Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR L'ÉTUDE CONJOINTE SUR LES DÉTENTIONS SECRÈTES DANS LE CADRE DE LA LUTTE ANTITERRORISTE
Le Conseil des droits de l'homme s'est penché, ce matin, sur l'étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte anti-terroriste, présentée hier. Il a également achevé le débat engagé hier après-midi avec les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement de l'indépendance des juges et des avocats et de la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme.
Plusieurs délégations se sont félicitées de l'étude conjointe sur les détentions secrètes dans le cadre de la lutte antiterroriste, estimant très important que les procédures spéciales abordent des thèmes qu'ils jugent utiles pour leur mandat. Il a été observé que la valeur ajoutée de l'étude tient à ce qu'elle présente des entretiens avec des victimes ainsi qu'une analyse des politiques et décisions juridiques relatives à la détention secrète. Plusieurs délégations ont regretté, voire dénoncé les tentatives destinées à censurer ou à prévenir l'examen de ce rapport au sein du Conseil, et ont exprimé leur soutient pour l'indépendance et l'impartialité des titulaires de mandat.
Plusieurs critiques ont en effet été formulées par des délégations qui se sont notamment dites préoccupées des méthodes adoptées par ses auteurs. Il a été estimé par certains que les experts n'avaient pas respecté leur code de conduite s'agissant de la qualité et de la fiabilité des sources de renseignements et à la possibilité pour les États de faire des commentaires sur ces renseignements.
Les représentants des États suivants ont participé à ce débat: Norvège, Cuba, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Nigéria (au nom du Groupe africain), Inde, France, Mexique, Union européenne, Éthiopie, États-Unis, Australie, Chine, Autriche, Canada, Suisse, République de Corée, Sri Lanka, Allemagne, Argentine, Afrique du Sud, Syrie, Algérie, Suède, Japon, Uruguay, Philippines, Pakistan, Danemark, Roumanie, Népal et Chili. Des organisations non gouvernementales ont également fait des déclarations: Commission internationale de juristes (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2), Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme, International Human Rights Association of American Minorities, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, Human Rights Advocates, et l'Organisation mondiale contre la torture - OMCT (au nom également de la Fédération internationale de l'ACAT - Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - FIACAT).
Deux experts qui ont participé à la rédaction du rapport, à savoir la Vice-Présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ont répondu en fin de séance à certaines des questions posées par les délégations.
Au cours du dialogue interactif avec ce dernier en début de séance, de nombreuses délégations se sont félicitées du document qu'il a présenté comportant une compilation de bonnes pratiques en matière de contrôle des activités des agences de renseignements; compte tenu de la situation internationale et de la nature du terrorisme, ces institutions sont désormais dotées de compétences accrues qui rendent cette démarche particulièrement nécessaire, a-t-il été observé.
S'agissant du rapport sur l'indépendance de la justice, les délégations ont notamment réaffirmé l'importance pour les juges et autres professionnels de la justice de connaître les dispositions légales nationales et internationales relatives aux droits de l'homme. Cependant, plusieurs délégations ont observé que la forme que doit prendre la formation aux droits de l'homme des juges et avocats dépend étroitement des conditions nationales et locales. Des organisations non gouvernementales ont dénoncé les mesures d'intimidation prises par certains États à l'encontre de magistrats, citant notamment les cas des juges Maria Lourdes Afiuni au Venezuela, et Baltasar Garzón en Espagne.
Les représentants des États suivants ont fait des déclarations: Hongrie, Suède, Cuba, Sri Lanka, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie, Brésil, Pakistan, Algérie, Djibouti, Maroc, Azerbaïdjan, Égypte, Maldives et Venezuela. Plusieurs organisations non gouvernementales ont aussi pris la parole: Lawyers Rights Watch Canada, Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Commission colombienne de juristes, Commission internationale de juristes, Human Rights Watch, Union des juristes arabes (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) et le Club international pour la recherche de la paix.
La Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ont pris la parole pour répondre aux questions posées par les délégations.
Le Conseil poursuivra ses travaux à 13h30 pour entamer l'examen de rapports sur la liberté d'expression, sur les exécutions arbitraires et sur la traite des êtres humains.
Fin du débat interactif sur l'indépendance de la justice et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste
Débat
M. ZOLTAN PAPP (Hongrie) a déclaré que son pays attachait beaucoup d'importance au principe d'indépendance et d'impartialité des juges et avocats, et ajouté que son pays est prêt à prendre la tête d'un projet de résolution sur cette question. Il a estimé que les programmes de formation pour les juges, avocats et défenseurs des droits de l'homme sont essentiels pour la progression de la démocratie et de l'état de droit et ajouté que les propositions faites par la Rapporteuse spéciale méritaient d'être examinées. Le représentant s'est par ailleurs félicité de la visite en Colombie de Mme de Albuquerque et l'a invité à en effectuer d'autres. Il a demandé des informations sur la manière dont les États et le Conseil des droits de l'homme pourraient contribuer à la réalisation effective des projets dont elle fait état dans son rapport, notamment en matière de formation. Il a enfin demandé à la Rapporteuse spéciale si elle estimait que des critères supplémentaires devaient être élaborés pour garantir l'indépendance des juges. D'autre part, le représentant hongrois a également remercié M. Scheinin pour son rapport sur les meilleures pratiques à suivre pour le contrôle des services secrets dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et a estimé qu'il fallait accompagner toute restriction aux droits de l'homme par des mesures de sauvegarde qui permettent aux individus de faire valoir leur cause quand leurs droits sont violés. Il a demandé au Rapporteur spécial son avis sur le rôle joué par les juges indépendants dans le contrôle des services secrets.
MME ANNIKA ÅBERG (Suède) a souligné que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme devait respecter le droit international, les droits de l'homme et le droit international humanitaire. La lutte contre le terrorisme et les droits de l'homme ne peuvent que se renforcer mutuellement et ne doivent pas être envisagés l'un contre l'autre, a-t-elle estimé. Elle a salué le travail de M. Scheinin qui a compilé les meilleures pratiques sur les cadres et mesures juridiques institutionnelles. De même, elle a salué les efforts des Nations Unies pour renforcer l'architecture juridique internationale antiterroriste. La compilation des bonnes pratiques peut contribuer utilement à améliorer la situation dans ce domaine, a-t-elle jugé. Selon la représentante suédoise, les services de renseignement ont un rôle important à jouer pour respecter l'état de droit dans la lutte contre le terrorisme. Elle a demandé davantage de précisions à M. Scheinin sur la mise en place d'un service de contrôle, sous forme de service de contrôle civil indépendant, par exemple à travers l'institutionnalisation d'un ombudsman. L'action illégale exercée par des services de renseignements doit pouvoir faire l'objet de recours, a conclu la déléguée suédoise, demandant des précisions sur les mécanismes de plainte qui pourraient être mis en place.
M. JUAN ANTONIO QUINTANILLA (Cuba) a pris note de l'analyse exhaustive que fait la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats des éléments qui, à son avis, renforcent ou compromettent une administration de la justice indépendante. Cuba estime à cet égard que la forme que doit prendre la formation aux droits de l'homme des juges et avocats dépend étroitement des conditions nationales et locales. Cuba aurait aimé que Mme de Albuquerque analyse certains facteurs extérieurs qui conditionnent la justice, comme par exemple la partialité de la couverture médiatique ou encore l'exercice de pressions relevant de la pure vengeance, comme en témoigne l'emprisonnement injuste aux États-Unis de cinq Cubains engagés contre le terrorisme. Le représentant a par ailleurs demandé au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste s'il avait pu obtenir des informations quant à la date de la fermeture du centre de détention illégale et de torture géré par les États-Unis à Guantánamo et si des réparations seront accordées aux victimes.
