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COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES: AUDITION D'ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

Compte rendu de séance
Les ONG ont présenté la situation au Bangladesh, à Sri Lanka et au Bélarus

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi dans le cadre d'un dialogue informel, plusieurs organisations non gouvernementales qui ont fourni des renseignements concernant la situation des femmes au Bangladesh, à Sri Lanka et au Bélarus, trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

S'agissant du Bangladesh, les organisations non gouvernementales ont déploré les réserves émises par le pays aux Articles 2 et 16 de la Convention pour échapper à ses obligations au regard de l'égalité entre les sexes et la non-discrimination des femmes au sein de la famille et dans la vie quotidienne. Elles ont par ailleurs regretté que les mesures législatives adoptées pour réprimer la violence contre les femmes, comme par exemple l'adoption de la loi contre la violence domestique, ne soient pas portées à la connaissance des intervenants concernés et restent donc sans effet. L'État bangladais est invité à revoir toutes ses politiques économiques en vue de mieux prendre en compte les besoins particuliers et les droits des femmes.

Les organisations de Sri Lanka ont dénoncé la très faible représentation des femmes dans les organes élus – 5,8 % au Parlement, 4,1 % dans les Conseils provinciaux, 1,8 % dans les gouvernements locaux. Il a été demandé à l'État d'imposer des quotas de présence féminine dans les listes électorales des partis politiques. La discrimination dont sont victimes les femmes lesbiennes et autres minorités sexuelles à Sri Lanka a aussi été dénoncée. Il a aussi été indiqué que l'on ne constate pas à Sri Lanka que des efforts sont menés pour faire connaître la diffusion du Protocole facultatif. Son application dépend en tout état de cause de l'adoption d'une loi à cet effet.

En ce qui concerne le Bélarus, les organisations non gouvernementales ont fait savoir que la coopération avec le Gouvernement en vue de la mise en œuvre de la Convention avait d'abord été bonne au lendemain de la Conférence de Beijing, en 2005. Mais cette coopération a cessé après que des attaques aient été perpétrées contre les organisations de femmes, entre 2005 et 2008. Le Parlement du Bélarus n'étant pas indépendant, il n'a jamais réagi aux demandes de la société civile en vue de l'adoption d'une véritable politique en faveur des femmes. Les organisations non gouvernementales bélarussiennes se félicitent des déclarations de l'Union européenne s'agissant du Bélarus et estiment que seules des pressions de la communauté internationale pourront contraindre les autorités à faire d'authentiques progrès

Ont fait des déclarations les organisations suivantes: s'agissant du Bangladesh: Citizens' Initiatives on CEDAW-Bangladesh; s'agissant de Sri Lanka: Centre on Housing Rights and Evictions, European Center for Constitutional and Human Rights, Women in Media Collective et Migrant Forum in Asia; pour le Bélarus: Mouvement démocratique indépendant des femmes.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Bangladesh (CEDAW/C/BGD/6-7).


Audition des organisations non gouvernementales

S'agissant du Bangladesh

Une représentante de l'organisation Citizens' Initiatives on CEDAW-Bangladesh a souligné que le Gouvernement de son pays avait émis des réserves aux Articles 2 et 16 de la Convention pour échapper à ses obligations au regard de l'égalité entre les sexes et la non-discrimination des femmes au sein de la famille et dans la vie quotidienne. Ceci est particulièrement grave compte tenu des discriminations multiples que les femmes subissent toujours, notamment en ce qui concerne l'exercice de leurs droits en matière financière, familiale et d'accès aux ressources. La représentante a relevé que les femmes pauvres sont d'autant plus vulnérables que les autorités n'ont adopté aucun dispositif juridique qui leur permettrait d'accéder aux ressources familiales à égalité avec les hommes, ni de jouir de l'intégralité de leurs droits humains. Une autre représentante a évoqué encore les difficultés que les femmes rencontrent dans le domaine de la participation à la vie politique: faute d'action concrète de la part du Gouvernement, les femmes ne représentent que 19 % du personnel politique au Bangladesh. D'autre part, la représentante a regretté que les mesures législatives adoptées le Gouvernement en vue de réprimer la violence contre les femmes, comme par exemple l'adoption de la loi contre la violence domestique, ne soient pas portées à la connaissance des intervenants concernés et restent donc sans effet. La représentante a aussi demandé à l'État de revoir toutes ses politiques économiques dans le sens d'une meilleure prise en compte des besoins particuliers et des droits des femmes. Elle a enfin regretté que les autorités n'aient pas adopté de politique en vue de la protection des intérêts des femmes migrantes.

