Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ACHÈVE SON DÉBAT SUR LA LIBERTÉ DE RELIGION ET DE CONVICTION ET LA SITUATION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance
Il entame l'examen du premier rapport de la Représentante spéciale sur la violence à l'encontre des enfants

Le Conseil des droits de l'homme a terminé jeudi cet après-midi son débat interactif avec les Rapporteuses spéciales chargées respectivement de la liberté de religion et de conviction et de la situation des défenseurs des droits de l'homme.

Certaines délégations, tout en reconnaissant le rôle des défenseurs des droits de l'homme, ont souligné l'importance de déterminer qui est un défenseur des droits de l'homme et qui se sert de ce statut pour promouvoir des intérêts politiques ou autres. En outre, les défenseurs des droits de l'homme ne doivent pas se laisser instrumentaliser ni servir d'agents d'États étrangers. L'accent a été mis par plusieurs sur le devoir de responsabilité qui s'impose aux défenseurs des droits de l'homme, rappelant qu'il existe un cadre juridique à leur action, fixé dans la Déclaration de 1998 sur les défenseurs des droits de l'homme.

Répondant aux interventions faites au cours du débat interactif depuis ce matin, Mme Margaret Sekaggya, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, s'est émue, à l'instar de certaines délégations, de la stigmatisation des défenseurs des droits de l'homme et de la criminalisation de leur action dans plusieurs pays. Mme Sekaggya a ensuite demandé aux États de coopérer avec son mandat, de répondre à ses communications et d'autoriser ses visites: la coopération est essentielle pour assurer la sécurité des défenseurs des droits de l'homme, a-t-elle rappelé.

S'agissant de la liberté de religion et de conviction, des délégations ont notamment soulevé la question de l'interdiction des minarets et de l'interdiction du port de vêtements liés à la religion musulmane, en s'inquiétant d'une tendance à la croissance de l'islamophobie dans les pays occidentaux, ce qui pourrait entraîner de nouvelles campagnes antireligieuses contre la population musulmane.

À cet égard, Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a rappelé qu'elle s'était inquiétée, en novembre 2009, des conséquences du résultat du référendum suisse sur les minarets pour la liberté de religion et de conviction des musulmans. Elle a également souligné que la liberté de religion et la liberté d'expression sont toutes deux essentielles, se renforcent mutuellement et se chevauchent. Elle a rappelé que la liberté d'expression doit être respectée si l'on veut que la liberté de religion le soit également.

Les délégations des pays suivants se sont exprimés cet après-midi dans le cadre de ce débat interactif: Pays-Bas, Sri Lanka, Malaisie, Algérie, Arménie, Nigéria, Belgique, Chili, Iran, République de Corée, Syrie, Égypte, Bélarus, Azerbaïdjan, Kenya, Ouzbékistan, Palestine et Maroc. L'Arménie, l'Iraq, la Colombie, l'Iran et l'Azerbaïdjan ont exercé le droit de réponse en fin de séance.

Ont également pris la parole les représentants des organisations suivantes: Réseau africain des institutions nationales de droits de l'homme; Service international pour les droits de l'homme; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement (au nom également de Asian Legal Resource Centre; et Forum international des ONG pour le développement indonésien); Commission colombienne de juristes; Conectas Direitos Humanos; Nord-Sud XXI; Franciscain international, au nom également de Dominicains pour justice et paix - Ordre des frères prêcheurs); Human Rights First (au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH); et Centre for Human Rights and Peace Advocacy.

Le Conseil a ensuite entamé l'examen du premier rapport de la nouvelle Représentante spéciale sur la violence à l'encontre des enfants, Mme Marta Santos Pais, qui a présenté la manière dont elle envisageait son mandat, ses priorités et les stratégies qu'elle entendait suivre, ainsi que les activités menées pendant les premiers mois d'activité de son mandat. Elle a précisé qu'elle avait l'intention de donner une forte visibilité à ce sujet et à l'impact néfaste de la violence à l'égard des enfants, ajoutant qu'elle veillerait à mobiliser les efforts pour combattre ce fléau. Elle a mis l'accent sur trois objectifs: le développement dans chaque pays d'une stratégie globale de prévention et d'intervention; la mise en place d'une législation nationale pour la prévention; un système de collecte de données et de recherche sur les causes des violences faites aux enfants.

La plupart des délégations se sont accordées pour estimer que des politiques nationales coordonnées étaient nécessaires en matière de lutte contre la violence à l'égard des enfants. Certaines délégations ont mis l'accent sur le cadre de la famille et de la communauté pour privilégier les bonnes pratiques en matière de protection des enfants contre les violences, et d'autres ont estimé que les châtiments corporels étaient humiliants et incompatibles avec l'éducation.

Le Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), la Fédération de Russie, l'Union européenne, le Brésil, les Pays-Bas, la Belgique, la Thaïlande, la Chine, la Colombie et la République du Congo ont participé au débat interactif.


Le Conseil doit conclure demain, à partir de 10 heures, le débat interactif avec la Représentante spéciale sur la violence à l'encontre des enfants. Il se penchera ensuite sur les conclusions du groupe de travail sur l'élaboration d'un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant et tiendra un débat général sur la promotion et la protection de tous les droits de l'homme.


