Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LES CONSÉQUENCES DES DÉVERSEMENTS DE DÉCHETS TOXIQUES
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat sur les déchets toxiques, conformément à la décision qu'il avait prise en ce sens au mois de septembre dernier.
M. Craig Mokhiber, Chef de la Section des droits de l'homme et des questions économiques et sociales au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a présenté cette réunion-débat à laquelle ont participé Mme Katharina Kummer Peiry, Secrétaire exécutive de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination; Mme Fe Sanchis-Moreno, Chargée des affaires environnementales au secrétariat de la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation publique à la prise de décision et l'accès à la justice s'agissant des questions environnementales; M. André Banhouman Kamate, Président de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme; et M. Bashir Mohamed Hussein, Directeur fondateur de SomaCent Development Research Foundation.
Mme Dragana Korljan, de la Section des droits économiques, sociaux et culturels au Haut Commissariat aux droits de l'homme, a donné lecture d'une déclaration du Rapporteur spécial sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme, M. Okechukwu Obinna Ibeanu, qui n'était pas en mesure d'être présent aujourd'hui devant le Conseil. Dans cette déclaration, M. Ibeanu, qui rappelle que ce mandat fut créé il y a quinze ans par l'ancienne Commission des droits de l'homme, engage notamment le Conseil à se pencher sur les questions des déchets électroniques et des pesticides. Il demande en outre aux États d'appuyer l'élaboration d'un nouveau traité sur le mercure. Cet après-midi, certains ont plaidé en faveur d'un renforcement, voire un élargissement du mandat du Rapporteur spécial.
Au cours de cette réunion-débat, l'attention a été attirée sur l'existence de plusieurs instruments internationaux traitant directement de la question des déchets toxiques. Il en va ainsi de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination – qui stipule notamment que l'importation de déchets ne peut avoir lieu que si le pays de destination dispose de la capacité pour les retraiter – ou encore de la Convention d'Aarhus et de son protocole. Le mois dernier, l'Assemblée mondiale de la santé a adopté une résolution visant à promouvoir la santé par une gestion des déchets sûre et respectueuse de l'environnement, a-t-il également été rappelé.
L'attention a été attirée sur le fait que la Somalie était devenue le terrain de déversements des pires déchets toxiques produits dans les pays industrialisés car, selon un intervenant, les parties au conflit dans ce pays ont accepté ces déchets provenant de compagnies étrangères en échange d'armes et de munitions. Cet intervenant a recommandé une mission d'urgence du Rapporteur spécial sur les déchets toxiques en Somalie. A également été rappelée la catastrophe sanitaire et environnementale liée à au déversement, en 2006, à Abidjan, de déchets toxiques provenant du Probo Koala. Quatre ans après ce drame, la population ivoirienne doit faire face aux effets à long terme de cette catastrophe, a-t-il été indiqué.
Pour prévenir de telles catastrophes, il serait judicieux de renforcer le contrôle transfrontalier des mouvements de substances toxiques et de mettre sur pied des structures adéquates de traitement des déchets dangereux, a-t-il été souligné. Certains ont mis en garde contre l'idée selon laquelle l'amélioration de la capacité des pays en développement de gérer sainement les déchets toxiques permettrait de transformer ces pays en lieux sûrs pour recevoir une quantité encore plus importante de produits et déchets dangereux.
L'accès à l'information est un point crucial, non seulement en vertu du droit à la vérité mais aussi parce que, dans les pays en développement comme la Somalie, les populations touchées ne sont pas pleinement conscientes des conséquences des déversements sur leur environnement. Toute résolution sur les déchets toxiques devrait contenir des termes fermes concernant la responsabilité des entreprises, a fait observer une intervenante de la société civile.
Les représentants des pays suivants sont intervenus dans le cadre de cette réunion-débat: Djibouti, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Arménie, Uruguay, Nigéria (au nom du Groupe africain), Côte-d'Ivoire, Indonésie, Mexique, Yémen, Costa Rica, Royaume-Uni, ainsi que l'Union européenne. Sont également intervenus les organisations non gouvernementales suivantes: Human Rights Advocates, Planetary Association for Clean Energy et Indian Council of South America.
