Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUSTRALIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Australie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, le Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, M. Peter Woolcott, a souligné que les Australiens aborigènes et insulaires du détroit de Torres occupent une place particulière au sein de la société australienne en tant que peuples premiers d'Australie, mais qu'ils sont encore nombreux à souffrir de désavantages profonds par rapport au reste de la société australienne. La société australienne doit œuvrer encore davantage pour permettre la réalisation des droits de l'homme des peuples autochtones de l'Australie, a-t-il reconnu. Des objectifs spécifiques ont été fixés pour combler le fossé quant à la situation défavorable des autochtones, dont le principal consiste à réduire, en une génération, le fossé qui existe en termes d'espérance de vie. M. Woolcott a par ailleurs souligné que l'immigration était un ingrédient essentiel pour soutenir le succès économique et social de l'Australie.
La délégation australienne était également composée de représentants du Département (ministère) de la famille, du logement, des services communautaires et des affaires aborigènes; du Département de la justice; du Département des affaires étrangères et du commerce extérieur; et de la Mission permanente de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les activités des sociétés australiennes opérant à l'étranger; l'application de la loi de 1975 sur la discrimination raciale dans le Territoire du Nord; l'indemnisation des victimes des «générations volées»; les langues autochtones; la représentation disproportionnée de la population autochtone dans la population carcérale; le multiculturalisme; les questions d'immigration et d'asile; le statut de l'île de Christmas; les questions foncières, s'agissant plus particulièrement de la reconnaissance des titres fonciers autochtones.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, M. José Francisco Cali Tzay, a souligné que le dialogue avec la délégation avait permis de dresser le tableau d'une société démocratique, avec ses fautes et ses erreurs, mais aussi des efforts déployés pour y remédier. Il a relevé que, selon le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, la population autochtone australienne est confrontée à de nombreuses inégalités. Il a aussi noté que selon la législation australienne, la charge de la preuve pour l'octroi des titres de propriété incombe aux autochtones et s'est demandé si, étant donné que les peuples autochtones sont les peuples premiers du pays, il ne serait pas plus logique que la charge de la preuve incombe à l'État. Des préoccupations subsistent pour ce qui est de la détention de personnes arrivant par la mer sans visa. L'expert a aussi souhaité que la délégation australienne fasse connaître sa définition de la notion de multiculturalisme lors de la présentation de son prochain rapport.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Australie, qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 27 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la France (CERD/C/FRA/17-19).
Présentation du rapport
M. PETER WOOLCOTT, Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que le rapport périodique de l'Australie couvre la période allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2008. Depuis la fin de cette période, des changements importants sont intervenus en Australie, a-t-il ajouté. Il a en outre rappelé qu'une élection fédérale allait se dérouler dans le pays le 21 août prochain et a souligné que, comme toute élection comporte une possibilité de changement de gouvernement, il convient de garder à l'esprit que les futures politiques et priorités de l'Australie s'agissant des questions qui intéressent le Comité peuvent dépendre du résultat de ces élections. L'Australie prend très au sérieux ses obligations au titre de la Convention, a poursuivi M. Woolcott; c'est pourquoi elle aurait préféré se présenter devant le Comité après les élections, car elle aurait été en meilleure position pour discuter franchement et pleinement des progrès du pays en matière d'élimination de la discrimination raciale et des domaines dans lesquels des efforts doivent encore être menés.
M. Woolcott a souligné que les Australiens aborigènes et insulaires du détroit de Torres occupent une place particulière au sein de la société australienne en tant que peuples premiers d'Australie. Mais il est clair que de nombreux aborigènes et insulaires du détroit de Torres souffrent de désavantages profonds par rapport au reste de la société australienne, a-t-il reconnu. La société australienne doit œuvrer encore davantage pour permettre la réalisation des droits de l'homme des peuples autochtones de l'Australie, a-t-il ajouté. Ces derniers temps, a souligné M. Woolcott, le Gouvernement s'est efforcé de restaurer la relation avec les peuples autochtones australiens. Le 13 février 2008, a-t-il rappelé, le Premier Ministre Kevin Rudd a présenté les excuses de la Nation aux peuples autochtones australiens pour les politiques gouvernementales du passé qui se sont traduites par de profondes souffrances pour les autochtones australiens; ces excuses ont été chaleureusement accueillies par les Australiens autochtones. En avril 2009, l'Australie a annoncé son soutien à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et, au mois d'août suivant, a accueilli le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, M. Anaya.
