa part rappelé que la Constitution reconnaît le droit des populations et nations autochtones et paysannes d'exercer leur juridiction et leur compétence à travers leurs propres autorités et d'appliquer leurs principes, leurs normes, leurs procédures et leurs valeurs culturelles propres. Il a par ailleurs attiré l'attention sur une loi garantissant le droit des peuples et nations autochtones d'être consultés par le biais de procédures appropriées à chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner.

L'importante délégation bolivienne était également composée de la Représentante permanente de la Bolivie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Angélica Navarro, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et de la Mission à Genève. Répondant à des questions soulevées par les experts du Comité, elle a notamment affirmé qu'il existe deux types de démocratie: la démocratie communautaire et la démocratie occidentale, la première étant une démocratie de services, qui se propose de sauver la planète grâce à la philosophie de vie des peuples autochtones. L'objectif du Gouvernement est de lutter contre le modèle capitaliste, a déclaré la délégation, précisant que l'économie du pays progresse sans le FMI et sans la Banque mondiale. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les questions d'interculturalité, de langue et d'éducation; la participation des femmes; la situation des migrants; ou encore la suite donnée aux événements de septembre 2008 dans le département de Pando, au cours desquels des violences avaient éclaté, causant la mort de 19 personnes.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bolivie, M. Alexei S. Avtonomov, a attiré l'attention sur les profondes transformations intervenues ces derniers mois en Bolivie et qui se poursuivent encore actuellement. Dans le cas de la Bolivie, il semble que l'on puisse parler non pas de transformations mais de révolution pacifique qui transforme l'ensemble de la société, a-t-il déclaré. Un autre membre du Comité a déclaré que se déroule en Bolivie la première révolution postmoderne du monde, non sanglante et basée sur la démocratie. M. Avtonomov a toutefois ajouté que la discrimination structurelle est un problème que la Bolivie va devoir surmonter. Il a rappelé que la Bolivie continuait d'être confrontée à de nombreuses difficultés sur le plan socioéconomique, en particulier pour les communautés autochtones et paysannes. Des actes de violence et de discrimination à l'encontre des autochtones persistent en Bolivie, a constaté un autre membre du Comité. Un autre expert s'est quant à lui inquiété de l'existence en Bolivie d'associations de jeunes responsables de discours haineux, notamment à l'encontre des populations autochtones.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Bolivie qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Cuba (CERD/C/CUB/14-18).


Présentation du rapport

MME NILDA COPA, Ministre de la justice de la Bolivie, a rappelé que la Bolivie s'est dotée d'une nouvelle Constitution et de nouvelles lois lui permettant d'œuvrer à l'édification d'un État plurinational et participatif. Il s'agit là certes d'une œuvre de longue haleine qui sera menée à bien avec l'appui de tous et sous la houlette du Président Evo Morales, a-t-elle souligné.

M. FÉLIX CÁRDENAS, Vice-Ministre à la décolonisation au Ministère des cultures de la Bolivie, a rappelé que pour la première fois depuis la fondation du pays en 1825, la Bolivie a un Président autochtone et cela s'est fait sans violence. Alors que depuis la création du pays, on y enseignait qu'il n'y avait en Bolivie qu'une seule nation, une seule langue et une seule religion, il y a en fait en Bolivie 36 cultures, 36 langues, 36 façons de voir le monde, a-t-il souligné. Il a par ailleurs précisé que la nouvelle Constitution affirme que l'État est laïque. Soulignant qu'il ne saurait être question de passer de l'État colonial actuel à un État plurinational «par un simple acte de magie», M. Cárdenas a déclaré qu'il fallait donc engager un profond processus de décolonisation, ce qui est précisément la raison de la présence dans la Constitution de l'article 9, consacré à la décolonisation. Le racisme et le patriarcat sont deux caractéristiques de l'État colonial et c'est pourquoi il convient maintenant de décoloniser le pays; il faut décoloniser les esprits, a insisté M. Cárdenas. La décolonisation consiste à déstructurer l'État colonial, c'est-à-dire à en démonter les structures institutionnelles, a-t-il précisé.

Alors que la nouvelle Constitution bolivienne a été adoptée il y a un an seulement, la Bolivie dispose déjà d'une loi contre le racisme et toutes les formes de discrimination, a poursuivi M. Cárdenas. Il a par ailleurs fait valoir que le cabinet ministériel du Président Evo Morales comporte dix hommes et dix femmes. «Notre paradigme, c'est notre mère la Terre», a en outre souligné M. Cárdenas; aucun projet de vie, aucun projet de société n'aura d'avenir sans prendre en compte cette thématique de la Terre Mère, a-t-il insisté, ajoutant que le capitalisme est à l'origine de tous les maux du pays. Soit c'est le capitalisme qui meurt, soit c'est la Terre Mère, a-t-il affirmé.