Suite de l'examen de la situation des défenseurs des droits de l'homme et de la question de la liberté de religion et de conviction

Débat interactif

M. ROBERT-JAN SIEBEN (Pays-Bas) a regretté, avec Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion, que des acteurs non étatiques, et même parfois des agents de l'État, continuent de menacer des personnes ayant changé de religion, en particulier dans les situations où leur première religion est celle de la majorité de la population. Les Pays-Bas estiment que toute stratégie de prévention de l'intolérance religieuse doit insister sur le fait que les individus ont plusieurs identités. Le fait de ne pas se focaliser sur l'aspect religieux de l'identité d'une personne, d'un groupe ou d'une société permet de contrer l'intolérance, par la mise en évidence d'autres liens, a souligné le représentant. Dans ce sens, il a demandé à Mme Jahangir si elle juge que le concept d'identités multiples est utile dans la discussion autour de la manière de désamorcer la discrimination ou la violence commise au nom de la religion ou de la croyance ? De même, le représentant a demandé à la Rapporteuse spéciale des conseils quant à la manière de traiter les signes avant-coureurs de l'intolérance, en particulier dans le contexte de l'Examen périodique universel. Le délégué a enfin demandé à Mme Margaret Sekaggya, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, quelles possibilités sont à la disposition des États afin d'assurer que ces personnes exercent leurs activités légitimes sans crainte de persécution.

MME KSHENUKAN SENEWIRATNE (Sri Lanka) a affirmé que les autorités de son pays poursuivent l'enquête sur le cas de Mme Lasantha Wickramatunga mentionné par la Rapporteuse spéciale sur des droits des défenseurs des droits de l'homme dans son rapport et que des progrès sont attendus prochainement. Concernant les autres allégations de violations mentionnées dans le rapport, la représentante a annoncé que les mesures adéquates pour prévenir les violations étaient d'ores et déjà mises en place. Par ailleurs, elle a réitéré une déclaration faite la semaine dernière par sa délégation et qui appelait à la prudence s'agissant de la dénomination très vague de «défenseurs des droits de l'homme», qui est utilisée pour englober toutes formes d'activité, même parfois très éloignées. Il faut donc empêcher certaines personnes de se présenter comme telles pour en tirer un avantage politique. En ce qui concerne le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, la déléguée sri-lankaise a rappelé que Mme Jahangir avait visité le pays en 2005 et ses recommandations ont été prises en compte lors de la finalisation du Plan d'action national sur les droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale sera tenue au courant de l'état d'avancement de ce dossier, a-t-elle assuré. En conclusion, la déléguée a rappelé que Sri Lanka était un pays extrêmement tolérant qui a toujours connu l'harmonie religieuse.

MME ANIZAN SITI HAJAR ADNIN (Malaisie) a déclaré que son pays, qui a récemment été confronté à des troubles liés à la question sensible du droit à la liberté de religion et de conviction, réaffirme l'importance de protéger l'ensemble des sites religieux, conformément à la résolution 55/254 de l'Assemblée générale. Elle a dit soutenir les conclusions et recommandations visant à lutter contre la tendance croissante à l'intolérance fondée sur la religion qui jugent essentiels une meilleure éducation et le renforcement de la culture du dialogue. La représentante a jugé dignes d'étude certaines des recommandations faites par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme mais elle s'est dite sceptique sur l'efficacité potentielle de telles recommandations lorsqu'elles sont mises en avant sur une base qu'elle a jugée sélective.

M. MOHAMED EL AMINE BENCHERIF (Algérie) a déclaré que la garantie de la sécurité des personnes et des biens est une prérogative exclusive de l'État. Il a demandé à la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme s'il est vraiment possible d'envisager que cette garantie de sécurité puisse se faire par le recours à des financements étrangers, tel que conseillé dans le rapport. Le représentant a aussi observé que le rapport recommande que les missions diplomatiques des États d'une région spécifique renforcent leur rôle dans la protection physique des défenseurs des droits de l'homme: or, ceci est contraire aux usages diplomatiques et risque plutôt de fragiliser les défenseurs vis-à-vis de leurs citoyens. Le représentant a également fait savoir que son pays considère, à l'instar de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion, qu'il est de la plus haute importance d'accorder une attention soutenue aux signes précurseurs de la discrimination et de la violence exercées en raison de la religion, pour prévenir des violations des droits de l'homme et instaurer un climat de tolérance religieuse. Face à la montée de l'extrémisme et de la discrimination en raison de la religion, par le recours à des stéréotypes négatifs et à des campagnes populistes, notamment d'affiches incitant à la haine, l'Algérie considère qu'il est nécessaire de disposer de normes complémentaires pour appréhender de manière appropriée cette manifestation contemporaine de racisme.