M. MOHAN PIERIS (Sri Lanka) a félicité Mme de Albuquerque pour son rapport sur l'indépendance des juges et avocats. Il a toutefois fait remarquer qu'à l'indépendance nécessaire du judiciaire s'est ajouté plus récemment une exigence croissante de plus grande responsabilité du judiciaire. Plus le judiciaire est indépendant, plus celui-ci doit être responsable, a-t-il souligné, ajoutant que la préservation des droits de l'homme, aussi importante soit-elle, ne devait pas donner au judiciaire un sauf-conduit concernant sa responsabilité et qu'il fallait trouver un équilibre entre ces exigences. Le représentant a estimé que le rapport de M. Scheinin sur les bonnes pratiques de contrôle des services secrets permettait de saisir les principales difficultés résultant de la double nécessité de disposer des services de renseignements efficaces et de préserver les droits de l'homme.
MME JULIE B. MARTIN (États-Unis) a affirmé que les juges et professionnels de justice de tout le pays devaient connaître les règles relatives aux droits de l'homme. Elle a estimé que pour arriver à ce but, la même recette ne pouvait pas être appliquée pour tout le monde: tout dépend des protections juridiques en matière de droits de l'homme du pays. La représentante des États-Unis s'est également interrogée sur le problème du manque d'accès à la justice pour les groupes défavorisés, comme les femmes, et a souhaité connaître les recommandations de la Rapporteuse spéciale à cet égard. Elle s'est aussi demandée ce que le Conseil des droits de l'homme pouvait faire en la matière. Enfin, elle a souhaité savoir si l'Iran avait donné suite à une demande de visite. Concernant le rapport de M. Scheinin sur les pratiques optimales en matière de respect des droits de l'homme par les agences de renseignement chargées de la lutte contre le terrorisme, la déléguée américaine a estimé qu'il n'existe pas d'approche universelle pour beaucoup de ces questions. Il ne s'agit pas selon elle de promulguer un ensemble de normes devant être appliquées partout dans le monde, mais de compiler un certain nombre de pratiques pouvant être utilisées au niveau international.
MME LUCY RICHARDSON (Nouvelle-Zélande) s'est félicitée de la compilation de bonnes pratiques en matière de respect des droits de l'homme par les agences de renseignement chargées de la lutte contre le terrorisme, réalisée par M. Scheinin, observant que ces pratiques sont déjà quasiment toutes intégrées dans la loi de son pays. Comment le Rapporteur spécial entend-il poursuivre ses consultations au sujet des meilleures pratiques et dans quelle mesure le Conseil des droits de l'homme peut-il contribuer à ses travaux dans ce domaine, a demandé la représentante.
MME ANGELA ROBINSON (Australie) a expliqué que, dans son pays, l'indépendance du secteur judiciaire et sa responsabilité sont garanties par des procédures judiciaires transparentes ainsi que par le contrôle exercé par le public, les parlementaires et les médias. Elle s'est dite très intéressée par les commentaires de la Rapporteuse spéciale sur le lien entre formation continue des personnels du secteur judiciaire dans le domaine des droits de l'homme et leur indépendance. Elle a estimé qu'il a peu de chance que les États qui cherchent à dominer le secteur judiciaire contribuent à la formation aux droits de l'homme de ses membres et a ajouté que son pays encourage de façon pratique les efforts mondiaux visant à renforcer le secteur de la justice. Enfin, la représentante australienne a demandé à Mme de Albuquerque ses vues sur la manière dont la communauté internationale pourrait mieux soutenir l'indépendance du secteur judiciaire ainsi que la formation permanente des juges et avocats.
M. OTÁVIO DRUMOND CANÇADO TRINDADE (Brésil) a salué le recueil de M. Scheinin sur les meilleures pratiques à suivre pour le contrôle des services secrets dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui, selon lui, permettront d'améliorer le dialogue et la coopération dans ce domaine. Le Brésil attache beaucoup d'importance à une démarche prenant en compte les droits de l'homme dans le cadre des activités de renseignement. Le système de renseignement brésilien repose sur la souveraineté nationale mais aussi l'État de droit et la dignité humaine, il est contrôlé par le pouvoir législatif, a-t-il précisé. En ce qui concerne l'indépendance des juges et des avocats, le rapport met en évidence la nécessité de s'assurer qu'ils ont connaissance des obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme. Il a soutenu le principe de l'évaluation au niveau international de l'éducation des juges, procureurs et avocats sur les droits de l'homme. Le mandat même du Conseil des droits de l'homme est de promouvoir l'éducation aux droits de l'homme, ce qui justifie un effort en ce sens, selon la délégation brésilienne.
M. MUHAMMAD SAEED SARWAR (Pakistan) s'est félicité du rapport de M. Scheinin, jugeant utile le recueil de bonnes pratiques qu'il propose en matière de contrôle des activités des agences de renseignements. Compte tenu de la situation internationale et de la nature du terrorisme, ces institutions sont désormais dotées de compétences accrues qui rendent particulièrement nécessaire la démarche du Rapporteur spécial, a-t-il estimé. Le représentant a observé que l'existence d'une société civile active était un autre moyen efficace de contrôle de ces activités. Enfin, la lutte contre le terrorisme ne doit pas justifier des occupations étrangères ni les violations des droits de l'homme qui y sont associées, a-t-il déclaré.
MME SELMA MALIKA HENDEL (Algérie) a déclaré que la formation des magistrats dans le domaine des droits de l'homme occupait une place importante dans le programme de réforme de la justice entrepris par son pays, qui prévoit de concilier l'efficacité de la justice avec le respect des droits de l'homme. La représentante a demandé un complément d'information à la Rapporteuse spéciale sur les modalités d'élaboration de son projet d'étude globale sur les initiatives de formation, afin de savoir comment cette activité sera conciliable avec son propre mandat et celui du Conseil. D'autre part, la représentante algérienne a remercié M. Scheinin pour sa compilation des bonnes pratiques en matière de contrôle des activités des agences de renseignements. Elle a affirmé que les institutions chargées du renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en Algérie travaillent dans le strict respect de la législation nationale et des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme auxquels le pays est partie, et ce, sous la direction, le contrôle et la surveillance des magistrats instructeurs et du parquet. Elle a dit partager les vues du Rapporteur spécial sur le rôle crucial des services de renseignement en matière de protection de l'État et de la population contre les atteintes à la sécurité nationale et par conséquent à la pleine jouissance des droits de l'homme par les citoyens.
M. AHMED MOHAMED ABRO (Djibouti) a dit prendre bonne note des recommandations de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats. Il a reconnu la nécessité d'assurer une meilleure formation et éducation aux droits de l'homme des acteurs du système judiciaire dans le monde. Il a souligné l'importance de l'implication des États pour former les acteurs du pouvoir judiciaire, tant matériellement que financièrement.
M. MOHAMED ACHGALOU (Maroc) a pris note du fait que Mme de Albuquerque insiste, dans son rapport, sur la nécessité de former les juges et avocats aux droits de l'homme afin de les aider à remplir leurs obligations dans ce domaine. Il a fait observer avec satisfaction que cette prise de position correspond à l'initiative pour l'éducation aux droits de l'homme engagée conjointement par le Maroc et par la Suisse. Le représentant marocain a en outre relevé que l'essentiel des recommandations de Mme de Albuquerque correspondent aux choix du Gouvernement du Maroc en matière de renforcement des garanties juridiques pour les citoyens.