Dans le cadre du débat qui s'est tenu lors de la séance de la mi-journée sur les situations qui appellent l'attention du Conseil, des déclarations ont été faites en soirée dans l'exercice du droit de réponse par les pays suivants: Bélarus, Kirghizistan, République populaire démocratique de Corée, Venezuela, Philippines, Sri Lanka, Zimbabwe, Japon, Royaume-Uni et Argentine.
Demain matin, à 9 heures, dans le cadre d'une troisième journée consécutive de travail sans pause déjeuner, le Conseil reprendra le débat sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention, avant de se pencher à partir de 10 heures, en vue de leur adoption, sur les résultats de l'Examen périodique universel du Qatar, du Nicaragua et de l'Italie.
Réunion-débat sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme
Présentations des panélistes
M. CRAIG MOKHIBER, responsable de la section des droits de l'homme et des questions économiques et sociales au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a indiqué que si l'on connaît bien les répercussions physiques des déchets toxiques, leurs effets en termes de droits de l'homme ne sont pas encore systématiquement analysés. Or, la base juridique ne manque pas pour aborder ce problème. La Commission des droits de l'homme avait ainsi décidé de nommer un Rapporteur spécial chargé d'étudier les violations des droits de l'homme de personnes touchées par des déversements de substances toxiques. Le Rapporteur spécial sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme, M. Okechukwu Ibeanu, a rappelé à cet égard l'importance d'une approche centrée sur les droits de l'homme s'agissant de la gestion des déchets toxiques, sur la base des normes internationales de droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a aussi insisté sur la nécessaire participation de toutes les parties concernées, y compris les populations, aux mesures préventives, correctives et compensatoires de déversement de déchets toxiques, a observé M. Mokhiber.
Mme Dragana Korljan, du Haut commissariat aux droits de l'homme, a transmis la déclaration de M. OKECHUKWU IBEANU, Rapporteur spécial sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs pour la jouissance des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial, qui ne pouvait malheureusement être présent à la présente réunion débat, rappelle dans son message que la prise de conscience, depuis les années 1970, des effets néfastes des déchets toxiques a entraîné l'adoption, par les pays industrialisés, de législations de plus en plus contraignantes pour le traitement de tels déchets et, par conséquent, une forte augmentation des coûts de traitements. De ce fait, on a assisté à une très forte croissance des flux transfrontières de déchets toxiques vers des pays en développement, aux législations inexistantes ou plus laxistes, qui avaient besoin d'argent mais étaient incapables de limiter les abus. La question est aujourd'hui plus complexe, explique le Rapporteur spécial, puisqu'aux transferts Nord-Sud de déchets toxiques se sont ajoutés des transferts entre pays en développement et entre pays industrialisés. Les transferts se font de plus en plus au sein d'une même région, constate-t-il, avant de préciser que le problème n'en reste pas moins mondial et nécessite une solution mondiale. M. Ibeanu note que le Conseil a pris conscience de cette situation; il se réjouit que la résolution prorogeant son mandat couvre désormais tous les mouvements de déchets toxiques, illégaux ou pas, transnationaux ou pas.
Dans le cadre de ses activités, le Rapporteur spécial a pu constater que de nombreuses violations des droits de l'homme sont la conséquence non pas seulement des mouvements de déchets, mais également d'une mauvaise gestion de ceux-ci. D'où l'importance de s'intéresser aux conséquences de l'ensemble du cycle de gestion des déchets toxiques sur les droits de l'homme, c'est-à-dire depuis leur production jusqu'à leur dépôt ultime. M. Ibeanu souligne que chaque année, 47 000 personnes meurent d'empoisonnements aigus causés par des produits chimiques dangereux, notamment des pesticides et que beaucoup de ces décès pourraient être prévenus par des mesures de protection appropriées, par une bonne information, et par l'éducation du grand public. Pour le Rapporteur spécial, les pollutions dues aux métaux lourds comme le mercure ou le plomb restent un important sujet de préoccupation; il met en garde contre l'utilisation de peintures au plomb dans les écoles ou la fabrication de jouets dans les pays en développement.
