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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'OUZBÉKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Ouzbékistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Akmal Saidov, Représentant permanent de l'Ouzbékistan auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que dès son indépendance, l'Ouzbékistan s'est fixé comme priorité la protection des droits de l'homme et la paix interethnique et interreligieuse. Il a ajouté que dans le contexte de la crise économique et financière mondiale, la politique de l'État vise à prévenir une baisse du niveau de vie des habitants et à les protéger contre les effets néfastes de l'impact de cette crise. Certaines difficultés et certains problèmes persistent pour ce qui est de la mise en œuvre des dispositions de la Convention en Ouzbékistan, a admis M. Saidov, reconnaissant notamment que l'Ouzbékistan, comme de nombreux autres États en ce contexte de récession mondiale, est confronté à des problèmes économiques et sociaux qui ont une influence particulière sur les groupes vulnérables de la société. Il a par ailleurs attiré l'attention sur la situation écologique qui reste grave dans le bassin de la mer d'Aral et qui a des conséquences sur la sécurité alimentaire et l'accès à l'eau potable. M. Saidov a aussi attiré l'attention sur la position géopolitique de l'Ouzbékistan, qui se situe en Asie centrale, une région qui a les plus grandes difficultés à maintenir la paix et la stabilité et où la situation en Afghanistan s'accompagne d'une production de drogues et du trafic y associé. Enfin, les menaces de terrorisme international et d'extrémisme religieux engendrent l'instabilité et, de surcroît, détournent des ressources.

La délégation ouzbèke était également composée du Ministre adjoint de la justice de l'Ouzbékistan, M. Abdulhalim Akhmedov, du Vice-Président de la Cour suprême, M. Sherali Rakhmanov, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de la définition de la discrimination dans le droit ouzbek; de la situation des Roms; ou encore de la représentation des minorités nationales au Parlement.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, Mme Anastacia Crickley, a déclaré qu'en tant qu'État nouvellement indépendant, confronté aux réalités qui sont les siennes, l'Ouzbékistan doit être félicité pour la manière dont il appréhende ses responsabilités internationales. Elle s'est réjouie que le pays ait aboli la peine capitale. Tout en saluant la protection très généreuse récemment accordée par l'Ouzbékistan aux réfugiés en provenance du Kirghizistan, elle a estimé important qu'un cadre institutionnel vienne appuyer la démarche de l'Ouzbékistan vis-à-vis des réfugiés. Aussi, a-t-elle recommandé au pays d'adhérer à la Convention de 1951 sur le statut de réfugié. Elle a par ailleurs déploré l'absence persistante, dans la législation ouzbèke, d'une définition de la discrimination raciale conforme à celle de la Convention.

Le Comité adoptera, dans le courant de la présente session, des observations finales sur l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 27 août.


À sa prochaine séance publique, lundi après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Roumanie (CERD/C/ROU/16-19).


Présentation du rapport

M. AKMAL SAIDOV, Représentant permanent de l'Ouzbékistan auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que, conformément aux recommandations du Comité, la préparation de ce rapport a bénéficié d'une large participation de 31 organes de l'État et de 23 organisations non gouvernementales. Il a indiqué que l'Ouzbékistan soumettait également aux membres du Comité des documents informatifs additionnels concernant, notamment, la mise en œuvre des recommandations issues des précédentes observations finales du Comité et les réformes juridiques et judiciaires réalisées en Ouzbékistan.

Dès son indépendance, l'Ouzbékistan s'est donné pour priorité la protection des droits de l'homme et la paix interethnique et interreligieuse, a poursuivi M. Saidov. Il a ajouté que dans le contexte de la crise économique et financière mondiale, la politique de l'État visait à prévenir une baisse du niveau de vie des habitants et à les protéger contre les effets néfastes de l'impact de cette crise. À cet égard, il a notamment fait état de l'adoption d'un programme anticrise pour les années 2009-2012. Des progrès directement liés au bien-être des citoyens, notamment en matière d'éducation, d'égalité entre les sexes ou encore de services de santé, ont été réalisés en Ouzbékistan, a poursuivi le Représentant permanent.