MME SAMIRA SAFAROVA (Azerbaïdjan) a estimé qu'une éducation et une formation continue des juges et procureurs aux droits de l'homme ne peut que renforcer le respect de ces droits; elle a soutenu l'idée d'une étude globale sur ce thème. Elle a expliqué les efforts de formation déployés par son pays dans le domaine de la formation des juges et a notamment fait part de la récente création d'une académie qui offre une éducation aux droits de l'homme par le biais de programmes modernes.
MME MONA ELBAHTIMY (Égypte) a salué le choix de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats de concentrer son premier rapport sur l'importance d'une formation adéquate aux droits de l'homme. Le Gouvernement égyptien est convaincu que ce point est essentiel pour la réalisation des droits de l'homme. Sa représentante a précisé qu'environ 4000 membres du judiciaire égyptien et plus de 1100 avocats ont été formés aux droits de l'homme ces dernières années. Enfin, la délégation égyptienne estime que l'opportunité d'une conférence internationale sur les méthodes d'éducation aux droits de l'homme et la formation aux juges, procureurs et avocats, mérite d'être étudiée plus en avant.
MME IRUTHISHAM ADAM (Maldives) a demandé à la Rapporteuse spéciale comment, à son sens, il convient d'appliquer le critère d'impartialité de la magistrature dans des pays où l'embauche des magistrats est contrôlée par d'autres magistrats. Elle s'est aussi interrogée sur les moyens de favoriser la mobilité de carrière des jeunes juges.
M. FÉLIX PEÑA RAMOS (Venezuela) a commenté une remarque de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats sur un article de presse mettant en cause une prétendue atteinte du Gouvernement vénézuélien contre l'indépendance des magistrats après une sanction individuelle contre une juge. Il a affirmé que les autorités vénézuéliennes n'avaient fait que sanctionner des fautes professionnelles commises par cette juge et que celle-ci avait bénéficié de toutes les garanties requises.
Organisations non gouvernementales
MME ISABEL STRAMWASSER (Lawyers Rights Watch Canada) a demandé à l'Espagne de montrer son engagement en faveur des droits de l'homme en veillant à ce qu'aucun juge du pays, y compris le juge Balthazar Garzón, ne puisse encore être accusé au pénal pour avoir exercé sa juridiction judiciaire et interprété la loi. Elle a rappelé que le juge Garzón a été accusé au pénal pour avoir ouvert une enquête sur 114 000 exécutions et disparition non résolues, et a été suspendu de ses fonctions. Cette suspension viole l'obligation de l'Espagne de protéger l'indépendance des juges, elle a contraint le juge Garzón au silence et elle aura des conséquences dans le monde entier sur les juges chargés de se prononcer sur des actions illégales des gouvernements, a averti la représentante.
MME ALEXANDRA KOSSIN (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a relevé l'importance de l'indépendance des magistrats. Elle a dénoncé les menaces, les tentatives d'assassinat contre le juge Maria Lourdes Afiuni et finalement son arrestation, au Venezuela, exemples flagrants du harcèlement dont sont parfois victimes les magistrats qui tentent de faire respecter les droits de l'homme. Le cas du juge Baltazar Garzón, en Espagne, en est un autre exemple retentissant. À contrario, en Tunisie, les policiers coupables d'actes de torture et de mauvais traitements bénéficient d'une impunité qui ne s'explique que par l'inaction du système judiciaire.
MME ANA MARIA RODRIGUEZ (Commission colombienne de juristes) s'est inquiétée des graves atteintes à l'indépendance des juges et avocats en Colombie, ces derniers subissant diverses formes de menaces et intimidations de la part du pouvoir exécutif, comme Mme de Albuquerque l'a mentionné dans son rapport après sa visite dans le pays en décembre 2009. Ces intimidations contribuent au climat d'impunité dans le pays, a affirmé la représentante, qui a mis en cause la Présidence de la République dans ces opérations. Elle a invité la Rapporteuse spéciale à continuer de suivre la situation en Colombie pour veiller à la mise en œuvre de ses recommandations, pour garantir une séparation effective des pouvoirs, et pour que les atteintes à cette indépendance par le pouvoir exécutif soient sanctionnées.
M. GERALD STABEROCK (Commission internationale de juristes) a évoqué plusieurs cas qui ont mis en émoi la communauté juridique dans le monde, citant tout d'abord le cas de la juge vénézuélienne Maria Lourdes Afiuni, détenue après avoir appliqué une décision des Nations Unies sur les détentions arbitraires. Elle reste en détention malgré l'intervention de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, a précisé le représentant. Il a également noté l'effet refroidissant que constitue la suspension du juge Balthazar Garzón en Espagne. Enfin, il a pointé du doigt la surveillance illégale de juges ou d'avocats, notamment la mise sous surveillance du juge président du Tribunal constitutionnel en Colombie. Le climat qui entoure certains juges et juristes de par le monde est illustré par la détention arbitraire de l'avocat défenseur des droits de l'homme Hassan Al-Hassani emprisonné pour avoir publié des informations sur des procès qu'il avait suivis.
M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) a déploré l'arrestation arbitraire de la juge Maria Lourdes Afiuni au Venezuela, regrettant l'abdication du système judiciaire de ce pays devant des pressions politiques ainsi que sa neutralisation par les autorités vénézuéliennes. Le représentant a demandé à la Rapporteuse spéciale de rester saisie de cette affaire et d'intervenir auprès du Gouvernement pour qu'il annule les procédures engagées contre cette juge.
M. AL-KHAZRATI HASSAN (Union des juristes arabes, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) a déclaré le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats avaient demandé à se rendre en Iraq depuis 2008 et exprimé sa préoccupation s'agissant de l'application de la peine de mort par le Tribunal suprême iraquien et la Cour spécial, dans un contexte général de l'absence de garanties d'indépendance et d'impartialité, qui sont les conditions nécessaires d'un procès équitable. Ces procès ont violé les normes internationales sur le respect des normes et principes relatives aux droits de l'homme, en particulier le droit d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial et le droit à une défense adéquate. Le Rapporteur spécial devrait continuer d'examiner le comportement de ces tribunaux, qui continuent de poursuivre des Iraquiens sans le moindre respect pour les normes minimales des droits de l'homme. Ces tribunaux ont été le résultat de l'invasion et de l'occupation américaines de l'Iraq, et cesser leurs activités; il faut mettre fin aux exécutions de civils iraquiens innocents.
M. SENGE SERING (Club international pour la recherche de la paix) a souligné que la région du Baloutchistan ne dispose pas d'un système judiciaire propice au développement de l'état de droit et de la démocratie. Il a dénoncé la grande corruption qui empêche un bon fonctionnement du judiciaire dans cette région. Beaucoup de juges sont recrutés de manière contractuelle; les autorités judiciaires relèvent du ministère qui promeut les juges qu'il veut; les ressources allouées au système sont insuffisantes; la plupart des avocats vivent dans la crainte. Le représentant a demandé à Mme de Albuquerque de venir enquêter au Baloutchistan.
Conclusions des Rapporteurs spéciaux
MME GABRIELA CARINA KNAUL DE ALBUQUERQUE E SILVA, Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, a remercié la Colombie et les Maldives de leur assistance lors des missions qu'elle a menées dans ces pays. Elle a dit souhaiter réaliser davantage de visites officielles. En réponse à la question d'une délégation, elle a précisé que l'Iran n'avait pas répondu formellement à ses demandes mais a pris contact pour une prochaine rencontre. Suite à une question de la délégation du Pakistan, elle a indiqué que son rapport thématique contenait un chapitre consacré aux décisions des tribunaux internationaux, à la demande expresse du Conseil des droits de l'homme. Mme de Albuquerque a par ailleurs remercié le Venezuela de ses réponses à ses demandes de renseignements mais s'est dite toujours préoccupée par la mise en détention d'une juge ayant appliqué une recommandation émanant d'une institution des droits de l'homme des Nations Unies. De même, elle a indiqué être saisie du cas des cinq Cubains détenus aux États-Unis et a déjà eu des entretiens à ce sujet avec les membres du Groupe de travail sur les détentions arbitraires.