Mme Korljan a ensuite présenté les différents éléments qui, selon le Rapporteur spécial ont contribué à maintenir le flux mondial des déchets toxiques: le maintien de normes distinctes entre pays et régions du monde; la faible information et participation du grand public, notamment dans les pays en développement, y compris du fait que les informations et avertissements sur la toxicité des produits ne sont pas indiquées dans les langues locales; la faiblesse des capacités nationales de régulations de nombreux États, parfois voulue et justifiée par le fait qu'une telle régulation irait à l'encontre du développement en réduisant le nombre de partenaires étrangers; le manque de coordination entre mécanismes environnementaux et entre ces derniers et les mécanismes de promotion et de protection des droits de l'homme; et un cadre inadapté pour fournir des réparations aux victimes des abus de droits de l'homme résultant des mouvements de produits et déchets toxiques et dangereux.
MME KATHARINA KUMMER PEIRY, Secrétaire exécutive de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination, a rappelé que le Conseil – et avant lui l'ancienne Commission des droits de l'homme – se penche sur la question des déchets toxiques depuis 1995. Les déchets toxiques ont des répercussions sur la santé et sur la protection des travailleurs, des sols et de la biodiversité, a-t-elle souligné. La Convention de Bâle de 1989 vise à protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets néfastes des mouvements et déversements de déchets toxiques. Cette Convention stipule notamment que l'importation de déchets ne peut avoir lieu que si le pays récepteur dispose de la capacité pour les retraiter. Il y a désormais 172 États parties à la Convention de Bâle, a-t-elle précisé.
Personne ne sera surpris de m'entendre dire qu'il est difficile d'étudier de manière globale la situation s'agissant des mouvements et déversements de déchets toxiques car beaucoup de choses en la matière se passent dans un environnement qui échappe à tout contrôle, a poursuivi Mme Peiry. Elle a notamment attiré l'attention sur le recyclage informel d'équipements électroniques au Ghana, qui se fait de manière sauvage: les déchets sont brûlés derrière les maisons et on tente d'en récupérer certains matériaux. C'est à la communauté internationale de faire respecter les normes internationales afin de mettre un terme à de telles pratiques, a souligné Mme Peiry, rappelant que la Convention de Bâle est assortie d'un Comité de respect des obligations. Les déchets provenant du mercure sont déjà couverts par la Convention de Bâle, tout comme les déchets électroniques et d'autres types de déchets, a-t-elle fait observer. Elle a par ailleurs rappelé que le mois dernier, l'Assemblée mondiale de la santé a adopté une résolution visant à promouvoir la santé par une gestion des déchets sûre et respectueuse de l'environnement. Lorsque l'on parle de santé humaine, les questions de droits de l'homme ne sont jamais très éloignées, a-t-elle conclu.
MME FE SANCHIS-MORENO, chargée de questions environnementales au secrétariat de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (Convention d'Aarhus), a présenté les deux instruments juridiques contraignant les entreprises à rendre compte des violations des droits de l'homme, en particulier sous l'angle environnemental. La Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (Convention d'Aarhus), d'abord, entrée en vigueur en 2001, prévoit le droit de tous à vivre dans un environnement sain. L'instrument ouvre à toute personne le droit d'accéder à l'information environnementale, sans devoir justifier d'intérêt prépondérant. Il garantit en outre le droit d'accéder à la justice en cas de dommage environnemental. La participation publique est prévue dans la rédaction de règlements, notamment. L'instrument est doté d'un organe de suivi de ses dispositions, qui peut être saisi de plaintes. D'autre part, le Protocole de Kiev se rapportant à cette Convention prévoit la tenue de registres nationaux des rejets et transferts de matières polluantes dont une liste comprenant 86 points est donnée en annexe de l'instrument. Juridiquement contraignants, ces instruments permettent d'assurer le respect, par les entreprises, des objectifs en termes de réduction des émissions de substances toxiques risquant de compromettre la santé humaine, a précisé Mme Sanchis-Moreno.