Cinq orientations prioritaires peuvent être dégagées des mesures prises par l'Ouzbékistan aux fins de la mise en œuvre des dispositions fondamentales de la Convention, a indiqué M. Saidov: amélioration de la base législative pour l'élimination de la discrimination raciale; développement de la base institutionnelle à cette même fin; approfondissement des réformes judiciaires et juridiques; activités informatives et éducatives visant l'élimination de la discrimination raciale; et développement de la coopération internationale dans le domaine des droits de l'homme.

M. Saidov a par ailleurs assuré que les deux chambres du Parlement accordent une grande attention aux questions de surveillance de la mise en œuvre de la Convention et des observations finales du Comité, comme l'attestent les réunions spéciales que des commissions des deux chambres ont consacrées aux résultats de l'examen des précédents rapports du pays.

En avril 2009, a en outre fait valoir M. Saidov, le Parlement ouzbek a adopté la loi étendant les droits de l'ombudsman pour qu'il puisse rencontrer les personnes placées en garde à vue et en détention et leur parler et puisse également rendre librement visite aux établissements pénitentiaires; cette même loi a également interdit la censure de la correspondance adressée par les détenus à l'ombudsman.

D'autre part, une partie du Plan national d'action adopté l'an dernier pour donner effet aux recommandations adressées à l'Ouzbékistan à l'issue de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme est consacrée aux questions d'élimination de la discrimination raciale, a souligné le Représentant permanent.

Sans aucun doute, persistent objectivement certaines difficultés et certains problèmes pour ce qui est de la mise en œuvre des dispositions de la Convention en Ouzbékistan, a admis M. Saidov. À cet égard, il a reconnu que l'Ouzbékistan, comme de nombreux autres États en ce contexte de récession mondiale, est confronté à certains problèmes économiques et sociaux qui ont une influence particulière sur les groupes vulnérables de la société. Il a par ailleurs attiré l'attention sur la situation écologique encore qui reste grave dans le bassin de la mer d'Aral et qui a des conséquences sur la sécurité alimentaire et l'accès à l'eau potable.

M. Saidov a également attiré l'attention sur les problèmes résultant de la position géopolitique de l'Ouzbékistan, qui se situe en Asie centrale, une région qui a les plus grandes difficultés à maintenir la paix et la stabilité et où la situation en Afghanistan s'accompagne d'une production de drogues et du trafic y associé. Enfin, les menaces de terrorisme international et d'extrémisme religieux non seulement engendrent l'instabilité mais détournent également des ressources disponibles.

Un autre membre de la délégation ouzbèke a rappelé que tous les cinq ans, tous les citoyens, sans discrimination aucune, participent sur un pied d'égalité aux élections tant aux organes locaux qu'à ceux de l'État.

L'Ouzbékistan comptait plus de 28 millions d'habitants selon le recensement de 2009, a ajouté la délégation, ajoutant qu'une réforme du système de recueil des données statistiques est en cours dans le pays.

La tolérance interculturelle, interethnique et interlinguistique caractérise l'Ouzbékistan, a poursuivi la délégation. Depuis l'indépendance, il n'y a eu aucun conflit interconfessionnel ou interethnique dans le pays, a-t-elle insisté. L'existence de plus de 2000 organisations religieuses témoigne de la tolérance qui caractérise le pays à cet égard, a-t-elle en outre fait valoir.

La législation de l'Ouzbékistan est pleinement conforme aux dispositions de la Convention, a par ailleurs assuré la délégation, ajoutant que les annales judiciaires laissent apparaître qu'il n'y a pratiquement pas eu d'affaires concernant des infractions aux dispositions de cet instrument.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Parlement ouzbek avait mené une étude sur l'opportunité d'élaborer une législation spécifique sur l'interdiction et l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; il est ressorti de cette étude que le système existant en Ouzbékistan constituait une base juridique suffisante pour la protection des citoyens contre la discrimination raciale. La plupart des États ne disposent pas d'une loi spécifique consacrée à l'interdiction de la discrimination raciale, laquelle est généralement abordée dans différents textes de lois, a fait observer la délégation. Ainsi en est-il en Ouzbékistan où, selon le Code pénal, les actes d'incitation à la haine raciale, ethnique ou nationale sont passibles de sanctions, tout comme le recours à la préférence ethnique ou nationale. Les représentants des minorités nationales sont représentés dans les trois branches du pouvoir, a d'autre part fait valoir la délégation.