MME SATENIK ABGARIAN (Arménie) s'est dite favorable à une étude de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion qui porterait sur les systèmes d'alerte rapide en cas de discrimination et de violences fondées sur des motifs religieux. Elle a rappelé qu'il a été démontré à plusieurs reprises, y compris en 2003 par la Rapporteuse spéciale elle-même, que des centaines de Khatchkars -pierres tombales arméniennes - ont été détruites ou vandalisées au Nakhitchevan. En 2006, la Rapporteuse spéciale a recommandé que les autorités locales du Nakhitchevan soient davantage sensibilisées aux droits de l'homme et a regretté que le Gouvernement d'Azerbaïdjan n'ait fourni aucune information sur le suivi de cette question. La représentante a affirmé que son pays avait toujours préconisé la protection des minorités religieuses et que son Gouvernement coopérait avec les différentes parties prenantes pour améliorer en permanence la situation en Arménie. Un Département des minorités et des questions religieuses a été créé en janvier 2004; il participe à la préparation du plan d'action national et régule les relations entre l'État et les organisations religieuses; il aide aussi ces dernières à résoudre les questions qui se posent dans leur vie quotidienne.

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria) a souhaité effectuer quelques clarifications sur le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction. Le peuple et le Gouvernement du Nigéria n'ont jamais faibli dans leur engagement envers les principes de la liberté de conscience, de religion, de conviction ou la coexistence pacifique. Le représentant a signalé que les conflits et la violence ne sont pas les manifestations habituelles des interactions entre les différentes communautés religieuses dans le pays. Guidés par la laïcité dans sa Constitution, le Gouvernement fait preuve d'impartialité à l'égard des religions, mais l'importance de la religion dans la vie des communautés a été reconnue par l'État. Pour le représentant nigérian, les causes premières des crises récentes à Jos sont socio-économiques et sont liées à l'analphabétisme et à l'exploitation économique des masses. Les responsables seront traduits en justice selon une procédure régulière, a assuré le délégué nigérian. Le Gouvernement a pour sa part pris des mesures pour remédier aux problèmes de sécurité qui ont conduit à ces événements récents. Il aborde de manière assidue les besoins économiques et sociaux de la population pour augmenter son niveau de vie. En ce qui concerne le problème de l'an passé avec le groupe Boko Haram, le représentant nigérian a fait remarquer que ce groupe opère sous un paravent religieux, mais que son objectif principal est bel et bien de prendre le pouvoir aux autorités constituées. La discrimination religieuse n'a jamais été une politique gouvernementale au Nigéria, a-t-il conclu.

M. XAVIER BAERT (Belgique) s'est dit préoccupé par les dangers et difficultés auxquels les défenseurs des droits de l'homme sont confrontés dans l'exercice de leurs activités et notamment des violations dont sont victimes les femmes défenseurs des droits de l'homme, les défenseurs appartenant à des minorités sexuelles et ceux travaillant à la protection des ressources naturelles. Il a appelé les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les droits de ceux et celles qui s'investissent en faveur des droits de l'homme. La Belgique s'inquiète des harcèlements dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme en Colombie, ainsi qu'au Kirghizistan où, a rappelé le représentant, des journalistes ont récemment été victimes d'attaques violentes. Il a toutefois pris note avec satisfaction de la décision rendue le 2 mars par la Cour constitutionnelle kirghize, qui a jugé inconstitutionnelles un certain nombre de mesures législatives restreignant de manière excessive la liberté d'association. Le représentant a par ailleurs jugé que la situation en République démocratique du Congo reste préoccupante et a souhaité que ce pays prenne en compte les recommandations adressées par la Belgique à l'occasion de l'Examen périodique universel. Concernant la liberté de religion, le représentant a noté qu'il semble difficile d'empêcher les signes d'intolérance religieuse de se propager une fois qu'ils se sont manifestés. Il s'est inquiété de la persistance de l'intolérance vis-à-vis des minorités religieuses dans différents endroits du monde, citant les discriminations dont sont victimes pratiquement tous les groupes non chiites en Iran, et se disant notamment préoccupé du sort des bahá'ís du pays. Il s'est dit également préoccupé de la situation précaire de la minorité chrétienne d'Iraq, tout en se félicitant de la prise de conscience des autorités iraquiennes. Il a dit avoir noté avec grand intérêt l'analyse de Mme Jahangir sur les signes précurseurs de discrimination et a estimé que l'obligation imposée par l'Arabie saoudite d'indiquer l'appartenance religieuse dans les documents officiels constituait assurément un signe précurseur.

M. VICENTE ZERAN (Chili) s'est dit très préoccupé par les stéréotypes négatifs et les manifestations de discrimination à l'encontre des religions et des croyances. Le Chili estime que la liberté de religion doit être comprise comme le droit de pratiquer une religion, d'en changer ou de n'en avoir aucune. Il s'agit d'une liberté et d'un droit fondamental: celui d'exprimer sa foi sans entrave autre que celles prévues par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le représentant chilien a aussi déclaré que son pays, pour des raisons historiques, estime que le mandat de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme est de la plus haute importance. Le Chili est conscient des difficultés que les défenseurs rencontrent dans l'exercice de leurs activités légitimes, y compris en Amérique du Sud, difficultés qui s'accompagnent parfois de la mise en danger de leur propre vie. Le mandat de Mme Sekaggya représente précisément la reconnaissance que la communauté internationale accorde aux dangers de cette situation dans de nombreux pays. Le représentant a estimé irrecevable l'invocation de coutumes, de traditions ou d'obligations religieuses pour justifier les entraves à l'action des défenseurs des droits de l'homme.