M. ANDRÉ BANHOUMAN KAMATE, président de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO), a rappelé qu'en 2006, 528 m3 de déchets avaient été déversés dans un district d'Abidjan par le Probo Koala, navire battant pavillon panaméen affrété par la société Trafigura, dont l'adresse fiscale est aux Pays-Bas, le siège social en Suisse et le centre opérationnel au Royaume-Uni. La justice ivoirienne a estimé que 17 décès ont été causés par l'inhalation de déchets toxiques, a rappelé M. Kamaté, ajoutant que selon les informations recueillies par la LIDHO, un total de 35 morts et une centaine de fausses couches ont été répertoriées. Il a insisté sur les effets à long terme de cette pollution, et notamment les naissances prématurées, les fausses couches et les malformations congénitales. Il a cité une longue liste d'autres droits de l'homme violés dans le cadre de cette affaire. Comme le droit au travail et à niveau de vie suffisant, car des entreprises qui travaillaient normalement à proximité du site ont dû cesser leurs activités. Ou le droit à un environnement sain, car les déchets toxiques ont engendré une dégradation significative de l'environnement avec pollution de l'air, des plans d'eau lagunaires et du réseau d'assainissement, et contamination de la nappe phréatique, y compris sur d'autres suites du fait des eaux de ruissellement.
M. Kamate a suggéré diverses mesures pour prévenir la survenance de catastrophes similaires. Il a préconisé le renforcement du contrôle des flux frontaliers de substances et une analyse systématique pour en évaluer la dangerosité. Il a demandé la mise sur pied de structures de traitement des déchets dangereux produits sur le territoire ivoirien avec un appui financier international. Il a relevé l'importance de s'assurer de la compétence technique et logistique des entreprises spécialisées et la large diffusion au sein du public d'informations sur les obligations en matière de protection de l'environnement, dans un langage accessible au plus grand nombre. Il a préconisé la mise en place de modules d'éducation à la protection de l'environnement dans les manuels scolaires. Enfin, il a souhaité que l'État adopte des mesures législatives prévoyant des sanctions pour les contrevenants aux normes de respect de l'environnement, et qu'il mette en place ainsi des systèmes de surveillance et de contrôle du respect de ces normes.
M. BASHIR MOHAMED HUSSEIN, Directeur fondateur de SomaCent Development Research Foundation, a indiqué que la Somalie a été victime de déversements illégaux de déchets toxiques et dangereux de la part de compagnies étrangères depuis le milieu des années 1980, le phénomène s'étant intensifié après les années 1990. On sait que les parties au conflit en Somalie ont accepté ces déchets provenant de compagnies étrangères en échange d'armes et de munitions, a ajouté M. Hussein. Malheureusement, la Somalie n'a pas de gouvernement effectif depuis longtemps et la communauté internationale n'a pas accordé suffisamment d'attention à ces problèmes lorsqu'elle traitait de la crise somalienne.
M. Hussein a ensuite attiré l'attention du Conseil sur des informations émanant notamment du Programme des Nations Unies sur l'environnement (PNUE) qui attestent des pratiques de déversements de déchets toxiques en Somalie et de leurs conséquences néfastes sur la santé et les moyens de subsistance. Il est clair que la Somalie est devenue le terrain de déversements des pires déchets toxiques produits dans les pays industrialisés et ce, au détriment de la santé, de la sécurité alimentaire et des perspectives de développement déjà fragiles de la population affectée en Somalie, a déclaré M. Hussein, avant de recommander une mission d'urgence du Rapporteur spécial sur les déchets toxiques en Somalie. Il a en outre préconisé une recherche étendue, sur le terrain, quant à la nature, l'ampleur et l'impact des déversements de déchets toxiques en Somalie, ainsi que l'identification des sites pollués, l'adoption de mesures dissuasives effectives et la facilitation de l'accès à l'information pertinente à tous les niveaux.