Le Conseil des gouvernements australiens, qui représente le Gouvernement fédéral et les gouvernements de tous les États et Territoire du pays, a convenu de combler le fossé quant à la situation défavorable des autochtones, fixant pour ce faire six objectifs spécifiques, dont le principal consiste à réduire, en une génération, le fossé qui existe en termes d'espérance de vie, a poursuivi M. Woolcott. D'autres objectifs fixés dans ce contexte ont trait à la santé infantile, à l'éducation et à l'emploi. Le Représentant permanent a par ailleurs indiqué que le Congrès national des peuples premiers de l'Australie devrait être pleinement opérationnel au mois de janvier 2011.
M. Woolcott s'est dit conscient que le Comité était très intéressé par les progrès législatifs visant à rétablir la Loi relative à la discrimination raciale de 1975 en relation avec la Réponse d'urgence dans le Territoire du Nord. Aussi, a-t-il attiré l'attention sur des amendements ont été adoptés par le Parlement australien le 21 juin dernier qui prévoient que l'actuelle suspension de la Loi de 1975 en relation avec les mesures associées à la Réponse d'urgence dans le Territoire du Nord soit levée à compter du 31 décembre prochain, permettant ainsi de laisser du temps pour que de nouvelles mesures puissent être mises en place. En outre, la Loi de 1975 s'applique au nouveau régime non discriminatoire des revenus à compter du 1er juillet 2010.
En décembre 2008, a poursuivi M. Woolcott, le Gouvernement australien a lancé la consultation nationale sur les droits de l'homme, qui a été confiée à un comité indépendant dont le rapport indique que la plupart des personnes consultées étaient convaincues que l'Australie était l'un des pays du monde où il faisait le meilleur vivre. En réponse à cette consultation, a précisé le Représentant permanent, le Gouvernement australien a publié en avril 2010 le Cadre pour les droits de l'homme de l'Australie. L'éducation doit être la plus haute priorité pour améliorer et promouvoir les droits de l'homme dans le pays, a souligné M. Woolcott. Il a fait part d'un certain nombre d'initiatives prises par les autorités, notamment pour ce qui a trait à l'aide juridique en faveur des Australiens autochtones dans leurs rapports avec le système judiciaire. En novembre 2009, a-t-il ajouté, un Cadre national relatif à la loi et la justice pour les autochtones a été approuvé qui se concentre en particulier sur les mesures visant à rendre les communautés autochtones plus sûres et à réduire l'ampleur des incarcérations d'Australiens autochtones.
En ce qui concerne la questions des «titres natifs» («Native titles» ou titres de propriété foncière autochtones), M. Woolcott a indiqué que le Parlement avait entrepris des réformes législatives ciblées de la Loi de 1993 relative à ces titres afin d'améliorer l'opérationnalité de cette Loi et les résultats que les parties peuvent en attendre. Ces réformes donnent à la Cour fédérale de l'Australie le rôle central pour gérer la résolution des demandes de titres natifs et prévoient des mesures visant à aider les autochtones et autres parties prenantes à parvenir à des règlements meilleurs et plus rapides de leurs demandes.
La diversité de la population australienne s'est renforcée depuis la dernière fois que l'Australie s'est présentée devant le Comité, en 2005, a poursuivi M. Woolcott. Aujourd'hui, a-t-il notamment précisé, les Australiens parlent plus de 260 langues, y compris des langues autochtones; près d'un Australien sur quatre est né à l'étranger, et près de la moitié des Australiens sont soit nés à l'étranger, soit ont un parent ayant immigré en Australie. Il en résulte qu'en une génération, l'Australie a évolué d'une société essentiellement britannique ou irlandaise (Anglo-Celtic) de moins de huit millions d'habitants à une société multiculturelle de plus de 22 millions d'habitants.
L'Australie est engagée à accorder une protection aux personnes dont le statut de réfugié est établi, a poursuivi le Représentant permanent. Il a apporté des précisions s'agissant de la suspension du traitement de toute nouvelle demande d'asile émanant de ressortissants sri-lankais et afghans, annoncée le 9 avril dernier et devant être réexaminée respectivement dans un délai de trois et de six mois. M. Woolcott a indiqué que cette décision avait été prise en réponse à l'évolution rapide de la situation à Sri Lanka et dans certaines parties de l'Afghanistan. Cette suspension n'a pas été appliquée pour des raisons de race, a insisté le Représentant permanent. Les personnes affectées par cette suspension l'ont été sur la seule base du fait qu'ils présentaient des demandes en rapport avec la situation dans ces deux pays – au sujet desquels l'information évolue.
