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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN HAÏTI

Compte rendu de séance
Il tient son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme

Le Conseil des droits de l'homme a examiné cet après-midi la situation des droits de l'homme en Haïti, notamment dans le contexte du séisme qui a frappé le pays le 12 janvier dernier et qui a donné lieu, les 27 et 28 janvier, à une session extraordinaire du Conseil sur la question. Le Conseil a ensuite tenu un bref débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités.

M. Michel Forst, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a présenté son rapport annuel ainsi qu'une mise à jour, constatant que tous les efforts déployés en faveur du pays tendaient vers les mêmes priorités: renforcer la protection dans la crise humanitaire, veiller à la place des droits de l'homme dans la reconstruction, poursuivre les réformes dans le domaine de l'état de droit, et permettre a pleine réalisation des droits économiques et sociaux. L'expert indépendant a rendu un hommage appuyé aux femmes dans le maintien de la cohésion sociale et plaidé en faveur de leur association étroite au processus de reconstruction du pays. M. Forst a fermement plaidé pour qu'une place plus visible soit accordée aux droits de l'homme dans la reconstruction et a insisté sur la nécessité de passer d'une logique d'assistance à une logique d'accès aux droits. Il a souhaité que la reconstruction soit équitable, respectueuse de l'environnement et qu'elle permette de renforcer les droits tant civils et politiques qu'économiques, sociaux et culturels, dans la perspective d'une société plus juste. Il a enfin rappelé que l'avenir d'Haïti dépendait aussi de la capacité de la communauté internationale à apporter au gouvernement du pays l'assistance dont il a besoin.

Mme Kyung-Wha Kang, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a fait une déclaration sur les besoins d'Haïti en matière de coopération technique, dans le cadre du suivi de la session extraordinaire de janvier dernier sur Haïti, jugeant très encourageante la réponse internationale pour apporter une aide d'urgence et à long terme à Haïti. Les recommandations du Haut Commissariat visant à assurer la protection de la population haïtienne s'articulent autour de deux grandes priorités: les groupes ayant des besoins particuliers et la nécessité de placer les droits de l'homme au centre des efforts de reconstruction. Mme Kang a demandé à la communauté internationale de garder comme un objectif central le renforcement de l'État de droit et aux autorités haïtiennes d'intégrer les droits de l'homme dans le processus de reconstruction, en veillant à éviter toute discrimination et à assurer les services sociaux de base, tout en accordant la priorité à ceux qui sont dans le plus grand besoin. Elle a rappelé les besoins urgents des personnes déplacées et les risques encourus par les femmes dans les camps. Elle a par ailleurs appelé les États à suspendre les expulsions de migrants haïtiens jusqu'à ce que la situation dans le pays soit revenue à la normale.

Mme Gulanara Shahinian, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, dans une déclaration conjointe des titulaires de mandats des procédures spéciales, a rappelé que le tremblement de terre était venu aggraver les nombreux problèmes qu'affrontent les Haïtiens depuis des décennies: pauvreté, inégalités, instabilité et situation économique difficile. La situation en Haïti est l'une des pires crises humanitaires du monde et les titulaires de mandats du Conseil expriment leur inquiétude notamment face aux violences commises à l'encontre des femmes et à la situation des enfants. Rappelant que le séisme avait eu un impact d'autant plus tragique que la majorité de la population haïtienne vivait déjà dans l'extrême pauvreté, elle a demandé que la reconstruction s'attelle aux facteurs qui perpétuent l'inégalité et l'extrême pauvreté, et permette d'améliorer les systèmes de protection sociale. Elle a aussi souligné que le renforcement de la justice, de la police et du système carcéral devaient être une priorité.

Dans le cadre du débat interactif avec l'expert indépendant, les délégations ont mis sur l'accent la nécessité de renforcer la protection des personnes les plus vulnérables et de fonder la reconstruction d'Haïti sur les droits de l'homme. Les violences contre les femmes ont été largement évoquées, et il a été souhaité que les femmes puissent jouer un rôle plus important dans le processus de reconstruction. De nombreuses délégations ont en outre insisté sur la nécessité de renforcement les structures étatiques haïtiennes dans le respect des droits de l'homme.

Outre le représentant d'Haïti qui est intervenu à titre de pays concerné, les délégations suivantes ont pris part au débat interactif: France, Brésil, États-Unis, Costa Rica, Union européenne, Pérou, Canada, Mexique, Sénégal , Cuba, Argentine, Japon, Australie, Algérie, Royaume-Uni, Uruguay, Norvège, Suisse, Venezuela, Suède, Fédération de Russie, Chili et Chine. Un membre du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et protection des droits de l'homme est également intervenu, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Human Rights Watch, International Institute of Mary Our Help of the Salesians of Don Bosco, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Forum européen pour les personnes handicapées, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et Interfaith International.

Le Conseil a ensuite tenu son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités. Les délégations ont salué le rôle du Haut Commissariat et de ses bureaux régionaux ainsi que des procédures spéciales pour protéger les droits de l'homme. Ont pris part au débat les délégations des pays suivants: Espagne (au nom de l'Union européenne), États-Unis, Algérie et Danemark. Les organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenues: Human Rights Watch, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, United Nations Watch, Cairo Institute for Human Rights Studies, International Educational Development, et l'Association pour l'éducation d'un point de vue mondial (au nom également de l'Union internationale humaniste et laïque et l'Union mondiale pour le judaïsme libéral). Plusieurs délégations ont attiré l'attention sur la situation au Burundi, bien que l'examen du rapport sur l'assistance technique à ce pays ait été reporté à la prochaine session du Conseil.


Le Conseil, dont la présente session se termine ce vendredi, tiendra sa prochaine séance publique demain, à partir de 15 heures, pour se prononcer sur des projets de résolution dont il est saisi et portant notamment sur la promotion et la protection de tous les droits de l'homme.


Examen du rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti

Présentation de rapports

MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a présenté les besoins d'Haïti en matière de coopération et d'assistance technique, dans le cadre du suivi de la treizième session extraordinaire du Conseil qui s'est tenue après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier dernier. Les défis auxquels sont confrontés les Haïtiens sont énormes et multiples. La réponse internationale lors de la conférence des donateurs en mars 2010 et lors du Sommet mondial sur l'avenir d'Haïti de juin 2010 a été très encourageante: il faut maintenant transformer les engagements en action concrète, a souligné Mme Kang. Dans sa résolution S-13/1 adoptée le 28 janvier, le Conseil a demandé au Haut Commissariat d'identifier les domaines pour la coopération et l'assistance technique en faveur d'Haïti et de lui présenter ses suggestions à la présente session, a-t-elle rappelé. À cet égard, les domaines prioritaires s'articulent autour de deux grands thèmes: il s'agit d'assurer la protection de la population haïtienne en mettant l'accent, d'une part, sur les groupes ayant des besoins spéciaux et, d'autre part, sur l'importance cruciale de veiller à ce que les droits de l'homme soient à la base des efforts de reconstruction.

La promotion et la protection de tous les droits de l'homme sont avant tout des responsabilités de l'État, a rappelé Mme Kang; mais elles relèvent aussi, de plus en plus, d'un effort coopératif mondial face aux énormes défis que constituent aujourd'hui la pauvreté, l'impunité, les déficits démocratiques, l'exclusion, la violence et la discrimination. La faiblesse des institutions étatiques était déjà l'un des défis auxquels Haïti était confronté avant même le tremblement de terre; or, l'État a été affaibli encore davantage par les lourdes pertes qu'il a subies en termes de personnel et d'infrastructures suite au tremblement de terre. La communauté internationale doit veiller à ce que le renforcement de l'État reste l'objectif central de l'action en faveur d'Haïti, a insisté la Haut-Commissaire adjointe. À cet égard, elle a rappelé qu'un système judiciaire efficace et indépendant et un appareil d'application des lois respectueux des droits humains, ainsi qu'une institution nationale de droits de l'homme fiable, sont des conditions préalables pour qu'un État respecte la primauté du droit.

