Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SA RÉUNION-DÉBAT ANNUELLE SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES FEMMES

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin sa réunion-débat annuelle consacrée aux droits fondamentaux des femmes, consacrée cette année à l'autonomisation des femmes par l'éducation, avec la participation de sept panelistes, experts de ces questions.

La discussion a été ouverte par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung-wha Kang, qui a fait observer qu'une fille privée d'une bonne éducation sera plus vulnérable et moins susceptible de tirer parti des chances qui s'offrent à elle, alors qu'une fille instruite verra sa vie changer radicalement, en particulier sa santé. Elle a rappelé que, bien le droit à l'éducation était inscrit dans de nombreux instruments internationaux des droits de l'homme, les fillettes ne bénéficiaient pas encore toutes des avantages de la scolarisation primaire.

M. Vernor Muñoz Villalobos, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, a notamment souligné que l'accès à l'école des fillettes n'était pas suffisant à lui seul, puisque certains aspects liés aux pratiques patriarcales limitent l'autonomie féminine et éloignent les fillettes et les adolescentes de l'éducation. Le Rapporteur spécial a par ailleurs estimé que le manque d'éducation sexuelle dans nombre de systèmes éducatifs avait directement contribué au maintien de relations asymétriques et abusives et à la prédominance du machisme et de la violence contre les femmes.

Mme Catarina De Albuquerque, experte indépendante sur la question des obligations en rapport avec les droits de l'homme qui concernent l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, a mis en lumière le lien entre absence d'accès garanti à l'eau potable et la plus faible scolarisation des fillettes, à qui incombe le plus souvent la tâche de se procurer de l'eau, et qui doivent en outre rester à la maison pour soigner les membres de la familles rendus malades du fait du manque d'eau potable. Il est estimé que l'accès à l'eau potable augmenterait de 11% le nombre de fillettes fréquentant l'école.

Mme Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a déclaré que cette violence était à la fois un symptôme et une conséquence du problème plus vaste de l'inégalité entre les sexes, lequel doit être combattu dans tous les domaines et notamment celui de l'éducation. Estimant que les écoles sont un lieu propice au changement normatif, elle a estimé que c'était là que devaient être prises des mesures stratégiques de lutte contre les inégalités entre les sexes.

Mme Cecilia Baldeh, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a rappelé que, si l'éducation est un droit dont devrait jouir tous les enfants, l'objectif de l'universalité de l'éducation primaire ne sera pas atteint en 2015. Elle a précisé que, sur plus de 70 millions d'enfants en âge d'être scolarisés au niveau du primaire et qui ne le sont pas, 54% sont des filles et que la plupart des pays en retard sont des pays à faible revenu.

Mme Susana Villarán de la Puente, experte du Comité des droits de l'enfant, a rappelé que la Convention relative aux droits de l'enfant oblige à fournir une éducation sans aucune forme de discrimination, mais a rappelé que divers facteurs faisaient, de fait, obstacle à l'accès des filles à l'école.

Mme Amina Lemrini, membre du Conseil consultatif des droits de l'homme du Maroc, a pour sa part souligné que l'école était à la fois un facteur d'autonomisation des femmes par le savoir et un vecteur de dissémination des stéréotypes sexistes qui dévalorisent les femmes et reproduisent ainsi la culture patriarcale. Mme Neha Sood, de la Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (Inde), a elle aussi constaté que la scolarisation des filles n'entraînait pas ipso facto l'autonomisation des femmes, et qu'il fallait un contexte plus général d'amélioration de la condition de la femme, de réalisation des droits fondamentaux et d'égalité entre les sexes.

Au cours des échanges, il a été unanimement reconnu que l'éducation est un droit essentiel et que sa réalisation pour les femmes et fillettes contribue de manière déterminante à l'autonomisation des femmes, ainsi qu'au développement de la société dans son ensemble. Plusieurs délégations ont mis en avant les conséquences positives de l'éducation des femmes sur la santé: baisse de la fertilité, mais aussi de la mortalité maternelle et infantile, meilleure hygiène, recul de l'âge du mariage. Il a toutefois été observé que, si l'éducation est une condition indispensable de l'autonomisation des femmes, elle n'y suffit pas puisque, dans de nombreux pays, la proportion des femmes ayant reçu une éducation supérieure est plus élevée que celle des hommes et que, pourtant, leur participation aux échelons les plus élevées de la vie politique ou économique est loin d'être aussi importante. En outre, certains intervenants ont rappelé que l'éducation devait contribuer à la lutte contre les stéréotypes favorisant la ségrégation homme-femme, et non les perpétuer, alors que d'autres rappelaient que divers facteurs externes, comme les mariages précoces, contribuent à la discrimination des filles dans l'enseignement, de même que l'incidence de certaines maladies comme la tuberculose ou le paludisme. L'accent a également été mis sur la coopération internationale et la nécessité de dégager des ressources en faveur de la promotion du droit à l'éducation. Plusieurs délégations ont souligné le rôle que sera appelée à jouer la nouvelle instance des Nations Unies destinée à remplacer les quatre instances actuellement chargées par les Nations Unies de veiller aux droits fondamentaux des femmes.

Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Chili, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Espagne (au nom de l'Union européenne), France, Chine, Italie, Cuba, Turquie, Lituanie (au nom de la communauté des démocraties), Inde, Slovénie, Belgique, Guatemala, Nigéria (au nom du Groupe africain), Finlande, Sri Lanka, États-Unis, Arabie saoudite, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Brésil, Fédération de Russie, Égypte, Colombie (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), Irlande, Nouvelle Zélande, Maroc, Argentine, Portugal, Paraguay, Algérie, Suède, Pakistan, Royaume-Uni, Sénégal, Indonésie, Vietnam (au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est - ASEAN), Yémen, Thaïlande, Qatar, Panama, Norvège, Tunisie, Iran, République de Corée, Iraq, Slovaquie, Soudan, Bangladesh, Azerbaïdjan et Hongrie.

Sont également intervenus les représentants des institutions nationales de droits de l'homme et organisations non gouvernementales suivantes: Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme; Verein Sudwind Entwicklungspolitik; Association civile des filles mères (MADRE); Interfaith International; Worldwide Organization for Women et Union internationale humaniste et laïque.


Le Conseil des droits de l'homme poursuit ses travaux cet après-midi à 15 heures pour conclure le dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, l'experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté et la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences. Il devrait ensuite porter son attention sur les rapports thématiques de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Le Président du Conseil a par ailleurs indiqué que l'examen du rapport sur le Soudan était reporté à la prochaine session du Conseil à la demande Groupe africain.