La levée de la suspension du traitement des demandes émanant de requérants d'asile sri-lankais a été annoncée le 6 juillet 2010, a indiqué M. Woolcott, précisant que tous les requérants d'asile de ce pays qui avaient été affectés par la suspension voient maintenant leur demande examinée au cas par cas. En revanche, la suspension reste en vigueur pour les demandes émanant de ressortissants afghans.
Les autorités sont conscientes de la nécessité de veiller à ce que toutes les personnes soient traitées équitablement et ne soient pas maintenues en détention plus longtemps que nécessaire, a poursuivi M. Woolcott. Aussi, a-t-il assuré que toutes les personnes se trouvant en détention pour des motifs d'immigration continueront à être traitées équitablement, humainement et dignement, et continueront d'avoir accès à toute une série de services de santé, d'éducation et de loisirs. Depuis le 1er juillet dernier, a ajouté M. Woolcott, l'Australie applique de nouveaux accords concernant les permis de travail pour les requérants d'asile et a notamment aboli la règle des 45 jours, en vertu de laquelle seuls les requérants d'asile qui avaient déposé une demande de visa de protection dans un délai de 45 jours à compter de leur arrivée en Australie étaient potentiellement éligibles pour occuper un emploi et avoir accès à des services hospitaliers et de santé de base gratuits.
Les valeurs fondamentales de l'Australie que sont l'acceptation, la tolérance et l'ouverture d'esprit ont permis au pays de forger une société multiculturelle harmonieuse et dynamique qui attire des personnes du monde entier, a souligné M. Woolcott. L'immigration est un ingrédient essentiel pour soutenir le succès économique et social de l'Australie, a-t-il ajouté. Bien que l'Australie soit l'un des pays les plus tolérants du monde, les autorités ne peuvent promettre mettre un terme à tous les crimes urbains; aucun gouvernement ne peut, de manière crédible, promettre une telle chose, a souligné M. Woolcott. Des opérations de police renforcées et plus visibles ont été menées pour améliorer la sécurité physique dans les villes australiennes, a poursuivi le Représentant permanent, assurant que des ressources accrues pour la police permettent d'avoir des rues plus sûres pour tous. Afin d'assurer que ceux qui demandent à faire des études en Australie sont de véritables étudiants et non des travailleurs clandestins ouverts à l'exploitation, les systèmes d'éducation et de visa pour les étudiants internationaux ont été réformés et leur intégrité renforcée, a indiqué M. Woolcott. Il a ajouté que pour obtenir un visa d'étudiant, un montant d'argent plus élevé a été fixé pour déterminer la capacité des étudiants internationaux à subvenir à leurs besoins.
Un autre membre de la délégation australienne a souligné que les excuses nationales (présentées en 2008 aux peuples autochtones de l'Australie) constituaient un moment important de l'histoire du pays. Il s'agissait en effet de la première étape de la reconnaissance des effets néfastes des politiques gouvernementales du passé, notamment pour ce qui a trait au retrait des enfants autochtones de leurs familles. Dans ce contexte, la délégation a précisé que des compensations et des régimes d'indemnisation ont été mis en place, au niveau des États, au Queensland, en Tasmanie et en Australie occidentale pour tous ceux qui avaient été victimes de violences physiques et sexuelles alors qu'ils étaient dans des institutions de l'État. Le Gouvernement australien, pour sa part, a alloué 26,6 millions de dollars sur quatre ans à l'établissement d'une Fondation de guérison (Healing Foundation) des aborigènes et insulaires du détroit de Torres.
Les mesures fondamentales de la Réponse d'urgence dans le Territoire du Nord (ou NTER, selon l'acronyme anglais) restent en place, a poursuivi la délégation. Néanmoins, plusieurs de ces mesures ont été améliorées et de faire en sorte qu'elles correspondent plus clairement à des mesures spéciales telles que prévues dans la Loi relative à la discrimination raciale, a-t-elle ajouté. Elle a attiré l'attention sur les principales réalisations à porter au crédit de la NTER dans le domaine de la santé.
La délégation a par ailleurs rappelé que la terre occupe une place importante dans la vie culturelle, spirituelle, sociale et économique de nombreux Australiens autochtones. Elle a assuré que le Gouvernement australien a travaillé en étroite collaboration avec les propriétaires terriens autochtones et les gouvernements des territoires pour assurer que des accords appropriés de propriété de la terre soient en place en amont de tout investissement gouvernemental majeur dans les domaines du logement ou des infrastructures.