Les autorités en Haïti, avec le soutien de la communauté internationale, doivent veiller non seulement à ce que la coopération et l'assistance internationales nécessaires en faveur d'Haïti soient conformes aux normes de droits de l'homme, mais aussi à ce que les considérations de droits de l'homme soient intégrées à leur élaboration et à leur mise en œuvre, a poursuivi Mme Kang. Avant tout, il faut assurer le respect du principe de non-discrimination. Au minimum, les mécanismes appropriés doivent accorder la priorité à la mise à disposition de nourriture, d'eau, d'assainissement, d'éducation, de santé et de logement pour tous. L'accent doit être mis en priorité sur ceux qui sont dans le plus grand besoin.

Par ailleurs, a ajouté Mme Kang, la communauté internationale devrait travailler avec les autorités haïtiennes afin d'apporter des solutions durables au problème du déplacement massif des populations, en assurant une distribution équitable de l'aide aux personnes déplacées et aux communautés qui les accueillent à l'extérieur de Port-au-Prince. Les femmes haïtiennes ont été les premières à répondre aux besoins des plus vulnérables, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. Leur déplacement suite au tremblement de terre les a exposées à des risques accrus, notamment en termes de violence sexuelle. Aussi, est-il essentiel d'aider le Gouvernement d'Haïti à renforcer son plan national d'action visant à éliminer la violence contre les femmes. Mme Kang a par ailleurs insisté sur l'importance d'assurer immédiatement l'accès à l'éducation pour tous les enfants et à restaurer sans délai un système éducatif de qualité.

Il est préoccupant de constater qu'en dépit des appels lancés par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et par le Haut-Commissaire aux réfugiés afin que soient suspendues les expulsions de migrants haïtiens jusqu'au retour à la normale en Haïti, certains pays continuent d'expulser des ressortissants haïtiens, a par ailleurs déploré Mme Kang. La Haut-Commissaire a par ailleurs observé que progresser durablement et à long terme sur la voie de la réduction de la pauvreté en Haïti requiert des investissements sociaux à grande échelle susceptibles de créer des opportunités sociales et économiques. Mme Kang a enfin attiré l'attention du Conseil sur la nécessité de renforcer l'Office de la protection du citoyen et la société civile et d'aider le Gouvernement d'Haïti à assurer la reconstitution rapide de ses archives, s'agissant notamment des papiers d'identité et des titres de propriété. Les programmes de reconstruction doivent aussi mettre l'accent sur la création d'emplois pour les Haïtiens, dans le plein respect des droits et de la dignité des travailleurs, a conclu Mme Kang.

M. MICHEL FORST, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, s'est réjoui de constater que tous les efforts déployés en faveur de ce pays, tant par la Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH) que par la Haut-Commissaire, les titulaires de mandats des procédures spéciales du Conseil ou lui-même, tendent aux mêmes buts: renforcer la protection pendant la crise humanitaire, veiller à la place des droits dans la reconstruction, poursuivre les réformes dans le domaine de l'état de droit et permettre la pleine réalisation des droits économiques et sociaux du peuple haïtien. L'expert indépendant a estimé que la session spéciale organisée par le Conseil des droits de l'homme en janvier a permis d'alerter sur la crise des droits de l'homme qui a accompagné la catastrophe humanitaire que le pays traverse depuis le séisme du 12 janvier. Son rapport, a-t-il ajouté, ne fait que confirmer qu'Haïti traverse une crise sans commune mesure, alors que le pays est déjà frappé par une extrême pauvreté et par la fragilité de l'État.

M. Forst a indiqué que, indépendamment des polémiques sur l'aide humanitaire, ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui ont été les premiers à porter secours aux victimes, à partager la nourriture ou encore à organiser des abris. La première solidarité a été une solidarité de proximité et nationale: c'est une leçon à méditer par ceux qui ont en charge la reconstruction du pays, a estimé l'expert indépendant. Il n'en reste pas moins que les atteintes aux droits sont bien réelles. Il appartient donc à la communauté internationale d'assister le gouvernement haïtien dans les mesures de protection, en particulier au bénéfice des personnes ayant des besoins particuliers: personnes déplacés, femmes, personnes âgées, handicapés, a poursuivi M. Forst, qui a rendu hommage au travail de la MINUSTAH et des institutions des Nations Unies.

À terme, la protection devra être intégralement assumée par les Haïtiens eux-mêmes. La priorité consiste donc à renforcer les institutions du pays, et notamment l'Institution nationale des droits de l'homme, incarnée en la personne de la Protectrice du Citoyen. L'expert indépendant a rappelé la situation dramatique des centaines de milliers de personnes déplacés, en dépit des efforts de la MINUSTAH et du Gouvernement. Il a aussi rappelé que les femmes ne sont pas uniquement un «groupe vulnérable»: ce sont en effet les femmes qui ont assuré la survie au quotidien après le séisme. M. Forst a insisté sur le rôle des organisations féminines comme facteur de cohésion sociale et a insisté sur la résistance des femmes, qui a redonné espoir au pays, malgré les atteintes dont elles ont été les victimes et les violences subies dans les camps ou les familles d'accueil, violences qui continuent, en dépit des patrouilles de la Police nationale et de la MINUSTAH. Dès lors, ce serait justice que les femmes soient étroitement associées aux différentes étapes du processus de reconstruction du pays, a insisté l'expert indépendant, qui a suggéré qu'au moins une place leur soit réservée dans la future Agence nationale pour la reconstruction.

M. Forst a fait état de son inquiétude pour les enfants, les handicapés et les personnes âgées: ces personnes globalement qualifiées de «vulnérables» sont en réalité des centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont chacun une histoire individuelle marquée par la mort, la faim, la peur et surtout la quête de la survie. Les Haïtiens et Haïtiennes ont besoin de cette protection, a ajouté l'expert indépendant, qui s'est réjoui que la résolution 1927 du Conseil de sécurité s'exprime de manière explicite à cet égard.

Regrettant que les droits n'occupent pas toujours la place qui leur est due dans la reconstruction, M. Forst a insisté sur la nécessité de passer d'une logique d'assistance à une logique d'accès aux droits. Cette démarche implique de partir des besoins des bénéficiaires et de planifier la reconstruction en fonction de la nécessité d'assurer à tous, sans aucune discrimination, la satisfaction de leurs droits: droits civils et politiques mais aussi droits à l'accès aux services de base, aux soins, au logement, à l'éducation de base et à une formation professionnelle qualifiante. En outre, la reconstruction devra être équitable et intervenir dans la perspective d'une société plus juste et du respect des normes internationales de protection des travailleurs.

M. Forst a enfin rappelé l'importance qu'il porte à la réforme du secteur de la justice et de la police, à la question pénitentiaire et autres aspects fondamentaux pour l'état de droit. Ces thèmes constitueront l'ossature de son travail d'assistance technique auprès des autorités haïtiennes pour la restauration de la confiance de la population. Mais l'expert indépendant a rappelé que l'avenir d'Haïti dépend aussi de la capacité de la communauté internationale à apporter au Gouvernement une assistance qui permettra à chaque Haïtien de jouir progressivement de la complémentarité entre tous les droits, gage de la sécurité et de la stabilité dont le pays a tant besoin.

