Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LA PROTECTION DES JOURNALISTES DANS LES CONFLITS ARMÉS
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une réunion-débat sur la protection des journalistes dans les conflits armés, dont l'objectif était d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les dangers qu'encourent les journalistes en situation de conflit armé et de réfléchir aux moyens d'améliorer leur protection. En début de séance, le Conseil a terminé le dialogue qu'il avait entamé hier avec les rapporteurs spéciaux sur la liberté d'expression, sur les exécutions extrajudiciaires et sur les droits des victimes de la traite, qui ont présenté leurs conclusions en clôture du débat.
Ouvrant la réunion-débat sur la protection des journalistes dans les conflits armés, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung-wha Kang, a souligné que les agressions délibérées contre des journalistes étaient en augmentation. Elle a déclaré que le droit international disposait de manière claire de la protection des journalistes dans les conflits armés: ils doivent être traités en civils et bénéficier de la même protection. Pour M. Frank Larue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, le problème ne tient pas à un manque de normes internationales de protection, mais à l'absence d'application vigoureuse de ces dernières. Sur ce point, M. Morgens Schmidt, Vice-Directeur de la communication et de l'information à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a fait observer que l'un des plus grands obstacles qui se posent à l'application du droit et de la loi tient à l'impunité. Selon lui, la première étape de la lutte contre l'impunité consiste à enquêter autour des circonstances de la mort violente de journalistes et en rechercher les coupables, un constat partagé également par M. Robin Geiss, conseiller légal à la division juridique du Comité international de la Croix Rouge.
M. Omar Faruk Osman, président de la Fédération des journalistes africains, a estimé que le Conseil devait aujourd'hui envoyer un message clair signifiant qu'il ne restera pas les bras croisés face aux attaques injustifiées contre les journalistes dans le monde. Mme Hedayat Abdel Nabi, Présidente de la Campagne pour un emblème de presse, a pour sa part suggéré de s'atteler à l'identification de directives concrètes sur la protection des journalistes en temps de guerre, une mission qu'elle a proposé de confier au Comité consultatif du Conseil. Pour M. Osama Saraya, rédacteur en chef du journal Al Ahram, une assistance technique devrait être offerte aux pays en développement pour qu'ils puissent eux-mêmes accorder une protection suffisante aux journalistes.
Au cours du débat qui a suivi, il a été rappelé que les outils juridiques de la protection des journalistes existent depuis plusieurs décennies et que c'est la volonté politique des États de les appliquer qui constituera in fine la meilleure protection des journalistes. Plusieurs intervenants ont suggéré la mise en place d'un mécanisme de réaction rapide pour faire face aux agressions ou d'enlèvements de journalistes. D'autres se sont prononcés pour une meilleure formation des militaires et des forces de l'ordre au travail des journalistes.
Les pays et organisations suivants se sont exprimés durant la réunion-débat: Égypte, Norvège, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Espagne (au nom de l'Union européenne), Mexique, Canada (au nom du groupe CANZ - Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), France, Grèce, Qatar, Syrie, Colombie (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Commission des droits de l'homme des Philippines et Reporters sans Frontières, Royaume-Uni, Soudan (au nom du Groupe arabe), Chine, Nigéria (au nom du Groupe africain), Azerbaïdjan, États-Unis, Italie, Algérie, Article 19 - Centre international contre la censure et la Fédération internationale des Pen clubs.
En début de matinée, le Conseil a achevé le dialogue interactif sur les rapports présentés par M. Frank La Rue, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. Philip Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et Mme Joy Ezeilo, Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains. Les délégations de la Suède, du Mexique, de l'Iran et de l'Angola ont pris la parole, ainsi que les représentants de neuf organisations non gouvernementales: Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Global Alliance against Traffic in Women, Article 19 - Centre international contre la censure (au nom également de Cairo Institute for Human Rights Studies), Freedom House, Conectas Direitos Humanos, Association lesbienne et gay internationale – Europe (au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida), Commission colombienne de juristes et Amnesty International.
Le Conseil des droits de l'homme reprendra ses travaux à 15 heures pour examiner des rapports sur le droit à la santé, la pauvreté extrême et la violence contre les femmes.
Fin du débat sur la liberté d'opinion et d'expression, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et la traite des êtres humains
Déclarations
M. HANS DAHLGREN (Suède) a déclaré qu'agir pour la liberté d'expression, c'était aussi reconnaître le rôle de la société civile, notamment de la presse et des organisations non gouvernementales. Rappelant que les journalistes et les membres des organisations non gouvernementales étaient souvent victimes du combat qu'ils mènent en faveur des droits de l'homme, il a demandé au Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, son avis sur les moyens de les protéger. Il a par ailleurs noté que les nouvelles technologies représentent un formidable outil pour la liberté d'expression. Enfin, s'agissant du rapport de M. Philip Alston sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires le représentant suédois a déploré qu'environ la moitié des communications envoyées par le Rapporteur spécial n'avaient pas reçu de réponse de la part des États et a estimé qu'il faudrait envisager des procédures pour que les recommandations faites aux États soient effectivement mises en œuvre.