La délégation a par ailleurs indiqué que le Cadre pour les droits de l'homme de l'Australie lancé le 21 avril dernier propose d'entreprendre, dans un certain nombre de domaines, des actions visant notamment à améliorer l'éducation aux droits de l'homme au sein de la communauté; à établir un nouveau comité parlementaire conjoint sur les droits de l'homme; à introduire une exigence selon laquelle toute nouvelle législation présentée devant le Parlement devra être accompagnée d'une déclaration de compatibilité avec les obligations internationales de l'Australie en matière de droits de l'homme; à créer un forum annuel des organisations non gouvernementales sur les droits de l'homme.
L'Australie maintien sa réserve à l'égard du paragraphe a) de l'article 4 de la Convention: au niveau fédéral, l'Australie ne pénalise pas, actuellement, la haine raciale. La délégation a toutefois ajouté que la plupart des États et territoires prévoient une action pénale pour la haine raciale, les peines encourues allant de six mois à trois ans d'emprisonnement.
En vertu de la Loi sur la discrimination raciale de 1975, a poursuivi la délégation, les plaintes pour discrimination raciale sont présentées à la Commission australienne des droits de l'homme, laquelle doit alors chercher une conciliation qui peut se solder par des excuses ou par un dédommagement. En 2008-2009, la Commission a reçu quelque 396 plaintes en vertu de cette Loi de 1975 et 8% de ces plaintes avaient trait à la haine raciale, a précisé la délégation.
La délégation a d'autre part indiqué que 80 nouvelles demandes de titres fonciers autochtones ont été résolues depuis la présentation du précédent rapport de l'Australie devant le Comité, portant à 136 le nombre total de titres autochtones résolus, avec une croissance du nombre de titres résolus par consentement. Les résolutions enregistrées de titres autochtones couvrent 12,1% du territoire de l'Australie, a indiqué la délégation.
En Australie, la détention liée à l'immigration est une détention administrative qui vise à assurer que les personnes qui ne sont pas habilitées à demeurer dans le pays restent à disposition pendant que leur demande est traitée, a par ailleurs souligné la délégation. Si leur demande n'est pas acceptée, il est recouru à ce type de détention afin de faciliter leur départ. Ce type de détention à l'immigration permet également des contrôles sanitaires, identitaires et sécuritaires appropriés pour prémunir la communauté australienne contre tout risque potentiel. La détention dans les centres de détention à l'immigration n'est utilisée qu'en dernier recours, a par ailleurs assuré la délégation, ajoutant que toute détention indéfinie ou arbitraire n'est pas acceptable. Les enfants ne sont pas détenus dans ces centres, a-t-elle précisé.
Faisant en outre part d'un certain nombre de mesures concrètes prises par le Gouvernement australien contre la discrimination raciale dans le monde du travail, la délégation a notamment indiqué que la loi de protection des travailleurs adoptée en septembre 2009 prévoyait que les travailleurs migrants sont habilités à recevoir, à travail égal, le même salaire que les travailleurs locaux. Par ailleurs, une nouvelle loi relative au travail équitable a été adoptée en 2009 qui étend les protections du travailleur en interdisant toute une série d'actions néfastes émanant de l'employeur, a ajouté la délégation.
Le Gouvernement australien a également réalisé des progrès pour ce qui est de réduire le fossé en termes de possibilités d'emploi entre Australiens autochtones et non autochtones, a indiqué la délégation. Le Gouvernement est ainsi engagé à assurer un accès adéquat à une éducation de qualité pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres. Cette année, a précisé la délégation, quelque 50 000 élèves des niveaux secondaires et tertiaires sont aidés financièrement par le Gouvernement. Le Gouvernement est également en bonne voie de réaliser son objectif consistant à doter le Territoire du Nord de 200 enseignants supplémentaires d'ici à 2012.
La délégation a enfin fait part des mesures prises par le pays pour améliorer la situation sanitaire de tous les Australiens. En vertu du régime universel de santé publique, tous les Australiens ont accès à toute une gamme de services de santé qui sont soit gratuits, soit remboursés par l'État.