Le Conseil est saisi du rapport annuel de l'expert indépendant (A/HRC/14/44), qui rappelle d'abord la situation des droits de l'homme en Haïti avant le séisme du 12 janvier 2010 et analyse ensuite les conséquences du tremblement de terre sur les droits des personnes. Dans un additif (A/HRC/14/44/Add.1) l'expert indépendant rend compte de la mission qu'il a effectuée en Haïti du 21 avril au 1er mai 2010, essentiellement destinée à mettre à jour les informations et recommandations figurant dans son rapport.

MME GULANARA SHAHINIAN, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, a présenté une déclaration conjointe de titulaires de mandat des procédures spéciales, rappelant que le tremblement de terre qui a dévasté la capitale d'Haïti et ses environs a causé la mort d'au moins 220 000 personnes, a détruit les infrastructures et les logements et a aggravé les nombreux problèmes qu'affrontent les Haïtiens depuis des décennies: pauvreté, inégalités, instabilité et situation économique difficile. La Rapporteuse spéciale s'est félicitée des efforts déployés par le Gouvernement haïtien, en partenariat avec la communauté internationale, pour faire face à cette crise humanitaire et entamer le processus de relèvement. Elle a tout particulièrement salué les efforts du Haut Commissariat aux droits de l'homme, du Haut Commissariat aux réfugiés et de l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti.
La situation en Haïti reste l'une des pires crises humanitaires du monde, a poursuivi Mme Shahinian. Plus de deux millions de personnes ont été directement touchées par la catastrophe; 1,5 millions de personnes sont déplacées; à Port-au-Prince et dans les zones proches de l'épicentre du séisme, un million de personnes environ vivent dans des abris de fortune. La situation a empiré avec l'arrivée de la saison des pluies. Mme Shahinian a soutenu l'appel de M. Forst pour le prolongement du moratoire sur les expulsions forcées, le temps de trouver des alternatives viables. En aucun cas, les personnes déplacées ne devraient être réinstallées sans consultation préalable, a-t-elle averti.

Mme Shahinian a indiqué que les titulaires de mandat de procédures spéciales s'inquiètent de la violence à l'encontre des femmes, en particulier des viols et de la violence domestique, qui augmentent dans les camps de déplacés. Le manque d'eau et de structures d'assainissement rendent les femmes et les fillettes davantage vulnérables aux agressions sexuelles. Les titulaires de mandat sont en outre préoccupés par la situation des 150 000 à 500 000 enfants «restavèks», souvent exploités et négligés par leur famille d'accueil. Certains parents sont tellement désespérés qu'ils sont forcés d'abandonner leurs enfants, a souligné la Rapporteuse spéciale, s'inquiétant des cas d'adoption internationale illégale. Elle a plaidé pour une normalisation de la situation des enfants, dans la mesure du possible. Il faut de toute urgence permettre aux enfants de retourner à l'école, a-t-elle insisté.

Le tremblement de terre a eu un impact d'autant plus tragique que la majorité de la population haïtienne vivait déjà dans l'extrême pauvreté, a souligné la Rapporteuse spéciale. S'atteler aux facteurs qui perpétuent l'inégalité et l'extrême pauvreté est essentiel; il est aussi crucial d'investir dans des systèmes de protection sociale. Mme Shahinian a salué les efforts déployés par les autorités haïtiennes, avec l'appui des forces internationales, pour maintenir la sécurité et la stabilité. Elle a rappelé que l'ordre et la loi ne pourront être maintenus qu'en renforçant l'état de droit. Les actions barbares de la part des forces de police ne doivent en aucun cas être tolérées; les auteurs d'exécutions sommaires et d'autres violations des droits de l'homme doivent être poursuivis en justice. Pour la Rapporteuse spéciale, le renforcement de la justice, de la police et du système carcéral doit être une priorité du processus de reconstruction. Dans ce cadre, les autorités devront poursuivre la réforme du système de justice, de sorte à assurer la sélection de juges et procureurs indépendants et compétents; des efforts doivent aussi être consentis pour reconstituer une force de police efficace et non corrompue. Enfin, la production nationale de nourriture doit être encouragée, afin de limiter la dépendance d'Haïti envers l'aide et les marchés internationaux. La communauté internationale est invitée à se procurer la nourriture destinée à l'aide alimentaire de préférence auprès des producteurs de riz locaux.

Les titulaires de mandat sont d'avis que la solidarité internationale est cruciale pour protéger les droits de l'homme des Haïtiens. Dans ce contexte, ils saluent les efforts consentis pour annuler la dette extérieure du pays; ils encouragent les pays à suspendre temporairement les renvois de migrants haïtiens; et ils demandent à tous les États membres d'honorer leurs engagements en matière d'assistance humanitaire. Un peu plus de la moitié (58%) de l'appel humanitaire 2010 pour Haïti a été financé mais certains secteurs, tel l'agriculture, qui exigent des engagements à long terme, sont encore sous-financés, a souligné la Rapporteuse spéciale.

Pays concerné

M. JEAN-CLAUDE PIERRE (Haïti) a souligné que grâce à la coopération amicale et sincère des autorités d'Haïti, les missions de l'expert indépendant, M. Forst, ont pu se dérouler dans les conditions les plus favorables. L'expert indépendant a constaté, lors de sa dernière visite, les dégâts provoqués par le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a dévasté Port-au-Prince, Jacmel et d'autres villes du pays. Avant le séisme, a poursuivi le représentant haïtien, des progrès sensibles étaient perçus dans le domaine des droits civils et politiques: la situation sécuritaire était maîtrisée, le nombre d'enlèvements avait diminué, les principaux chefs de gangs avaient été arrêtés. Sur le plan économique, la production agricole s'était améliorée et la reprise des exportations de textiles avait accéléré la croissance en 2009. En outre, l'inflation avait fortement baissé.

Le cataclysme a cassé ce processus, a déploré le représentant haïtien: plus de 220 000 morts, environ 200 000 blessés, près d'un million de sans-abri et plus de 500 000 déplacés, sans compter l'effondrement de plusieurs institutions publiques, dont le Palais présidentiel et le Palais de justice. Les autorités haïtiennes sont préoccupées par l'évasion de quelque 5000 prisonniers à la faveur du séisme; par l'insécurité qui sévit dans les camps, malgré les patrouilles de la police nationale haïtienne et de la MINUSTAH; par l'ampleur que prend le trafic d'enfants à la frontière avec la République dominicaine; par le nombre de personnes handicapées suite au tremblement de terre; par la corruption; par la violation des droits économiques et sociaux de la population haïtienne.

Pendant les dix-huit prochains mois, a indiqué le représentant, le Gouvernement haïtien et la communauté internationale vont s'atteler à créer des emplois, à reloger les sinistrés, à reconstruire les écoles effondrées et les institutions d'enseignement supérieur; à poursuivre les actions en faveur de l'équipement des zones d'accueil des populations déplacées; à donner accès aux soins de santé; à restaurer le secteur agricole; à protéger les populations vulnérables de la prochaine saison cyclonique estivale; à combler le fossé dans les recettes fiscales de l'État; à relancer l'administration publique; à assurer le retour à la normale de la vie économique, notamment en garantissant la stabilité du système financier et l'accès au crédit; et à mettre en place le processus électoral, pour éviter tout vide institutionnel. S'agissant de justice et de sécurité, la priorité du Gouvernement consiste à rétablir le système de justice et de sécurité publique sur tout le territoire, a ajouté le représentant haïtien. Celui-ci a notamment fait état du projet de reconstruction ou d'aménagement, avant 2015, des établissements pénitentiaires de Port-au-Prince et de Jacmel, ainsi que des projets de recrutement de policiers pour, dans un premier temps, compléter les unités affectées par le séisme (soit environ 500 agents morts, blessés ou indisponibles) et, dans un deuxième temps, atteindre le taux de un policier pour 800 habitants d'ici 2012 – soit un effectif supplémentaire d'environ 2500 agents.