Aperçu du débat
Au cours du débat qui a suivi les déclarations des panélistes, des délégations ont déploré que certains pays, ne connaissant pas les modalités de contrôle de produits chimiques interdits ailleurs, servent de dépotoir aux déchets exportés par des pays tiers. Le représentant de Djibouti a observé que malgré l'adoption d'instruments internationaux, les déversements de produits toxiques se poursuivent. Les participants se sont dès lors demandé quelles mesures envisager pour assurer le respect du droit international. Le représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, a relevé à cet égard que les pays de destination manquent avant tout de capacités techniques. Si le rôle primordial des États a été souligné en matière de lutte contre les déversements de déchets toxiques, le représentant de l'Arménie a rappelé que l'expertise technique des organisations de la société civile peut aussi être mise à contribution. La délégation de l'Uruguay a pour sa part mis en valeur des initiatives régionales de traitement des déchets et de prévention de leurs effets nocifs, en complément aux démarches prises au niveau des États. Des initiatives de ce genre ont été lancées à l'échelle de l'Amérique du Sud et des Caraïbes, par exemple pour la gestion du mercure et de médicaments périmés.
Le représentant du Nigéria, au nom du Groupe africain, a indiqué que, pour l'Afrique, les dangers du déversement illégal de produits toxiques justifient pleinement une action collaborative internationale concertée. L'aspect scandaleux de cette pratique entre 1986 et 1987 et ses effets dramatiques sur la santé et l'environnement ne sont plus à démontrer. La communauté internationale a suivi l'exemple africain en adoptant la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (1989). Le Groupe africain se félicite de la Convention de Hong-Kong relative au démantèlement des navires, étape positive vers la constitution du régime juridique propre à assurer l'élimination en toute sécurité des anciens navires, estimant cependant que des mesures de suivi devront être mises en place. De l'avis du Groupe africain, il est par ailleurs essentiel que le mandat du Rapporteur spécial sur les effets du déversement de produits toxiques se penche sur les effets potentiellement nuisibles de tous les déchets, toxiques ou non. Le moment est enfin venu d'adopter un calendrier et de prendre des mesures concrètes pour mettre un terme au transfert de déchets toxiques, de même que pour dédommager les victimes de ces déversements. La délégation de la Côte-d'Ivoire a souligné, avec d'autres délégations, l'importance d'élaborer des lignes directrices générales sur la gestion des déchets toxiques dans la perspective des droits de l'homme.
Le représentant de l'Union européenne a rappelé que la Convention de Bâle est le seul instrument de gestion des déchets à l'échelle mondiale. Elle traite en particulier des déchets électroniques. Sa mise en œuvre gagnera à être coordonnée avec celle des autres instruments internationaux relatifs au traitement des déchets. Pour le Brésil, la Convention de Bâle, conçue pour protéger les pays en voie de développement de l'impact de l'importation de déchets produits selon des méthodes nuisibles à l'environnement, est l'instrument juridique par excellence de la lutte contre les déchets toxiques. La délégation brésilienne a par ailleurs indiqué ne pas souscrire au point de vue de ceux qui estiment qu'en améliorant la capacité des pays en développement de gérer sainement, du point de vue environnemental, les déchets toxiques, ces pays se transformeraient en lieux sûrs pour recevoir une quantité encore plus importante de produits et déchets dangereux.
Le représentant de l'Indonésie a préconisé que les grands pays industrialisés montrent l'exemple en matière d'application des règlements relatifs à la gestion sécurisée des déchets toxiques. La délégation du Mexique a quant à elle demandé au Conseil de se pencher sur la question de la production des produits toxiques, afin de formuler des mesures préventives mieux adaptées. Le Yémen a évoqué le problème des répercussions du rejet maritime de déchets toxiques sur l'industrie locale de la pêche. La représentante du Costa Rica a demandé l'avis des experts sur les progrès en matière d'accès à l'information. Des exemples d'application de la Convention d'Aarhus ont été demandés par la délégation du Royaume-Uni.