S'il ne faut pas toujours se focaliser «sur ce qui ne va pas bien», a admis la Rapporteuse spéciale suite à une déclaration de la délégation de la Bolivie, son mandat n'en porte pas moins sur le renforcement de l'indépendance des juges. Elle entend aussi encourager la coopération internationale en matière de formation des magistrats, au profit de leur indépendance. Elle entend en outre s'attacher à trouver des réponses à deux grandes questions: que font les juges et magistrats, et que devraient-ils faire de plus pour protéger les droits de l'homme? Et comment les juges de toutes instances peuvent-ils appliquer la meilleure jurisprudence en matière de droits de l'homme?
M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a estimé qu'il n'existe pas à ses yeux de solution unique de contrôle des agences de services de renseignements. Selon lui, il faut au moins une autorité de contrôle, de préférence civile, et un ministère dont de tels services dépendent. Il a estimé que l'obligation des services de renseignement de rendre des comptes ne doit pas relever uniquement du judiciaire, car ce dernier aussi peut perdre son impartialité. Il a estimé qu'il existe au moins cinq obstacles aux procédures de plaintes contre les services de renseignement, dont le manque de moyens de contrôle ou encore le recours au «secret défense». Il a estimé que certains des bonnes pratiques relevées dans son rapport permettent de répondre à la question concernant l'établissement d'une véritable culture du refus d'exécuter des ordres manifestement illégaux et violant les droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a également insisté sur l'importance de la formation pour mettre en application les bonnes pratiques mentionnées dans son rapport. Il a recommandé au Haut Commissariat de fournir des conseils techniques aux États qui le demandent en utilisant la compilation des bonnes pratiques. Enfin, il a estimé qu'il ne serait pas pertinent de créer un nouvel instrument juridique international, se prononçant en revanche pour des formes de coopération internationale entre services concernés pour intégrer les bonnes pratiques identifiées.
Examen de l'étude sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte antiterroriste
Documentation
L'étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte antiterroriste (A/HRC/13/42) a été présentée hier (communiqué HRC10/059 de la mi-journée) par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, et la Vice-Présidente du Groupe de travail sur la détention arbitraire.
Débat
MME CLAIRE HUBERT (Norvège) a rappelé que l'objectif de la détention secrète est de maintenir les détenus en marge des procédures normales, privant ces personnes de leurs recours juridiques fondamentaux. La Norvège déplore qu'aucune enquête n'ait été ouverte suite à des allégations de crimes de cette nature. Le rapport a raison par ailleurs d'insister sur la mise en place de moyens de recours et de dédommagement à l'intention des victimes de ces pratiques. Le Conseil doit assumer un rôle actif dans la lutte contre ce problème et bénéficier pour ce faire de l'appui des experts des Nations Unies, a-t-elle estimé.
M. RESFEL PINO ÁLVAREZ (Cuba) a dénoncé une tendance à présenter la détention secrète comme une pratique généralisée qui, selon lui, dilue la responsabilité des États-Unis et de certains de leurs alliés occidentaux face aux violations atroces de droits de l'homme commises dans le cadre de leur prétendue lutte contre le terrorisme. Il a constaté que, si le Gouvernement du Président Obama a fait beaucoup de promesses, beaucoup de questions méritent encore d'être éclaircies. Guantánamo doit revenir à Cuba, a-t-il en outre affirmé. Les États-Unis n'ont pas totalement renoncé à la pratique de la détention secrète, qui reste courante, a ajouté le représentant, qui déplore que le Gouvernement américain actuel défende devant les tribunaux les procédures de détention secrète mises en place sous la présidence Bush. Il a regretté que le rapport ne traite pas en détail des vols secrets de la CIA et de la complicité de certains gouvernements européens, dont certains, a-t-il noté, ont refusé de coopérer avec les enquêteurs indépendants. Les États-Unis et les gouvernements européens concernés doivent assumer leurs responsabilités, a-t-il conclu.
M. PHILIP TISSOT (Royaume-Uni) a indiqué que son pays a adressé, en février dernier, une lettre à la Haut-Commissaire concernant le contenu de l'étude. Une copie de ce courrier peut être trouvée sur le site Internet du Haut Commissariat, a-t-il précisé. Il a assuré que le Royaume-Uni soutient le travail des procédures spéciales. Il a annoncé que son pays ne se rendra jamais complice du recours à la torture et que son gouvernement mettait un point d'honneur à répondre aux allégations sur ce sujet. Le Royaume-Uni présentera d'autres informations sur ces questions en temps utile.
M. SERGEY KONDRATIEV (Fédération de Russie) a exprimé sa préoccupation face aux méthodes utilisées pour la rédaction du rapport; en particulier, l'étude n'a pas été demandée par le Conseil et s'est faite au détriment d'un recensement de bonnes pratiques. En outre, les procédures spéciales ont violé un certain nombre de dispositions de leur code de conduite relatives à la qualité et à la fiabilité des sources de renseignements et à la possibilité pour les États de faire des commentaires sur ces renseignements, a déploré le représentant russe.
M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria au nom du Groupe africain) a dit condamner la pratique de la détention secrète, qui constitue un déni des droits fondamentaux des détenus. Il a toutefois présenté un certain nombre d'objections concernant des irrégularités dans la méthode utilisée par les Rapporteurs spéciaux. Il a fait remarquer que c'est la première fois qu'est présenté au Conseil un rapport qui critique spécifiquement une trentaine de pays. Il a affirmé que l'étude s'appuie sur des données non vérifiées adressées tardivement aux États, qui n'ont pas eu le temps de fournir des réponses. Il a estimé que les modalités de préparation de cette étude n'étaient donc pas de nature à encourager l'esprit de coopération au sein du Conseil, et amoindrissent la valeur de cette étude. Ces pratiques ne devraient pas être renouvelées à l'avenir, a-t-il conclu.
M. GOPINATHAN ACHAMKULANGARE (Inde) a souligné l'utilité de l'étude sur les pratiques concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il a exprimé des préoccupations de son pays au sujet de la détention secrète et notamment déploré les lacunes des lois antiterroristes élaborées après le 11 septembre 2001, ainsi que l'existence de centres de détention secrets. Pour ce qui concerne l'Inde, son représentant a expliqué que des garanties ont été ajoutées à la Constitution de son pays pour limiter le pouvoir de l'exécutif, notamment dans le cadre de l'application de l'état d'urgence. Il a souligné que certaines allégations concernant des disparitions forcées transmises à la Commission indienne des droits de l'homme sont souvent exagérées et inexactes, et il a affirmé que le rapport présente des informations incorrectes s'agissant de l'existence de centres de détention secrète dans le pays. L'Inde continuera de soutenir les procédures spéciales, a-t-il conclu.
M. JEAN BAPTISTE MATTÉI (France) a fermement condamné, en tout lieu et en toutes circonstances, tout recours à des lieux de détention secrets, aux détentions arbitraires et à la torture. Les États parties à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doivent respecter pleinement les obligations qui en découlent. Le représentant français a ajouté que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées jouait un rôle clé en matière de prévention de la torture et constituait un outil majeur pour le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il a appelé les États qui ne l'ont pas encore fait à ratifier cette Convention. La délégation française a par ailleurs mis en valeur l'indépendance et la liberté d'action des procédures spéciales pour la défense des droits de l'homme et a demandé aux rapporteurs d'expliciter la portée du droit à réparation des victimes de la détention secrète et les mesures concrètes qu'il conviendrait de prendre pour en assurer l'effectivité.