Débat interactif

M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a demandé à l'expert indépendant quelles mesures lui paraissaient les plus efficaces pour permettre une meilleure participation des femmes dans la gouvernance d'Haïti, qui reste faible alors même que M. Forst a mis l'accent sur le rôle vital joué par les femmes dans le processus de relèvement du pays. Par ailleurs, le représentant a demandé à l'expert indépendant quels devraient être les domaines d'action prioritaires dans les réformes destinées à consolider l'état de droit en Haïti, réformes qui avaient été engagées avant le séisme et dont l'ampleur est considérable. Le représentant a par ailleurs soutenu la recommandation de l'expert indépendant consistant à baser les appels d'offre pour la reconstruction des infrastructures haïtiennes sur le cadre conceptuel développé par le Rapporteur spécial sur les entreprises transnationales et les droits de l'homme, afin de placer ces derniers au cœur de la reconstruction.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVEDO (Brésil) a souligné qu'à l'occasion de la session extraordinaire sur Haïti, le Conseil a démontré qu'il est pleinement en mesure de traiter une situation concrète des droits de l'homme dans une perspective constructive. La représentante a souligné que cet exemple devra être pris en compte lors de la révision du Conseil. En travaillant ensemble, la communauté internationale a pu apporter son soutien à un pays en difficulté; les États ont démontré que le dialogue et la coopération sont des voies permettant d'apporter une réponse aux situations d'urgence en matière de droits humains. La représentante a partagé les préoccupations de M. Forst s'agissant de la situation des groupes vulnérables, tels que les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Elle a indiqué que le Brésil a réalisé, au mois de mars dernier, une mission en Haïti dont le but était d'aider le Gouvernement haïtien à élaborer un plan national d'intégration des personnes handicapées. Elle a également annoncé qu'Haïti, le Brésil, les États-Unis et l'Organisation internationale du travail viennent de signer une déclaration conjointe relative aux droits de l'enfant et à la lutte contre le travail des enfants. Mme Azevedo a rappelé que le mandat relatif à la situation en Haïti existe depuis plus de 15 ans. La communauté internationale a aujourd'hui l'opportunité d'enclencher un cycle positif de développement sur le terrain, a-t-elle conclu.

M. JOHN C. MARIZ (États-Unis) a plaidé en faveur d'un effort de reconstruction en Haïti qui encourage et favorise les droits de l'homme. Le représentant a indiqué que son pays travaille depuis de nombreuses années avec les autorités haïtiennes afin de renforcer les capacités institutionnelles du pays et de combler les lacunes mentionnées dans le rapport de l'expert indépendant. Ces trois dernières années, les États-Unis ont accordé plus d'un milliard de dollars d'aide à Haïti pour protéger les droits de l'homme, améliorer la sécurité alimentaire, favoriser le développement économique et renforcer la gouvernance démocratique. Depuis le 12 janvier dernier, les États-Unis ont fourni plus d'un milliard de dollars afin de venir en aide aux personnes déplacées et aux autres groupes vulnérables, en particulier les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les victimes de la traite d'êtres humains, y compris les enfants dits restavèks. Par ailleurs, les États-Unis autorisent l'octroi d'un statut de protection temporaire aux ressortissants haïtiens qui se trouvaient aux États-Unis avant le 12 janvier 2010, ce qui leur permet de continuer temporairement de vivre dans ce pays et d'y obtenir l'autorisation de travailler.

MME EUGENIA GUTIÉRREZ RUIZ (Costa Rica) a rappelé les progrès d'Haïti en matière de droits de l'homme: le séisme ne doit pas être considéré comme une fin mais comme une interruption de ce processus. La représentante s'est félicitée de la vision du gouvernement haïtien pour son plan de reconstruction. Elle s'est dite très préoccupée par la hausse des violences contre les femmes et les enfants et a soutenu les recommandations de l'expert indépendant pour les combattre.

MME JOËLLE HIVONNET (Union européenne) a remercié M. Forst pour la présentation de son rapport annuel, les titulaires de procédures spéciales pour leur déclaration commune sur la situation des droits de l'homme en Haïti, ainsi que la Haut-Commissaire pour l'exposé de ses recommandations concernant les domaines d'action prioritaires pour la coopération et l'assistance technique à Haïti. Elle a pris note de l'accent mis par M. Forst sur la nécessité de placer les droits de l'homme au centre du processus de reconstruction, tout en veillant à ne pas reproduire les facteurs susceptibles de perpétuer les inégalités et la pauvreté. Constatant que l'expert indépendant recommande de veiller au renforcement du système national de protection des droits de l'homme, elle a souhaité savoir, de l'avis de M. Forst, quel rôle pourrait jouer l'Office de la protection du citoyen dans ce processus. L'Union européenne partage par ailleurs les préoccupations de l'expert s'agissant des violences faites aux femmes, de la protection des enfants et des personnes déplacées. Alors que plusieurs procédures spéciales et autres mécanismes de droits de l'homme traitent de ces thématiques spécifiques, Mme Hivonnet a souhaité connaître le rôle de M. Forst en la matière, notamment pour assurer une bonne coordination entre les différents acteurs.

M. CARLOS SIBILLE (Pérou) a rappelé qu'il y a un an, le Conseil prenait acte des progrès réalisés par Haïti en matière, en particulier, de droits civils et politiques. Aujourd'hui, la situation est toute autre après le tremblement de terre du 12 janvier dernier: les progrès ont été interrompus et les grandes pertes subies tant sur le plan humain que sur celui des infrastructures ont entraîné une situation très précaire. Dans le contexte actuel, il convient pour le Gouvernement haïtien et la communauté internationale de garantir en premier lieu la couverture des besoins fondamentaux de la population touchée par les conséquences du séisme. Il convient de veiller à ce que la population haïtienne soit le principal protagoniste de la reconstruction de son pays, a par ailleurs souligné le représentant péruvien, insistant pour que le Conseil, de son côté, veille à ce que le processus de reconstruction se fasse dans le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de tous.

MME ALISON LECLAIRE CHRISTIE (Canada) a elle aussi constaté que le séisme était venu interrompre les progrès réalisées ces dernières années par le Gouvernement d'Haïti, les organisations non gouvernementales de la société civile et la communauté internationale dans la défense des droits de l'homme. En même temps, cette tragédie offre l'occasion de faire des avancées substantielles en établissant de nouvelles normes susceptibles de protéger et promouvoir les droits de tous. Le Canada souligne qu'il importe de veiller à ce que la reconstruction ne renforce pas les structures qui perpétuent l'inégalité. La représentante a félicité l'expert indépendant pour avoir souligné l'impact du séisme sur les groupes vulnérables et pour avoir préconisé de protéger en priorité les droits de personnes appartenant à ces groupes. Elle a en outre rappelé l'importance de continuer à soutenir la réforme de la police haïtienne et du secteur de la justice. Elle a demandé à l'expert indépendant comment la communauté internationale pouvait s'assurer qu'une perspective axée sur les droits de l'homme soit enchâssée dans le processus de reconstruction à long terme. De même, comment la communauté internationale peut-elle veiller au respect d'un équilibre entre la nécessité de soutenir l'important travail des organisations non gouvernementales et de la société civile et celle de renforcer la capacité institutionnelle de l'État?