M. ARTURO HERNÁNDEZ BASAVE (Mexique) a déclaré que son pays soutient le mandat des experts et estime que la liberté d'expression et de diffusion des idées doit être protégée. Le Mexique souligne à cet égard l'importance de l'action des journalistes, grâce auxquels les idées sont confrontées et diffusées. Le représentant a précisé que son pays prend des mesures spéciales pour protéger les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme, et participe avec la société civile à l'élaboration d'un mécanisme de protection. Les autorités agissent en outre dans le domaine législatif, avec la préparation d'un texte de loi criminalisant les violences et intimidations contre les journalistes en tant que tels. Le Mexique se félicite enfin de la prochaine visite du Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, dans le pays.
M. MOHAMMAD REZA GHAEBI (Iran) a rappelé que la liberté d'expression et d'opinion n'est pas absolue et doit être accompagnée de mesures de restrictions spécifiques. La diffamation des religions, qui constitue un abus de la liberté d'expression, s'insère parfaitement dans le contexte des droits de l'homme, a estimé le délégué iranien, pour qui la diffamation des religions doit être interdite par la loi. L'usage des technologies telles qu'Internet doit être défini pour éviter la diffusion d'idées racistes ou xénophobes ou de matériel dangereux comme des contenus pornographiques. S'adressant au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le représentant iranien a contesté la conclusion de M. Alston selon laquelle les récentes exécutions qui se sont déroulées en Iran seraient liées au processus électoral: il s'est agi d'exécutions de terroristes, a-t-il souligné.
M. ARCANJO MARIA DO NASCIMENTO (Angola) s'est dit d'accord avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression lorsqu'il souligne que la protection et la promotion de ces droits imposent des obligations aux États puisqu'il s'agit de droits fondamentaux. Il a affirmé que son gouvernement s'est engagé à défendre et promouvoir ces droits et a pris de nombreuses mesures en ce sens, y compris une loi favorable à la presse. Il a également relevé l'importance de disposer d'une société civile vivante. Le représentant de l'Angola a toutefois fait observer qu'on ne peut pas considérer l'incitation à la haine ou à la violence comme une expression de la liberté d'expression. Il a regretté les événements tragiques qui se sont déroulés dans certains pays, des suites d'abus de ce droit.
Organisations non gouvernementales
MME POOJA PATEL (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement) a déploré que les États interprètent de manière large l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques relatif à la liberté d'expression. La représentante a observé que Sri Lanka assimile encore les critiques à des actes terroristes et que l'assassinat du rédacteur en chef du «Sunday Leader», en 2009, n'a toujours pas été résolu. La représentante a aussi demandé à M. La Rue de prendre contact avec les Gouvernements du Bangladesh et du Pakistan au sujet du blocage des services Internet «Twitter» et «Facebook».
M. GEORGE GORDON-LENNOX (Reporters sans frontières- international) a remercié le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression pour sa prise de position en faveur d'une décriminalisation de la diffamation, un outil trop souvent utilisé par des régimes autoritaires à l'encontre de la presse; il a rappelé qu'il s'agit d'un combat de longue date pour son organisation. Il a également appuyé la position de M. La Rue contre la notion de diffamation des religions. Par ailleurs, il a jugé choquant que le Gouvernement érythréen n'ait pas répondu aux lettres du Rapporteur spécial sur les décès de journalistes en prison et a déploré que de nombreux courriers adressés au Gouvernement de Sri Lanka concernant notamment le sort du dessinateur Prageeth Eknaligoda restent sans réponse. Il s'est également dit très préoccupé des restrictions à la liberté d'expression et à la répression en Chine. Il a demandé au Rapporteur spécial s'il avait l'intention de demander à se rendre en urgence dans ces trois pays. Enfin, il a demandé à M. La Rue s'il entendait accorder une attention accrue aux assassinats de journalistes en Afrique, en particulier en République démocratique du Congo et en Somalie.
MME CAROLINE HAMES (Global Alliance against Traffic in Women) a plaidé en faveur d'un partenariat entre les organisations de la société civile et les organisations internationales, une collaboration selon elle cruciale pour améliorer la prévention de la traite au niveau régional. Un mécanisme devrait être mis en place pour évaluer les mesures anti-traites, a-t-elle ajouté. Il est important d'ancrer les mécanismes de coordination dans le droit international; de reconnaître les implications politiques des mécanismes de coopération en adoptant une démarche de droit international; et d'éviter qu'une politique et une pratique de lutte contre la traite puisse être utilisée pour restreindre les déplacements et la liberté de mouvement, comme c'est par exemple le cas en Birmanie. Une grande partie du problème vient dans ce cas d'un système contrôlé par les militaires, a-t-elle constaté.
MME SEJAL PARMAR (Article 19 - Centre international contre la censure, au nom également de Cairo Institute for Human Rights Studies) a salué le professionnalisme du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, et s'est félicitée de l'accent qu'il met sur le rôle de la liberté d'expression dans la lutte contre la discrimination et la protection des journalistes et de la liberté de presse. La représentante a appuyé l'opinion de M. La Rue selon lequel le droit international des droits de l'homme protège des individus et des groupes, et non des idées abstraites ou des institutions, et qu'il ne couvre pas le concept de «diffamation des religions». Elle a espéré que le consensus émergent à ce sujet – comme en témoigne le soutien de moins en moins clair de la notion de diffamation des religions au Conseil des droits de l'homme – entraînera l'adoption d'une approche plus constructive de la lutte internationale contre la violence, la discrimination et l'incitation à la haine pour des motifs religieux.