M. ARTURO HERNÁNDEZ BASAVE (Mexique) a s'est félicité de la présentation de l'étude sur les pratiques concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte antiterroriste, estimant très important que les procédures spéciales abordent des thèmes qu'ils jugent utiles pour leur mandat. Le Mexique les invite donc à continuer à procéder de la sorte. La valeur ajoutée de l'étude tient à ce qu'elle comprend des entretiens avec des victimes ainsi qu'une analyse des politiques et décisions juridiques relatives à la détention secrète, a observé le représentant. Il a enfin prié les experts d'aborder, à l'avenir, la question des réparations à octroyer aux victimes.
MME NICOLE RECKINGER (Union européenne) a affirmé que les États doivent s'assurer que les mesures qu'ils prennent pour combattre le terrorisme sont conformes aux engagements qu'ils ont pris en vertu du droit international, et en particulier des droits de l'homme, du droit des réfugiés et du droit international humanitaire. L'Union européenne réaffirme son engagement en faveur de la prévention et de la suppression de toute forme de torture ou de mauvais traitement. Les Procédures spéciales sont les yeux et les oreilles du Conseil des droits de l'homme, a affirmé la représentante, qui a ajouté que l'Union européenne soutient fermement leur indépendance et leur efficacité. Elle s'est félicitée de l'étude commune sur la détention secrète, laquelle, a-t-elle ajouté, ne peut jamais être justifiée. Cette étude entre parfaitement dans le cadre du mandat des rapporteurs, a ajouté la représentante, saluant le courage des différents experts. Elle a fait valoir que l'étude contient des observations et des recommandations, mais pas de condamnations. La représentante a ensuite demandé aux rapporteurs de préciser les difficultés qu'ils avaient rencontrées en rédigeant leur rapport. Elle a également demandé en quoi un système de protection des témoins pourrait contribuer à prévenir de futures détentions secrètes.
M. ALLEHONE MULUGETA ABEBE (Éthiopie) a partagé les préoccupations de ceux qui posent des questions de procédure sur cette étude commune sur les détentions secrètes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Comme le dit clairement le Groupe africain, la méthode retenue n'est pas favorable à un esprit positif pour le dialogue et la coopération et le document accorde du crédit à des sources non vérifiées, comme celles de Human Rights Watch, dont la crédibilité a été mise à mal dans notre région, a-t-il rappelé. Le représentant éthiopien aimerait avoir des précisions sur les critères techniques et éthiques retenus pour les interviews. Il a indiqué que les personnes détenues pour terrorisme étaient retenues dans des centres de détention tout à fait normaux et légaux. Le cadre juridique éthiopien ne permet pas les installations qui ne relèvent pas d'un contrôle indépendant, a-t-il assuré.
MME EILEEN CHAMBERLAIN DONAHOE (États-Unis) a rappelé que son pays appuie les démarches en vue de la présentation de l'étude conjointe et regrette les attaques contre l'indépendance des experts qu'elle a suscitées, même si les États-Unis ne sont pas d'accord avec toues leurs conclusions. Le Président Obama a réaffirmé la primauté du droit dans la lutte contre le terrorisme et initié une réforme des centres de détention et de transfert de prisonniers; la CIA a reçu pour instruction de ne plus ouvrir de tels centres; le Président Obama a en outre pris des mesures précises pour garantir l'accès du Comité international de la Croix-Rouge aux personnes détenues, afin de vérifier le traitement des personnes détenues de manière préventive. Ces mesures, a souligné la représentante, réaffirment l'intention du Gouvernement des États-Unis de faire respecter le principe de la primauté du droit dans les centres de détention. Certaines des questions en jeu dans le rapport sont difficiles à aborder compte tenu des exigences de sécurité nationale, a-t-elle par ailleurs observé, ce qui explique que les États ne sont pas toujours à même de discuter publiquement de tel ou tel point. Des problèmes demeurent en outre au sujet de certaines sources d'information utilisées dans le rapport, qui sont invérifiables. Reste que les auteurs ont raison de rappeler que les États sont toujours tenus de respecter le droit international dans la lutte contre le terrorisme, a conclu la représentante.
M. PETER WOOLCOTT (Australie) a déclaré que le terrorisme représentait une sérieuse menace pour les gouvernements du monde et que des mesures concrètes doivent être prises pour protéger les citoyens. Mais il est également important de veiller à ce que les mesures prises pour répliquer au terrorisme ne sapent pas les principes que nous voulons protéger, a-t-il ajouté. L'Australie s'oppose à toute forme de détention arbitraire ou secrète comme moyen de lutte contre le terrorisme. L'étude conjointe présentée est la bienvenue et permet de mettre en lumière les nombreuses manières dont la détention secrète affecte les droits de l'homme, a-t-il estimé.
M. MA WENJUN (Chine) a affirmé que les procédures spéciales doivent travailler dans le respect strict de leur mandat en toute objectivité. Le Gouvernement chinois accorde une grande importance aux droits de l'homme et s'oppose de manière forte aux détentions secrètes. Si un détenu n'accepte pas la décision des sanctions, il peut demander une procédure administrative, a rappelé le délégué chinois. La Chine est un État de droit et la délégation chinoise refuse certaines allégations figurant dans le rapport, a-t-il poursuivi. Des procès publics et justes ont été menés en Chine dans le respect du principe de souveraineté. Les détentions secrètes n'existent pas dans le pays. Concernant les incidents du 5 juillet 2009, cités dans le rapport, le représentant a avancé que la Chine a présenté en août 2009 des informations aux mécanismes spéciaux qui ont refusé ces documents et introduit ces événements dans la catégorie des détentions secrètes. Le délégué a conclu son intervention en espérant que ces procédures spéciales traiteront ces informations de manière impartiale et objective et tiendront compte à l'avenir des informations fournies par les gouvernements.
M. CHRISTIAN STROHAL (Autriche) s'est félicité des recommandations constructives des experts, qui permettront de mieux appréhender le problème des détentions secrètes. Ces pratiques, a-t-il souligné, doivent être toujours interdites; elle sont contraires à l'esprit des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Le représentant a demandé la fermeture de tous les lieux de détentions secrètes, le dédommagement des victimes et la sanction des coupables. Le représentant a en outre demandé aux experts de préciser comment le Conseil des droits de l'homme pourrait contribuer à leurs travaux.
M. JAMES JUNKE (Canada) a reconnu les objectifs essentiels que se sont fixés les rapporteurs spéciaux dans ce rapport conjoint, ajoutant que la question de la détention secrète entrait parfaitement dans le cadre des mandats des différents rapporteurs spéciaux. Toutefois, a-t-il ajouté, le Canada a des réserves sur les méthodes utilisées dans la collecte des informations, relevant notamment que les sources d'information ne sont pas toujours identifiées. Il a jugé subjectifs les termes utilisés concernant le Canada dans le rapport, ajoutant qu'ils reposent sur les affirmations des avocats de personnes qui ont déposé des plaintes contre le Gouvernement canadien dans le cas d'affaires encore en cours. En outre, les faits mentionnés dans le rapport ont fait l'objet d'une importante enquête publique au Canada, laquelle n'est pas mentionnée dans le rapport, a constaté le représentant. Il a dit contester de nombreuses dispositions du rapport concernant son pays, et notamment l'assertion selon laquelle des individus cités dans le rapport ont été appréhendés et détenus à la demande du Gouvernement. Il a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur du respect des droits de l'homme dans la lutte contre le fléau du terrorisme, ainsi que son soutien à l'indépendance des procédures spéciales et à la collaboration avec ces dernières.