MME MARIANA OLIVERA (Mexique) a réaffirmé la solidarité de son pays avec le peuple frère d'Haïti, ainsi que sa détermination à coopérer étroitement avec les autorités du pays dans la perspective de la reconstruction et du développement. Le Mexique se félicite de la coopération entre l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti et les autorités haïtiennes, dans le but d'assurer la protection des droits de l'homme des populations les plus vulnérables et d'intégrer une perspective de droits de l'homme dans les efforts de reconstruction. La délégation mexicaine partage l'avis de M. Forst: la protection des plus vulnérables doit être la priorité de la communauté internationale. Il est impératif de protéger ces groupes de la violence et des abus, comme la traite des êtres humains et la violence sexuelle, a souligné la représentante. Elle a rappelé que son pays avait participé activement au relèvement et à la reconstruction du pays. Le Mexique a participé à la Conférence des donateurs pour la reconstruction d'Haïti à Montréal, ainsi qu'au récent Sommet mondial pour l'avenir d'Haïti organisé à Punta Cana, en République dominicaine. Le Mexique insiste sur la nécessité de répondre non seulement aux besoins d'urgence, mais également de contribuer à la reconstruction à long terme. Enfin, la déléguée mexicaine a annoncé que son pays avait adopté une série de mesures d'appui aux citoyens haïtiens, comme l'octroi de visas humanitaires et de permis spéciaux de résidence

M. ABDUL WAHAB HAÏDARA (Sénégal) s'est enquis auprès de l'expert indépendant, M. Forst, des mesures concrètes qui, selon lui, pourraient être prises pour permettre aux femmes haïtiennes de participer efficacement aux efforts de reconstruction nationale. Quant à la problématique de la prise en compte des droits de l'homme dans les efforts de reconstruction nationale, le Sénégal partage l'approche consistant à prêter une attention particulière aux groupes vulnérables que sont les femmes, les enfants et les personnes handicapées. Cependant, il conviendrait de mener une réflexion sur les voies et moyens d'assurer une jouissance effective, par les populations haïtiennes, des droits économiques, sociaux et culturels, s'agissant plus particulièrement des initiatives qui pourraient être prises pour restaurer le système éducatif et celui de la santé.

M. JUAN ANTONIO QUINTANILLA (Cuba) a estimé que la communauté internationale avait une énorme dette envers Haïti, pays où avait eu lieu la première révolution sociale du continent américain après trois siècles de colonisation. Rappelant que 400 médecins cubains se trouvaient en Haïti au moment du séisme dans le cadre d'un programme de coopération internationale de longue date, le représentant a attiré l'attention sur le programme visant la mise sur pied d'un système de santé global à Haïti par l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA). Rappelant que des centaines d'étudiants haïtiens en médecine ont été formés depuis longtemps à Cuba, il a noté que 280 médecins haïtiens formés à Cuba participaient actuellement à la reconstruction. Nous avons l'obligation morale d'apporter des ressources financières additionnelles et une meilleure coopération à Haïti, tant pour la reconstruction que pour le développement, a conclu le représentant.

M. HÉCTOR RAÚL PELÁEZ (Argentine) a rappelé que son pays fournissait une assistance à Haïti depuis plusieurs années, une assistance qui s'est renforcée à la suite des événements de janvier dernier. Trois avions des forces de l'armée de l'air ont été envoyés, transportant des équipements de communication, du matériel hospitalier, de l'eau, de la nourriture et des biens de première nécessité. L'aide d'urgence est désormais passée; et l'ampleur de la reconstruction est énorme. L'Argentine rappelle à cet égard l'importance pour les États et les Nations Unies de poursuivre leur assistance au Gouvernement haïtien. Le représentant a rappelé qu'à l'occasion de la Conférence de la République dominicaine organisée du 15 au 17 mars dernier, a été soulignée la nécessité d'une aide apte à «refonder Haïti» sur de nouvelles bases qui mettent un terme à la vulnérabilité structurelle du pays. Cet objectif en tête, le Gouvernement argentin a participé à la Conférence des donateurs à New York et consenti une aide de 16 782 313 dollars américains.

M. EIJI MINEMURA (Japon) a relevé que, comme l'atteste le rapport de l'expert indépendant, la situation des droits de l'homme en Haïti reste grave, en particulier celle des personnes déplacées et forcées de vivre dans des camps et celle des personnes vulnérables - femmes, enfants et personnes handicapées. Toutes ces personnes vulnérables devraient être protégées contre les activités criminelles, la violence sexuelle, les pénuries alimentaires et les maladies, a déclaré le représentant. La sécurité est une condition préalable pour la protection des droits de l'homme, a-t-il souligné, ajoutant que, pour cette raison, les responsables des violations des droits de l'homme devraient être traduits en justice et les institutions judiciaires réformées. Toutes les activités liées aux droits de l'homme devraient être pleinement intégrées aux efforts de reconstruction en faveur d'Haïti, a ajouté le représentant. Le Japon a annoncé au mois de mars une aide de 100 millions de dollars et a déployé 350 soldats auprès de la MINUSTAH, a par ailleurs indiqué le représentant japonais. Quelle devrait être, de l'avis de l'expert indépendant, la priorité du Gouvernement haïtien en termes de protection des droits de l'homme de sa population?

M. ROBYN HODGKIN (Australie) a indiqué que son pays contribuait aux efforts de la communauté internationale en faveur de la reconstruction d'Haïti, sa contribution s'élevant à 24 millions de dollars australiens. La représentante a rappelé qu'il importe que le Gouvernement haïtien dirige lui-même les efforts de reconstruction. Elle a demandé à l'expert indépendant des informations sur les principales priorités en matière de reconstruction et sur la manière dont l'engagement de la communauté internationale peut y contribuer.

M. BOUALEM CHEBIHI (Algérie) s'est félicité de la coopération fructueuse du Gouvernement haïtien avec l'expert indépendant et le Haut Commissariat, dans l'esprit des principes applicables en matière d'assistance humanitaire, à savoir humanité, neutralité, impartialité, souveraineté et intégrité territoriale. Le séisme, qui a fait plus de 200 000 morts, a affecté un tiers de la population, a poursuivi le représentant algérien. Les dégâts sont estimés à plus de 120% du produit intérieur brut haïtien en 2009, alors que le pays comptait déjà parmi les pays les moins avancés. Dans ce contexte, le délégué s'est réjoui de l'effort de solidarité international multiforme, conjugué à l'action du Gouvernement. Au-delà de l'assistance d'urgence, le représentant a plaidé pour une relance de l'économie haïtienne à travers des efforts intenses de reconstruction. Il a également estimé qu'une attention particulière devra être accordée à la protection des enfants contre la violence, les abus, l'exploitation, les enlèvements vers l'étranger et les mauvais traitements. Les besoins des femmes dans le processus de relèvement devront en outre être pris en compte. Enfin, l'Algérie appuie la recommandation de M. Forst de ne pas faire peser prématurément sur Haïti le poids du retour de ses migrants qui ont fui le séisme.

M. CHRISTOPHER LOMAX (Royaume-Uni) a indiqué partager les préoccupations de l'expert indépendant, M. Forst, au sujet de la nécessité d'une protection accrue des membres des groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants, et du rétablissement de l'état de droit. À cet égard, le Royaume-Uni souligne la nécessité d'accorder une attention particulière à la protection des enfants et des femmes contre tout abus et toute exploitation, en particulier dans les camps de personnes déplacées internes. Il faut espérer que le renforcement programmé des effectifs de police des Nations Unies améliorera le niveau de protection assuré dans ces camps, a ajouté le représentant. Celui-ci s'est en outre dit encouragé par la détermination du Gouvernement haïtien de mettre un terme au mouvement illégal d'enfants sortant d'Haïti, soulignant que ce problème mérite une attention constante des autorités. Dans quelle mesure une approche respectueuse des droits de l'homme a-t-elle jusqu'ici été appliquée dans les efforts de reconstruction et de redressement en Haïti, a demandé le représentant britannique à l'expert indépendant.