MME MARIANELA PACO, Députée de l'Assemblée législative plurinationale de Bolivie, a souligné que la Bolivie est parvenue, dans le délai de six mois prévu par la Constitution, à mettre en place les normes visant à assurer la participation égale des autochtones et de la population d'ascendance africaine à tous les aspects de la vie bolivienne. Ce sont les paysans autochtones victimes du racisme qui ont demandé que soit accélérée la procédure de promulgation d'une loi contre le racisme et toute forme de discrimination, a-t-elle rappelé. Ainsi, la loi contre le racisme et toute forme de discrimination a-t-elle été adoptée en octobre 2010 avec pour objectif de mettre en place les mécanismes et procédures permettant de prévenir et de sanctionner les actes de racisme et toute forme de discrimination. Cette loi prévoit la mise sur pied d'un Comité national contre le racisme et toute forme de discrimination, a ajouté Mme Paco. Elle a en outre souligné qu'aux fins de l'application de cette loi, il est prévu que toute victime d'acte raciste ou discriminatoire puisse recourir à la voie constitutionnelle, administrative, disciplinaire ou pénale. Cinq nouveaux délits ont été incorporés au Code pénal, a par ailleurs indiqué Mme Paco: le racisme, passible de 3 à 7 années de privation de liberté et susceptible de s'accompagner de circonstances aggravantes; la discrimination raciale; l'incitation au racisme; l'appartenance à une organisation raciste; les insultes et autres agressions verbales à motivation raciste ou discriminatoire.

M. NELSON MARCELO COX MAYORGA, Vice-Ministre par intérim de la justice et des droits fondamentaux de la Bolivie, a souligné que la nation bolivienne est constituée de la totalité des Boliviens. La communauté d'ascendance africaine (les Afro-boliviens) figure au nombre des communautés mentionnées dans la Constitution, a-t-il indiqué. Lors des élections de 2009, le premier député afro-bolivien a été élu à La Paz, a par ailleurs fait valoir M. Cox Mayorga. L'État a en outre pris un certain nombre de mesures en faveur des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles, la Constitution interdisant en effet toute discrimination fondée sur l'orientation et l'identité sexuelles, a-t-il par ailleurs souligné. Il a souligné que la Constitution reconnaît le droit des populations et nations autochtones et paysannes d'exercer leur juridiction et leur compétence à travers leurs propres autorités et d'appliquer leurs principes, leurs normes, leurs procédures et leurs valeurs culturelles propres. M. Cox Mayorga a aussi attiré l'attention sur la loi qui a été adoptée en Bolivie afin de garantir le droit des peuples et nations autochtones d'être consultés par le biais de procédures appropriées à chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter. Le Vice-Ministère de la décolonisation est chargé de lutter contre le racisme et la discrimination, a par ailleurs rappelé M. Cox Mayorga.

Le rapport de la Bolivie (document CERD/C/BOL/17-20, à paraître en français) souligne que l'histoire bolivienne est très marquée par le colonialisme, d'abord avec l'invasion espagnole, puis la création de la République par l'élite qui a mis en place les lois, l'organisation et la structure du pays en combinant des éléments de domination, d'exclusion ethnique, de racisme et d'hégémonisme. Sous couvert de modernisation libérale, il a été procédé à une destruction de l'ensemble du système de civilisation et de culture des peuples autochtones du pays. Le processus de colonisation s'est accompagné de pratiques du racisme, d'extermination, de génocide et d'ethnocide contre les populations autochtones. La Bolivie est fortement marquée par le système de domination ethnique, culturelle et politique qui a été mis en place par différentes formes de colonialisme. Cependant, grâce à la lutte, à la résistance et au travail des organisations sociales, autochtones et des travailleurs agricoles qui ont été les protagonistes historiques du changement démocratique, des progrès importants ont été réalisés en vue d'assurer des conditions égales pour les nations, peuples et collectivités autochtones du pays. En outre, le pays a mis en place un plan de développement qui comprend des lignes d'action pour éliminer la discrimination raciale dans le cadre d'un plan qui oriente et coordonne le développement du pays dans le but d'éliminer la discrimination raciale et de mettre en place une pratique de dialogue, de coopération, de complémentarité, de réciprocité et de compréhension. Pour sa part, l'Observatoire des phénomènes racistes a développé un programme de recherche, de formation et d'action pour lutter contre toutes les formes de racisme en Bolivie. L'article 3 de la Constitution dispose que «la nation bolivienne se compose de la totalité des hommes et des femmes boliviens, des nations et des peuples autochtones, des paysans ainsi que des communautés interculturelles et Afro-boliviennes, qui constituent ensemble le peuple bolivien».