M. JÜRG LAUBER (Suisse) a rappelé que les centres de détention secrète ne sont pas compatibles avec les droits de l'homme et le droit humanitaire. Il a salué l'approche universelle retenue pour l'étude concernant les questions liées à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le représentant suisse a mis en évidence trois recommandations du rapport. Premièrement, le Comité international de la Croix Rouge devrait avoir accès à tous les centres de détention dans les situations de conflits armés: l'accès du CICR ne peut être interdit qu'à titre exceptionnel et temporaire. Deuxièmement, les victimes de la détention secrète devraient disposer de garanties judiciaires effectives et la possibilité de demander réparation le cas échéant. S'agissant de la création d'un mécanisme national de prévention, le représentant suisse a fait valoir qu'une Commission nationale suisse de prévention de la torture a commencé ses travaux en janvier 2010 et soutient les efforts de la communauté internationale pour lutter contre la torture. Le délégué suisse s'est demandé comment le Conseil des droits de l'homme pourrait assurer un suivi bénéfique à cette documentation importante qui vient d'être produite.
M. HA WIE-YOUNG (République de Corée) a salué la rigueur du cadre conceptuel de l'étude conjointe, la quantité de renseignements qu'il fournit et les recommandations concrètes qu'il formule – autant d'avantages pour le Conseil. Il ne fait aucun doute que la détention secrète est l'une des plus atroces violations des droits de l'homme, a-t-il poursuivi. Aussi, a-t-il demandé aux titulaires de mandats ce qu'ils envisagent dans le cadre du suivi de ce rapport. Étant donné la gravité des allégations relatives aux détentions au secret, la République de Corée est d'avis qu'il est essentiel de mettre à jour ce rapport en conservant la possibilité d'y apporter des corrections, le cas échéant, face à des erreurs factuelles, en consultation étroite avec les gouvernements et autres parties prenantes pertinentes.
MME KSHENUKAN SENEWIRATNE (Sri Lanka) a souhaité actualiser les éléments du rapport concernant son pays en précisant que le Gouvernement avait retiré une partie importante de la réglementation d'urgence qui était en vigueur dans le pays, ajoutant que Sri Lanka ne souhaitait pas maintenir indéfiniment celles qui sont maintenues. Elle a estimé que l'étude ne présente pas une vue exacte de la situation, précisant que le Gouvernement tenait régulièrement informé le Groupe de travail sur les disparitions involontaires. Elle a par ailleurs assuré le Conseil que les détentions intervenues dans le cadre de la lutte contre le terrorisme s'inscrivent dans le cadre juridique prévu à cet effet. Elle a affirmé que, contrairement aux affirmations du rapport, les détenus n'avaient pas été mis au secret mais que leur détention a été prononcée conformément à la législation. La représentante sri-lankaise a enfin insisté sur les efforts consentis par son gouvernement pour libérer et réintégrer des milliers d'anciens combattants.
M. REINHARD SCHWEPPE (Allemagne) a souligné que la détention secrète était une infraction grave aux droits de l'homme et représente un grave problème pour l'État de droit. L'Allemagne attache une grande importance au système des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme et à leur indépendance. Les procédures spéciales s'inscrivent dans un processus efficace de protection des droits de l'homme. L'Allemagne condamne toutes les tentatives destinées à censurer ou à prévenir l'examen de ce rapport au sein du Conseil, a déclaré le représentant allemand. Les procédures spéciales ne sauraient faire l'objet de critiques de la part des membres du Conseil. En même temps, tous les pays qui le souhaitent sont invités à formuler des commentaires sur le rapport et à présenter leurs vues. S'agissant d'un cas figurant dans l'annexe du rapport (cas 9), le représentant a signalé une inexactitude dans le résumé de ce cas qui concerne le témoignage de M. Khaled El Masri et a affirmé qu'aucun élément n'indique que M. El Masri ait reçu la visite d'un membre de l'Office fédéral de police criminelle (Bundeskriminalamt) ou de toute autre personne liée au Gouvernement allemand.
MME SILVIA CAO (Argentine) a rappelé que la détention secrète viole le droit à la liberté individuelle ainsi que l'interdiction de la détention arbitraire. Si elle intervient de manière généralisée ou systématique, cette violation peut même atteindre le niveau de crime contre l'humanité. En outre, la détention au secret prolongée peut faciliter la perpétration de la torture. L'Argentine est profondément préoccupée par le fait que la détention secrète soit encore appliquée dans plusieurs régions du monde sous de multiples prétextes, qu'il s'agisse de situations d'urgence, de guerre internationale ou de lutte contre le terrorisme. Il faut donc poursuivre les efforts de prévention et de sanctions des crimes de cette nature, a poursuivi la représentante argentine. Après avoir rappelé qu'il y avait jadis plus de 500 centres de détention secrète dans son pays, elle a souligné qu'avec la restauration de la démocratie, en 1983, l'Argentine s'est fermement engagée en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme, tant au niveau interne qu'au niveau international.
M. LUVUYO NDIMENI (Afrique du Sud) a estimé que l'étude conjointe intervenait dans le contexte d'une tendance croissante de la pratique de la torture, de la détention arbitraire et des disparitions forcées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s'est dit encouragé par le fait que, depuis l'examen d'un rapport en 2006, le Conseil des droits de l'homme a de nouveau l'occasion d'examiner dans le cadre d'une étude conjointe le cas des personnes privées de liberté et sans protection. L'interdiction de la torture est indérogeable, a-t-il affirmé, ajoutant que, trop souvent, la droit à la vérité est trop souvent violé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ce qui fait obstacle par la suite à la réclamation de réparations par les victimes. Il en outre insisté sur le fait que les droits économiques, sociaux et culturels sont aussi fréquemment violés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais s'est dit encouragé par les travaux actuels menés par le Haut Commissariat et les Nations Unies. Le représentant sud-africain a estimé que l'étude contient des recommandations importantes qui devront faire l'objet d'un suivi.
MME RANIA AL RIFAIY (Syrie) s'est déclarée préoccupée par la manière non professionnelles avec laquelle le rapport a été préparé et présenté, les auteurs ont choisi la méthode contreproductive de l'opprobre, et cela à plusieurs reprises contre la Syrie. Les auteurs ont choisi de présenter certains cas de détention comme des cas de détention secrète, et ce rapport se fonde sur des allégations non vérifiées, faites par des personnes qui ne sont pas dignes de foi. Le rapport fait mention de manière inutile aux minorités du pays et adresse des demandes en leur nom; cela est une ingérence inacceptable dans les affaires internes d'un État souverain. Enfin, la déléguée syrienne a assuré qu'aucune force étrangère n'avait installé de centres de détention secrète sur le territoire syrien. Le rapport prouve que les procédures spéciales n'ont pas réussi à trouver d'éléments qui confirment leur opinion, a conclu la représentante de la Syrie, c'est un thème qui aurait du être abordé avec un plus grand sérieux. Elle a demandé que ce rapport soit revu et qu'il soit davantage tenu compte du code de conduite.
M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a accueilli avec intérêt le rapport relatif à l'étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cette étude se base sur des sources d'information dont on peut dire pour le moins qu'elles sont inhabituelles dans le cadre du travail des procédures spéciales, s'agissant en particulier de sources journalistiques, a-t-il estimé. Cette étude n'aurait pas dû évoquer les cas dont sont effectivement saisies les institutions judiciaires nationales, a-t-il ajouté. Dans les années 1990, l'Algérie a fait face au terrorisme aveugle et a pris des mesures spéciales pour protéger les personnes et les biens; les mesures prises dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme ont de tout temps respecté les droits de l'homme et les libertés fondamentales, a assuré le représentant algérien. Les autorités algériennes ont toujours souligné qu'il n'y avait pas de lieux de détention secrets en Algérie, a-t-il par ailleurs rappelé. Le CICR a visité depuis 1999 de nombreux établissements pénitentiaires et peut, depuis 2003, mener des inspections inopinées des lieux de garde à vue, a-t-il fait valoir. Enfin, le représentant algérien a dénoncé la pratique scandaleuse des détentions par procuration, ou «forced renditions», qui sont indignes des pays qui se déclarent les défenseurs, voire même les leaders en matière de droits de l'homme.