La délégation a indiqué que, dans le système judiciaire, les services d'un interprète et d'un traducteur sont fournis gratuitement par l'État lorsqu'une personne – qu'il s'agisse d'un suspect, d'un prévenu, d'un témoin ou d'une victime – ne maîtrise pas suffisamment la langue dans laquelle se déroule habituellement la procédure judiciaire.

La prapiska, document attestant d'une résidence permanente sur le territoire ouzbek, est délivrée par le Ministère de l'intérieur, a par ailleurs indiqué la délégation; ce système a été mis en place pour régler les questions de permis de séjour pour les ressortissants étrangers, y compris ceux appartenant à la Communauté des États indépendants, et pour les apatrides.

À compter de 2011, des passeports avec données biométriques et valables 10 ans seront distribués aux citoyens, a par ailleurs indiqué la délégation. La citoyenneté ouzbèke peut être acquise par la naissance ou en se faisant naturaliser, a en outre précisé la délégation. S'ils en font la démarche, les apatrides, sans discrimination aucune, peuvent acquérir la citoyenneté, a-t-elle ajouté. Passé un délai de cinq années, les résidents permanents - étrangers ou apatrides – peuvent demander à acquérir la nationalité ouzbèke.

La délégation a par ailleurs fait part d'une étude consacrée à la situation des Tziganes en Ouzbékistan qui a été menée en 2008 et dont les résultats sont largement présentés dans le rapport dont est saisi le Comité.

Le rapport périodique de l'Ouzbékistan (document CERD/C/UZB/6-7 regroupant les sixième et septième rapports périodiques) rappelle que cet État d'Asie centrale devenu indépendant en 1991. Le rapport souligne qu'il s'agit aussi de l'État-nation des Ouzbeks, où cohabitent 130 groupes ethniques, en plus de la population éponyme. La tolérance ethnique, religieuse, culturelle et linguistique constitue un trait caractéristique du développement historique du pays. Depuis l'accession à l'indépendance, aucun conflit ethnique ou religieux n'a été observé en Ouzbékistan. La plus grande partie de la population (plus de 21 millions d'habitants) est constituée d'Ouzbeks, peuple turcophone ayant une culture unique très ancienne. Le pays compte également de très nombreux représentants d'autres peuples: Kazakhs, Tadjiks, Karakalpaks, Kirghizes, Turkmènes, Russes, Ukrainiens, Tatars, Arméniens, Coréens, Ouïghours, etc. La langue nationale de la République d'Ouzbékistan est l'ouzbek. La langue littéraire ouzbèke fait partie du groupe karluk de la branche occidentale des langues turques. La langue ouzbèke est historiquement et profondément liée à la langue tadjike. Du point de vue religieux, la population croyante des Ouzbeks et des Karakalpaks se compose de musulmans sunnites de l'école hanafi. En Ouzbékistan, comme dans toute l'Asie centrale, l'islam se caractérise par l'influence considérable de sa variante orthodoxe associée à une orientation mystique, le soufisme, auxquelles s'ajoutent certaines croyances préislamiques, explique par ailleurs le rapport.