M. MOJTABA ALIBABAIE (Iran) a relevé que l'absence de définition internationale acceptée du concept de défenseur des droits de l'homme constitue un problème récurrent. Bien que la nécessité d'une telle définition ait été continuellement évoquée dans les différentes sessions du Conseil, aucune initiative n'a été lancée dans ce domaine, a-t-il regretté, invitant la Rapporteuse spéciale à engager une discussion avec les différents pays dans le but de définir quelques critères au terme de défenseur des droits de l'homme. Pour le représentant iranien, il importe de garder en mémoire que les défenseurs des droits de l'homme doivent travailler dans le cadre juridique et constitutionnel de leur propre pays et doivent mener leurs activités conformément à la loi de l'État concerné ce qui, a-t-il précisé, contribuerait à leur donner un environnement favorable pour leurs activités. Le représentant a invité la Rapporteuse spéciale à effectuer une étude sur les effets négatifs des incitations de la part de l'étranger sur l'indépendance et la position des défenseurs des doits de l'homme dan les sociétés. De telles interférences mettent en danger leur crédibilité et leur réputation et par conséquent mettent en danger leur rôle social, a-t-il fait valoir. Commentant ensuite le rapport sur la liberté de religion, le représentant iranien a noté une tendance croissante à l'islamophobie dans certains pays occidentaux et a demandé à la Rapporteuse spéciale si elle avait pris des mesures à cet égard. Le représentant iranien a regretté la tendance à appliquer des restrictions aux activités religieuses des minorités sous couvert de lutte contre le terrorisme. Selon lui, il arrive que les minorités soient utilisées par des États étrangers ou leurs agents pour créer de l'insécurité et des tensions. En conclusion, le délégué iranien a invité la Rapporteuse spéciale à se pencher sur la corrélation entre liberté de religion et respect des religions et croyances. Dans plusieurs cas, la liberté d'expression fait l'objet d'abus pour attaquer une religion spécifique, a-t-il noté.

M. WIE-YOUNG HA (République de Corée) a déclaré qu'il faudrait accorder une attention sérieuse aux signes précurseurs de discriminations et de violences fondées sur la religion afin de traiter de manière préventive les problèmes posés par l'intolérance religieuse. Il a dit soutenir l'approche préventive de la Rapporteuse spéciale, ajoutant qu'il fallait absolument traiter des causes profondes et des signes précurseurs de l'intolérance religieuse. Il a insisté sur l'importance du dialogue interreligieux et de l'éducation de la jeunesse à la tolérance et à la diversité religieuses. Il a rappelé à cet égard que son pays avait accueilli à Séoul en septembre 2009 le cinquième Dialogue interreligieux de la Réunion Asie-Europe, organisée avec la Finlande, dont la déclaration finale met l'accent sur l'éducation des jeunes générations de religions différentes. Il a dit partager les inquiétudes de la Rapporteuse spéciale s'agissant des enfants endoctrinés à l'intolérance religieuse et utilisés pour perpétrer des violences au nom de la religion. Il a en outre regretté que les femmes demeurent une cible permanente de l'intolérance religieuse: trop souvent marginalisées et victimes de l'intolérance religieuse, les femmes peuvent pourtant contribuer fortement au processus menant à l'harmonie religieuse, a ajouté le représentant. Enfin, le représentant de la République de Corée a demandé à la Rapporteuse spéciale de présenter quelques exemples illustrant le rôle des femmes dans le dialogue interreligieux.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a estimé important de s'intéresser aux signes avant-coureurs de l'intolérance. Il a souligné que la participation des autorités de l'État et des chefs religieux est déterminante pour lutter contre l'intolérance religieuse. La prévention est primordiale. Le représentant syrien a observé que la diffamation des religions est de plus en plus souvent liée à l'incitation à la haine religieuse, notamment par le biais des médias, tendant à empêcher les minorités religieuses de pratiquer leur foi. Il a demandé à la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Mme Asma Jahangir, de donner son opinion sur certaines mesures discriminatoires telles que l'interdiction de la construction de minarets ou l'interdiction du port de vêtements ou symboles religieux en public.

M. OMAR SHALABI (Égypte) a partagé une partie des conclusions du rapport de Mme Sekaggya sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, mais réprouve aussi une partie du rapport qui, selon lui, ne traite pas de façon équilibrée des risques que rencontrent les défenseurs des droits de l'homme dans certaines régions, selon qu'il y ait ou non une occupation étrangère. L'Égypte estime qu'une définition des défenseurs des droits de l'homme pourrait être la suivante: «toute personne qui œuvre pour défendre les droits de l'homme internationalement reconnus». Il souhaiterait savoir si la rapporteuse spéciale partage cette façon de voir. Nul au sein d'une société ne doit être soumis à une discrimination, a-t-il poursuivi. D'autre part, le délégué égyptien partage l'approche et beaucoup des conclusions du rapport de Mme Asma Jahangir sur la liberté de religion ou de conviction, notamment lorsque le rapport aborde les signes précurseurs de violence, les stéréotypes, les discours publics ciblant les membres de certaines communautés religieuses ou les campagnes de haine. Pour lui, l'interdiction des minarets reflète les sentiments anti-religieux d'une région entière, ce qui pourrait entraîner de nouvelles campagnes anti-religieuses contre la population de la religion concernée, et il s'est satisfait de la déclaration de Mme Jahangir à cet égard. Il faut insister sur la protection des droits et non les violations qui résulteraient de l'exercice de ces droits, a estimé le délégué de l'Égypte. Enfin, il s'est demandé si la liberté de religion peut être protégée alors que le sécularisme s'étend, comme semble le signaler la Rapporteuse spéciale. Il a estimé qu'il est temps de se pencher sur les atteintes à la liberté de religion au nom même de ce sécularisme.