Journée annuelle consacrée à l'examen des droits fondamentaux des femmes

Déclaration liminaire

MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a introduit le débat sur les droits fondamentaux des femmes en observant qu'une fille privée d'une bonne éducation sera plus vulnérable et moins susceptible de tirer parti des chances qui peuvent s'offrir. Or, c'est justement la situation que vivent de trop nombreuses jeunes filles dans le monde entier: sur 130 millions d'enfants déscolarisés, 70% sont des filles. Une fille instruite voit sa vie changer radicalement: protection contre le mariage précoce ou forcé, recul du VIH/sida, moins de complications durant la grossesse et l'accouchement, à quoi s'ajoutent les avantages économiques pour les familles. Certaines analyses montrent qu'une augmentation du taux de scolarisation secondaire des filles de 20% seulement entraînerait une croissance économique de 3% au niveau des États. La principale cause de décès chez les filles de 15 à 19 ans est liée aux complications liées à la grossesse. Ce problème, de même que d'autres indicateurs de santé inquiétants, sont corrélés aux faibles taux d'alphabétisation des femmes. Certaines interventions de santé peu coûteuses peuvent réduire de manière importante le nombre de décès maternels. Mais le manque d'éducation empêche les femmes de tirer parti des avantages de l'espacement des naissances, de la contraception et de la diététique. En outre, dans certains pays, le niveau d'éducation est un déterminant clé de la qualité des soins, les femmes moins instruites étant victimes de discrimination dans l'accès aux institutions de santé.

Le droit à l'éducation est posé par de nombreux instruments internationaux des droits de l'homme aux niveaux tant international que régional, à commencer par la Déclaration universelle des droits de l'homme, a souligné la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme. Les États doivent à ce titre accorder la priorité à l'éducation primaire universelle, obligatoire et gratuite. Malgré cela, les fillettes ne bénéficient pas encore toutes des avantages de la scolarisation primaire, à tel point qu'au rythme actuel, le troisième objectif du Millénaire pour le développement ne sera probablement pas atteint dans les délais, a déploré Mme Kang. La réalisation du droit à l'éducation des femmes conditionne donc la réalisation de leurs droits fondamentaux. À cet égard, il importe d'appliquer les normes et principes consacrés par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, notamment dans le domaine de la formation professionnelle et supérieure. La persistance des comportements traditionnels contribue au retard des filles en matière scolaire et les prive des compétences et connaissances nécessaires pour entrer sur le marché du travail et dans la vie politique et publique. C'est pourquoi les femmes ne représentent qu'un faible pourcentage des élus au niveau mondial, de même qu'elles sont peu représentées aux échelons dirigeants des syndicats, de la justice et des autorités locales, par exemple.

Si c'est aux États qu'incombe au premier chef la responsabilité de veiller au respect du droit à l'éducation de tous les citoyens - ils doivent en particulier respecter, protéger et concrétiser ce droit - il appartient cependant à toutes les parties concernées de réfléchir aux rôles qu'elles doivent assumer dans la réalisation du droit à l'éducation des femmes et des filles, a conclu Mme Kang.

Interventions des panélistes

M. VERNOR MUÑOZ VILLALOBOS, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, a rappelé que les premiers systèmes éducatifs sont apparus, il y a quelques siècles, dans le contexte de croyances et d'attitudes patriarcales qui continuent d'avoir un impact négatif sur l'école de notre époque. Aussi, a-t-il fallu redéfinir la nature et les objectifs des systèmes éducatifs tant il était évident qu'il fallait combattre les grandes discriminations existantes en matière d'accès à l'école et de contenus éducatifs. Cette réalité a exigé des États bien davantage que la simple promulgation de lois ou la seule adoption de politiques publiques qui, dans la pratique, sont néanmoins lacunaires en ce sens qu'elles ne tiennent pas compte des inégalités économiques, sociales et culturelles existantes, qui touchent particulièrement les femmes.

On estime à au moins 55 millions le nombre de filles qui ne sont pas scolarisées dans le monde et à au moins 23 le nombre de pays qui risquent de ne pas atteindre d'ici 2015 l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à l'universalisation de l'éducation primaire, a poursuivi le Rapporteur spécial. L'accès à école, à lui seul, n'est pas suffisant, a par ailleurs souligné M. Muñoz Villalobos. Certains aspects liés aux pratiques patriarcales entravent l'autonomie féminine et tiennent les fillettes et les adolescentes à l'écart de l'éducation, notamment s'agissant des mariages, des grossesses et des maternités précoces ou non désirées. Le manque d'éducation sexuelle dans nombre de systèmes éducatifs a directement contribué au maintien de relations asymétriques et abusives et à la prédominance du machisme et de la violence contre les femmes. Selon le Rapporteur spécial, les enseignants devraient disposer et recourir à un matériel qui remette en question le code de conduite culturel qui sape les droits des femmes. Il a par ailleurs déploré que, dans nombre de pays, il n'existe pas de normes claires permettant de prévenir et sanctionner le harcèlement et les abus sexuels à l'école. Concrètement, a conclu l'expert, le droit à l'éducation des femmes implique que les hommes apprennent à assumer les relations sociales et familiales, en faisant preuve de respect et de responsabilité.

MME CATARINA DE ALBUQUERQUE, experte indépendante sur les droits de l'homme et l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, s'est dite convaincue que l'éducation était au centre de l'autonomisation, particulièrement pour les victimes de discriminations, y compris les femmes et les fillettes. Lorsque ces discriminations sont profondément ancrées dans les sociétés, l'éducation représente l'élément transformateur qui permet d'éliminer ces violations des droits de l'homme. Si des progrès ont été réalisés durant les dernières années pour garantir le droit des fillettes à l'éducation, elles restent moins nombreuses que les garçons à aller à l'école, et plus nombreuses à abandonner leur scolarité, a poursuivi l'experte.

Mme de Albuquerque a souligné que cette situation est notamment liée à l'accès à l'eau potable et à l'assainissement. En effet, l'absence d'accès garanti à l'eau potable oblige à parcourir de longues distances pour se procurer de l'eau et c'est dans l'immense majorité des cas aux femmes et fillettes qu'incombe cette tâche, a rappelé l'experte, qui a précisé que, selon les estimations, les femmes et fillettes en Afrique rurale passent jusqu'à un quart de leur vie à aller chercher de l'eau. Il en résulte inévitablement des conséquences sur l'aptitude des fillettes à aller à l'école: elles n'ont parfois pas le temps de s'y rendre et, quand elles peuvent le faire, elles sont souvent trop fatiguées pour bien apprendre.