Une experte du Comité a demandé des précisions sur l'état des discussions entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales au sujet d'une éventuelle levée des réserves à la Convention. D'autres questions ont porté sur les politiques en faveur des femmes rurales et sur le bilan que l'on peut tirer de l'expérience du microcrédit.

Les organisations non gouvernementales ont répondu aux questions des experts en précisant que lois et règlements ne tiennent compte ni de la contribution des femmes rurales, ni de leur volonté d'émancipation. Les organisations demandent que la moitié des ressources tirées de l'agriculture revienne aux femmes, qui assurent 80 % de la production. Quant aux microcrédits, ils suscitent actuellement des interrogations portant, en particulier, sur les activités de la banque Grameen. L'essor de ces crédits ne s'est pas accompagné de mesures d'encadrement strict, les taux d'intérêt étant parfois exagérés. Le Gouvernement a créé deux commissions chargées d'étudier ce problème. Enfin, le mouvement des femmes du Bangladesh, qui fait valoir ses revendications depuis de nombreuses années, attend, tout comme le Comité, des explications du Gouvernement concernant les mesures en faveur des dalits, a dit une représentante en réponse à une autre question du Comité.

S'agissant de Sri Lanka

Une représentante de Centre on Housing Rights and Evictions a rappelé que le Bangladesh comptait un nombre très importants de femmes déplacées du fait de la guerre. Ces femmes sont victimes d'importantes violations de leurs droits en matière d'accès à la propriété foncière, du fait notamment de la définition restrictive de la notion de «chef de famille», un statut réservé aux hommes. La représentante a demandé au Comité de recommander aux autorités d'abroger cette notion discriminatoire. La représentante a en outre dénoncé l'exclusion systématique des femmes de l'accès à la propriété dans le contexte familial, du fait de l'application de la même disposition. Elle a demandé que le droit civil sri-lankais prévoie désormais la propriété commune des époux.

Une représentante du European Center for Constitutional and Human Rights a dénoncé les viols perpétrés par des policiers et des soldats contre des femmes tamoules dans les zones de combats. Elle a appelé à l'adoption de mesures de sanction contre ces actes et demandé au Comité d'examiner ce problème au regard des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité (1325, 1820, 1888 et 1890 notamment). La question du viol doit également être abordée en tenant compte du recours au viol comme tactique de guerre. À ce titre, il faut enquêter sur ces actes lors des conflits.

Une représentante de l'organisation Women in Media Collective a regretté la très faible représentation des femmes dans les organes élus – 5,8 % au Parlement, 4,1 % dans les Conseils provinciaux, 1,8 % dans les gouvernements locaux. La représentante a demandé que l'État impose des quotas de présence féminine dans les listes électorales des partis politiques, peu intéressés à voir des femmes jouer des rôles de leaders. Une autre représentante a déclaré que les organisations internationales n'ayant pas accès aux centres d'accueil des anciennes combattantes, il est impossible de vérifier les dires des autorités selon lesquelles ces personnes ont toutes été libérées. La représentante a aussi déploré que la militarisation de l'administration civile aggrave la vulnérabilité des femmes à la violence et au harcèlement. Elle a enfin dénoncé la discrimination dont sont victimes les femmes lesbiennes et autres minorités sexuelles à Sri Lanka, qui ne bénéficient notamment pas des droits familiaux octroyés aux autres citoyens. La représentante a demandé aux autorités d'abroger les lois discriminatoires à cet égard.

Une experte du Comité ayant demandé aux organisations non gouvernementales de préciser la nature de leur coopération avec les autorités, il a été indiqué que compte tenu des changements fréquents au sein du personnel des ministères et d'une certaine indifférence, la coopération est minimale et peu systématique. Les problèmes sont criants s'agissant des droits fonciers des femmes, le Gouvernement refusant d'entendre les organisations de femmes. Il a aussi été indiqué que l'on ne constate pas à Sri Lanka d'effort en vue de la diffusion du Protocole facultatif. Son application dépend en tout état de cause de l'adoption d'une loi à cet effet. Cela étant, de nombreux arrêts de la Cour suprême permettent de faire respecter certains droits des femmes.

Enfin, la notion de chef de famille est utilisée dans toute l'administration, a précisé une représentante en réponse à une demande de précision: à Sri Lanka, on estime, d'une manière générale, que les chefs de famille sont des hommes, selon des pratiques administratives centenaires. Quant à la nouvelle loi sur la propriété foncière, elle ne prévoit pas explicitement la propriété foncière conjointe des époux.