MME LARISA BELSKAYA (Bélarus) a dit partager entièrement la conclusion de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction: la législation nationale en matière de tolérance religieuse doit correspondre au droit international. Le Bélarus respecte ce principe et n'est pas en proie à des conflits religieux, a-t-elle affirmé. Elle a rappelé que son pays a créé en 2008 un comité consultatif constitutionnel, associé à l'élaboration des politiques qui concernent les religions. Le développement du dialogue interreligieux sur la base du respect des droits de l'homme est essentiel pour favoriser une meilleure compréhension entre différentes religions, a affirmé la représentante, qui a ajouté que le Bélarus soutient les initiatives destinées à favoriser la tolérance et le respect des autres cultures et confessions religieuses.

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a constaté que le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion considère la persistance des stéréotypes dans les discours publics comme signe avant-coureur de la discrimination et de la violence commises au nom de la religion. De fait, les discours stéréotypés sur les religions affectent la vie de très nombreux croyants. Une peur irrationnelle vise ainsi certains groupes, s'accompagnant d'insultes au sentiment religieux. L'ignorance est la cause principale de cette attitude, a estimé le représentant azerbaïdjanais. Le rapport de Mme Jahangir mentionne en outre la destruction délibérée de lieux de cultes comme une autre manifestation d'intolérance religieuse, commise surtout durant des conflits armés et dans des situations d'occupation étrangère. L'Azerbaïdjan estime, à l'instar de la Rapporteuse spéciale, que les États doivent non seulement punir les auteurs de telles violations de la liberté de religion, mais aussi prendre des mesures ciblées pour éviter leur répétition. C'est pour cette raison que le Gouvernement d'Azerbaïdjan a pris des mesures concrètes pour garantir la réalisation de ce droit, comme par exemple la création d'un comité interministériel chargé de la collaboration avec les organisations religieuses du pays, ainsi que d'autres initiatives destinées à favoriser le dialogue interreligieux.

MME MARYANN NJAU KIMANI (Kenya) a assuré que son pays soutient le travail des défenseurs des droits de l'homme. La création de la Commission nationale kenyane des droits de l'homme, conforme aux principes de Paris, en est une illustration. Le Gouvernement s'est en outre engagé dans un dialogue actif avec les organisations de la société civile de promotion et de protection des droits de l'homme afin de promouvoir les droits de l'homme au Kenya, a ajouté la représentante. Avec ses partenaires de développement, le Gouvernement a en outre mis en place un fonds non gouvernemental pour faciliter la participation d'acteurs non étatiques aux efforts de réforme du secteur du droit et de la justice. Il a en outre adopté une loi sur la protection des témoins et prépare des programmes destinés à contribuer au renforcement du droit à la vérité, indépendants des agences gouvernementales.

M. BADRIDDIN OBIDOV (Ouzbékistan) a évoqué le rapport de Mme Sekaggya sur la situation des défenseurs des droits de l'homme et a affirmé que son pays fournit des informations régulières aux demandes de la Rapporteuse spéciale. Mais selon lui, certains commentaires du rapport ne reflètent pas une approche équilibrée et transparente de la préparation de ce contenu. L'Ouzbékistan espère qu'à l'avenir la Rapporteuse spéciale adoptera, dans la conduite de son mandat, une approche universelle qui évite la sélectivité et le recours à des informations non vérifiées. Le représentant ouzbek a ensuite évoqué le partenariat privilégié entre les autorités de son pays et les organisations non gouvernementales, un partenariat qui favorise le développement de la société civile et l'état de droit. Cinq mille ONG sont actives en Ouzbékistan, a-t-il affirmé. Même si la législation ne prévoit pas de statut juridique précis pour les défenseurs des droits de l'homme, chaque ONG arrive à travailler dans son domaine et l'État apporte son aide à la création de ces organisations. Le délégué a d'ailleurs précisé que les ONG ont participé à la préparation du rapport national dans le cadre de l'Examen périodique universel dont a fait l'objet le pays.

M. IMAD ZUHAIRI (Palestine) a remercié Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, pour son rapport. Le représentant a réaffirmé le caractère arabe des lieux saints, en particulier le caveau des patriarches à Hébron, annexés par les forces d'occupation. Il a déploré l'incendie de mosquées et les fouilles pratiquées sous la mosquée d'Al Aqsa, dans l'objectif de judaïser ces lieux saints. Le représentant a également dénoncé les entraves à l'accès aux lieux saints par Israël, ainsi que la démolition et la profanation de sanctuaires musulmans dans la même ville. Il a affirmé que, quels que soient les moyens utilisés pour violer les droits du peuple palestinien, ce dernier est déterminé à réintégrer ses terres et à récupérer ses lieux de culte.