En outre, fillettes et garçons souffrent des conséquences néfastes pour la santé du manque d'eau potable et d'accès à l'assainissement. On estime à 443 millions le nombre de jours de scolarité perdus chaque année en raison de maladies dues à de l'eau contaminée. Là encore, les capacités des enfants malades à apprendre sont réduites et, en outre, les filles doivent rester à la maison pour s'occuper des membres malades de la famille. L'experte indépendante a également insisté sur l'importance de l'accès à l'hygiène: certains enfants, notamment les fillettes, n'osent parfois plus se rendre à l'école par honte car on se moque de leur mauvaise odeur. On estime que le nombre de fillettes qui vont à l'école augmenterait de 11% si elles avaient toutes accès à l'eau potable et à l'assainissement. L'experte a précisé qu'inversement, les femmes éduquées transmettent à leurs filles les règles en matière d'hygiène, ce qui favorise leur fréquentation de l'école.

MME RASHIDA MANJOO, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a déclaré que cette violence est à la fois un symptôme et une conséquence du problème plus vaste de l'inégalité entre les sexes, lequel doit être combattu dans tous les domaines, et notamment celui de l'éducation. Mme Manjoo s'est dite encouragée par les efforts des États et d'autres acteurs non étatiques en vue de la promotion de l'éducation des femmes. L'un des principaux obstacles à cet égard réside dans les violences commises en particulier contre les filles: le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, commis dans de nombreux cas par les enseignants eux-mêmes; mais aussi la crainte des risques liés aux trajets parcourus sur le chemin de l'école (agressions sexuelles, enlèvements), qui compromettent l'estime de soi des filles, leur succès scolaire et, à terme, leur bien-être et leur santé.

Les écoles sont un lieu propice au changement normatif: c'est donc à ce niveau que devraient être prises des mesures stratégiques de lutte contre les inégalités entre les sexes, notamment par l'adoption de lois interdisant explicitement les châtiments corporels, les agressions verbales, le harcèlement, la violence physique et sexuelle; de plans d'action nationaux bien financés de sensibilisation de tous les intervenants du milieu scolaire au problème de la violence contre les femmes. La Rapporteuse spéciale a en outre préconisé que des mécanismes de plainte indépendants et confidentiels soient créés pour venir en aide aux filles victimes de violence à l'école, avec à la clé des sanctions contre les coupables. Les États doivent enfin lever les obstacles à l'accès des filles à l'école et à l'éducation, notamment par l'adoption de mesures ciblées en leur faveur et par la promotion de méthodes d'éducation informelles pour les filles et les femmes. Le Conseil des droits de l'homme doit quant à lui encourager les États membres à prendre en compte les recommandations qui seront formulées dans le cadre de cette discussion.

MME CECILIA BALDEH, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a rappelé que l'éducation était un droit dont devraient jouir tous les enfants. Or, l'universalité de l'éducation primaire ne sera pas une réalité en 2015 dans tous les pays. Elle a ajouté que les filles représentent près de 54% des 70 millions d'enfants dans le monde en âge d'être scolarisés au niveau du primaire et qui ne le sont pas. La plupart des pays en retard à cet égard sont des pays à faible revenu: tout ceci est dans une large mesure dû à un mauvais financement de l'éducation, a poursuivi Mme Baldeh. Certains pays à revenu moyen sont également confrontés aux risques de ne pas parvenir à l'universalisation de l'éducation primaire en raison des inégalités existantes chez eux entre riches et pauvres, a-t-elle ajouté.

Il convient dans ce contexte de se concentrer sur la lutte contre les inégalités, l'exclusion et les discriminations, a déclaré Mme Baldeh. L'éducation des filles doit être une priorité, a-t-elle ajouté. L'UNICEF s'efforce, pour sa part, d'aider les pays à traiter des discriminations systématiques et de combler les écarts entre garçons et filles, a-t-elle indiqué. Il faut trouver une solution durable au financement insuffisant des systèmes d'éducation dans les pays pauvres et parvenir à redistribuer les richesses en faveur des pauvres et des groupes marginalisés, a insisté Mme Baldeh. Malheureusement, a-t-elle déploré, on ne voit se profiler aucun mécanisme de financement susceptible d'aider les pays lacunaires en termes d'éducation; aussi, Mme Baldeh a-t-elle plaidé en faveur de l'instauration d'un tel mécanisme à l'échelle mondiale.

MME SUSANA VILLARÁN DE LA PUENTE, experte du Comité des droits de l'enfant, a déclaré que l'éducation permettait de donner aux enfants les «outils de construction et de choix de leur vie». Pour le Comité des droits de l'enfant, l'éducation des filles fait l'objet d'une attention particulière, a-t-elle expliqué, relevant les fossés éducatifs entre garçons et fillettes à la fois dans l'éducation supérieure et dans l'éducation primaire. La Convention relative aux droits de l'enfant oblige à fournir une éducation sans aucune forme de discrimination, donc sans discrimination entre les sexes, a-t-elle rappelé. Il faut donc assurer le même accès à l'éducation aux filles qu'aux garçons, mais aussi veiller à ce que le contenu des programmes reflète cette égalité, a ajouté l'experte. Elle a constaté que les filles arrêtent souvent leur éducation plus tôt et que le mariage, surtout précoce, des fillettes, signifie souvent l'arrêt de leur éducation scolaire. Elle a noté qu'en cas de fermeture d'écoles pour cause de catastrophe naturelle ou autre, ce sont souvent les fillettes qui sont d'abord tenues à l'écart. Elle a attiré l'attention sur les châtiments corporels imposés aux fillettes rebelles dans les écoles et les stéréotypes de la fillette scolarisée soumise. Enfin, elle a rappelé que les tâches domestiques, qui concernent bien davantage les fillettes que les garçons, retiennent les filles à l'écart de l'école.

Avant de conclure, Mme Villarán de la Puente a recommandé de financer correctement tous les programmes de formation sans discrimination; de promouvoir l'éducation aux droits de l'homme et aux droits sexuels et reproductifs; de travailler sur les méthodes éducatives; d'améliorer la participation des femmes et fillettes à la citoyenneté et ce, à tout niveau de la prise de décision; d'élaborer des indicateurs de progrès et d'impact des programmes; et de combattre le manque de visibilité s'agissant des problèmes d'accès des filles à l'éducation.