MME PAULA SCHRIEFER (Freedom House) a rappelé l'attachement de son organisation à la liberté d'expression et à la liberté de la presse. Elle a attiré l'attention sur le droit à la liberté d'expression en Afrique subsaharienne qui s'est, selon elle, détérioré l'an dernier. Elle a précisé que des pays, pourtant modèles comme l'Afrique du Sud et la Namibie, avaient vu leur performance se dégrader. Elle a affirmé que trop souvent, les États portent atteinte à la liberté d'expression au motif de la lutte contre le terrorisme ou au nom du refus du blasphème et de la critique des religions. Enfin, la représentante a constaté que trop souvent en Afrique, les périodes électorales sont des périodes d'atteinte à la liberté de la presse alors que celle-ci devrait au contraire pouvoir faire librement son travail en ces périodes cruciales pour la démocratie. Elle a par ailleurs estimé que le Moyen-Orient est la région du monde où la liberté de la presse est la plus faible.
MME MARIANA DUARTE (Conectas Direitos Humanos) a fait part de ses préoccupations s'agissant des violations des droits de l'homme et exécutions commises au Brésil, qui perdurent en dépit des réformes importantes engagées par les autorités. Il a également attiré l'attention sur la situation des droits de l'homme dans le système carcéral brésilien, en particulier dans l'État de Espirito Santo, où le taux de décès en détention et l'état des prisons sont choquants. L'impunité perdure au Brésil, a-t-il également souligné. Il a invité le Rapporteur spécial à se rendre dans l'État de Espirito Santo et a demandé aux autorités brésiliennes de mettre en œuvre toutes les recommandations de M. Alston.
MME SUNITA KUJUR (Association lesbienne et gay internationale - Europe, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida) a demandé au Rapporteur spécial sur la liberté d'expression quelles mesures les États peuvent prendre pour protéger le droit d'expression des personnes qui défendent leur orientation et leur identité sexuelles et pour garantir leur sécurité. Elle s'est aussi interrogée sur les mesures à prendre pour sensibiliser les forces de police à l'obligation qui leur est faite de protéger les personnes exerçant leurs droits de manière pacifique. La représentante a aussi voulu savoir s'il serait possible d'étendre les restrictions prévues par le droit international pour protéger les groupes marginalisés de la haine à la protection contre l'incitation à la haine au motif de l'orientation et de l'identité sexuelles.
MME ANA MARÍA RODRÍGUEZ (Commission colombienne de juristes) a constaté que dans son rapport, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires estime que le taux d'impunité pour les militaires et les forces de sécurité qui commettent des exécutions illégales est de 98,5%. La représentante a estimé que le taux d'impunité est également très élevé pour les paramilitaires. Elle s'est par ailleurs dite préoccupée par les conditions jugées étranges de l'assassinat en République démocratique du Congo du Président de l'Association «la voix des sans-voix» et a demandé au Conseil des droits de l'homme d'exiger qu'une enquête exhaustive soit rapidement menée.
MME PATRIZIA SCANELLA (Amnesty International) a indiqué qu'en République démocratique du Congo, certains officiers soupçonnés de violations des droits de l'homme sont toujours en exercice dans l'Est du pays; elle a demandé à ce qu'ils soient suspendus en attendant d'être jugés. Toujours dans le même pays, elle a souhaité que les représentants des mécanismes de droits de l'homme puissent avoir accès aux lieux de détention des agences de renseignement et ceux de la Garde nationale. Elle a évoqué le décès le 2 juin 2010 d'un militant connu des droits de l'homme à Kinshasa, Floribert Chebeya Bahizire, et a demandé d'urgence une enquête sur cet assassinat. Évoquant le Brésil, la représentante de Amnesty International a déploré que le Gouvernement n'ait pas su freiner l'élan des milices qui quadrillent les villes. Enfin, elle a estimé que les autorités iraniennes devraient recevoir de toute urgence une visite du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
Conclusions des Rapporteurs spéciaux
M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a observé que les communications et déclarations conjointes de titulaires de mandats prennent un sens particulier dans le domaine de la protection des droits de l'homme. On doit combattre l'impunité pour les violations des droits de l'homme notamment en permettant aux victimes de faire entendre leur voix. Dans ce domaine, les experts s'efforcent d'agir aussi rapidement que possible et ne peuvent pas toujours attendre la réaction des gouvernements. Quant à ses prochaines visites, M. La Rue a indiqué qu'il attend des réponses de Sri Lanka, du Venezuela et de l'Iran notamment. Les moyens financiers des Nations Unies imposent des limites quant au nombre de visites qu'il est possible de réaliser, a-t-il précisé. Enfin, M. La Rue s'est félicité de l'attitude positive de l'Algérie à l'égard d'une visite éventuelle.
D'autre part, le Rapporteur spécial a noté que les discriminations fondées sur la religion s'appuient notamment sur des arguments racistes et des appels publics à la haine. Cependant, on sait que toute censure contre ces phénomènes sera immanquablement récupérée à des fins politiques, ce qui explique la réticence du Rapporteur spécial à l'égard des limites à la liberté d'expression. Au chapitre du rôle des médias, M. La Rue estime utile que la presse se dote d'un code de conduite régissant un comportement déontologique. Il faut néanmoins tenir compte du fait que les responsables politiques ne sont en principe jamais d'accord pour faire l'objet de critiques. Enfin, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il prévoyait, dans le cadre de la rédaction de son prochain rapport, de s'atteler aux problèmes d'accès de l'information sur Internet et d'envoyer des questionnaires aux gouvernements.