MME LAURA DUPUY LASSERRE (Uruguay) a rappelé que son pays participait depuis 2004 à la MINUSTAH et a qu'il contribué à l'assistance à Haïti par le biais de l'aide humanitaire. La représentante a confirmé que cette aide se poursuivrait et a lancé un appel à la création de liens de solidarité permanents en vue de la reconstruction, du relèvement durable et du développement d'Haïti. La représentante s'est félicitée que le Gouvernement haïtien ait lui-même annoncé, le 31 mars, les domaines prioritaires de la reconstruction: la représentante a jugé cette appropriation nationale indispensable pour légitimer les actions futures. L'Uruguay est ouvert aux demandes d'appui sous la forme de personnel civil international, a-t-elle ajouté, souhaitant que le Gouvernement haïtien, en coopération avec les Nations Unies, assure la coordination des initiatives dans ce domaine.

MME CLAIRE HUBERT (Norvège) a félicité le Gouvernement haïtien d'avoir pris les rennes de la réponse à la crise, dans des circonstances extrêmement difficiles. Elle l'a encouragé à assurer la participation active des Haïtiens dans la mise en œuvre du plan d'action pour le relèvement national et le développement. La représentante s'est félicitée de la création d'une Commission intérimaire de reconstruction d'Haïti, co-présidée par le Premier ministre, M. Jean Max Bellerive et l'ancien Président des États-Unis, M. Bill Clinton. Cette Commission, qui tiendra sa première session demain, doit impérativement intégrer pleinement les droits de l'homme et la protection des civils dans la mise en œuvre de son mandat, a-t-elle préconisé. La protection des personnes vulnérables, et en particulier des 1,5 millions de personnes déplacées, est une priorité, a ajouté la déléguée. Celle-ci s'est par ailleurs félicitée de l'adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1927 autorisant le déploiement de 680 membres supplémentaires de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. De son côté, la Norvège contribuera à hauteur de plus de 100 millions de dollars à la reconstruction et au développement d'Haïti. Plus de 60% de cette somme sera versée au Fonds de reconstruction d'Haïti.

MME NATALIE KOHLI (Suisse) a relevé que le bilan de la situation en Haïti dressé par l'expert indépendant reste préoccupant. Au-delà des destructions subies, l'élan sans précédent de solidarité internationale et de concentration des efforts de reconstruction appelle à se saisir de l'occasion pour traiter les vulnérabilités structurelles du pays. Les mesures de protection visant à répondre aux besoins immédiats des groupes vulnérables ne doivent pas occulter la nécessité de rebâtir des institutions étatiques qui ont été durement touchées, a souligné la représentante suisse. Il est en effet capital d'assurer la continuité de la justice, la protection des personnes déplacées, des femmes et des enfants, mais aussi le retour à l'ordre public et le rétablissement d'un système pénitentiaire fonctionnel, a-t-elle précisé. La participation des bénéficiaires aux décisions prises à leur encontre reste la meilleure parade contre les discriminations et l'exclusion. La représentante s'est enquise auprès de l'expert indépendant des mesures immédiates sur lesquelles, parmi ses recommandations, la communauté internationale pourrait porter son attention.

M. FÉLIX PEÑA RAMOS (Venezuela) a déclaré que, si la situation d'Haïti n'apparaît plus dans les medias, elle continue de requérir l'assistance des peuples du monde. Le représentant a rappelé que l'assistance que le Venezuela accorde à Haïti ne date pas du séisme. Mais le Gouvernement vénézuélien a, depuis cet événement, mis ses personnels les plus qualifiés au service du relèvement du pays. Il a d'autre part annulé la dette d'Haïti à l'égard du Venezuela, a ajouté le représentant, avant de présenter les efforts déployés dans le cadre de l'«Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique» (ALBA), ceci dans le respect des principes d'indépendance, de souveraineté et d'intégrité territoriale d'Haïti. Le représentant a lancé un appel à la communauté internationale, et notamment aux pays industrialisés, pour qu'ils contribuent au relèvement d'Haïti, en particulier en annulant sa dette extérieure.

MME ANNIKA ABERG (Suède) a souligné qu'Haïti affrontait aujourd'hui des difficultés majeures dans sa reconstruction. Citant le rapport de M. Forst, la représentante a constaté que les conséquences du séisme vont au-delà de la simple destruction de bâtiments et d'infrastructures: les progrès réalisés dans le domaine des droits de l'homme risquent d'être anéantis par la crise humanitaire. En particulier, suite à la catastrophe, le nombre de personnes handicapées a beaucoup augmenté. Pour assurer les droits de cette population vulnérable, la Suède recommande de mieux appliquer les principes directeurs généraux pour la protection des personnes handicapées. La représentante a demandé l'avis de l'expert indépendant sur les tâches les plus compliquées qu'Haïti aura à relever dans la mise en œuvre d'une telle stratégie. D'autre part, attirant l'attention du Conseil sur la situation des enfants, une autre catégorie vulnérable de la population, la représentante suédoise s'est enquise des mesures que pourraient prendre la communauté internationale et le Gouvernement haïtien pour lutter contre le phénomène des restavèks et contre le trafic d'enfants.

M. EVGENY USTINOV (Fédération de Russie) a indiqué partager les conclusions et recommandations présentées par l'expert indépendant et par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme. Dès le départ, a rappelé le représentant, la Fédération de Russie a participé aux secours et aux opérations de reconstruction consécutives au tremblement de terre. La Fédération de Russie continue de surveiller de près les événements en Haïti, en particulier sur le plan des droits de l'homme; or, la situation n'est pas stable et il convient de lutter contre la criminalité et la corruption, tout en se penchant sur la situation des personnes vulnérables et des personnes déplacées. Il convient également de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale d'Haïti, a souligné le représentant russe.

M. VICENTE ZERAN (Chili) a estimé que le Conseil des droits de l'homme avait la responsabilité morale de contribuer aux efforts de reconstruction pour améliorer la vie de la population haïtienne par la promotion des droits de l'homme et de la bonne gouvernance. Le Chili travaille avec la communauté internationale en ce sens. Depuis 2001, il fait partie du Groupe des amis d'Haïti et dispose depuis 2004 d'un important contingent militaire et policier au sein de la MINUSTAH, a-t-il rappelé. Le représentant chilien a affirmé que la situation s'était bien améliorée dans le pays avant le séisme et s'est dit convaincu que la tragédie du séisme ne détruirait pas ce qui avait été réalisé pour renforcer l'état de droit. Il s'est toutefois inquiété des violences dont sont victimes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants.

MME LIU KENFEI (Chine) a remercié l'expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti et la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme pour leurs présentations. Elle a souligné que de nombreux Haïtiens sont toujours sans abri, alors que la saison des ouragans s'approche. La situation est très préoccupante et Haïti rencontre de nombreux obstacles dans ses efforts de reconstruction. La représentante chinoise a souligné que les logements et les infrastructures doivent être reconstruites. Elle a estimé que la communauté internationale devait continuer d'aider Haïti en respectant le rôle et la volonté du Gouvernement. La Chine a participé à ces efforts, notamment en formant de nombreux agents de police qui se sont acquittés de leurs tâches, voire ont sacrifié leur vie. La Chine a également envoyé des médicaments, des aliments et des équipements de purification d'eau dans le cadre des efforts de sauvetage et continue aujourd'hui d'œuvrer à la reconstruction d'Haïti en collaboration avec la communauté internationale.