Entre 2006 et 2008, l'Ouzbékistan a rédigé, adopté et mis en œuvre un plan d'action national pour donner suite aux observations finales du Comité sur l'élimination de la discrimination raciale, poursuit le rapport. La Constitution consacre le principe d'égalité devant la loi, d'égale protection garantie par la loi et d'interdiction de la discrimination, indique-t-il. Le principe de l'égalité devant la loi et de l'interdiction de la discrimination est également inscrit dans les instruments spécifiques qui régissent les droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels: Code du travail, Code civil, Code de la famille, Code pénal, lois sur l'éducation, loi sur les fondements de la politique nationale de la jeunesse, loi sur les requêtes des citoyens, etc. Ce principe est également inscrit dans la législation sur la procédure pénale. L'article 141 du Code pénal prévoit une sanction pénale en cas de violation de l'égalité des citoyens. Il convient de souligner que la notion de discrimination, telle qu'elle est définie dans cet article, correspond presque à l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La différence entre les deux formulations tient au fait que dans la définition de la Convention, la discrimination a pour but de «détruire ou compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique». L'absence, dans les dispositions de l'article 141 du Code pénal, de toute définition du but de la discrimination, n'affecte en rien la qualification de l'acte lui-même.

Les Tziganes qui vivent en Ouzbékistan sont appelés «Lyuli» par la population locale. Ils parlent le tadjik et l'ouzbek. La langue qu'ils utilisent tous les jours est le tadjik, parsemé d'expressions roms. Certains groupes tziganes s'expriment principalement en ouzbek. La principale religion pratiquée par les Tziganes vivant en Ouzbékistan est l'islam. Les recensements de Tziganes vivant en Asie centrale ne permettent pas d'aboutir à des chiffres précis. En fait, il est impossible de calculer les effectifs de cette catégorie de la population, un grand nombre d'entre eux disant appartenir à d'autres groupes ethniques. Selon un recensement effectué en 1926, l'Ouzbékistan comptait 3710 Tziganes. Leur nombre était estimé à environ 20 000 en 1989. Selon les spécialistes, ils ont toujours été au moins deux fois plus nombreux que ne le laissent entendre les chiffres officiels. Le mode de vie tzigane en Ouzbékistan est mixte, car l'adaptation à la société ouzbèke s'accompagne d'une détermination à préserver l'identité ethnique et culturelle spécifique, mais aussi à transmettre les traditions et le mode de vie tzigane. Dans le cadre d'une enquête qui a été menée auprès de la population tzigane, pratiquement tous les Tziganes interrogés (99 %) ont répondu que les autorités n'entravaient ni n'établissait aucune restriction à leur choix de suivre, en Ouzbékistan, leur mode de vie traditionnel. L'enquête a également montré que les Tziganes résidant en Ouzbékistan n'avaient pas subi de discrimination en matière d'accès à des établissements de santé. Le rapport indique par ailleurs que, compte tenu de la nécessité de lutter contre le crime organisé international et la traite des êtres humains, et en vertu des normes internationales qui rendent nécessaires des contrôles plus importants au passage des frontières, l'Ouzbékistan a mis en place une procédure de visas de sortie pour ses citoyens se rendant à l'étranger.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANASTACIA CRICKLEY, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, a relevé que la population ouzbèke est très jeune puisqu'elle est composée à 34% de personnes de moins de 14 ans. Mme Crickley a ensuite rappelé l'importance que revêtent les droits de l'homme lorsque des questions de paix et d'instabilité occupent le premier plan, comme cela est le cas pour l'Ouzbékistan au regard de sa position géopolitique.

Mme Crickley a par ailleurs regretté que les organisations non gouvernementales ne se soient pas engagées plus massivement dans le contexte du présent examen du rapport ouzbek et a souligné, à cet égard, que le Comité n'a pas reçu d'informations directes de la part des organisations non gouvernementales, pas plus qu'il n'a reçu de leur part de demande de réunion informelle préalablement à l'examen du rapport, comme cela se fait généralement.

Les conditions d'obtention de la citoyenneté ouzbèke exigent que le demandeur renonce à sa nationalité, a relevé Mme Crickley; or, les choses ne sont pas claires quant à la question de savoir si le demandeur doit renoncer à sa nationalité avant que les autorités ouzbèkes compétentes n'examinent sa demande, auquel cas il pourrait se retrouver dans une situation d'apatridie.

Mme Crickley a par ailleurs déploré l'absence, dans la législation ouzbèke, d'une définition de la discrimination raciale conforme à celle de la Convention. Comment le pays peut-il se conformer à la Convention en l'absence d'une telle définition, s'est interrogée l'experte, ajoutant que dans la plupart des pays du monde, il existe une définition en la matière.