Le rapport périodique de l'Australie (document CERD/C/AUS/15-17 regroupant les quinzième à dix-septième rapports périodiques - en anglais et espagnol seulement) souligne que s'il n'existe pas de règle spécifique contre la discrimination raciale dans la Constitution australienne, les droits de l'homme sont protégés en Australie par toute une gamme de dispositions. En outre, l'Australie a mis en œuvre ses obligations en vertu de la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale dans la législation australienne par le biais du Racial Discrimination Act de 1975. Le gouvernement s'est fixé comme priorité nationale de combler l'écart entre Australiens autochtones et non autochtones en se fixant des objectifs mesurables et des délais précis, notamment réduire l'écart en matière d'espérance de vie entre les autochtones et les autres Australiens en une génération et réduire de moitié en dix ans l'écart en matière de mortalité des enfants de moins de cinq ans, l'écart en termes de réussite scolaire, en termes d'emploi. Le gouvernement œuvre de manière déterminée à consolider un partenariat solide avec les Australiens autochtones sur la base du respect, de la coopération et de la responsabilité mutuelle.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, s'est étonné de la «convention de vigilance» à laquelle sont soumis en période électorale les agents de l'État australien qui sont alors tenus de décliner toute invitation à s'exprimer au sujet de questions polémiques. Il a rappelé que l'examen par le Comité du rapport d'un État partie relève d'un dialogue qui a pour seul objectif l'exercice et la jouissance des droits énoncés dans la Convention.
Le Comité a examiné le cas de l'Australie à trois reprises dans le cadre de sa procédure d'alerte précoce, a par ailleurs rappelé M. Cali Tzay, qui s'est félicité de la réponse apportée par le pays dans le dernier cas. Il s'est réjoui que l'Australie ait émis une invitation permanente aux procédures du Conseil des droits de l'homme et que le pays ait adhéré à la Convention contre la discrimination dans l'éducation de l'Unesco. Il s'est également réjoui du rapport issu de la consultation nationale sur les droits de l'homme et s'est enquis de l'évaluation des progrès réalisés depuis la présentation de ce rapport.
M. Cali Tzay a jugé préoccupante la réticence persistante de l'Australie à ratifier la convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les droits des peuples autochtones et tribaux.
La loi relative à la Réponse d'urgence (NTER) continue d'être appliquée en dépit de la restauration de la Loi sur la discrimination raciale dans le Territoire du Nord, s'est par ailleurs inquiété l'expert. Tout en se félicitant des excuses présentées en 2008 par le Gouvernement aux «générations volées», il a jugé préoccupant que le droit de ces enfants de demander réparation soit associé à des procédures et formalités longues et complexes.
M. Cali Tzay a relevé que selon le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, les peuples autochtones en Australie étaient confrontés à de nombreuses inégalités. L'expert a demandé si la délégation était en mesure de fournir davantage d'informations au sujet des effets, positifs ou négatifs, de l'intervention dans le Territoire du Nord connue sous le terme de NTER. Il a aussi voulu connaître les résultats des réformes entreprises s'agissant des procédures d'octroi de titres de propriété autochtones. Selon la législation australienne, la charge de la preuve pour l'octroi des titres de propriété incombe aux autochtones; aussi, comment ceux-ci peuvent-ils apporter cette preuve, a demandé M. Cali Tzay? Étant donné que les peuples autochtones sont les peuples premiers du pays, ne serait-il pas plus logique que la charge de la preuve incombe à l'État, s'est-il interrogé?
S'il n'existe aucune interdiction spécifique de la discrimination raciale dans la Constitution australienne, les droits de l'homme sont protégés par des institutions démocratiques solides; par les droits énoncés dans la Constitution; par le droit de common law; et par la législation, y compris la législation contre la discrimination émanant du Commonwealth, a par ailleurs relevé M. Cali Tzay, ajoutant que l'Australie a mis en pratique ses obligations en vertu de la Convention à travers la Loi sur la discrimination raciale de 1975.
L'expert a souhaité savoir comment les autorités diffusent les recommandations du Comité auprès du public et de la société civile australiens. La société civile a-t-elle participé à l'élaboration du rapport de suivi présenté par le pays?
M. Cali Tzay a indiqué ne pas bien saisir pourquoi l'Australie maintient une réserve à l'égard du paragraphe a) de l'article 4 de la Convention.
Le rapport parle parfois de «discrimination illégale», a d'autre part relevé l'expert; cela signifie-t-il qu'il existerait du point de vue de l'Australie une discrimination légale, a-t-il demandé? M. Cali Tzay s'est par ailleurs inquiété de l'interprétation que fait l'Australie de la notion de mesures spéciales.