Institutions nationales des droits de l'homme et organisations non gouvernementales

MME KATHARINA ROSE (Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et protection des droits de l'homme) a félicité l'expert indépendant pour son rapport de qualité. Le CIC soutient pleinement la recommandation de l'expert quant à l'importance de veiller à ce que les efforts de reconstruction en Haïti soient mis en œuvre dans le respect des droits de l'homme, a-t-elle indiqué. Elle a souscrit au point de vue selon lequel le renforcement de l'Office de protection du citoyen – l'institution nationale des droits de l'homme d'Haïti – devrait être une priorité. Des capacités et des ressources doivent cependant être mises en place pour permettre à l'Office de remplir effectivement son rôle, a-t-elle souligné, ajoutant qu'une assistance technique est ici tout particulièrement requise.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) a attiré l'attention sur les dangers que représentent les camps en particulier pour les femmes, qui y subissent viols et autres violences sexuelles. Elle a souligné l'impact du séisme sur les capacités de la police nationale haïtienne mais a estimé qu'il faudrait redoubler d'efforts pour qu'elle puisse remplir pleinement sa mission dans le respect des droits de l'homme. La représentante a ajouté que, même connus, les coupables d'abus n'étaient pas souvent inquiétés. Elle a par ailleurs dénoncé la marginalisation des femmes dans le processus de décision sur la reconstruction et a soutenu l'appel de l'expert indépendant pour qu'elles soient mieux représentées.

MME MARIA D'ONOFRIO (International Institute of Mary Our Help of the Salesians of Don Bosco) a soutenu le souhait de maintenir une approche fondée sur les droits de l'homme dès le début du processus de reconstruction en Haïti. Elle a, dans ce contexte, souligné la nécessité d'accorder une attention toute particulière au droit à l'éducation. Elle a rappelé que le tremblement de terre avait gravement endommagé les établissements scolaires, entravant ainsi le déroulement régulier des activités éducatives. Toutefois, de graves lacunes concernant le système éducatif existaient déjà en Haïti avant le séisme, empêchant la jouissance de ce droit par de nombreux enfants haïtiens. En particulier, une des difficultés principales vient de la privatisation des écoles; 90% des écoles sont privées, donc payantes, a souligné la représentante. C'est pourquoi son organisation se réjouit de l'appel lancé par le Président d'Haïti de faire de l'éducation la priorité nationale de la reconstruction. Elle a exprimé l'espoir qu'une attention particulière sera accordée aux efforts pour assurer la gratuité de l'éducation, à planifier un cadre de référence national en matière d'éducation, obligatoire pour toutes les institutions d'enseignement, pour assurer une éducation de qualité selon les normes internationales et à reconfigurer le système éducatif en tenant compte des besoins concrets et des réalités locales.

MME MISTY BUSWELL (Alliance internationale d'aide à l'enfance) a rappelé que son organisation était présente en Haïti depuis 1978. Comme le souligne l'expert indépendant, les enfants sont particulièrement menacés durant les crises humanitaires et leur vulnérabilité est aggravée du fait de la séparation de leurs familles ou de leur environnement habituel; ils sont victimes de toutes formes de maltraitance, y compris de viols, a-t-elle poursuivi. La représentante a apporté son soutien au point de vue exprimé par l'expert indépendant, M. Forst, quant à l'importance d'une approche soucieuse des droits de l'homme dans le cadre du processus de reconstruction en Haïti. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité pour le Gouvernement haïtien de veiller au respect des principes directeurs applicables aux personnes déplacées internes, y compris pour ce qui est de la réinstallation.

MME ELLEN WALKER (Forum européen pour les personnes handicapées) a rappelé que le séisme avait fortement augmenté le nombre déjà levé des personnes handicapées en Haïti. Ces personnes sont aujourd'hui victimes de discriminations encore plus graves, notamment pour ce qui concerne les sourds, traditionnellement méprisés et placés en bas de l'échelle sociale, a-t-elle fait observer. Elle a demandé aux Nations Unies et Organisations internationales de faire en sorte que toutes ces personnes aient accès à leurs droits.

M. PIERRE ESPERANCE (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a souligné que la situation générale des droits humains en Haïti était déjà très préoccupante avant le séisme. Le représentant a déploré les pertes humaines et les destructions d'une ampleur inédite causées par le séisme. Il a observé que la réalisation des droits de l'homme dans le pays a été rendue plus difficile que jamais, que les personnes réfugiées dans les camps sont confrontées à de nombreux problèmes, les enfants orphelins étant particulièrement vulnérables. Le représentant a déploré que des centaines de femmes soient victimes de la violence sexuelle. Dans ce contexte, le représentant a regretté que le plan d'action pour le relèvement et le développement national ait été élaboré sans véritable consultation avec la société civile. Ce plan comporte en outre certaines lacunes: il ne prévoit aucune réforme en profondeur du système judiciaire, alors que celui-ci était déjà gravement défaillant avant le séisme. La FIDH et le RNDDH recommandent aux autorités haïtiennes d'assurer la sécurité des personnes sinistrées - en particulier des personnes vulnérables, de garantir une information régulière de la population haïtienne sur la situation et les projets de reconstruction et de consolider l'état de droit et le système de justice.

M. BIRO DIAWARA (Interfaith International) a fait savoir que son organisation était toujours préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire dans le plateau central de Haïti, où la population locale et les personnes déplacées sont abandonnées à elles-mêmes malgré l'afflux de l'aide internationale. Il faut donc mettre en place une politique de coordination entre les agences humanitaires pour une meilleure visibilité de l'impact de l'aide octroyée, a plaidé le représentant, demandant par ailleurs l'intégration des droits de l'homme au cœur des programmes de reconstruction. Le représentant a en outre jugé indispensables la lutte contre la corruption et l'éradication de la culture de l'impunité, pour permettre le rétablissement durable de la stabilité sociopolitique en Haïti.

Conclusion de l'expert indépendant

M. MICHEL FORST, expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, a rappelé en conclusion la qualité précieuse de sa coopération avec le Gouvernement haïtien. M. Forst a relevé que le débat d'aujourd'hui avait montré une très forte convergence dans les points de vue. Un message fondamental est ainsi adressé aussi bien au Gouvernement d'Haïti qu'à la communauté internationale: il faut renforcer la protection des personnes les plus vulnérables, il faut fonder la reconstruction sur les droits. L'expert indépendant a promis de donner, dans son prochain rapport, des illustrations concrètes de l'application de cette approche.

M. Forst a rappelé ses propositions concernant la participation des femmes au processus de reconstruction, notamment dans la future Agence nationale. Il a noté l'accent mis sur le Bureau de la Protectrice du Citoyen pour la promotion et de protection des droits de l'homme. Il a estimé, avec certains intervenants, que les progrès notés avant le séisme avaient été interrompus et mis entre parenthèses mais n'avaient pas été totalement anéantis. L'expert indépendant a rappelé que la principale difficulté consiste à savoir par où commencer, dans un pays où tout est prioritaire. En tout état de cause, c'est à l'État haïtien, et non à la communauté internationale, de définir les priorités, a réaffirmé M. Forst.

L'expert indépendant a souhaité que les bailleurs de fonds se concertent davantage. De même, les institutions des Nations Unies à Genève et à New York devraient se coordonner de manière plus régulière, a déclaré M. Forst, regrettant que le Conseil des droits de l'homme n'ait pas adressé de message clair au Conseil de sécurité au moment du renouvellement du mandat de la MINUSTAH.


Débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme

États membres et groupes d'États

M. JAVIER GARRIGUES (Espagne au nom de l'Union européenne) a attiré l'attention du Conseil sur la situation au Kirghizistan. Le représentant s'est associé à l'appel au calme lancé par le Secrétaire général et a demandé qu'il soit mis immédiatement fin aux violences. Il a relevé l'importance de restaurer l'ordre public et d'établir les conditions d'un dialogue pacifique au Kirghizistan.