Une organisation non gouvernementale a précisé que le Comité international de la Croix-Rouge n'a plus accès, depuis juin 2009, aux centres de détention des anciens combattants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul.

S'agissant du Bélarus

Une représentante du Mouvement indépendant démocratique des femmes a déclaré que son pays n'avait pas progressé dans la démocratie ni dans la lutte contre la discrimination à l'égard des femmes depuis la présentation du dernier rapport. Aucun plan n'a été adopté en vue de l'égalité entre les sexes. La participation des femmes à la vie politique et sociale a régressé, en dépit de leur haut niveau de formation. Les femmes députées ignorent les propositions de coopération avec les organisations de la société civile. Les femmes occupent des postes moins bien payés que ceux hommes. Plus de la moitié des femmes qui travaillent ne gagnent pas assez d'argent pour assumer leurs dépenses de base. En outre, 80 % des chômeurs sont des femmes. Par ailleurs, les statistiques indiquent une progression de la violence contre les femmes, qui s'accompagne de l'impunité des auteurs de ces crimes. Cette violence est souvent due à l'abus de boisson. Rien n'est prévu dans la loi pour lutter contre cette violence.

Une représentante du Centre pour la transformation du droit, a dénoncé des violations des droits civils et politiques des femmes commises par les autorités du Bélarus à l'encontre de militants des droits de l'homme, dont l'intervenante précédente. De nombreuses personnes sont victimes d'emprisonnement abusif. Les services de sécurité n'hésitent pas à faire pression sur des personnes en plaçant de force leurs enfants dans des orphelinats d'État. Le Comité doit demander aux autorités de s'expliquer sur les violences commises sur des femmes qui ne souhaitent qu'exercer leurs droits politiques. Des mesures de réparation doivent être adoptées en faveur de deux femmes journalistes actuellement détenues: Mmes Irina Khalip et Natalia Radina, ainsi que Mme Anastasia Polazhanko, dirigeante d'un mouvement de jeunes.

Une experte du Comité a voulu savoir à quelle fréquence les autorités procèdent à l'arrestation arbitraire de femmes militantes. Une autre experte a observé que la vraie question qui se pose au Bélarus est celle de la démocratie et des droits de l'homme. Plusieurs experts ont demandé quelle était la situation générale des organisations de la société civile, et notamment de femmes, dans ce pays, et dans quelle mesure elles coopèrent avec les autorités.

Une experte s'est interrogée sur les conditions de l'activité des organisations non gouvernementales et des militants des droits de l'homme suite à la répression qui consécutive aux dernières élections présidentielles. L'absence de législation sur la violence familiale au Bélarus confère une importance particulière au Protocole facultatif à la Convention, qu'il est possible d'invoquer pour protéger les droits des femmes. Un expert a demandé des renseignements sur les raisons de la dissolution par la Cour suprême du Parti des femmes en 2007. Il a été demandé aux organisations non gouvernementales s'il est possible d'obtenir une liste des femmes actuellement détenues de manière arbitraire.

Les organisations non gouvernementales ont fait savoir que la coopération avec le Gouvernement en vue de la mise en œuvre de la Convention a été bonne au lendemain de la Conférence de Beijing, en 2005. Cette coopération a cessé après que des attaques aient été perpétrées contre les organisations de femmes. Le Parlement du Bélarus n'étant pas indépendant, il n'a jamais réagi aux demandes de la société civile en vue de l'adoption d'une véritable politique en faveur des femmes. Il faut aussi compter avec l'action d'organisations affiliées aux autorités, telle l'«Association des femmes soviétiques». Les consultations autour de la loi contre la violence domestique, lancées en 2001, n'ont jamais abouti. Les femmes membres du parti dissous en 2007 pour des raisons de forme continuent de militer, a-t-on encore précisé. La définition de la violence contenue dans ce projet, différente de celle du Code pénal, aurait permis d'accomplir des progrès importants. La femme au Bélarus n'est actuellement pas du tout protégée.

Après les manifestations récentes, de nombreuses femmes ont été placées en détention préventive ou administrative, qui peut durer jusqu'à deux semaines. Les organisations de la société civile ne sont pas autorisées à contrôler les conditions de détention; les rapports de femmes libérées font état de conditions de détention insuffisantes. D'autres femmes ont été détenues dans des prisons du KGB: on ne dispose à cet égard d'aucun renseignement. Il a enfin été précisé que les organisations non gouvernementales bélarussiennes se félicitent des déclarations encourageantes de l'Union européenne. Cependant, seules des pressions de la communauté internationale pourront contraindre les autorités du Bélarus à faire d'authentiques progrès.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW11/008F