MME JOY NGOZI EZEILO, Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, a fait observer que la traite des personnes est un crime qui se présente sous plusieurs formes. Constatant qu'il existe un consensus sur une approche de la question fondée sur les droits de l'homme et centrée sur les victimes, elle a regretté que cette approche ne soit pas encore appliquée partout dans le monde. Selon elle, l'utilisation des normes internationales permettrait certainement d'harmoniser et de coordonner les législations régionales ou nationales de lutte contre la traite. Le Conseil de l'Europe en est un bon exemple puisqu'il a repris dans sa propre convention les dispositions du Protocole de Palerme Protocole sur la prévention et la répression de la traite d’êtres humains spécialement des femmes et des enfants, a-t-elle souligné. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité de poursuivre et punir sévèrement les auteurs de la traite: l'un des moyens d'aider les victimes est de punir ceux qui leur ont fait du mal, a-t-elle souligné.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a préconisé le développement de partenariats avec le secteur privé, notamment dans le secteur du tourisme, ajoutant qu'il existe déjà des codes de conduite dans ce domaine, une démarche positive selon elle. Avant de conclure, elle a mis l'accent sur le rôle de la prévention mais a rappelé que, pour s'attaquer aux causes profondes de la traite, il fallait aussi s'attaquer à la question de la demande.
M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a présenté au Conseil ses sincères excuses pour la présentation tardive de ses rapports, assurant qu'elle n'était pas intentionnelle. Il a remercié les délégations qui ont présenté des commentaires positifs, en particulier la Suède, qui a démontré son engagement en faveur de ce mandat depuis de nombreuses années. Il a particulièrement remercié les États où il a effectué des missions, comme la Colombie, la République centrafricaine et le Brésil, qui ont tous jugés ses rapports justes et constructifs, même s'il peut rester des désaccords sur certains points. Ces réactions contrastent vivement avec la réponse de la République démocratique du Congo, qui a condamné son rapport détaillé et soigneusement rédigé d'être «tendancieux, politisé, déséquilibré, truffé d'insinuations et d'affirmations gratuites voire irresponsables, bref, un rapport non objectif». M. Alston a estimé qu'il fallait s'inquiéter lorsqu'un État s'enferme dans un déni total de graves problèmes qui ont été mis en évidence par d'autres observateurs. Revenant sur l'hommage du Conseil, lors de la séance d'hier, au militant des droits de l'homme congolais Floribert Chebeya Bahizire, assassiné à Kinshasa, M. Alston a souligné que les circonstances de cette mort montrent que l'enquête officielle ne donnera rien. Pour que les «lamentations fréquentes» du Conseil s'agissant des assassinats de défenseurs des droits de l'homme soient utiles, il devra envisager de penser et d'agir de façon plus créative dans ce domaine. M. Alston a estimé que la communauté internationale devrait fournir une assistance dans ce genre de cas, sans pour autant porter atteinte à la souveraineté du pays concerné.
Le Rapporteur spécial a ensuite évoqué le cas de Singapour, qui justifie la peine de mort dans sa prise de position. Il a relevé que la délégation, qui conteste le fait que la peine de mort est contraire au droit international, n'a pas été en mesure de citer un seul organe des droits de l'homme ou un seul tribunal compétent qui appuie sa propre position, puisque tous considèrent cette peine comme cruelle et inhumaine. Le Rapporteur spécial a aussi commenté la situation à Sri Lanka. Selon lui, si le Conseil devait accepter les allégations sri-lankaises selon lesquelles son rapport est infondé et superficiel, il faudrait rebaptiser le Conseil des droits de l'homme «Conseil de protection des États». Il a souligné que depuis trente ans, Sri Lanka n'a pas réussi à mettre sur pied des commissions de droits de l'homme qui travaillent de manière fructueuse sur les violations des droits de l'homme dans le pays. Enfin, M. Alston a déploré le fait que les États-Unis aient choisi de ne pas répondre à son rapport sur la question des assassinats ciblés. Il a espéré que le débat pourra continuer et que les États-Unis pourront s'exprimer sur ces cas et sur l'utilisation de drones armés.
Réunion-débat sur la protection des journalistes dans les conflits armés
Déclaration liminaire de la Haut-Commissaire adjointe
MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que la présente réunion-débat intervenait dans un contexte d'assassinats, de menaces et d'enlèvements de journalistes, hommes et femmes, lors de conflits armés. Selon les informations disponibles, les agressions délibérées contre des journalistes sont en augmentation. Le journalisme de guerre est une activité dangereuse en soi, mais les médias jouent un rôle vital pour maintenir informer le monde au milieu «du brouillard de la guerre». Le droit international dispose de manière très claire de la protection des journalistes dans les conflits armés, a rappelé la Haut-Commissaire adjointe. Selon le droit international humanitaire, ils doivent être traités en civils et donc bénéficier de la même protection. Le même droit international humanitaire garantit à tous, en particulier aux journalistes, le droit à la vie, le droit à la liberté et la sécurité des personnes, ainsi que le droit à la liberté d'expression. En dépit de ces normes parfaitement claires, on enregistre un grand nombre de crimes commis en toute impunité contre des journalistes. Il importe donc que la communauté internationale sache traduire les grands principes du droit international en action efficace sur le terrain.