M. Cali Tzay a souligné que des préoccupations subsistent pour ce qui est de la détention de personnes arrivant par la mer sans visa, plus particulièrement pour ce qui est des ressortissants sri-lankais et afghans. La durée de la détention de ces personnes varie de six à douze mois, s'est-il inquiété.
La situation des étudiants étrangers est également inquiétante, en particulier pour ceux qui viennent d'Inde et de Chine, a poursuivi M. Cali Tzay. À cet égard, il a relevé que l'Australie ne considère pas comme étant à caractère raciste des attaques qu'elle affirme n'être que de simples attaques contre des personnes.
Un autre membre du Comité a souligné que les autorités australiennes «semblent se voiler la face» en s'efforçant d'ignorer que les crimes commis contre des étudiants étrangers, notamment indiens, revêtent un caractère racial, a pour sa part déclaré un membre du Comité.
Un expert a constaté que pour différends aspects de la vie des populations autochtones, la ségrégation et la discrimination subsistent en Australie. Il s'est inquiété du nombre disproportionné d'autochtones placés en détention et s'est enquis des raisons de cette disproportion. Il s'est également inquiété qu'au cours de la campagne électorale, les candidats semblent vouloir montrer lequel d'entre eux sera le meilleur pour mettre un terme à l'immigration. Il conviendrait de prendre davantage de mesures, notamment éducatives, afin de lutter contre le sentiment xénophobe en Australie, a-t-il ajouté.
Un expert a relevé que la suspension de la Loi relative à la discrimination raciale dans le Territoire du Nord avait notamment pour vocation de réduire ou d'éliminer la consommation d'alcool ou encore la violence au sein des familles. Mais pourquoi alors suspendre l'ensemble des dispositions de cette loi, s'est-il interrogé, soulignant qu'une telle suspension globale s'apparente à une mesure disproportionnée. Relevant par ailleurs qu'il n'y a pas eu de restitution de terres autochtones lorsque les titres n'ont pas été éteints, l'expert a insisté pour que le Gouvernement trouve une solution à ce problème. Une seule personne semble avoir obtenu compensation après les excuses présentées par le Gouvernement en 2008 aux générations volées, a par ailleurs relevé cet expert. Selon les statistiques, trois millions de personnes en Australie parlent une autre langue que l'anglais, a-t-il poursuivi; comment entend-on promouvoir la participation de ces groupes à la vie culturelle commune d'un État qui se veut multiculturel, a-t-il demandé? Évoquant la question des langues autochtones, un autre expert a souligné l'important déclin linguistique depuis les années 1980.
Un membre du Comité a attiré l'attention sur les activités des sociétés australiennes investissant à l'étranger où elles déploient des activités qui parfois, peuvent toucher aux droits de l'homme, y compris aux droits des communautés autochtones; ces compagnies doivent être tenues pour responsables de leurs actes lorsque ceux-ci portent atteinte aux droits de l'homme et à l'environnement dans les pays où elles opèrent. Enfin, l'Australie devrait ratifier la convention n°169 de l'Organisation internationale du travail, a estimé l'expert.
Un autre expert a estimé que le Gouvernement australien devrait revoir le système de détention obligatoire pour les requérants d'asile et veiller à ce que l'application des lois antiterroristes et de lutte contre la criminalité organisée n'aboutisse pas à des pratiques de profilage.
Nombreux sont les experts à s'être félicités des excuses présentées par le Gouvernement australien aux peuples premiers du pays.
Intervention de l'institution nationale des droits de l'homme de l'Australie
Un représentant de la Commission des droits de l'homme de l'Australie, s'est félicité des progrès réalisés par le Gouvernement australien en matière de lutte contre la discrimination en Australie. S'agissant de l'application de mesures spéciales en vertu de la nouvelle et de l'ancienne législation en place dans le Territoire du Nord, il a souligné que la fourniture de services de base à la communauté aborigène ne saurait être considérée comme une mesure spéciale.
Le représentant a par ailleurs souligné que la survie de certaines langues courent un grand danger en Australie et plusieurs sont en voie d'extinction, puisque sur 250 langues autochtones distinctes qui existaient avant la colonisation, il n'en reste plus qu'une centaine, dont seules 18 sont encore parlées aujourd'hui, de sorte que si rien n'est fait, l'usage de la langue autochtone aura disparu d'ici 10 à 30 ans.