MME AMINA LEMRINI ELOUAHABI, membre du Conseil consultatif des droits de l'homme du Maroc, a rappelé le paradoxe révélé par de nombreuses études selon lequel, alors même qu'il est démontré que l'accès à l'éducation a un impact formidable sur le statut des femmes et leur avenir, les filles, qui réussissent généralement mieux que les garçons, sortent pourtant souvent du système éducatif avec une vision négative d'elles-mêmes et en ayant, tout comme les garçons, intégré la hiérarchie des sexes. Ce qui montre que l'école est à la fois un facteur d'autonomisation des femmes par le savoir et un vecteur de dissémination des stéréotypes sexistes qui dévalorisent les femmes et reproduisent ainsi la culture patriarcale, a-t-elle souligné. Mme Lemrini a ainsi mentionné les programmes d'histoire qui, sans paraître discriminatoires, occultent la contribution des femmes au passé de l'humanité, ainsi que les manuels scolaires, et en particulier leurs illustrations, où les femmes n'ont souvent comme statut que celui d'épouse ou de mère. Elle a ajouté que, selon des études de l'UNESCO dans plusieurs pays, les garçons reçoivent souvent davantage d'attention que les filles de la part des enseignants, notamment dans les disciplines scientifiques; en outre, les professeurs attribuent volontiers les mauvais résultats des garçons à un manque d'effort mais ceux des filles à des capacités intellectuelles limitées. Elle a ainsi dénoncé, en plus du curriculum officiel, un curriculum caché qui transmet des normes de comportements sociaux défavorables aux femmes et fillettes.

Mme Lemrini a suggéré plusieurs échelles d'intervention. La première concerne l'école elle-même, où la promotion de la culture de l'égalité ne doit être ni une simple transmission de connaissances factuelles ni un acte d'endoctrinement mais doit être la conscientisation critique qui fonde l'éducation aux droits de l'homme. La deuxième concerne l'environnement politique et social de l'école: Mme Lemrini a rappelé à cet égard que les réformes porteuses de changement social et notamment des relations entre hommes et femmes avaient des effets sur l'école, et a cité dans ce contexte l'adoption du nouveau code de la famille au Maroc en 2005. La troisième échelle d'intervention, a-t-elle poursuivi, est tributaire de la volonté partagée de la communauté internationale. Elle a fait remarquer à cet égard que la Décennie pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme a permis de grands progrès dans certains pays, dont le Maroc. Elle a déclaré qu'alors que se prépare un projet majeur sous la forme de projet de Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, la communauté internationale se devait de soutenir politiquement le fait que l'éducation, la formation et la sensibilisation à l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le bannissement de stéréotypes sexistes constituent une composante structurante de cette Déclaration et des engagements des États.

MME NEHA HOOD, de Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (Inde), a rappelé que les filles bien formées et informées ont davantage de chances de réussir. L'objectif doit-il être d'améliorer les indicateurs ou la vie des femmes, a-t-elle demandé? Selon elle, l'éducation implique davantage qu'apprendre à lire et à écrire: elle doit permettre l'épanouissement des personnalités, des talents et des valeurs. Les programmes scolaires doivent contribuer à l'autonomisation des femmes grâce à des enseignements précis dans un certain nombre de domaines: sexualité, anatomie, image corporelle, méthodes de contraception, santé sexuelle. L'accent doit porter sur la déconstruction des mythes et tabous entourant la sexualité et qui empêchent les femmes de décider pour elles-mêmes, de garantir leur santé et d'atteindre leur plein potentiel. L'éducation primaire est une étape cruciale durant laquelle les jeunes se déterminent quant à leur identité sexuelle en particulier. Elle doit donc être le lieu du changement des attitudes et normes sociales relatives à la sexualité et à la relation entre les sexes, a observé Mme Hood. L'action doit aussi porter sur l'éducation des acteurs sociaux aux problèmes du patriarcat, des normes en matière de genre et des déséquilibres entre les sexes, en particulier les forces de l'ordre, les éducateurs, les dirigeants politiques et les fonctionnaires.

La scolarisation des filles n'entraîne pas ipso facto l'autonomisation des femmes, a conclu Mme Hood. L'éducation doit d'une part améliorer la capacité des femmes et des filles à faire des choix, et d'autre part équilibrer les relations entre les sexes et remédier aux inégalités sociales. Les mesures éducatives, sanitaires et professionnelles en faveur des filles et des femmes doivent s'inscrire dans un plan plus général d'amélioration de la condition des femmes, de réalisation de leurs droits fondamentaux et d'égalité entre les sexes.

Aperçu des déclarations

Au cours de l'échange de vues qui a suivi ces présentations liminaires, la plupart des intervenants ont souligné que l'éducation est un droit de l'homme essentiel dont la réalisation contribue de manière déterminante à l'autonomisation des femmes. L'éducation est l'un des moyens les plus importants de capacitation des femmes, a notamment souligné le représentant de l'Inde. Éduquer l'individu, c'est le rendre autonome, a quant à lui souligné le représentant du Chili. Tous les membres de la société, et pas seulement les femmes elles-mêmes, doivent œuvrer à l'autonomisation des femmes, a-t-il ajouté, jugeant en outre essentiel de réaffirmer que les femmes ne sont pas nécessairement vulnérables et qu'elles sont avant tout titulaires de droits. L'éducation est un élément important pour promouvoir l'égalité entre hommes et femmes, a ajouté la représentante de la Chine.

Le représentant de l'Espagne, au nom de l'Union européenne, a rappelé que l'éducation n'était pas le seul facteur permettant aux femmes d'exercer tous leurs droits; mais sans elle, elles ne parviendront pas à l'autonomie. L'important, en la matière, n'est pas tant le taux de scolarisation des femmes que le taux d'achèvement de la scolarité pour les femmes et leur participation active à la société, a souligné le représentant espagnol. Nombre de filles sont déscolarisées en raison de mariages précoces, a-t-il déploré; le mariage précoce est synonyme de déni du droit à l'éducation, a-t-il insisté. Nombre d'intervenants ont eux dénoncé les pratiques traditionnelles entravant l'éducation des femmes, notamment les mariages précoces et les mutilations génitales féminines. Les filles soumises à des mutilations génitales féminines sont souvent vouées à des mariages précoces, a souligné le représentant de l'Italie.

La représentante de l'organisation non gouvernementale Verein Sudwind Entwicklungspolitik a dénoncé la polygamie et l'impunité pour les maris qui violentent leurs femmes. La représentante de l'organisation non gouvernementale Association civile des filles mères (MADRE) a rappelé que le droit à l'éducation est en étroite corrélation avec la violence contre les femmes. Elle a dans ce contexte attiré l'attention sur la vulnérabilité des femmes aux viols dans le contexte des importants déplacements de personnes provoqués par le séisme qui a frappé Haïti en janvier dernier.

Le représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, a déclaré que l'islam ne nie ni ne restreint le droit à l'éducation des femmes et des filles. Le déni du droit à l'éducation, où que ce soit, au nom de la religion, est le fruit de l'ignorance, a-t-il insisté.

La représentante de la Slovénie a souligné qu'une éducation de qualité permettait de dépasser les stéréotypes sexistes.