Mme Kang a rappelé le rôle que jouent à cet égard le Comité international de la Croix-Rouge et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Quant au Conseil de sécurité, il s'est déjà prononcé sur cette question en adoptant, en 2006, une résolution historique condamnant les attaques délibérées contre les journalistes dans les conflits et appelant toutes les parties à mettre un terme à ces pratiques. Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et ses prédécesseurs ont attiré l'attention du Conseil des droits de l'homme sur ce problème très préoccupant. Enfin, plusieurs organisations de la société civile ont lancé des initiatives autour de la protection des journalistes dans les conflits armés, comme par exemple Reporters sans frontières, contribuant de la sorte à sensibiliser la communauté internationale au problème.
La Haut-Commissaire adjointe a conclu sa présentation en observant que la protection des journalistes et des professionnels des médias dans les conflits armés ne sera possible qu'à condition que la communauté internationale prenne pleinement en compte leurs opinions et besoins. Il est indispensable dans ce contexte d'entendre les récits de leurs expériences personnelles pour comprendre les difficultés auxquels les journalistes sont confrontés dans les zones de conflits. Les experts réunis ce matin proposeront au Conseil des observations et recommandations sur la manière d'améliorer la protection des journalistes dans les conflits.
Panélistes
M. FRANK LA RUE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a estimé que les journalistes jouent un rôle essentiel pour mettre en évidence les violations des droits de l'homme et les crimes de guerre commis pendant les conflits armés. Mais c'est aussi du fait de ce rôle d'observateurs de telles violations qu'ils sont fréquemment pris pour cibles par les parties au conflit. Il a rappelé qu'il existe diverses dispositions dans les droit international et le droit international humanitaire qui interdisent les attaques contre les journalistes; divers organes internationaux, y compris le Comité des droits de l'homme, ont précisé que les obligations de respecter et protéger le droit à la liberté d'expression que ces texte imposent aux États s'appliquent en période de conflit armé international au même titre que le droit international humanitaire, mais aussi dans des situations de troubles intérieurs et de tensions durant lesquelles il peut être fait usage de la force.
Pourtant, a constaté M. La Rue, les attaques contre les journalistes se poursuivent. Il a expliqué recevoir, en sa qualité de Rapporteur spécial, de nombreux rapports et informations sur des cas de menaces, d'agression d'enlèvements ou d'assassinats de journalistes, ajoutant qu'il y répondait par des appels urgents, des lettres aux gouvernements, des déclarations publiques, des missions d'établissements des faits, et ses rapports. Il s'est dit alarmé par le fait que les auteurs d'attaques contre la presse jouissent d'une impunité presque totale, qui atteint 94% des cas, alors que dans 2% seulement des affaires, les autorités compétentes poursuivent pleinement et punissent correctement les auteurs et instigateurs de telles agressions. Il a estimé que cette situation ne tenait pas à un manque de normes internationales de protection, mais à l'absence d'application vigoureuse de ces dernières, comme le Conseil des droits de l'homme l'a lui-même reconnu. M. La Rue a donc lancé un appel aux États pour qu'ils fassent en sortes que les responsables d'attaques contre la presse soient effectivement poursuivis et punis. En effet, la suppression du sentiment d'impunité représente l'élément dissuasif le plus important, a-t-il estimé.
Il faut explorer les moyens d'améliorer le respect des normes internationales sur la protection des journalistes, a estimé le Rapporteur spécial, pour qui il faut faire en sorte que ces normes soient connues, respectées et mises en œuvre, y compris en formant correctement les forces armées, les services de maintien de l'ordre et les autres groupes armés. Les États devraient en outre mettre en place un mécanisme de protection des journalistes en période de conflit armé. Le Rapporteur spécial a conclu en invitant le Conseil des droits de l'homme à poursuivre ses délibérations sur cette question lors de ses prochaines sessions.
M. ROBIN GEISS, Conseiller à la division juridique du Comité international de la Croix-Rouge, s'est dit profondément préoccupé par le nombre élevé d'actes de violence et d'attaques délibérées contre les journalistes et les professionnels des médias. Les récents conflits armés ont montré que les professionnels des médias sont de plus en plus la cible d'attaques, a-t-il constaté. D'une part, les journalistes sont, de par la nature de leur travail, obligés de chercher la proximité des zones de conflit; d'autre part, ils sont visés par des attaques délibérées. Les professionnels des médias subissent notamment censure, harcèlements, détentions arbitraires et agressions physiques.
À première vue, on pourrait penser que le droit international ne prévoit rien car les professionnels des médias ne sont cités qu'à deux reprises dans le droit international, dans la Convention de Genève et dans son Protocole facultatif, a indiqué M. Geiss. Selon lui, toutefois, le droit international protège les journalistes dans les hostilités. Rappelant que lorsqu'on attaque des civils, on commet un crime de guerre, il a estimé qu'il en va de même pour les journalistes. Dans ce contexte, il a souhaité établir une différence entre deux statuts, celui de «journaliste» et celui de «correspondant de guerre». Seuls les correspondants de guerre peuvent bénéficier, le cas échéant, d'un statut de prisonnier de guerre, car ils sont autorisés à suivre les forces armées. Ils bénéficient donc des mêmes protections au titre de la Convention de Genève. En ce qui concerne les autres professionnels des médias qui pourraient tomber entre les mains d'une partie au conflit, ils ne sont pas dépourvus de protection, a insisté le représentant du CICR. Il a par ailleurs expliqué que le CICR a, depuis 1987, mis en place une ligne directe à disposition des journalistes en difficulté dans un conflit armé. Les familles peuvent aussi alerter le CICR lorsqu'un journaliste a disparu, est blessé ou détenu. L'Organisation s'efforce alors de faire respecter le droit malgré la situation sur les champs de bataille. Plutôt que l'inexistence de normes, M. Geiss a estimé que le problème est celui de la mise en œuvre de ces normes sur le terrain sous forme d'enquêtes, de poursuites et de sanctions.