Comment le Gouvernement australien entend-il s'y prendre pour assurer la justice foncière pour les communautés aborigènes, a par ailleurs demandé le représentant de la Commission australienne des droits de l'homme? Il a en outre attiré l'attention sur le manque de politique multiculturelle depuis 1996. En conclusion, il a plaidé en faveur d'une reconnaissance constitutionnelle des premiers Australiens; d'une restauration complète de la Loi sur la discrimination raciale; de l'égalité pour les communautés marginalisées; d'une loi fédérale faisant de la haine raciale un délit pénal; et d'un mécanisme national de mise en œuvre de la Convention.
Réponses de la délégation
La délégation a souligné que l'Australie était fière de sa société multiculturelle et a rappelé que le pays avait traditionnellement accueilli un grand nombre d'immigrants venus du monde entier. Depuis la deuxième guerre mondiale, a-t-il précisé, environ sept millions de migrants provenant de 200 pays sont venus en Australie. Le racisme sous quelque forme que ce soit est inacceptable aux yeux de la société australienne, a insisté la délégation.
L'Australie dispose d'une législation et de mesures administratives appropriées réglementant les activités extraterritoriales des sociétés australiennes opérant à l'étranger. Ces sociétés restent soumises aux lois australiennes liées sur les comportements des entreprises et à certaines lois pénales australiennes – en particulier celles sur la corruption; elles sont en outre soumises aux lois des juridictions sous lesquelles elles opèrent, notamment les lois relatives à la discrimination raciale. La délégation a par ailleurs souligné que le Gouvernement australien soutient toute une série d'initiatives, notamment dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), visant à améliorer la responsabilité sociale des entreprises et à orienter le comportement des entreprises australiennes opérant à l'étranger.
La délégation a souligné que le but du législateur australien est assurément de faire en sorte que les dispositions de la Loi sur la discrimination raciale de 1975 soient pleinement appliquées dans le Territoire du Nord. Ainsi, le législateur s'est-il efforcé d'abroger toutes les dispositions de la Réponse d'urgence dans le Territoire du Nord (NTER) qui sont contraires à ladite Loi de 1975. À compter du 31 décembre 2010, des procédures pourront être engagées contre toute mesure qui serait considérée comme contraire à la loi relative à la discrimination raciale. L'un des effets positifs de la NTER a été d'avoir attiré l'attention sur la situation des infrastructures dans le Territoire du Nord, a par ailleurs fait valoir la délégation. En outre, elle a permis la mise en place de commissariats de police et de déployer des policiers, a-t-elle ajouté, faisant valoir que cela a permis de réduire, entre autres, le niveau de violence. La délégation a également mentionné les services de santé qui ont pu être promus grâce à cette Réponse d'urgence. Au nombre des effets négatifs de la NTER, la délégation a cité le fait que les aborigènes se sentaient blessés et humiliés par la façon dont la NTER avait été appliquée au départ, estimant qu'il y a avait là une politique de deux poids, deux mesures. En réponse à ces critiques, la loi relative à la discrimination raciale a donc été remise en place.
Deux mécanismes existent pour assurer compensation et indemnisation aux victimes des «générations volées», a par ailleurs indiqué la délégation. Il y a d'une part les tribunaux et, d'autre part, les programmes législatifs que certains États de l'Australie ont mis en place. Ainsi, le programme législatif du Queensland a-t-il permis que plus de 6000 demandes de compensation soient couronnées de succès, a précisé la délégation.
S'agissant des langues autochtones, la délégation a souligné qu'au mois d'août de l'an dernier, a été lancée la politique nationale pour les langues d'Australie qui envisage la création d'un centre national linguistique et la mise en œuvre de programmes de maintien de langues autochtones.
La délégation a par ailleurs estimé que le Congrès national des peuples premiers devrait jouer un rôle de premier plan pour la reconnaissance constitutionnelle des peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres.
En ce qui concerne les questions foncières, la délégation a indiqué que les titres autochtones sont le fruit d'une reconnaissance par la common law australienne, depuis 1994, des droits autochtones. Entre 1994 et 2010, 132 décisions ont été prises et enregistrées au titre de la loi sur les titres autochtones, a précisé la délégation. Le processus de reconnaissance d'un titre autochtone passe par le dépôt, par un groupe, d'une demande à la cour fédérale aux fins de la détermination du titre, a-t-elle ajouté. La cour fédérale se voit alors investie d'un rôle de médiateur, ses décisions devant satisfaire toutes les parties.
La «discrimination légale» n'est pas un terme utilisé dans les lois fédérales australiennes en termes de lutte contre la discrimination, a par ailleurs assuré la délégation.