MME ANNA UGGLA (Suède) a déclaré que son pays soutenait pleinement l'indépendance des titulaires de mandat des procédures spéciales du Conseil, ajoutant qu'il leur appartient d'organiser leur travail. Elle a invité touts les États à coopérer activement avec eux. La représentante a affirmé que son pays prenait au sérieux les critiques formulées à son encontre dans le passé concernant deux cas, ceux de Mohammed Alzery et de Ahmed Agiza, et a précisé que les autorités suédoises avaient versé à ces derniers des compensations. Faisant observer que l'étude conjointe faisait largement état de craintes de représailles des victimes de détention secrète au cas où elles collaboreraient avec les titulaires de mandats, elle a demandé aux auteurs de l'étude de préciser comment la pratique de la détention secrète menaçait la liberté d'expression et quelles mesures les États pourraient prendre pour y remédier. La représentante s'est ensuite dite préoccupée de l'ampleur des violations de l'interdiction de la torture. Dans la mesure où la détention secrète ne peut que favoriser la torture, cette pratique est totalement inacceptable et devrait donc constituer en soi une violation du droit international humanitaire.
M. AKIO ISOMATA (Japon) s'est félicité de la compréhension historique et juridique de la question des détentions secrètes telle qu'elle est présentée dans le rapport. Le représentant japonais a jugé utile d'obtenir des informations pertinentes sur les violations des droits de l'homme que constituent les détentions secrètes et de les faire suivre de recommandations en matière de suivi. Il a demandé aux experts qui pont préparé le rapport de développer leur propos sur la manière dont il serait possible de mobiliser le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires sur cette question des détentions secrètes.
MME MARÍA LOURDES BONÉ (Uruguay) a commenté l'étude conjointe sur les détentions secrètes en rappelant que ces pratiques ont été récurrentes dans son pays à l'époque de la dictature militaire de 1973 à 1985. Aujourd'hui, dans un Uruguay pleinement démocratique, le Gouvernement favorise la compilation, la publication et la diffusion de «tout matériel se référant à notre passé récent qui contribue à la reconstruction de ce passé et à l'exercice de la mémoire collective pour que plus jamais cela ne se produise». La représentante uruguayenne a par ailleurs apporté le soutien de son pays aux initiatives d'études conjointes telles que celle qui est examinée ici.
M. DENIS Y. LEPATAN (Philippines) a expliqué que les victimes d'une mise en détention secrète ont, aux Philippines, la possibilité de recourir à la procédure d'amparo, ajoutant que l'étude conjointe mentionne un cas particulier pour lequel cette procédure a été appliquée. Il a dit s'interroger sur les raisons pour lesquelles d'autres victimes alléguées de détention secrète n'ont pas utilisé cette procédure. Le représentant a estimé que les quatre experts auraient dû se poser la question et faire preuve de davantage de diligence à cet égard. Le représentant a observé que la personne incriminée s'est rendue à Genève à l'occasion de l'audition des Philippines par le Comité contre la torture.
M. ZAMIR AKRAM (Pakistan) aurait trouvé plus adéquate une méthodologie transparente et estimé que l'étude aurait dû fonder les informations sur des sources plus fiables. Les disparitions forcées et les détentions secrètes ont beaucoup augmenté dans la foulée du 11 septembre 2001 et les garanties constitutionnelles protégeant les droits de l'homme ont été largement violées depuis ces événements. Au Pakistan, étant donnée la proximité d'une zone de conflit, l'État a dû lutter contre des organisations terroristes parmi les plus puissantes et les plus organisées. Certaines des têtes pensantes de la terreur ont été maîtrisées. Les trois branches du pouvoir, de même que les médias, sont là pour veiller à ce que les normes en matières de droits de l'homme s'appliquent. La Commission nationale des droits de l'homme a créé une unité pour enquêter sur les disparitions forcées et faire la lumière sur les affaires douteuses. Tout citoyen pakistanais a le droit à la protection juridique et à un accès rapide à la justice, a conclu le représentant du Pakistan.
M. LARS VOLCK MADSEN (Danemark) a souligné qu'il ne fait aucun doute que les lieux de détention au secret dans lesquels des personnes sont détenues opèrent dans un vide juridique qui est contraire au droit international relatif aux droits de l'homme. C'est notamment la raison pour laquelle tous les États Membres des Nations Unies ont pu se joindre au consensus sur la résolution adoptée l'an dernier par l'Assemblée générale au sujet de la torture – résolution qui demandait que soit assurée l'abolition des lieux de détention et d'interrogatoire secrets. Il incombe désormais au Conseil des droits de l'homme d'utiliser les conclusions et recommandations de l'étude conjointe sur la question dont il est saisi. Pour ce faire, une option pourrait consister à reprendre tel ou tel aspect de l'étude dans plusieurs résolutions différentes; une autre serait d'adopter une résolution distincte. Le représentant danois a demandé aux titulaires de mandats concernés si la détention secrète était une question qu'ils envisageaient désormais d'intégrer de manière habituelle dans leurs travaux et s'ils avaient l'intention de se pencher sur le recours à la détention secrète par des acteurs non étatiques. Il leur a également demandé de préciser ce que les États ont fait ou devraient faire en réponse aux cas évoqués dans le rapport.
MME GABRIELA CONSTANTINESCU (Roumanie) a déclaré que son pays soutenait pleinement l'indépendance et l'impartialité des titulaires de mandat, dont l'action renforce la crédibilité du Conseil des droits de l'homme. La Roumanie constate toutefois que les auteurs de l'étude n'ont pas pris en compte tous les éléments communiqués par le Gouvernement. Ainsi, les allégations selon lesquelles la Roumanie serait impliquée dans des actes liés aux transfèrements extrajudiciaires sont sans fondement, a assuré la représentante. La Roumanie dénonce toute forme de torture ou autres actes cruels ou inhumains.
M. HARI ODARI (Népal) a déclaré le Népal attachait une grande importance aux travaux des titulaires de mandats et estime que l'indépendance, l'impartialité, la non-sélectivité et d'objectivité doivent être à la base de leur travail. Le représentant a constaté que les observations sur le Népal figurant dans le rapport découlent d'un certain nombre d'informations contestables. Le Gouvernement népalais a pourtant fourni des éclaircissements sur ces questions à plusieurs reprises et a répondu aux titulaires de mandats. Les points de vue du Gouvernement n'ont pas été pris en compte dans le rapport ni dans ses annexes, ce qui déçoit beaucoup la délégation népalaise. Le Gouvernement népalais s'engage à coopérer activement et de manière constructive avec les titulaires de mandat et a rappelé que même dans les périodes les plus graves du conflit, le Népal leur a fourni sa pleine coopération. Le représentant a assuré qu'une vigilance particulière a été accordée durant les opérations de lutte contre les insurgés. Le pays a maintenant dépassé ce conflit et est déterminé à faire appliquer la justice.
M. VICENTE ZERAN (Chili) a rappelé que le droit international interdit la détention dans des lieux secrets car cette pratique enfreint les normes du droit international et du droit humanitaire. Il a souligné que le travail conjoint des acteurs internationaux améliore la capacité d'analyse du Conseil et contribue à approfondir une action coordonnée permettant d'améliorer son efficacité aux fins de la promotion et de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le représentant chilien a souhaité savoir si des instruments internationaux tels que la Convention contre la torture ont contribué à réduire ces pratiques.