Plusieurs pays ont fait part des mesures qu'ils ont prises, au niveau interne, afin de promouvoir l'éducation des femmes. Certains, comme la Turquie, ont rappelé que l'égalité entre hommes et femmes est un principe inscrit dans la constitution. Le représentant de l'Inde a aussi attiré l'attention sur l'amendement apporté à la Constitution indienne proclamant le droit à l'éducation comme un droit fondamental.

L'accent a également été mis sur la nécessité de dégager des ressources en faveur de la promotion du droit à l'éducation, afin d'être en mesure d'atteindre le troisième objectif du millénaire pour le développement, et sur l'importance d'investir dans des programmes d'alphabétisation et de formation professionnelle.

La France s'est dite favorable à ce que le Conseil crée un nouveau mandat qui sera chargé de la lutte contre les discriminations à l'égard des femmes.

La représentante de Cuba a attiré l'attention sur la troisième conférence internationale sur la femme et le droit qui se tiendra du 30 juin au 2 juillet prochain à La Havane. La représentante du Japon a pour sa part indiqué que son pays, en tant que Président de l'Association de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) cette année, envisage d'accueillir pour la première fois une conférence du réseau des femmes dirigeantes de l'APEC et une conférence du Réseau de points focaux sur les questions sexospécifiques en septembre. Le représentant de la Lituanie a déclaré que le Groupe de travail sur l'égalité entre les sexes et les droits des femmes mis en place par la Communauté des démocraties finalisera la planification de ses activités lors de la réunion de haut niveau qui se tiendra à Cracovie, en Pologne, du 2 au 4 juillet prochain.

La représentante du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme a insisté sur l'importance du rôle des institutions nationales de droits de l'homme dans la promotion des droits de la femme partout dans le monde.

Certains se sont enquis auprès des panélistes de ce que le Conseil peut faire, concrètement, pour garantir l'égalité en matière d'accès à l'éducation.

La plupart des intervenants ont réaffirmé que l'éducation est un droit essentiel et que sa réalisation contribue de manière déterminante à l'autonomisation des femmes, mis aussi au développement de la société dans son ensemble. La représentante du Nigéria, au nom du Groupe africain, a ainsi déclaré que l'éducation de la femme contribue directement à la croissance du revenu national en améliorant la capacité de la main d'œuvre. La représentante de l'Égypte a vu dans le droit à l'éducation pour les filles un droit clef pour leur permettre d'exercer d'autres droits, notamment des droits économiques, sociaux et culturels et a vu dans l'éducation un véhicule de transformation de la société. Le représentant de la Colombie, au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes a ajouté que la participation entière des femmes à tous les niveaux contribuerait de façon significative à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

Plusieurs, à l'image de la représentante du Fonds des Nations Unies pour la population, ont mis en avant les conséquences sanitaires positives de l'éducation des femmes: baisse de la fertilité, mais aussi de la mortalité maternelle et infantile, meilleure hygiène, recul de l'âge du mariage.

Le progrès de la femme, c'est le progrès humain et réciproquement, a affirmé la représentante des États-Unis, qui a en outre rendu hommage au courage des femmes et filles qui subissent des violences uniquement parce qu'elle cherchent un accès à l'éducation, quand elles ne sont pas tuées sur le chemin de l'école. En ce sens, la représentante de l'Irlande a estimé que le droit à l'éducation n'était pas réalisé quand les fillettes avaient peur de se rendre à l'école ou avaient peur à l'école.

La représentante des États-Unis a aussi mis l'accent sur le faible nombre d'enseignantes dans certains pays. Dans ce domaine, les possibilités offertes aux femmes saoudiennes dans le secteur de l'éducation ont augmenté, a affirmé le représentant de l'Arabie saoudite, qui a plus généralement affirmé que les femmes saoudiennes s'étaient vu accorder des droits et garanties et des possibilités d'améliorer leur statut dans le cadre général de la charia, laquelle, a-t-il ajouté, accorde à la femme une place privilégiée et interdit toute violation de ses droits, ainsi que toute discrimination.

Toutefois, si l'éducation est une condition indispensable pour assurer le développement et l'autonomisation des femmes n'est pas mise en doute, elle n'y suffit pas, a rappelé notamment la représentante de la Fédération de Russie, qui a rappelé que, dans de nombreux pays, la proportion des femmes ayant reçu une éducation supérieure est plus élevée que celle des hommes et que, pourtant, leur participation aux échelons les plus élevées de la vie politique ou économique est loin d'être aussi importante.

Le représentant de Sri Lanka a affirmé que la promotion de la femme, au centre des politiques de son pays, avait abouti à une participation accrue des femmes et à l'élaboration des politiques publiques en vue d'assurer la mise en œuvre de la scolarisation obligatoire de 5 à 14 ans. En outre, on a assisté ces dernières années à une forte augmentation de la proportion des femmes dans l'enseignement supérieur et dans les sphères supérieures de la société.

Le représentant de la Finlande a rappelé que le système d'éducation de son pays avait abouti à ce que les femmes représentent la majorité des étudiants à l'université et des nouveaux doctorants. Il a toutefois remarqué que n'en subsistaient pas moins une forme de ségrégation de l'éducation selon des critères sexospécifiques qui font que filles et garçons ont tendance à choisir leur éducation en fonction de ces stéréotypes, et il a demandé comment faire pour accroître la sensibilisation aux questions de genre dans les écoles afin de réduire cette ségrégation. La représentante de la Belgique a fait un constat comparable: davantage de filles que de garçons dans l'enseignement supérieur donnant davantage de chances aux femmes dans l'accès à l'emploi, mais en même temps une difficulté à transcrire ce niveau d'éducation dans la vie économique, sociale et politique.

Dans le même ordre d'idées, le représentant du Brésil a estimé que les droits des femmes dépendaient aussi de la valorisation de la diversité au sein de la société, et que la prise en compte d'une perspective sexospécifique dans la mise en œuvre des droits de l'homme était toujours difficile et nécessitait un engagement constant de la communauté internationale.

La représentante du Fonds des Nations Unies pour la population, qui a souligné que quelque 51 millions d'adolescentes sont aujourd'hui mariées dans le monde, y compris en violation des lois nationales, a elle aussi demandé à la communauté internationale d'apporter son soutien aux gouvernements et communautés pour que les femmes et filles puissent jouir des tous leurs droit à la santé et à l'éducation. La représentante des États-Unis a demandé comment le Conseil des droits de l'homme et les Procédures spéciales traitaient des formes cachées de discrimination à l'encontre des femmes dans l'éducation.

La représentante de l'Égypte a imputé au manque de ressources les difficultés des États à remplir leurs objectifs en matière de droit à l'éducation, notamment des filles, et insisté sur le rôle de la société civile.