Mme Crickley a souhaité en savoir davantage au sujet du soutien accordé, au niveau culturel, aux groupes minoritaires. Elle s'est également enquise des problèmes rencontrés s'agissant des Roms et des initiatives prises afin de prévenir toute discrimination à leur encontre.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir quelle était la place de la Convention dans l'ordre juridique interne ouzbek. Il a aussi demandé comment s'explique le nombre important d'apatrides en Ouzbékistan (86 000, selon ce qu'indique le rapport).

Un expert s'est inquiété de la situation des Tziganes en matière d'éducation. Il a également souhaité obtenir des renseignements sur la société civile ouzbèke, et en particulier s'agissant des activités la société civile. Il a aussi demandé des précisions s'agissant de la représentation des minorités à tous les échelons de la société (administration, vie locale, parlement).

Selon le rapport, l'harmonie sociale serait le fait de la générosité du peuple ouzbek à l'égard des minorités ethniques, a relevé un autre membre du Comité. Mais un expert s'est demandé s'il n'y avait pas un problème à «fonder la non-discrimination sur la charité».

Un expert a rappelé que le Comité avait adopté une position selon laquelle les pays doivent se doter d'une législation claire conforme aux dispositions de l'article 4 de la Convention (interdiction de l'incitation à la haine) et l'appliquent, accordant ainsi une protection aux victimes. La définition de la discrimination figurant à l'article 141 du Code pénal ouzbek ne vise que la violation du principe d'égalité entre les citoyens, alors que l'article premier de la Convention parle de toutes les formes de discrimination, a par ailleurs souligné cet expert. Il a en outre recommandé à l'Ouzbékistan de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, par laquelle le pays reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des plaintes.

Réponses de la délégation

S'agissant de la situation des Roms, la délégation a souligné qu'elle est différente en Ouzbékistan de ce qu'elle peut être en Europe, par exemple. Historiquement, a-t-elle précisé, la discrimination raciale à l'encontre des Roms n'est pas un problème dans le pays. Cela est peut-être dû au fait que la majorité des Roms en Ouzbékistan est sédentarisée et possède un lopin de terre, ce qui ne l'empêche pas de préserver ses pratiques traditionnelles. Nombreux sont les Roms qui ont obtenu la citoyenneté ouzbèke et il y a de nombreux mariages mixtes. Il n'en demeure pas moins que l'État continuera d'étudier cette question afin d'assurer que les politiques élaborées répondent aux besoins de cette communauté. La délégation a par la suite ajouté que l'État n'oblige pas les Roms à s'identifier comme tels.

S'il n'y a pas discrimination dans les textes de loi en Ouzbékistan, il n'en demeure pas moins vrai qu'il convient de veiller à détecter toute éventuelle discrimination occulte dans les faits, a par ailleurs admis la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur la représentation des femmes et des minorités nationales au Parlement, soulignant que les six minorités nationales y sont représentées.

La Constitution consacre la primauté du droit international, qui l'emporte sur les lois nationales, a poursuivi la délégation. S'il y a contradiction entre une norme internationale et une loi interne, c'est la norme internationale qui prévaut, a-t-elle insisté. Elle a fourni des exemples de jugements rendus par la Cour suprême qui témoignent que les juges doivent se référer au droit international.

Le statut d'un oukase présidentiel est inférieur à celui d'une loi, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans l'ordre juridique interne, la Constitution vient en premier, suivie par les accords internationaux, puis par les lois et ensuite par les décisions de rang inférieur à celui des lois, comme par exemple les décrets ministériels.

Ces cinq dernières années, des dizaines de documents internationaux relatifs aux droits de l'homme ont été traduits en langue ouzbèke, et l'Ouzbékistan est partie à de très nombreux traités relatifs aux droits de l'homme, a par ailleurs fait valoir la délégation. Elle a précisé que ces dernières années, le pays a notamment ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (qui vise l'abolition de la peine de mort), les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que plusieurs autres textes dont les conventions n°138 et 182 de l'Organisation internationale du travail portant respectivement sur l'âge minimum d'accès à l'emploi et sur l'élimination des pires formes de travail des enfants.