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ALEXEI AVTONOMOV, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bolivie, a attiré l'attention sur les profondes transformations intervenues ces derniers mois en Bolivie et qui se poursuivent encore actuellement. Dans le cas de la Bolivie, il semble d'ailleurs que l'on puisse parler non pas de transformations mais de révolution pacifique qui transforme l'ensemble de la société, a-t-il déclaré. M. Avtonomov a invité la Bolivie à modifier en conséquence le document de base qui avait été soumis par le pays. Il a ajouté qu'il avait besoin de davantage de temps pour étudier plus avant un certain nombre d'éléments associés aux changements en cours, s'agissant notamment du contenu d'un certain nombre de dispositions législatives. Quoi qu'il en soit, la discrimination structurelle est un problème que la Bolivie va devoir surmonter, a souligné M. Avtonomov.

La Bolivie continue d'être confrontée à de nombreuses difficultés sur le plan socioéconomique et ceci vaut en particulier pour les communautés autochtones et paysannes, a poursuivi le rapporteur. Il s'est inquiété d'informations selon lesquelles le processus de consultation prévu par la législation ne serait pas pleinement respecté dans le contexte, notamment, des mines de cuivre de Corocoro exploitées par une multinationale sud-coréenne. L'expert a en outre attiré l'attention sur les événements qui se sont produits le 11 septembre 2008 dans la région de Pando.

M. Avtonomov a pris note de la dissolution du Ministère des affaires autochtones et de la création de l'Unité des droits des peuples autochtones auprès du Ministère de la présidence et a demandé les motivations de cette réorganisation s'agissant de la prise en charge des affaires autochtones.

Le rapporteur s'est réjoui de comprendre que la Loi contre le racisme et toute forme de discrimination avait introduit un délit de discrimination raciale.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de l'existence en Bolivie d'associations de jeunes qui se livrent à des discours haineux, notamment à l'encontre des populations autochtones, et s'est enquis des éventuels programmes scolaires prévus en matière de prévention du racisme.

La révolution nationale agraire en cours en Bolivie est suivie avec une attention particulière par la communauté internationale et par de nombreux États latino-américains, a souligné un autre membre du Comité, rappelant que le présent rapport est le premier que le Comité ait à examiner depuis l'arrivée au pouvoir du Président Morales. L'expert a salué la prise en compte, dans la nouvelle Constitution, des préoccupations de la communauté d'ascendance africaine et de la vision du monde des peuples autochtones. Il a également salué l'adoption de loi d'octobre 2010 contre le racisme et toutes les formes de discrimination raciale. L'expert a également relevé les sanctions prévues contre les propos et organisations racistes. Il s'est toutefois enquis de la mise en œuvre effective et du bilan de ces nouvelles mesures, soulignant que la grande question est ici de savoir si l'État a mis à disposition tous les moyens nécessaires à la mise en œuvre des mesures prévues. L'expert a en outre relevé le défaut d'information concernant les plaintes et poursuites engagées relativement à des affaires de racisme ou de discrimination. Quel bilan peut-il être tiré du fonctionnement de la justice communautaire autochtone et comment cette justice s'articule-t-elle avec la justice de droit commun, a par ailleurs demandé cet expert? La justice communautaire intervient-elle à la fois dans le domaine civil et dans le domaine pénal? Enfin, le droit coutumier respecte-t-il dans tous ses aspects les principes fondamentaux de droits de l'homme?

Un membre du Comité a souhaité savoir si une institution était spécifiquement chargée de promouvoir les langues autochtones en Bolivie. Il a rappelé que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et s'est enquis des mesures prises pour assurer que les crimes commis sous la présidence de l'ancien président Gonzalo Sánchez de Lozada ne restent pas impunis.

Un expert a relevé que persistent en Bolivie des actes de violence et de discrimination à l'encontre des autochtones; aussi, l'État devrait-il de toute urgence prendre des mesures pour assurer la prévention et la répression de tels actes. Il est fait état d'une faiblesse de l'État dans l'est du pays alors que certaines préfectures semblent impliquées dans des actes contre les autochtones, a insisté l'expert.

Si les préfectures et départements sont autonomes, comment les lois peuvent-elles alors être mises en œuvre sur l'ensemble du territoire, s'est interrogé un autre expert?