La représentante du Guatemala a insisté sur les questions d'éducation en faveur des femmes autochtones, expliquant que, si le taux d'analphabétisme dans le pays s'établissait à 20% pour les hommes et 27% pour les femmes, il atteint 47% parmi les populations autochtones où, là aussi, les femmes sont plus touchées.

Enfin, la représentante des États-Unis, qui a observé que la violence politique ou militaire affectait l'éducation - particulièrement celle des filles - dans un grand nombre de pays, a ajouté que 50% des femmes analphabètes vivaient dans des pays qui connaissent actuellement un conflit armé ou en sont récemment sortis. Elle s'est demandée comment assurer l'éducation, en premier lieu celle de fillettes, en période de conflit armé.

La représentante de l'organisation non gouvernementale Interfaith International a rappelé que les fillettes continuaient de subir les conséquences psychologiques de pratiques ou de châtiments cruels comme les excisions ou les lapidations, ou la menace d'y être soumises, et a souhaité davantage de vulgarisation sur les droits et devoirs des femmes. La représentante de l'Alliance mondiale des unions chrétiennes des jeunes hommes s'est pour sa part attachée à demander la mise en œuvre des normes internationales concernant la justice pour les mineures, en précisant que la détention avait de conséquences considérables sur les jeunes et notamment les jeunes filles qui, une fois emprisonnées, perdent le plus souvent l'accès à l'éducation et le retrouvent moins que les hommes quand elles sortent de détention

Une représentante de la Nouvelle-Zélande (au nom également du Canada et de l'Australie) a rappelé que de tous les objectifs du Millénaire pour le développement, ceux consacrés aux femmes étaient les plus éloignés de leur réalisation, quelques années seulement avant l'échéance. La réalisation du droit à l'éducation des filles est une condition nécessaire de la réalisation de tous les autres droits des femmes, a souligné la représentante.

Le représentant du Maroc a observé que des millions de personnes dans le monde sont victimes de discriminations du fait de pratiques sociales qui empêchent les jeunes filles d'accéder à l'école.

Plusieurs délégations, au nombre desquelles celles l'Argentine et du Portugal, ont insisté sur l'importance de la qualité de l'enseignement, sur l'intégration d'une perspective axée sur la parité dans les programmes scolaires et la réintégration des enfants déscolarisés.

Le représentant du Paraguay a indiqué que son pays mettait actuellement en œuvre un programme d'«éducation pour tous» qui visait notamment à rapprocher les enseignements primaire et secondaire au regard de la participation des filles et des garçons.

La représentante de l'Algérie a mis l'accent sur la nécessité d'assurer la gratuité de l'éducation pour les garçons aussi bien que pour les filles.

Pour la représentante de l'Argentine, l'école doit devenir le lieu d'une réflexion commune entre professeurs et élèves autour de la manière de changer les conditions d'enseignement dans le sens d'une plus grande équité entre garçons et filles.

Plusieurs délégations ont par ailleurs relevé l'importance de programmes dénués de préjugés et représentations sexistes, responsables dans une grande mesure de la discrimination dont sont victimes les filles. Elles ont aussi insisté sur l'instauration d'environnements scolaires sûrs pour les filles. La représentante de la Suède a insisté que le rôle que les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme et l'Examen périodique universel pourraient jouer pour inciter les États à agir concrètement dans ce domaine.

Il a été demandé aux experts quelles mesures supplémentaires ils préconisaient pour éviter l'abandon scolaire d'enfants contraints d'aider aux tâches familiales, en particulier dans le contexte rural. Le représentant du Pakistan a donné à ce propos des exemples de mesures incitatives à la scolarisation des filles adoptées par son pays, notamment au niveau de l'enseignement professionnel: cours d'appui, plans d'alphabétisation des adultes, subventions ciblées. Le représentant de l'Indonésie a évoqué la nécessité de prévoir des modalités d'enseignement informelles, de manière à étendre la couverture du système scolaire, au profit des filles en particulier.

À l'instar du Royaume-Uni, des délégations ont observé que certains de facteurs externes contribuent à la discrimination des filles dans l'enseignement, comme par exemple les mariages précoces ou l'incidence des maladies à forte prévalence, telles que la tuberculose ou le paludisme.

Des progrès ont par ailleurs été relevés en matière d'accès des filles à l'école en Afghanistan et au Sénégal, par exemple.

L'autonomisation de la femme dans la vie économique a été soulignée par le représentant du Sénégal, qui a observé dans ce contexte l'importance de l'accès au crédit.

La représentante de l'organisation non gouvernementale Worldwide Organization for Womena dénoncé la violence qui frappe explicitement les filles scolarisées (attaques à l'acide, violences sexuelles par exemple), la sécurité physique des femmes étant à cet égard un indicateur du niveau général de sécurité d'un pays. Il importe que les filles et jeunes filles soient informées du fait que ces violences constituent autant de violations de leurs droits fondamentaux, a-t-il été observé.

Plusieurs délégations ont souligné le rôle que sera appelée à jouer la nouvelle entité des Nations Unies destinée à remplacer les quatre institutions actuellement chargées par les Nations Unies des questions relatives aux droits fondamentaux des femmes.

Le représentant du Viet Nam, au nom de l'Association des nations de l'Asie du Sud-est, a rappelé que tous les États membres de l'ANASE sont désormais parties à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, confirmant ainsi l'importance qu'ils accordent, entre autres, à l'importance de l'éducation des femmes pour le respect de leurs droits fondamentaux.

Le représentant du Yémen a fait valoir la participation des femmes de son pays à l'enseignement primaire et secondaire, non seulement en tant qu'élèves mais aussi en tant qu'enseignantes. Le Yémen offre un enseignement technique gratuit aux jeunes filles. La représentation des filles s'améliore au niveau du primaire et du secondaire, tandis qu'elle est paritaire entre filles et garçons aux niveaux supérieurs. Le représentant a déclaré que la pauvreté est le principal obstacle à la participation des filles à l'école. Le représentant du Qatar a regretté qu'en dépit des progrès réalisés depuis la Conférence de Beijing, les femmes soient toujours victimes de discrimination, et ce dans tous les pays, indépendamment de leur religion ou système social. Une place particulière est accordée à la femme tunisienne depuis l'indépendance en 1956, a dit le représentant de la Tunisie, notamment au chapitre de la protection qui doit lui être accordée contre la violence.