L'Union européenne apprécie le rôle des procédures spéciales dans le renforcement du respect des droits de l'homme. Il s'agit de mécanismes précieux pour promouvoir le respect des droits de l'homme et aider les États dans ce domaine. Pour l'Union européenne, il est essentiel que les titulaires de mandats puissent se rendre dans les pays. D'autre part, elle estime que la société civile contribue au renforcement des capacités des États; leur contribution ne devrait par conséquent pas être sous-estimée. À cet égard, le représentant de l'Union européenne a regretté la décision du Burundi d'expulser les travailleurs internationaux. Enfin, l'Union européenne se félicite de la coopération renouvelée entre le Népal et le Haut Commissariat aux droits de l'homme et espère que leurs efforts conjoints consolideront le processus de paix et de construction démocratique dans ce pays.

M. MATTHEW R. ANDRIS (États-Unis) a estimé que le Conseil devrait utiliser tous les instruments à sa disposition pour examiner les violations des droits de l'homme et les situations spécifiques lorsqu'elles se produisent. À cet égard, le représentant s'est félicité des déclarations faites, ces dernières années, par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme au sujet de situations difficiles dans de nombreux pays. Le représentant des États-Unis a encouragé le Haut Commissariat aux droits de l'homme à fournir au Conseil des mises à jour par pays, soulignant que de telles informations alertent sur les problèmes surgissant sur le terrain et permettent de canaliser l'assistance technique et le renforcement des capacités là où ils sont le plus nécessaire. Les États-Unis se félicitent que le Haut Commissariat envisage l'ouverture de nouveaux centres régionaux en Afrique et en Asie, et apprécieraient de recevoir des mises à jour concernant les présences sur le terrain en Guinée et au Népal.

Observateurs

MME NADIA LAMRANI (Algérie) a dit appuyer pleinement le rôle du Conseil des droits de l'homme dans le domaine de l'assistance technique et du renforcement des capacités, estimant qu'ils sont d'une grande utilité dans le cadre de crises aiguës, comme ce fut le cas en Haïti. Les mécanismes onusiens des droits de l'homme sont le cadre approprié à cette assistance, a estimé la représentante. Cependant, l'ouverture de tout bureau régional du Haut Commissariat aux droits de l'homme nécessite des consultations approfondies avec les États d'accueil: une simple réunion d'information avec les États membres ne saurait suffire, a averti la représentante.

M. LARS VOLCK MADSEN (Danemark) a expliqué que son pays attachait la plus grande importance à l'assistance technique et au renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme. Le représentant a souligné que la communauté internationale a beaucoup d'expériences à partager et de compétences à offrir pour améliorer la situation des droits de l'homme sur le terrain. Le Haut Commissariat joue un rôle central à cet égard, a précisé le représentant danois. Fort de ce constat, il a félicité les pays qui ont accepté de bénéficier de l'aide des bureaux du Haut Commissariat et s'est tout particulièrement réjoui de la décision du Népal de renouveler le mandat du bureau du Haut Commissariat. Il a encouragé le Gouvernement népalais à tirer parti au maximum de l'expérience que peut lui procurer la présence du Haut Commissariat dans différentes parties du pays.

Organisations non gouvernementales

M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) a indiqué que son organisation s'inquiétait des violations des droits de l'homme dans le contexte de la situation politique volatile qui règne au Burundi, ajoutant que ces violations augurent de violences à venir. À la suite des élections communales de mai dernier, dont les résultats ont été rejetés par l'opposition, le Gouvernement burundais a réagi en limitant la liberté d'assemblée et en interdisant les réunions des partis d'opposition. En outre, le Burundi ne dispose toujours pas d'une commission nationale des droits de l'homme indépendante, a déploré le représentant.

MME POOJA PATEL (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement) s'est félicitée de la prorogation pour un an de l'accord sur le bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme au Népal, tout en regrettant que les négociations sur ce maintien aient été marquées davantage par des considérations politiques que par le souci de respecter les droits de l'homme. La représentante a estimé que l'accord, qui prévoit la fermeture de certains bureaux régionaux, limitera l'action du Haut Commissariat dans le pays, ce qui créée un risque de lacune dans la protection. En outre, le mandat prolongé insiste sur le rôle de la Commission nationale des droits de l'homme du Népal et sur sa coopération avec le bureau du Haut Commissariat: or, le projet de loi créant cette Commission n'a pas encore été adopté par le Parlement, a remarqué la représentante.

MME MAILE MILLER (United Nations Watch) s'est félicitée du projet de résolution sur le Kirghizistan sur lequel le Conseil votera ces prochains jours. La représentante a souligné que la situation humanitaire est difficile dans ce pays: la minorité ouzbèke a été visée par des manifestations violentes, ces dernières semaines; la deuxième ville du pays, Osh, est en ruines. Selon la Croix-Rouge, plusieurs centaines de personnes ont été tuées, des milliers blessés et des centaines de milliers ont fui les violences, a ajouté la représentante. Cette dernière a demandé pourquoi le Conseil ne convoque pas une session extraordinaire sur cette situation. La représentante s'est également dite déçue que la résolution sur le Kirghizistan ne crée pas de mandat d'expert indépendant pour évaluer la situation des droits de l'homme dans ce pays, pas plus qu'elle n'établit une commission d'enquête internationale sur les violations des droits de l'homme.

M. JOSEPH NDAYIZEYE (Cairo Institute for Human Rights Studies) s'est dit préoccupé face à la situation des droits de l'homme qui prévaut au Burundi, compte tenu notamment de l'absence de mécanisme national indépendant de protection des droits de l'homme et d'institution nationale chargée de faire état au quotidien de la situation des droits de l'homme. Alors que plusieurs scrutins sont attendus dans le cadre des processus électoraux en cours, nous sommes préoccupés par le fait que ces élections se déroulent et vont se dérouler dans un contexte fait d'assassinats, dont certains seraient de nature politique, a ajouté le représentant. Le représentant déploré en outre le rétrécissement de la liberté d'expression au Burundi, comment en témoigne l'expulsion de la représentante de l'organisation Human Rights Watch. Par ailleurs, le Gouvernement burundais multiplie les mesures de restriction en empêchant les partis d'opposition de tenir des réunions et en limitant les déplacements de leurs leaders. Aussi, le Conseil devrait-il continuer à assurer un suivi attentif de l'évolution des droits de l'homme au Burundi et renforcer le mandat de l'expert indépendant afin qu'il présente son rapport annuellement.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a jugé inacceptable que des pays qui commettent des violations très graves des droits de l'homme ne puissent être dénoncés comme tels. La représentante a observé que les pays qui ont les pires bilans en matière de droits de l'homme insistent pour que le Conseil des droits de l'homme rejette toute approche de confrontation. Le Conseil des droits de l'homme n'est pas une «garden party», a affirmé la représentante, c'est un lieu où les violations des droits de l'homme doivent être dénoncées et combattues.

M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, au nom également de l'Union internationale humaniste et laïque; et l'Union mondiale pour le judaïsme libéral) a déploré la tragédie qui a touché Haïti. Il a regretté que l'État d'Israël n'ait pas pris la parole au sujet d'Haïti, en dépit de l'opération d'assistance humanitaire de grande envergure qu'il a dépêchée dans ce pays, notamment pour procéder à des opérations chirurgicales. Le moment est venu d'instaurer un véritable «dialogue des civilisations» dans la salle de l'Alliance des civilisations du Conseil, avec la participation d'Israël.

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HRC10/082F