M. OMAR HILALE (Maroc) a rappelé que son pays avait été, avec la Norvège, l'initiateur de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme car, a-t-il ajouté, il est convaincu de la noblesse et de l'importance de leur mission, qui doit pouvoir s'appliquer partout et ne pas connaître de restrictions politiques. Toutefois, a ajouté le représentant, de même que les États membres sont comptables de leurs actions devant la communauté internationale et devant leur peuple, les défenseurs des droits de l'homme ont également des devoirs et sont comptables devant la communauté internationale. Il existe un cadre juridique à leur action, fixé dans la Déclaration de 1998, a-t-il rappelé, soulignant que les défenseurs des droits de l'homme ne sont pas des acteurs sans statut et qu'ils ne doivent pas se laisser instrumentaliser ni servir d'agent à des États étrangers. Le représentant marocain a souhaité que la future résolution sur les défenseurs des droits de l'homme mette l'accent sur cette responsabilité.

M. YOUSSEF SATANE (Réseau africain des institutions nationales de droits de l'homme) a déclaré que les États doivent appliquer des programmes de protection physique des défenseurs des droits de l'homme dans leurs pays respectifs. C'est la première étape vers un environnement de travail sûr pour les défenseurs, a-t-il souligné. Il a indiqué que les caractéristiques clés du travail des institutions nationales de droits de l'homme sont de conseiller et de faire pression pour l'adoption de cadres légaux nationaux sur la protection des défenseurs des droits de l'homme; de sensibiliser les autorités et le public à travers une large diffusion de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme; et de mener des enquêtes et de faire rapport sur les violations des droits des défenseurs des droits de l'homme.

MME KATRINE THOMASEN (Service international pour les droits de l'homme) s'est félicitée de l'accent mis sur la sécurité des défenseurs des droits de l'homme, alors qu'onze ans après l'adoption de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme, ces derniers sont toujours confrontés à de graves violations de leurs droits. Elle a expliqué que son organisation reconnaît le rôle important qu'a joué le mandat de la Rapporteuse spéciale. S'adressant directement à Mme Sekaggya, elle a souhaité savoir comment son mandat peut aider les États à respecter leurs obligations. Sachant que le taux de non réponse des États aux communications est plus important que dans d'autres mécanismes, le Service international pour les droits de l'homme aimerait connaître les raisons de ce faible taux de réponse, ainsi que ses conséquences sur la promotion des droits des défenseurs des droits de l'homme.

MME EMERLYNN GIL (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, au nom également de Asian Legal Resource Centre; et Forum international des ONG pour le développement indonésien) a noté avec préoccupation que l'un des premiers signes avant-coureurs de discrimination fondée sur la religion réside dans l'adoption par certains États de législations nationales qui sont en contradiction avec les instruments internationaux et parfois avec leur propre Constitution. Elle a en ce sens félicité l'Indonésie, où une loi sur le blasphème de 1965 est actuellement contestée devant la Cour constitutionnelle. Elle a exhorté les États à aborder, à l'instar de l'Indonésie, ces questions de la manière la plus démocratique. Mme Gil a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme mentionne comme facteur déclenchant des attaques contre les activistes leurs prises de positions à l'étranger sur la situation dans leur propre pays. Elle a illustré cette situation par le cas de plusieurs personnes qui, après avoir fait part de leurs inquiétudes sur la situation des droits de l'homme au Sri Lanka, doivent désormais rester hors de leur pays par peur de représailles. Déclarant n'avoir pas reçu de réponse du Gouvernement du Sri Lanka sur cette affaire, elle a demandé à Mme Sekaggya si elle a des informations précises, et plus généralement des indications sur les menaces et intimidations dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme au Sri Lanka, comme par exemple la présidente de la branche locale de Transparency International.

M. GUSTAVO GALLÓN (Commission colombienne de juristes) a déploré que les déclarations publiques du Président colombien, ainsi que celles des représentants de l'armée, témoignent d'une attitude hostile à l'action des défenseurs des droits de l'homme. Soulignant que le Procureur général de la nation estime, pour sa part, que les autorités sont responsables de nombreuses violations des droits des défenseurs, le représentant a dénoncé les nombreuses menaces, violences et diffamations commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme en Colombie. Le Conseil des droits de l'homme devrait aussi demander des explications aux autorités sur de possibles violations des privilèges attachés à la qualité de Rapporteur spécial de M. Rodolfo Stavenhagen, ancien Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones.

M. BRUNO SOUZA (Conectas Direitos Humanos) s'est félicité des programmes de protection mis en place au Brésil, comme celui d'Espirito Santo, à la suite de graves violations des droits de l'homme dans le système pénitentiaire. Malheureusement, les programmes de défense sont toujours confrontés à des difficultés pour promouvoir les enquêtes de manière rapide et efficace, a-t-il déploré. Il a estimé important de mettre en place un cadre juridique approprié et doté des ressources nécessaires. Le représentant de Conectas a conclu son intervention en encourageant la Rapporteuse spéciale à faire une visite au Brésil, estimant qu'une telle visite contribuerait à améliorer la situation des défenseurs des droits de l'homme dans ce pays.