En ce qui concerne la représentation disproportionnée de la population autochtone parmi la population carcérale, la délégation a indiqué que le Gouvernement fédéral est engagé à coopérer avec les autorités des États et territoires dans ce domaine, un cadre ayant à cette fin été mis en place afin d'éliminer tout racisme dans le système judiciaire. Cette démarche s'inscrit dans le cadre général de la politique «Closing the gap» (combler le fossé) des autorités australiennes.
Le programme «Closing the gap» vise aussi bien les personnes autochtones que non autochtones, même s'il met essentiellement l'accent sur les populations autochtones vivant dans les zones isolées, a indiqué la délégation. Ce programme comporte notamment des volets consacrés à la santé, au logement, à la participation économique et à la fourniture de services, y compris internet, dans les zones isolées, a-t-elle précisé.
S'agissant de la notion de multiculturalisme, la délégation a indiqué que lors du dernier recensement de la population effectué en 2006, près de quatre millions de personnes affirmaient parler une autre langue que l'anglais dans leurs foyers. Toutefois, a-t-elle souligné, cela n'empêchait pas ces personnes de parler également l'anglais et en fait, seules 500 000 personnes environ ont indiqué n'avoir qu'un faible niveau de maîtrise de l'anglais. La délégation a fait part de l'existence d'un programme d'enseignement de l'anglais aux migrants adultes, ainsi que de diverses mesures prises afin de dispenser un enseignement de l'anglais aux personnes réfugiées et aux arrivants pour des motifs humanitaires.
Pour ce qui est des questions d'immigration et d'asile, la délégation a assuré que la durée de la détention dans ce contexte doit toujours être la plus courte possible. Les enfants requérants d'asile ne sont pas placés dans des centres de détention pour immigrants, ces centres étant les établissements qui ont le plus haut niveau de sécurité de tout le réseau de détention à l'immigration de l'Australie; les enfants sont en fait placés dans des lieux de détention alternatifs (en logement résidentiel, par exemple) où les niveaux de sécurité sont plus faibles.
L'Australie ne refoule pas les réfugiés ou toute autre personne à l'égard de laquelle elle a des obligations de non-refoulement, quelle que soit la méthode par laquelle cette personne est arrivée dans le pays, a assuré la délégation.
L'île de Christmas fait partie de l'Australie et la loi de 1975 sur la discrimination raciale ainsi que les lois relatives à l'immigration s'y appliquent, a ajouté la délégation. En vertu de la loi sur l'immigration, cette île est considérée comme un excised offshore place; les non-ressortissants qui sont entrés en Australie par un tel lieu sans détenir un visa valide ne sont pas autorisés à déposer une demande de visa, sauf si le Ministère de l'immigration et de la citoyenneté juge nécessaire, dans l'intérêt public, qu'ils puissent le faire.
Un membre du Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles plus de 260 enfants seraient placés en détention sur l'île de Christmas où ils n'auraient accès qu'à un parc de 50m2 dans lequel ils ne pourraient se rendre qu'accompagnés d'un policier, la délégation a indiqué ne pas être en mesure de répondre de manière concrète à cette question précise, mais a assuré ne pas avoir connaissance de cas où ce sont des policiers qui accompagneraient les enfants.
En Australie, les traités internationaux ratifiés par le pays ne sont pas auto-exécutoires et doivent être retranscrits dans le droit australien pour produire leurs effets, a indiqué la délégation.
Observations préliminaires
M. CALI TZAY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Australie, a remercié la délégation australienne pour sa volonté de dialogue avec le Comité, qui a permis de dresser le tableau d'une société démocratique, avec ses fautes, ses erreurs et les efforts déployés pour y remédier. Demeurent un certain nombre de préoccupations et il serait bon que la prochaine fois qu'elle paraîtra devant le Comité, la délégation australienne fasse connaître la définition qu'elle a de la notion de multiculturalisme. Durant cet examen du rapport australien, plusieurs experts ont évoqué la situation des aborigènes et des étudiants étrangers, a par ailleurs rappelé M. Cali Tzay. Il a par ailleurs été recommandé à l'Australie de ratifier la convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Enfin, M. Cali Tzay a réitéré sa préoccupation en ce qui concerne la réserve que le pays maintient à l'égard du paragraphe a) de l'article 4 de la Convention, qui porte sur l'interdiction de l'incitation à la discrimination raciale.
Un autre expert s'est étonné que dans ses réponses, la délégation australienne ait estimé que l'ouverture de commissariats de police et l'envoi de policiers dans une zone constituait une mesure positive d'action affirmative.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CERD10/023F