M. MORGENS SCHMIDT, Vice-Directeur de la communication et de l'information à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), a notamment rappelé que le mandat de son organisation était de promouvoir la libre circulation de l'information, sur la base de la liberté d'expression et donc de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est la raison pour laquelle la direction de l'UNESCO diffuse à chaque fois un communiqué de presse à l'occasion de la mort d'un ou d'une journaliste dans l'exercice de ses fonctions. L'UNESCO n'entend pas par là que les journalistes sont «spéciaux», mais bien que le journalisme et la liberté d'expression le sont. Il a par ailleurs souligné que le nombre de journalistes tués dans les zones de guerre a fortement augmenté depuis 2002. Les droits de l'homme sont applicables en temps de guerre, a rappelé M. Schmidt. Le droit de diffuser des informations est aussi protégé en temps de guerre. Les États sont tenus respecter et faire respecter ces dispositions du droit international et du droit international humanitaire.
Le représentant de l'UNESCO a évoqué enfin l'action de l'Organisation en matière de protection des journalistes: sensibilisation du public et des employeurs; promotion des mesures techniques de sécurité; information sur la situation sur le terrain; insistance sur l'échange d'informations entre toutes les parties présentes sur une zone de conflit. L'UNESCO agit en outre au plan normatif, comme en témoigne par exemple la contribution qu'elle a apportée, avec d'autres organisations, à la résolution 1738 du Conseil de sécurité sur la liberté de la presse, la sécurité des journalistes et l'impunité. L'un des plus grands obstacles qui se posent à l'application du droit et de la loi tient à l'impunité, a souligné M. Schmidt. Il a mentionné à cet égard que la Déclaration de Medellin sur la liberté de presse, adoptée en 2007, rappelle notamment aux États de faire tout leur possible pour mettre un terme à l'impunité, une exigence également mentionnée dans la résolution 1738 du Conseil de sécurité. La première étape de la lutte contre l'impunité consiste à enquêter autour des circonstances de la mort violente de journalistes et en rechercher les coupables, a conclu M. Schmidt.
M. OSAMA SARAYA, rédacteur en chef du journal Al Ahram, a estimé que la guerre en Iraq a particulièrement marqué la profession: plus de 290 journalistes ont été tués et les auteurs de ces crimes n'ont jamais été punis ni même recherchés. M. Saraya a ajouté qu'il n'y a pas seulement les journalistes tués mais également ceux qui survivent avec des handicaps physiques ou psychologiques, et qu'on ignore trop souvent. Selon lui, les législations adoptées par les États ne sont pas respectées, que ce soit par les forces armées ou par les nombreuses milices et groupes terroristes. Il a estimé que les journalistes sont en droit de demander aux gouvernements et à toutes les parties au conflit des mesures de protection. Le panéliste a mis l'accent sur l'assistance technique à apporter aux États en développement pour qu'ils puissent eux-mêmes accorder une protection décente aux journalistes, une assistance qui, à son sens, devrait être l'une des priorités de la coopération internationale.
M. OMAR FARUK OSMAN, président de la Fédération des journalistes africains (affiliée à la Fédération internationale des journalistes), a fait remarquer que la situation des journalistes est, de nos jours, compliquée par le fait qu'ils doivent, dans de nombreux conflits, faire face non seulement à la répression des gouvernements nationaux, mais également aux attaques des milices et bandes armées. Il a évoqué la situation qui prévaut dans son pays, la Somalie, un endroit extrêmement dangereux pour les journalistes. Les journalistes indépendants sont la cible d'attaques dans les zones de conflits; le sort des civils est en effet une vérité qui gêne et que certains aimeraient dissimuler au reste du monde; pour M. Osman, toute la Corne de l'Afrique est l'endroit où si l'on choisit d'y être journaliste, l'on devient un martyr. Vingt-cinq journalistes ont été assassinés en Somalie ces trois dernières années, neuf rien que pour l'année 2009, a-t-il souligné. L'Érythrée, actuellement fermée aux journalistes de l'extérieur, a le titre de plus grand geôlier d'Afrique; 30 journalistes et dissidents y sont détenus depuis la contestation de 2001. En République démocratique du Congo, les journalistes sont souvent en danger de mort violente et le pays est considéré comme l'un des plus répressifs: en 2009, 25 attaques contre des journalistes ont été répertoriées à Kinshasa. Enfin, M. Osman a évoqué d'autres zones où les conditions de travail sont très difficiles comme le Nord de l'Ouganda ou Madagascar.