Une représentante de l'organisation non gouvernementale Human Rights Advocates a préconisé l'invocation du droit à la vérité pour faire la lumière sur le rôle de certaines entreprises dans la pollution. La représentante a ainsi dénoncé l'impunité des sociétés ayant pollué pendant des années les côtes de la Somalie par des rejets de déchets. Une représentante de Planetary Association for Clean Energy a évoqué la marée noire dans le Golfe du Mexique, observant que la société incriminée n'a pas accepté de dévoiler la composition, ni la quantité, des produits dispersants déversés dans la mer, au motif de protection des secrets commerciaux. Cette situation montre que la sécurité publique doit prendre le pas sur certains intérêts privés. La même représentante a mentionné le problème des débris flottant en orbite terrestre. Le représentant Indian Council of South America a pour sa part dénoncé l'exploitation éhontée des territoires appartenant peuples autochtones, ainsi que leur endommagement irréversible par les industriels. Cette forme de «racisme environnemental» doit être assimilée à une discrimination raciale, a estimé le représentant, citant de nombreuses dégradations de l'environnement en Alaska et des risques de même nature à Hawaï.
Réponses et conclusions des panélistes
MME KUMMER PEIRY a rappelé que l'on parle ici, cet après-midi, de commerce illégal de déchets. Les instruments internationaux pour lutter contre ces pratiques existent mais la clef réside dans l'application concrète de leurs dispositions, a-t-elle poursuivi. L'essentiel des dépenses environnementales sont orientées vers la lutte contre le réchauffement climatique, a-t-elle rappelé. Il faut donc promouvoir la prise de conscience quant à l'existence du problème des déchets toxiques afin de faire en sorte que davantage de ressources soient consacrées à la résolution de ce problème.
MME SANCHIS-MORENO a insisté sur la nécessité de changer la perception et l'approche de la problématique des déchets toxiques. L'accès à l'information est désormais mieux mis en œuvre, comme cela a été constaté lors de la dernière réunion des États parties à la Convention d'Aarhus, tenue à Riga, a-t-elle indiqué. Pour ce qui est de l'accès à la justice, cet autre pilier de la Convention, il doit être développé plus avant, a-t-elle ajouté. La Convention d'Aarhus va confirmer au mois de juin la mise sur pied d'un groupe spécial de travail des Parties concernant la participation du public, a-t-elle indiqué.
Revenant sur l'affaire du Probo Koala, M. KAMATE, a rappelé que pour ce qui est de l'accès à la justice, deux niveaux existent: celui de la justice nationale et celui de la justice internationale. Pour ce qui est de la justice internationale, il n'y a pas eu de problème. Ce qui pose problème, c'est davantage l'accès à la justice nationale, ivoirienne. M. Kamate a également fait observer que les décisions qui sont rendues par la justice ne prennent pas suffisamment en compte les intérêts de toutes les victimes. Par ailleurs, a poursuivi M. Kamate, il faut agir de manière urgente pour informer les populations concernées des zones où subsistent des gaz inodores mais actifs.
M. HUSSEIN a pour sa part rappelé que pour appliquer les conventions internationales pertinentes, il convient avant tout de faire preuve d'une volonté politique très ferme, en particulier de la part des pays industrialisés de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'où provient la majorité des déchets toxiques déversés dans les pays en développement. Nombreux sont les vides juridiques permettant d'échapper à l'emprise du droit et il conviendrait donc de revoir les instruments pertinents, a souligné M. Hussein. L'accès à l'information est un point crucial, non seulement parce qu'il faut que triomphe le droit à la vérité mais aussi parce que dans le cas de la Somalie, comme dans d'autres pays en développement, les populations touchées ne sont pas pleinement conscientes du fait que c'est leur environnement qui est touché et pollué, a indiqué M. Hussein.