Des délégations, au nombre desquelles celle de l'Iran, ont demandé l'adoption de mesures urgentes pour concrétiser le droit à l'éducation des femmes d'ici à la date butoir de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il a été relevé par plusieurs délégations que l'islam ne constitue en rien un obstacle à la réalisation du droit des femmes à l'éducation. Des délégations ont mis l'accent sur la lutte de tous les instants que mènent les femmes palestiniennes, que la communauté internationale doit aider à être en mesure de bénéficier de leurs droits et à réaliser la plénitude de leur potentiel.

La représentante de la Thaïlande a regretté la disparité entre les engagements internationaux en matière d'accès à l'éducation et la réalité sur le terrain.

La représentante du Panama a fait savoir que les femmes et les filles autochtones sont les plus défavorisées au regard de l'accès à l'éducation, demandant aux experts quelles solutions ils préconisent en leur faveur.

Le représentant de la Norvège a déclaré que les normes et politiques devaient orienter l'évolution des comportements sur le terrain, avec la collaboration des organisations de la société civile.

Le représentant de la République de Corée a rappelé l'obligation des États à assurer le respect du droit à l'éducation des filles victimes de conflits. Le représentant a préconisé par ailleurs que le système des Nations Unies renforce la coopération entre ses différentes institutions chargées de la défense des droits fondamentaux des femmes.

Plusieurs pays ont décrit les mesures qu'ils prennent aux fins de la promotion des droits des femmes, s'agissant en particulier du droit à l'éducation. Le représentant de l'Iraq a notamment fait part des efforts souligné que son Gouvernement pour élargir la participation des femmes à la société. Ainsi, a-t-il précisé, les femmes occupent-elles quatre ministères et occupent actuellement plus de 27% des sièges au Parlement iraquien - ce qui dépasse le seuil de 25% fixé par la Constitution. À l'instar de l'homme, la femme iraquienne a droit à l'accès à l'éducation gratuite à tous les niveaux, a insisté le représentant.

La représentante du Soudan a rappelé que son pays s'efforçait d'assurer l'égalité entre hommes et femmes, tant au niveau des postes ministériels qu'au niveau de la chambre des députés, où elles occupent le quart des postes. Le représentant de la Slovaquie a rappelé que la Constitution slovaque tout comme la loi antidiscrimination interdisent toute forme de discrimination, y compris celle fondée sur le sexe. La représentante de l'Azerbaïdjan a notamment fait part des mesures prises par les autorités de son pays pour éliminer les stéréotypes sexistes. La représentante de la Hongrie a fait valoir le nombre accru de femmes dans l'enseignement supérieur dans son pays, soulignant que cette situation se traduisait par une proportion accrue de femmes occupant des postes de responsabilité dans l'administration publique et ailleurs. Néanmoins, a-t-elle ajouté, les salaires des femmes restent inférieurs à ceux des femmes.

Le représentant du Bangladesh a rappelé qu'un milliard d'adultes, en majorité des femmes, sont analphabètes et a attiré l'attention sur les répercussions positives, à plusieurs égards, d'une éducation adéquate des femmes. Une femme éduquée est mieux armée pour éviter de tomber dans le cercle vicieux de la pauvreté, a-t-il notamment souligné, avant de lancer un appel à la communauté internationale afin qu'elle accorde davantage de ressources aux pays en développement en faveur de la promotion de l'éducation. La représentante de l'Azerbaïdjan a souligné que l'éducation n'était pas seulement importante pour assurer l'autonomisation des femmes; elle constitue également une garantie importante de l'égalité entre hommes et femmes dans toute société.

La représentante de l'organisation non gouvernementale Union internationale humaniste et laïque a déploré la situation qui prévaut dans certains pays où la vue d'une partie du corps des femmes est considérée comme une provocation et a lancé un appel à la communauté internationale afin qu'il soit renoncé aux sociétés patriarcales et misogynes primaires.

Le représentant de la Slovaquie s'est demandé si la modification des programmes scolaires pourrait influer sur les changements qu'il convient d'opérer au niveau des stéréotypes existants.

Réponses et conclusions des experts

M. MUÑOZ VILLALOBOS a observé que si le caractère stratégique des objectifs du Millénaire pour le développement ne fait pas de doute, les objectifs relatifs à l'éducation sont quelque peu réducteurs: la proportion visée ne prend pas nécessairement en compte les principes d'égalité consacrés par la déclaration et le plan d'action de Beijing. En outre, focalisées sur les enfants du primaire, les stratégies prioritaires de nombreux États ne tiennent pas encore compte de la place des filles dans l'enseignement secondaire. À la grande question est: «l'éducation pour quoi faire?», ont doit répondre en particulier qu'il faut promouvoir la dignité de la vie et la recherche de la dignité des femmes. Le Rapporteur spécial a encore relevé que le contenu de l'éducation a un impact sur l'accès à l'éducation, d'où l'attention qu'il faut accorder à l'élaboration des programmes. Les titulaires de mandats de procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme devraient se concentrer sur les obstacles qui s'opposent à l'accès des filles à l'éducation.

M. Muñoz Villalobos a déclaré que si le droit à l'éducation a des effets avérés sur les familles, la lutte contre le VIH/sida par exemple, il doit aussi être garanti aux femmes dans l'absolu, et non en vertu d'une approche utilitariste. Le droit à l'éducation doit aussi être intégré aux réponses humanitaires apportées par la communauté internationale aux crises et aux urgences. Il faudra pour ce faire améliorer les financements consacrés à ce poste, qui s'élèvent actuellement à 1,7% seulement des budgets humanitaires. Urgente est aussi l'adoption d'une conception inclusive de l'éducation au niveau des États et de mesures ciblées contre la discrimination de certaines catégories précises de femmes, comme les femmes roms par exemple.

Souhaitant mettre en perspective la thématique de la violence sexuelle et de sa prévention, M. Muñoz Villalobos a rappelé que généralement, l'éducation reflète la culture politique dominante; ainsi, l'éducation est-elle certes facteur d'évolution mais elle ne saurait être en mesure de changer ce que les hommes politiques ne veulent pas changer.

M. Muñoz Villalobos a rappelé que la grande majorité des 800 millions d'analphabètes étaient des femmes et que la parité homme-femme, supposée être atteinte dès 2005, non seulement ne l'a pas été mais, au vu du rythme actuel des progrès, ne le sera sans doute pas avant 2040. Les principes et les droits contrastent avec la réalité qui montre que la crise affecte en outre d'avantage les crises car, quand les temps sont difficiles, on préfère envoyer les garçons que les filles à l'école, a ajouté le Rapporteur spécial. En outre, a-t-il poursuivi, les études montrent que les enseignants se sentent plus valorisés à enseigner aux garçons qu'aux filles et que la violence contre les filles n'a pas diminué non plus.