Aujourd'hui, se déroule en Bolivie la première révolution postmoderne du monde, non sanglante et fondée sur la démocratie, a fait observer un membre du Comité avant de se dire particulièrement intéressé par ce qui se passe actuellement dans le pays. Une révolution, ce n'est pas quelque chose d'anodin; une révolution a des ramifications qu'elle-même ne voit pas, a ajouté une experte. Elle a aussi insisté sur les lourdes responsabilités que porte la Bolivie car le pays a ouvert à de nombreux peuples des horizons inattendus qui relèvent du domaine du rêve. La vision du monde de la Bolivie actuelle n'est pas forcément celle de tout le monde, mais elle ouvre incontestablement des horizons, a insisté l'experte, soulignant que pour beaucoup de peuples du monde, l'actualité se situe à un croisement. La Bolivie entend-elle poursuivre sur la voie de la démocratie sous la forme de la vision occidentale qu'elle en a reçue ou bien envisage-t-elle déjà quelque chose d'autre, a demandé l'experte?

Réponses de la délégation

La délégation bolivienne a souscrit aux propos des membres du Comité qui ont estimé que l'expérience bolivienne actuelle était exemplaire. L'objectif est de lutter contre le modèle capitaliste, a-t-elle confirmé. Le mouvement social, les organisations non gouvernementales, constituent des acteurs clefs de la lutte contre le système établi, a-t-elle ajouté. Elle a par ailleurs rappelé que depuis l'entrée en fonction du Président Morales en 2006, des universités autochtones ont été mises en place en août 2008.

Hier, était célébrée la journée de la feuille de coca, a indiqué la délégation, soulignant qu'il s'agissait d'une journée historique. En effet, désormais, à l'Assemblée législative, les députés viennent travailler avec leurs feuilles de coca et il n'y a plus de préjugé négatif à leur encontre pour une telle attitude, a-t-elle fait valoir.

Ne pas être paresseux, ne pas être voleur, ne pas mentir («Ama llulla, ama qhilla, ama suwa») sont des obligations qui incombent à l'État et qui constituent le code moral que les autorités entendent respecter, a ensuite expliqué la délégation. Il incombe en effet à l'État de «donner du travail» à tous les Boliviens et Boliviennes, a-t-elle indiqué, précisant que la notion de travail est ici appréhendée non comme un emploi salarié mais comme l'obligation pour l'État d'accorder les terres, l'appui technique et le crédit nécessaires pour permettre aux Boliviens de travailler.

L'interculturalité est un idéal que toutes les sociétés poursuivent; mais dans la pratique, persiste une forme subtile d'assimilation de l'autochtone et les autorités boliviennes entendent lutter pour qu'il n'en soit plus ainsi, a poursuivi la délégation.

Du fait de la forme «colonisatrice» de l'éducation, il y a aujourd'hui des jeunes qui ont perdu leur identité, qui ne s'assument pas comme autochtones; aussi, avec la nouvelle loi sur l'éducation, le Vice-Ministère de la décolonisation a-t-il le devoir d'incorporer dans les programmes scolaires, dès l'éducation primaire, les valeurs de base qui président à la récupération et au renforcement de l'identité, a en outre indiqué la délégation.

Avant l'adoption de la loi contre le racisme, existaient des plaintes pour racisme, en particulier dans les unités éducatives – dont il est apparu qu'elles n'intégraient pas, dans leur règlement intérieur, de dispositions contre le racisme et la discrimination, a d'autre part rappelé la délégation. Aujourd'hui, avec la loi contre le racisme et toutes les formes de discrimination, les établissements d'éducation ont l'obligation d'incorporer les dispositions de ladite loi dans leur règlement intérieur.

S'agissant des mesures prises en faveur du renforcement des langues autochtones, la délégation a indiqué que le Vice-Ministère de la décolonisation, en collaboration avec le Ministère de l'éducation, est en train de mettre sur pied huit instituts de langues et cultures. La question de savoir si ces instituts doivent dépendre de l'université d'État ou s'ils doivent être autonomes n'a pas encore été tranchée, a-t-elle précisé.

Il y a deux types de démocratie: la démocratie communautaire et la démocratie occidentale, a déclaré la délégation. La première est une démocratie de services. La seconde est une démocratie viciée dans laquelle la réélection est permanente alors que dans la démocratie communautaire, ne s'offre qu'une seule fois l'opportunité d'exercer le pouvoir. La démocratie communautaire se propose de sauver la planète grâce à la philosophie de vie des peuples autochtones, a expliqué la délégation. Un blanc peut être indien pour autant qu'il intègre la philosophie autochtone, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Bolivie n'avait pas hésité à expulser l'Ambassadeur des États-Unis, qui entendait appliquer en Bolivie la même recette qu'il avait appliquée pour démembrer ce qui avait été la Yougoslavie lorsqu'il y était en poste.