Exercice du droit de réponse dans le cadre du débat sur les situations qui appellent l'attention du Conseil
M. ANDREI TARANDA (Bélarus) a tenu à réagir aux déclarations faites par les délégations de la Slovénie, de la Belgique, de la Suède et de la France. Il a suggéré à la délégation de la Slovénie d'étudier les 97 recommandations qui lui ont été faites dans le cadre de l'Examen périodique universel et a estimé qu'elle serait mieux inspirée d'adopter une attitude de collaboration et de coopération avec les États, plutôt que de reprendre les attitudes conflictuelles néfastes de la défunte Commission des droits de l'homme. Concernant la Suède, la Belgique et la France, qui ont invité le Bélarus à renoncer à la peine de mort, il a déclaré que son pays avait étudié la question de l'abolition mais que, lors du referendum sur ce sujet tenu en 2006, 80% de la population s'est prononcée en faveur du maintien de la peine de mort, ce qui, a-t-il expliqué, constitue une obligation pour l'État. Il a déclaré que son pays menait des campagnes d'information et de sensibilisation auprès de la population pour l'inciter à changer d'avis. Toutefois, a-t-il répété, les autorités ne peuvent pas ignorer l'opinion de la population. Il a conclu en remerciant la délégation de la Suède pour l'esprit de son discours, qu'il a jugé très proche du dialogue.
MME SALTANAT TASHMATOVA (Kirghizstan), répondant aux déclarations de la Slovénie et de la Belgique, a déclaré que son pays traverse un tournant de son histoire, vu qu'il a très récemment opté pour la primauté du droit et le respect des droits de l'homme. Le gouvernement temporaire collabore activement avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a-t-il assuré. Les prochaines élections auront lieu le 27 juin prochain; ses préparatifs sont suivis par 47 observateurs internationaux et plus de trois cents autres seront présents le moment venu. Enfin, la nouvelle Constitution mentionnera explicitement les droits de l'homme, conformément aux principes et normes internationaux, a assuré la représentante.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a catégoriquement rejeté les allégations faites par le Japon en affirmant que les cas d'enlèvements ont tous été résolus. Le Japon veut échapper à ses responsabilités pour ses crimes contre l'humanité en induisant tout le monde en erreur, a-t-il affirmé. C'est là que réside le véritable problème en suspens, a insisté le représentant de la République populaire démocratique de Corée. Il a en outre déploré les allégations de nombreux pays «et «surtout d'Israël» qui est le pire de tous puisqu'il viole les droits des Palestiniens; tous ces pays ne font que faire preuve d'hypocrisie et d'une politique de deux poids deux mesures.
M. GERMÁN MUNDARAÍN HERNÁNDEZ (Venezuela ) s'agissant de l'intervention des États-Unis, a accusé ce pays de faire de la désinformation à l'encontre d'un pays qui ne se soumet pas à ses diktats impérialistes, et de chercher en fait à renverser le Gouvernement du président Chávez. C'est là une attitude récurrente du Gouvernement des États-Unis, a-t-il ajouté. Il a affirmé qu'aucun journaliste n'a jamais été détenu au Venezuela en raison de ses opinions et a demandé aux États-Unis d'adopter enfin une politique fondée sur le respect mutuel entre États.
M. JESUS ENRIQUE G. GARCIA (Philippines), répondant à une déclaration de l'organisation CIVICUS, a déclaré que la police de son pays, dans l'exercice des opérations contre-insurrectionnelles évoquées, était munie d'un mandat en bonne et due forme. Les personnes arrêtées avaient antérieurement participé à des attentats contre la police, plusieurs étant déjà condamnées pour meurtre, a-t-il souligné. L'affaire est devant les tribunaux.
M. A.H.M.D NAWAZ (Sri Lanka) a indiqué que son gouvernement avait levé l'état d'urgence et amnistié certains journalistes qui faisaient l'objet de poursuites pour avoir «agité des communautés». Les exécutions extrajudiciaires ont diminué d'intensité et le Gouvernement a toujours à cœur d'en rechercher les coupables, a-t-il assuré. Par ailleurs, le Gouvernement estime devoir agir en faveur de la réconciliation nationale, raison pour laquelle il a mis sur pied une Commission composée de membres issus de plusieurs ethnies. Sri Lanka entend agir dans ce domaine par le biais d'une concertation nationale, plutôt que par le biais d'une intervention externe, qui risquerait de fragiliser encore une situation déjà tendue.