MME LEMRINI a estimé que, quand s'agit de l'école, l'éducation aux droits de l'homme a de grandes conséquences sur tout le système, ajoutant qu'une éducation respectueuse des droits de l'homme est une éducation qui respecte les différences, attentive aux besoins des garçons comme des fillettes et qui permet à chacun de participer à la vie scolaire. Rappelant qu'elle avait participé à une évaluation de la formation de magistrats sur des questions de statut personnel, elle a expliqué qu'elle avait découvert parmi les commentaires la remarque d'un magistrat qui avait reconnu qu'auparavant, quand une femme déposait plainte et demandait le divorce pour violences familiales, il avait tendance à faire pression sur elle, donc sur la victime. Elle en a déduit qu'il existe certes dans des organes de décision des conservateurs, mais aussi des gens qui sont tout simplement mal informé et qu'on peut former et rendre

Mme Lemrini a notamment relevé que les obstacles à l'éducation trop souvent considérés comme liés à la persistance des traditions. Or, c'est surtout la pauvreté qui est le principal facteur de la déscolarisation des filles. Les pratiques traditionnelles ne sont d'autre part pas une fatalité, puisqu'elles peuvent être modifiées par des mesures juridiques, notamment sur le relèvement de l'âge du mariage, par exemple. Il faut aussi se questionner sur la signification du terme «autonomisation» pour l'envisager dans son contexte juridique. L'éducation est enfin primordiale, mais pas suffisante. L'expérience du Maroc montre ainsi qu'avant l'adoption du Code de la famille qui les émancipe de la tutelle patriarcale, les femmes, pour diplômées qu'elles fussent, ne disposaient pas de moyens juridiques de leur autonomie. La nouvelle institution des Nations Unies consacrée aux femmes devra être dotée de moyens financiers importants pour agir dans ce domaine, a ajouté Mme Lemrini.

Évoquant la nécessité de combattre les stéréotypes, Mme Lemrini a rappelé que les stéréotypes sont le produit de la socialisation, elle-même liée, entre autres, aux environnements scolaire et familial. On ne peut démolir les stéréotypes comme on démolit un mur; on ne peut que les déconstruire, ce qui passe par des mesures d'institutionnalisation telles que des actes juridiques et administratifs ainsi que par l'éducation – dont les contenus doivent aider à cette déconstruction des stéréotypes, a souligné Mme Lemrini. Elle a insisté pour que les pays qui ratifient la Convention sur l'interdiction de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le fassent sans émettre aucune réserve.

Mme Lemrini a déclaré que l'autonomisation des femmes est tributaire en particulier du statut juridique des femmes. Les participants au débat savent ce qui doit être accompli dans ce domaine, a observé Mme Lemrini, dans le contexte d'une abondance de documents, normes et études relatifs à l'éducation. Les réalités nationales, les carences aussi, sont bien connues. Dans ces conditions, il convient de lancer sans plus tarder des mesures résolues et constantes. Nul ne croit à l'instauration de la démocratie en l'absence d'égalité de fait entre les sexes, a conclu Mme Lemrini.

MME MANJOO a pu constater, dans ses missions, que les pratiques et normes sociales empêchent encore les mères adolescentes de retourner à l'école après l'accouchement. Des mesures doivent donc être prises dans ce domaine. Un autre problème est la mixité de l'enseignement, qui entraîne certains parents à retirer leurs filles de l'école.

MME SOOD a attiré l'attention des États sur l'objectif 8 des objectifs du Millénaire pour le développement, concernant le partenariat mondial pour le développement, afin qu'ils intègrent les perspectives des organisations de la société civile dans l'élaboration des programmes scolaires.

Mme Sood a par la suite souligné que pour mettre un terme à la discrimination et à la violence à l'encontre des femmes et des jeunes filles, il fallait promulguer des lois et politiques adaptées et instaurer des mécanismes de plainte accessibles aux jeunes filles victimes de violence dans le cadre scolaire. Plus précisément, il convient de concevoir des programmes scolaires dénués de tout préjugé sexiste contre les filles, avec l'apport de la société civile et des outils mis à disposition par le Fonds des nations Unies pour l'enfance par exemple. Enfin, le changement des programmes scolaires doit s'accompagner d'une formation et d'une sensibilisation des enseignants aux notions liées à l'égalité entre garçons et filles, ainsi que, de manière plus générale, d'une véritable «déconstruction» des attitudes préjudiciables aux filles.

Mme Sood a notamment rappelé que les objectifs du Millénaire pour le développement se fondaient sur la Déclaration du millénaire pour le développement et que l'action de son organisation non gouvernementale se basait sur ce cadre.

Mme Sood a jugé particulièrement importante la formation aux droits de l'homme du personnel enseignant. L'experte a d'autre part préconisé des enseignements sur la sexualité et sur la santé reproductive afin que la jeunesse, les femmes en particulier, ait la faculté de prendre des décisions concernant son avenir en toute connaissance de cause.

MME CECILIA BELDEH a observé que les principes des droits de l'homme, en tant que tels, déstabilisent souvent les dirigeants politiques. L'éducation aux droits de l'homme doit donc cibler non seulement les élèves, mais aussi les décideurs politiques, de telle sorte qu'ils aient une connaissance précise de leurs obligations. La sécurité dans les écoles et aux alentours doit par ailleurs être renforcée, en particulier en donnant davantage de responsabilités à des femmes dans la gouvernance des établissements scolaires. Enfin, les investissements pour l'éducation lors des conflits doivent être renforcés: actuellement, les donateurs ne considèrent pas l'éducation comme une priorité dans ce contexte. Enfin, la violence contre les femmes et les jeunes filles ne peut être dissociée du problème plus général de la violence lors des conflits, ce qui suppose de se pencher sur les causes profondes des conflits ethniques et tribaux, par exemple.

S'agissant de la violence sexuelle dans les pays en conflit, Mme Baldeh a souligné que le défi dans ce domaine résidait dans la mise en œuvre effective des lois existantes. Insistant sur l'importance de dégager des ressources adéquates aux fins de la réalisation du troisième objectif du millénaire pour le développement, elle a attiré l'attention sur la nécessité d'améliorer l'efficacité des systèmes de gestion financière des pays.

Mme Baldeh a jugé fondamental de s'interroger, comme la représentante de la Norvège, sur les méthodes de travail utilisées puisque celles-ci ne suffisent pas, malgré de réels progrès, et elle s'est prononcée pour une éducation aux droits de l'homme. Au niveau des pays, il faut non seulement innover mais aussi planifier la viabilité des innovations et être en mesure de renforcer ce qui fonctionne, a-t-elle ajouté, avant de souhaiter un investissement accru dans le domaine de l'éducation, ainsi que dans le contrôle de l'efficacité des investissements dans ce secteur.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC10/065F