«Notre économie progresse sans le Fonds monétaire international et sans la Banque mondiale», a fait savoir la délégation bolivienne. La base même de la révolution bolivienne, c'est la dignité, a-t-elle souligné.

S'il arrive que des communautés autochtones n'intègrent pas la participation des femmes, c'est parce qu'elles ont assimilé la culture des colons, a par ailleurs déclaré la délégation. En effet, dans les communautés autochtones de base, existent des principes de dualité hommes/femmes en vertu desquels il faut être deux en un pour assurer le bon développement de la communauté, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne les événements de septembre 2008 à Pando, la délégation a souligné que des enquêtes ont été ouvertes suite à ces événements. La chambre des députés a approuvé le rapport de la commission d'enquête et des poursuites ont été engagées contre Leopoldo Fernández (qui était gouverneur de la région de Pando au moment des événements) - et d'autres personnes – pour terrorisme et assassinats, entre autres. La procédure est en cours devant le tribunal de district n°6 de La Paz, a précisé la délégation.

La délégation a rappelé qu'un plan interministériel transitoire en faveur du peuple guaraní avait été adopté et s'était accompagné d'une démarche visant l'adoption d'un plan intégral de développement, dont l'objectif était notamment l'éradication du travail forcé. Mais ce projet a dû être suspendu et les fonds ont été transférés au Fonds des peuples autochtones.

Questions complémentaires de membres du Comité

Un membre du Comité a souhaité savoir s'il n'y avait pas désormais en Bolivie une sorte de discrimination inversée à l'encontre des Blancs.

Jugeant unique l'expérience que connaît actuellement la Bolivie, un autre expert a déclaré que «le peuple bolivien fait l'histoire». La Bolivie aurait accueilli 695 réfugiés, dont les trois-quarts en provenance du Pérou, a par ailleurs relevé l'expert; or, d'après certaines informations, ces réfugiés se heurteraient à un ensemble de discriminations. On parle aussi de refoulements arbitraires et de mauvais traitements de la part de la police à l'encontre des réfugiés, a-t-il ajouté. Des préoccupations particulières sont exprimées à propos de la situation des femmes réfugiées, menacées d'exploitation et de prostitution, et des enfants réfugiés, qui seraient menacés par des risques de trafic et de travail forcé, a insisté l'expert.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si les normes internationales de commerce allaient être abolies en Bolivie et si le pays entend revenir à l'autarcie. Avons-nous à faire à une utopie ou à quelque chose qui peut se réaliser sans violence dans le monde contemporain, ce qui constituerait effectivement une expérience unique, a insisté cet expert.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a souligné que la société bolivienne est complexée parce que l'éducation coloniale a cherché à faire accroire que les autochtones étaient inférieurs et les Blancs supérieurs - que les autochtones avaient l'artisanat et le folklore et les Blancs l'art et la musique, par exemple. Désormais, les privilèges injustifiés qui existaient auparavant ne peuvent plus perdurer, a souligné la délégation.

La Bolivie se trouve dans une période de transition où le changement, la révolution par la renaissance – ce que les autochtones appellent le pachakuti – va intervenir, non seulement au niveau national et continental, mais aussi au niveau mondial, a souligné la délégation.

Les Boliviens revendiquent leur souveraineté territoriale et n'acceptent plus de recevoir des ordres; ils souhaitent avoir des partenaires qui coopèrent avec eux pour leur développement et non des patrons, a par ailleurs déclaré la délégation. Désormais, seuls 18% des recettes des hydrocarbures vont aux multinationales et non plus 82% comme cela était le cas auparavant, a-t-elle souligné.

En ce qui concerne la situation des migrants, la délégation a indiqué que le plan d'action des droits de l'homme de 2008 reprend l'ensemble des principes constitutionnels et traite notamment des réfugiés, pour lesquels sont prévues des procédures souples visant à les protéger. Des politiques d'intégration sociale des réfugiés sont mises en place et un décret suprême est à l'étude afin de légiférer en la matière, a précisé la délégation.

Observations préliminaires

M. AVTONOMOV, rapporteur pour l'examen du rapport de la Bolivie, a remercié la délégation pour les informations qu'elle a fournies aux experts et qui permettent à ces derniers de se faire une idée de toutes les réformes en cours en Bolivie et de la situation qui prévaut dans ce pays en matière de discrimination raciale. La Bolivie est un pays qui a un passé, un présent et un avenir riches, a-t-il souligné.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD11/004F