Le président de la Fédération des journalistes africains a fait remarquer que l'absence d'état de droit et les abus dans la justice constituent des phénomènes très courants en Afrique. L'impunité a atteint un niveau extrême ces dernières années, en complicité avec les gouvernements nationaux et les groupes armés, a-t-il déploré. Il a rappelé que toute la profession s'était réjouie de l'adoption, en décembre 2006, de la résolution n°1738 du Conseil de sécurité demandant la protection des journalistes en zone de guerre. Or, cette résolution n'est pas respectée par les belligérants, a regretté M. Osman. Selon lui, le Conseil doit aujourd'hui envoyer un message clair signifiant qu'il ne restera pas les bras croisés face aux attaques injustifiées contre les journalistes dans le monde.
MME HEDAYAT ABDEL NABI, Présidente de la Campagne pour un emblème de presse (PEC), a déclaré que le temps était venu de créer un groupe de travail chargé d'élaborer des directives concrètes sur la protection des journalistes en temps de guerre. Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme pourrait très bien assumer cette mission, a ajouté Mme Abdel Nabi. La représentante a tenue à faire une distinction entre les journalistes qui couvrent les conflits et les civils pris fortuitement dans ces conflits. D'où la nécessité d'un emblème qui assurerait son porteur d'une protection reconnue et d'une indemnisation en cas de violations de ses droits ou de son intégrité physique. La Campagne demande en outre que les États soient tenus de fournir les moyens de communication indispensables à l'activité des médias et qu'ils mettent en place de véritables «couloirs médiatiques» à l'intention des journalistes. La représentante a aussi recommandé la création d'un «secrétariat international des médias», dont le siège serait à Genève.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations ont estimé qu'il fallait aujourd'hui agir concrètement face au changement de nature des conflits armés qui n'opposent que rarement deux armées régulières et alors que les journalistes sont plus exposés aux risques. Le représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique a fait observer qu'il est évident que les parties aux conflits armés ne sont pas heureuses de voir travailler des journalistes susceptibles de dénoncer au monde leurs violations des droits de l'homme et crimes de guerre. Les journalistes paient le prix d'un manque de transparence, de contrôle et de justice dans une société donnée, a ajouté le délégué du Canada, qui a vu dans les attaques contre les journalistes un obstacle fondamental pour la réalisation du droit à la liberté d'opinion et d'expression. La représentante de la Commission des droits de l'homme des Philippines a mis l'accent sur l'impunité dont jouissent trop souvent les auteurs et instigateurs d'assassinats ou d'agressions de journalistes. Enfin, le représentant d'une organisation non gouvernementale a fait observer que les reporters de guerre étaient de moins en moins nombreux et que certaines régions du monde en conflit n'étaient pratiquement plus couvertes.
Pourtant, comme l'a rappelé notamment le représentant du Mexique, les journalistes qui travaillent dans des zones de conflit armé jouissent de la même protection que tout autre civil en application du droit international humanitaire et notamment de l'article 79 du Protocole additionnel I aux conventions de Genève, relatif à la protection des journalistes en mission professionnelle périlleuse dans les zones de conflit armé. Même s'ils se trouvent en zone d'hostilité, les journalistes restent considérés comme des civils dès lors qu'ils ne participent pas directement aux opérations, a ajouté la représentante de la Colombie, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC).
De nombreux intervenants ont mis l'accent sur l'adoption, en décembre 2006, de la résolution 1738 du Conseil de sécurité, et le représentant de l'Espagne, au nom de l'Union européenne, a rappelé que ce texte avait été salué avec enthousiasme par les associations professionnelles de journalistes et a estimé qu'il constituait un bon point de départ. Le représentant de la Grèce, pays qui fut avec la France à l'initiative de la résolution 1738, a toutefois remarqué que ses dispositions restaient malheureusement peu appliquées. Le représentant de la France a estimé que les outils juridiques de la protection des journalistes existent depuis plusieurs décennies et que c'est la volonté politique des États de les appliquer qui constituera in fine la meilleure protection des journalistes. Le représentant d'une organisation non gouvernementale a estimé qu'il y a urgence à rappeler les principes qui ont présidé à l'adoption de la résolution 1738 et que leur mise en œuvre sera plus importante que de demander à la communauté internationale d'élaborer de nouvelles normes. Il s'est aussi inquiété des relations entre les armées et la presse, et notamment de la pratique croissante des armées de chercher à intégrer les journalistes dans leurs unités, une pratique également dénoncée par le représentant de la Norvège.
Les représentants du Qatar et de la République arabe syrienne se sont quant à eux prononcé en faveur d'une meilleure formation des militaires et des membres des forces de l'ordre au travail des journalistes, estimant que ces forces prennent souvent les journalistes pour cibles alors qu'ils sont très aisément identifiables. La représentante de l'Égypte a suggéré d'évaluer l'efficacité de l'actuel symbole d'identification bleu des journalistes et s'est interrogée sur les changements positifs concrets qui pourraient y être apportés. Pour sa part, le représentant d'une organisation non gouvernementale a suggéré la mise en place d'un mécanisme de réaction rapide pour faire face aux agressions ou d'enlèvements de journalistes.
Les délégations ont par ailleurs observé que s'il revient aux Gouvernements nationaux de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des journalistes et de sanctionner les auteurs de violence à leur encontre, le Conseil peut participer au renforcement des capacités institutionnelles des États afin de les mettre en mesure d'assumer leurs responsabilités. Une délégation a insisté sur l'importance dans ce contexte du strict respect de la souveraineté nationale.