En ce qui concerne la définition de la discrimination dans le droit ouzbek et la question de sa conformité avec l'article premier de la Convention, la délégation a rappelé que plus d'une trentaine de lois ouzbèkes, d'une manière ou d'une autre, abordent la question de la discrimination; elle a ajouté que les autorités pertinentes continueraient d'examiner de près cette question et pourraient envisager la possibilité d'élaborer une législation interdisant toutes les formes de discrimination.

Interrogée sur le statut de la République du Karakalpakstan, la délégation a indiqué qu'il s'agit d'une République souveraine mais pas autonome qui fait partie de l'Ouzbékistan. La Constitution prévoit le droit de cette République souveraine de se détacher de l'Ouzbékistan; il s'agit là d'un statut juridique unique rare. Cette République souveraine dispose de sa constitution et de sa propre citoyenneté, a par ailleurs précisé la délégation.

S'agissant des questions de citoyenneté, la délégation a indiqué qu'un citoyen ouzbek perd sa citoyenneté lorsqu'il acquiert celle d'un État tiers. L'obligation de service militaire fait partie des devoirs de tout citoyen, a-t-elle par ailleurs indiqué.

La délégation ouzbèke a d'autre part indiqué que l'Ouzbékistan entendait mettre à l'examen la possibilité pour le pays de reconnaître la compétence du Comité de recevoir des plaintes en vertu de l'article 14 de la Convention. Cela ne devrait pas poser de problème étant donné que le pays a d'ores et déjà reconnu la compétence du Comité des droits de l'homme de recevoir des communications, a-t-elle rappelé.

La délégation a par ailleurs souligné que les alphabets latins et cyrilliques coexistent dans tous les lycées d'Ouzbékistan. Dans les écoles, en revanche, c'est l'alphabet latin qui prévaut, a-t-elle précisé.

L'Ouzbékistan ne reconnaît pas la charia ni les mariages religieux, a par ailleurs précisé la délégation. Il y a eu des cas de mariages forcés et de mariages de mineurs, mais le Gouvernement mène des efforts dans ce domaine, a-t-elle ajouté.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, MME ANASTACIA CRICKLEY, a remercié la délégation ouzbèke pour la manière dont elle a abordé l'ensemble du processus d'examen de son rapport et pour le travail considérable qu'elle a fourni dans le cadre du dialogue avec le Comité. En tant qu'État nouvellement indépendant, confronté aux réalités qui sont les siennes, l'Ouzbékistan doit être félicité pour la manière dont il appréhende ses responsabilités internationales, a-t-elle ajouté. Elle s'est réjouie que l'Ouzbékistan ait aboli la peine capitale.

Mme Crickley a par ailleurs estimé que la manière dont est traitée la question des Roms dans ce pays est étroitement liée à la coopération de l'Ouzbékistan avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a-t-elle par ailleurs relevé. Évoquant la question de la l'auto-identification des individus, elle a rappelé l'importance que le Comité attache à ce qu'une personne puisse librement déterminer son identité. Dans le domaine des statistiques, le Comité souhaiterait disposer de données davantage ventilées par sexe et par groupes minoritaires, a-t-elle ajouté.

Le Comité attendra avec intérêt la réponse que le pays apportera à l'étude qu'il est en train de mener quant à la possibilité de reconnaître sa compétence en vertu de l'article 14 de la Convention (concernant les plaintes de particuliers), a en outre indiqué Mme Crickley. Tout en saluant la protection très généreuse récemment accordée par l'Ouzbékistan aux réfugiés en provenance du Kirghizistan, elle a estimé important qu'un cadre institutionnel vienne appuyer la démarche de l'Ouzbékistan à l'égard des réfugiés. Aussi, a-t-elle recommandé au pays d'adhérer à la Convention de 1951 sur le statut de réfugié.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD10/021F