M. ENOS MAFEMBA (Zimbabwe) a assuré que son pays continuait de défendre la promotion des droits de l'homme et espérait une coopération constructive avec les membres du Conseil bien intentionnés. Il a dénoncé des accusations sélectives. Les États-Unis sont le dernier pays membre à être en droit de jeter l'opprobre sur un pays quel qu'il soit, car c'est le pire auteur de violations des droits de l'homme au niveau international - loin de chez lui, d'Hiroshima à l'Iraq en passant par le Vietnam et Cuba, entre autres. Aux États-Unis, la discrimination est patente contre les personnes de couleur, a ajouté le représentant zimbabwéen. Il en va de même en Europe. Les États-Unis et leurs alliés soutiennent ceux qui veulent déstabiliser le Gouvernement du Zimbabwe et mettre à l'épreuve sa volonté, a-t-il poursuivi. Le Conseil devrait nommer un expert indépendant chargé d'enquêter sur les crimes de guerre perpétrés par les États-Unis et le Royaume-Uni en Iraq et en Afghanistan. Le Royaume-Uni devrait en outre quitter les Malouines occupées et les rendre à l'Argentine, a ajouté le représentant du Zimbabwe, déplorant également la situation à Diego Garcia dans l'archipel des Chagos.
M. AKIO ISOMATA (Japon) a souhaité réagir à la déclaration de la République populaire démocratique de Corée, qu'il a qualifiée d'irresponsable. Le Japon ne souhaite pas réitérer une nouvelle fois sa position bien connue mais réaffirme que dire que la question des enlèvements a été résolue est contraire à la réalité. Le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée n'a pas respecté les termes de l'accord conclu avec le Japon; sur les 17 Japonais reconnus par le Gouvernement du Japon comme enlevés, seuls cinq sont rentrés; la République populaire démocratique de Corée doit encore fournir des explications et des preuves concernant les 12 autres. Il existe en outre un certain nombre d'autres cas pour lesquels il existe une suspicion d'enlèvement, a ajouté le représentant japonais.
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée a réagi en rejetant une nouvelle fois les allégations du Japon, qualifiées d'infondées. La question a été réglée une fois pour toute et il n'y a plus de victimes, a-t-il affirmé. Il a également rappelé que le Japon a refusé de reconnaître ses torts s'agissant des violations des droits de l'homme qu'il a commises à l'encontre de quelque quatre millions de personnes. Il a en outre accusé le Japon de refuser de subventionner les écoles coréennes du Japon et de violer les droits des Coréens dans ce pays.
M. AKIO ISOMATA (Japon) a nié que la question des personnes disparues ait été résolue et a regretté que la République populaire démocratique de Corée attaque le Japon sous n'importe quel prétexte. Pour ce qui est des écoles coréennes au Japon, une discussion est en cours au sujet de leur éventuelle gratuité, le critère en cause étant celui de la conformité de leurs cursus aux programmes généraux.
M. CHRISTOPHER LOMAX (Royaume-Uni), répondant à une déclaration du Zimbabwe, a indiqué que son pays n'avait aucun doute sur la souveraineté des îles Falklands.
M. ENOS MAFEMBA (Zimbabwe) a déclaré que le représentant du Royaume-Uni semble d'accord avec lui concernant le statut de Diego Garcia, puisqu'il n'a mentionné que les Malouines.
M. SEBASTIAN ROSALES (Argentine) a réitéré la position de son pays concernant les Malouines.
M. CHRISTOPHER LOMAX (Royaume-Uni) a indiqué ne pas avoir été exhaustif dans sa première intervention au titre du droit de réponse et avoir seulement réitéré la position habituelle de son pays.
M. SEBASTIAN ROSALES (Argentine) a invité le représentant du Royaume-Uni à dialoguer avec son pays de la question de la souveraineté dans l'enceinte qui convient à cette fin.
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HRC10/069F