Des représentants ont rappelé que les journalistes ont notamment pour fonction d'améliorer le fonctionnement et la transparence de la vie politique. C'est l'une des raisons pour lesquelles il faut condamner toute attaque contre eux. Le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l'homme devraient collaborer à une meilleure protection des journalistes, a proposé la représentante du Royaume-Uni, des solutions durables devant être trouvées pour assurer le respect du principe de protection des journalistes, en collaboration avec les gouvernements. L'Algérie a rappelé le rôle des journalistes dans la mise au jour d'activités de groupes terroristes, et par là dans l'enracinement des principes démocratiques. La représentante du Soudan, au nom du Groupe arabe, a salué l'action des journalistes en vue de documenter les violations des droits de l'homme.
Il a aussi été souligné, notamment par le Nigéria, que les États doivent sécuriser l'accès des journalistes aux zones de conflits. Des délégations ont insisté sur le principe de l'assimilation des journalistes en temps de guerre à des civils, le représentant de la Chine soulignant la difficulté de respecter ce principe sur le terrain.
Le représentant des États-Unis a demandé à tous les États de garantir la liberté d'expression incarnée par les journalistes. Une délégation a regretté à ce propos que les journalistes aient été empêché de couvrir correctement l'arraisonnement de la flottille humanitaire pour Gaza.
Le problème des abus commis contre des journalistes par des acteurs non étatiques a été soulevé par la délégation de l'Azerbaïdjan. D'autres délégations ont insisté sur la nécessité de traiter le problème des représailles et mesures d'intimidation contre les journalistes, une organisation non gouvernementale déplorant que les journalistes soient souvent privés de leurs droits de l'homme.
Conclusions des panélistes
MME HEDAYAT ABDEL NABI a indiqué que l'un des problèmes consiste à assurer le respect d'un emblème particulier pour les journalistes et ce, en raison de la multiplicité des acteurs présents sur la scène du conflit. La journaliste a réitéré la proposition de son organisation d'identifier des lignes directrices. Enfin, elle a estimé que le Conseil devrait se préoccuper des droits des victimes journalistes, en prévoyant une réparation pour la famille et la traduction en justice des coupables.
M OMAR FARUK OSMAN a estimé que les instruments internationaux protégeant les journalistes sont en réalité suffisants, le problème étant que personne ne se soucie de les respecter et de les faire appliquer. Il conviendrait donc que le Conseil enjoigne les États membres à transcrire dans leur droit national les dispositions des résolutions des Nations Unies, notamment la résolution 1738 du Conseil de sécurité, a-t-il suggéré.
M. OSAMA SARAYA a relevé l'importance de documenter les attaques perpétrées contre les journalistes, précisant que de tels rapports contribuent à la protection des professionnels des médias et de leur travail. Selon lui, les journalistes doivent bénéficier du même niveau d'assistance de la part du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) que les civils. Les journalistes aident à la diffusion de la vérité; il est du devoir de la société de les aider et les protéger en retour, a-t-il fait remarquer. Les crimes commis contre les journalistes ne devraient pas être soumis à un régime de prescription; il est du devoir des autorités de les protéger, en garantissant que les auteurs d'attaques soient tenus responsables et s'exposent à des sanctions. Enfin, M. Saraya a plaidé pour une amélioration du statut des journalistes et demandé la création d'un système de réparation.
M. ROBIN GEISS a indiqué que le Comité international de la Croix-Rouge est régulièrement confronté au problème de la «guerre asymétrique», qui entraîne des difficultés particulières pour la protection des civils. En 2009, le CICR a publié un guide interprétatif de cette notion qui a des conséquences pour le principe de la protection des journalistes, qui ne s'éteint pas en temps de guerre asymétrique. En cas de doute, le droit international humanitaire prévoit que toute personne doit être considérée comme civile, le port de l'emblème bleu étant un marqueur supplémentaire de ce statut. Le Comité international de la Croix-Rouge a lancé des initiatives sur le terrain pour protéger les journalistes, a précisé son représentant.
M. FRANK LA RUE a constaté que les délégations reconnaissent que les assassinats et autres agressions dont sont victimes les journalistes constituent une menace contre leur droit à la vie et à la liberté d'expression mais aussi contre le droit de chacun à l'information. Le Rapporteur spécial s'est dit très préoccupé des violences commises contre les journalistes dans des zones et pays qui ne sont pas frappés par des conflits armés mais où il existe des formes marginales de violence et de criminalité. Il a suggéré au Conseil des droits de l'homme de proposer au Conseil de sécurité une procédure conjointe permettant de consigner chaque année les procédures de plainte et de violations des droits des journalistes dans les zones de conflit. À une demande de la Chine sur l'opportunité de recourir à la force pour assurer la protection des journalistes, il a répondu en souhaitant la création d'un mécanisme international permettant de réagir rapidement par une procédure de communication.
M. MOGENS SCHMIDT a estimé que l'immunité était l'un des plus grands obstacles à la sécurité des journalistes. Il a repris la proposition de la Norvège s'agissant de fournir au niveau international des rapports plus exhaustifs sur la situation des journalistes. Comme certaines délégations il a jugé qu'il fallait se pencher sur les données du «climat ambiant» qui règne dans un pays en situation de post-conflit. Enfin, M. Schmidt a appelé à une coopération internationale accrue dans le domaine de la protection des journalistes.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC10/063F