Déclarations d'organisations non gouvernementales
M. GERALD STABEROCK (Commission internationale de juristes, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2) a dénoncé le fait que la détention secrète restait une pratique courante. Faute d'action radicale, cette pratique abusive s'enracinera, a mis en garde le représentant. La Commission préconise, entre autres mesures, une interdiction explicite de cette pratique, un renforcement du contrôle juridique des mises en détention et un contrôle accru de l'activité des agences de renseignement. Enfin, il est essentiel de mettre un terme à l'impunité qui entoure ces pratiques et de prévoir des dédommagements à leurs victimes, a conclu le représentant.
MME LESLIE BUTTERFIELD (Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme) a salué l'observation dans le rapport selon laquelle la détention secrète viole le droit à la liberté personnelle et l'interdiction de l'arrestation ou la détention arbitraires. Aucune autorité ne devrait permettre aux personnes d'être privées de leur la liberté dans le secret pendant des périodes potentiellement illimitées, hors du champ d'application de la loi, sans possibilité de recourir à des procédures juridiques, y compris l'habeas corpus. La détention secrète équivaut à une disparition forcée. Le représentant a en outre exprimé sa préoccupation s'agissant du sort et du bien-être du onzième Panchen Lama; les autorités chinoises doivent répondre aux recommandations formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et par le Comité des droits de l'enfant sur le sort de ce chef spirituel.
M. ISHTIYAQ HAMEED (International Human Rights Association of American Minorities) a salué le travail des quatre titulaires de mandat. La détention secrète est une violation du droit à la liberté personnelle, a-t-il poursuivi, ajoutant qu'aucune juridiction ne devrait permettre aux personnes d'être privées de leur liberté dans le secret pendant des périodes potentiellement illimitée, en dehors du cadre juridique. Des registres de détenus doivent toujours être tenus à jour, y compris en période de conflit, comme le prévoient les Conventions de Genève, a-t-il souligné. La détention secrète peut constituer un acte de torture et de mauvais traitement et revient à une disparition forcée et involontaire, a insisté le représentant. Il a dénoncé les pratiques de détention secrète dans le Cachemire indien occupé et a demandé aux procédures spéciales de mettre en place un groupe d'enquête indépendante concernant ces allégations.
M. DAISUKE SHIRANE (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a déploré que Sri Lanka n'ait toujours pas donné de réponse aux plus de 30 000 plaintes déposées pour disparitions forcées depuis plus de vingt ans. Depuis la création du Groupe de travail sur les disparitions forcées, plus de douze mille cas ont été transmis au Gouvernement. La situation est grave du fait de la véritable impunité qui couvre encore les auteurs de ces disparitions, a regretté le représentant.
MME KIMBERLY IRISH (Human Rights Advocates) a dénoncé le phénomène de privatisation des prisons, qui permettent davantage de violations des droits de l'homme et de détentions arbitraires. Elle a demandé à ce que les normes en matière de droits de l'homme, pour les migrants notamment, soient appliquées aussi bien dans les prisons publiques que dans les prisons privées, qui sont particulièrement fréquentes en Australie. Les États parties qui ont recours aux sociétés privées pour les détentions doivent s'assurer que les conditions de détention respectent les normes de droits de l'homme. La représentante a demandé aux experts qui ont préparé l'étude s'ils ont eu l'occasion de se pencher sur les conséquences de l'incarcération dans des prisons privées.
MME ALEXANDRA KOSSIN (Organisation mondiale contre la torture - OMCT, au nom également de la Fédération internationale de l'ACAT - Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - FIACAT) s'est félicitée de l'étude conjointe concernant les détentions secrètes dont la présentation devant le Conseil a rencontré des difficultés. Cette pratique de la détention au secret menace de compromettre les objectifs de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme sur la base desquels le Conseil a été créé, a-t-elle souligné, ajoutant que, comme le souligne l'étude, la détention secrète facilite la torture, voire y équivaut. Aucun impératif de sécurité nationale ne saurait justifier que soient violées des normes de droits de l'homme aussi fondamentales, a souligné la représentante de l'OMCT. Elle a demandé aux auteurs de l'étude s'il ne serait pas opportun que le Conseil adopte une résolution demandant aux États d'enquêter sans délai sur les révélations contenues dans le rapport et de rendre justice à toutes les personnes impliquées dans cette pratique illégale.
Conclusions des titulaires de mandat auteurs de l'étude
MME SHAHEEN SARDAR ALI (Vice-présidente Groupe de travail sur les détentions arbitraires) a souligné que les mécanismes de protection des droits de l'homme sont aussi solides et efficaces que le veulent les gouvernements. L'initiative prise par les quatre procédures spéciales se justifie, d'une part, par le fait que le problème des détentions secrètes est une violation flagrante de plusieurs droits de l'homme; et d'autre part par le fait que cette démarche s'inscrit dans le cadre de l'architecture des droits de l'homme des Nations Unies, a expliqué Mme Ali. Les titulaires n'ont donc pas outrepassé leur mandat. Mme Ali a encore relevé que la détention secrète n'apparaît pas en tant que telle dans les travaux relatifs à la protection des droits de l'homme. C'est pourquoi il a été difficile de mettre au point la méthode de travail. Celle qui est proposée, qui n'est pas parfaite, repose néanmoins sur de nombreuses sources primaires et secondaires, dans le respect de l'équité. Le groupe d'experts a travaillé en collaboration avec les États, dont les réponses sont dans une large mesure retranscrites dans le rapport. Elle a toutefois tenu à souligner également que de nombreuses personnes ont refusé leur collaboration avec les experts de crainte de représailles.
M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a notamment déclaré, en ce qui concerne les observations sur les bonnes pratiques en matière de réparation pour les victimes, que la Suède offrait un bon exemple en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations dans ce domaine. S'agissant de la règle de l'habeas corpus, le rapport a considéré qu'il s'agissait d'un droit indérogeable dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui s'applique également pendant les états d'urgence et de conflit armé. S'agissant de l'affaire El-Masri soulevée par l'Allemagne, le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que l'annexe en question du rapport est un résumé des entrevues avec les personnes concernées et non les conclusions des experts, qui figurent dans le corps du texte. En réponse à une autre question, le Rapporteur spécial a rappelé qu'il avait déjà abordé la question des assassinats ciblés, en particulier dans son rapport de mission sur une visite en Israël.
S'agissant du lien entre détention au secret et liberté d'expression, le Rapporteur spécial a attiré l'attention sur le problème de la crainte de représailles qui a un effet dissuasif dans le domaine de la détention secrète. Il a assuré que le groupe d'experts s'est efforcé d'inclure les réponses des gouvernements dans le rapport, bien qu'il soit possible qu'il y ait eu des omissions. Il a par ailleurs indiqué que les observations finales adoptées par les organes conventionnels ont été une source pour d'informations pour la rédaction du rapport, et non les allégations des personnes qui portent plainte auprès de ces organes.
M. Scheinin a indiqué que le groupe d'experts n'avaient pas de plans pour la poursuite de ce travail, et s'en remettait au Conseil à cet égard.
1Déclaration conjointe: Union des juristes arabes, Nord-Sud XXI, Fédération générale des femmes iraquiennes, Union des avocats arabes, et l'Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.2Déclaration conjointe: Commission internationale de juristes, Human Rights Watch, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et Amnesty International.
Rectificatif:
Dans le compte rendu de séance du 2 juin (matin: HRC/10/58), la déclaration de MME DANIELA MCBANE, de Nord-Sud XXI, était une déclaration conjointe au nom également de l'Union des juristes arabes; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; et l'Union des avocats arabes).
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC10/061F