M. MOHAMMED EL-MUSTAPHA KABBAJ (Nord-Sud XXI) a affirmé que la liberté de religion et de croyance est l'un des points essentiels de la promotion des droits de l'homme, de la sauvegarde de la paix sociale et de la coexistence entre les religions. Il a exprimé son regret sur le referendum tenu en Suisse en novembre à propos des minarets et demandé que la liberté de religion et de croyance ne fasse pas l'objet de surenchères de la part de fanatiques hostiles aux étrangers. Il a rendu hommage au Conseil épiscopal chrétien suisse, qui a rejeté le résultat de cette votation. Nord-Sud XXI continuera pour sa part à mener en Europe une campagne contre l'islamophobie, a conclu le représentant.

MME ELIN MARTÍNEZ (Franciscain international, au nom également de Dominicains pour justice et paix - Ordre des frères prêcheurs) a fait remarquer que le Conseil doit protéger non pas les religions en tant que telles, mais la liberté de religion des individus. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion, Mme Jahangir, des recommandations sur la manière d'éliminer les causes de la violence religieuse, en particulier celle motivée par des lois encourageant la discrimination en pratique. La représentante a également estimé que les raisons profondes de la discrimination doivent être traitées par une action dans le domaine de l'éducation et a demandé à Mme Jahangir de proposer aux États des manières de tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées, en particulier dans le cas d'États où l'enseignement religieux est obligatoire.

M. ANDREW HUDSON (Human Rights First, au nom également de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a constaté une tendance croissante à délégitimer les défenseurs des droits de l'homme. Il a déploré que des lois sécuritaires ambiguës soient utilisées pour détenir de manière arbitraire des défenseurs des droits de l'homme, ainsi que le montre le rapport de Mme Sekaggya. Saluant le rapport de mission de la Rapporteuse spéciale en Colombie, le représentant a dit souscrire à ses recommandations et a appelé le Gouvernement colombien à les mettre en œuvre le plus rapidement possible, en particulier les mesures suivantes: un nouveau décret présidentiel qui reconnaisse le plaidoyer pour les droits de l'homme; une enquête sur toutes les activités criminelles contre des défenseurs des droits de l'homme; la dépénalisation de la calomnie; ainsi que la mise en place d'un mécanisme permettant de purger toutes les archives nationales sur les défenseurs. Enfin, le représentant s'est inquiété des nombreux refus de visite opposés parfois à plusieurs reprises par les pays suivants: Bélarus, Tchad, Inde, Népal, Pakistan, Tunisie, Ouzbékistan et Zimbabwe. Il s'est déclaré préoccupé de constater que les 266 communications envoyées l'an passé par la Rapporteuse spéciale n'ont reçu qu'une centaine de réponses.

MME RACHEL BESSONET (Centre for Human Rights and Peace Advocacy) a dit approuver totalement le rapport de Mme Jahangir sur la liberté de religion, ainsi que ses recommandations. Elle a considéré inacceptable que l'on oblige des femmes à porter des habits religieux en public et a souligné que les propos de dignitaires religieux ne font pas nécessairement autorité. La liberté de religion et de conviction, associée à la liberté d'expression et de choix, n'est possible que lorsque la démarcation entre l'État et l'Église est un principe parfaitement respecté, a conclu la représentante.

Réponses des titulaires de mandat

MME MARGARET SEKAGGYA, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a souligné que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme avait évolué avec le temps, la question étant maintenant de mieux définir les personnes concernées. Le commentaire du Haut Commissariat à ce sujet sera bientôt prêt, les États seront appelés à faire leurs propres observations. Ces mêmes États membres, en acceptant la Déclaration, ont accepté d'assumer certaines responsabilités qu'ils doivent maintenant prendre au sérieux, a rappelé la Rapporteuse spéciale. Mme Sekaggya s'est émue de la stigmatisation des défenseurs des droits de l'homme et de la criminalisation de leur action, notamment celle en faveur de personnes homosexuelles. Elle a fait valoir que les lois nationales doivent être respectées au même titre que le droit international, en particulier les instruments imposant de traiter dans la dignité les défenseurs des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale s'est par ailleurs dite convaincue par les moyens mis en œuvre par la République démocratique du Congo et la Colombie pour donner effet aux recommandations de ses rapports.

Mme Sekaggya a ensuite demandé aux États de coopérer avec le mandat, de répondre à ses communications et d'autoriser ses visites: la coopération est essentielle pour sécurité des défenseurs des droits de l'homme, a-t-elle rappelé. Ces derniers doivent être consultés dans la mise au point de mesures de protection en leur faveur. Les femmes défenseurs doivent obtenir une aide lorsqu'elles sont victimes de crimes. Et des campagnes de sensibilisation doivent être menées pour éliminer les attitudes préjudiciables à l'activité des défenseurs des droits de l'homme. La Rapporteuse spéciale a observé que le financement étranger est important à cet égard, compte tenu de l'impossibilité de nombreux États de financer par eux-mêmes les mesures de protection des défenseurs. Il faudrait aussi que la police et les agents de sécurité soient formés au traitement correct des défenseurs des droits de l'homme. Quant aux «systèmes d'alerte précoce», Mme Sekaggya est d'avis que le Conseil des droits de l'homme peut assurer la défense des défenseurs victimes de représailles en demandant des explications aux États concernés. Enfin, elle a fait part de son intention de se rendre en Arménie, en Chine, à Sri Lanka, et dans d'autres pays encore, demandant encore une fois aux États concernés d'autoriser ses visites.

MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a souligné que tout en étant favorable à un consensus, elle n'en distinguait pas moins un consensus qui permettrait de promouvoir les droits de l'homme d'un compromis qui saperait ces droits. Elle a répété que la liberté de religion et d'expression sont toutes deux essentielles, se renforcent mutuellement et se chevauchent. Elle a rappelé que la liberté d'expression doit être respectée si l'on veut que la liberté de religion le soit aussi. Pour elle, parler des droits de l'homme c'est parler des droits des individus et non des droits des religions. Concernant les droits des femmes au sein des minorités religieuses, elle a déclaré que certaines femmes souffrent au sein de leur propre communauté, lorsque cette dernière préserve jalousement sa propre culture, parfois au détriment des femmes qui la compose. Elle a relevé l'importance de faire comprendre aux membres de ces communautés que contester les droits des femmes nuit à la promotion des droits de la communauté elle-même.

Par ailleurs, la Rapporteuse spéciale a estimé que le Conseil des droits de l'homme devait éviter de politiser la question de la religion et devait étudier le droit à la liberté de religion et de conviction sous l'angle exclusif des droits de l'homme. Elle s'est élevée contre l'idée que la respectabilité des femmes serait liée à leur respect des traditions religieuses, alors même que ces dernières peuvent aller à l'encontre de la dignité des femmes. Mme Jahangir a également estimé que la question de la conversion religieuse pose de grave difficultés, alors que certains États ont des lois qui interdisent le changement de religion ou tout du moins une jurisprudence qui sanctionne ce changement. Enfin, elle a rappelé qu'elle avait publié, le 30 novembre 2009, un communiqué dans lequel elle s'inquiétait des conséquences du résultat du référendum suisse sur les minarets pour la liberté de religion et de conviction des musulmans.


Violence à l'encontre des enfants

Présentation du rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général

MME MARTA SANTOS PAIS, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, a rappelé avoir entamé son mandat il y a six mois seulement. Le dialogue de ce jour représente dès lors une opportunité qui tombe à pic pour discuter avec les membres du Conseil et poser les fondations d'une bonne collaboration pour protéger les enfants des violences. Mme Santos Pais a précisé que le mandat de Représentante spéciale a été entériné par le Conseil des droits de l'homme et l'Assemblée générale, et officialisé par décision du Secrétaire général. Le poste est financé par des contributions volontaires mises à disposition par les institutions des Nations Unies, les États et le secteur privé. La Représentante spéciale agit en tant que défenseur indépendant à l'échelle mondiale de la protection des enfants contre toutes les formes de violence, a-t-elle rappelé, précisant avoir l'intention de donner une forte visibilité à ce sujet, de mobiliser les efforts pour combattre ce fléau et servir de déclencheur grâce à un vaste réseau de partenaires. Le programme est clair, a-t-elle souligné, il ouvre les voies à un processus de changement social profond. La Représentante spéciale s'est en effet dite convaincue qu'il est possible d'offrir aux enfants les conditions d'un plein épanouissement, dans une société où la violence n'a pas sa place.

Il y a des initiatives et des processus décisifs promus dans le monde pour briser la conspiration du silence autour des violences faites aux enfants, a jugé Mme Santos Pais, relevant l'importance que la communauté internationale maintienne cet élan. Elle a fait remarquer que la violence avait un impact durable et complexe sur les enfants mais aussi un coût colossal pour la société. Elle a à cet égard attiré l'attention du Conseil sur les recommandations de l'Étude des Nations Unies sur la violence à l'égard des enfants, qui mettent un accent particulier sur trois objectifs: le développement dans chaque pays d'une stratégie globale de prévention et d'intervention; l'importance d'une législation nationale pour la prévention; et la mise en place d'un système de collecte de données et d'analyse des causes des violences faites aux enfants. Sur ce dernier point, Mme Santos Pais a fait remarquer qu'alors que la violence reste souvent cachée par la société, ce n'est qu'avec des données exactes, fiables et objectives que des programmes d'action efficaces pourront être lancés dans ce domaine. C'est un domaine dans lequel il faut une action urgente et il existe une base intéressante pour travailler, a estimé la représentante spéciale. Elle a souligné que le Conseil avait été très clair dans son engagement en faveur de l'intégration des droits de l'enfant dans son programme de travail, comme l'illustre la session extraordinaire consacrée à Haïti, qui a rappelé les risques de violences auxquels sont confrontés les enfants à tout moment, notamment en cas de catastrophes naturelles et lorsque les structures gouvernementales ne fonctionnent pas. Mme Santos Pais a conclu son intervention en formulant l'espoir de travailler sur la violence faite aux enfants avec d'autres titulaires de mandats.

Le Conseil est saisi du premier rapport de la nouvelle Représentante spéciale sur la violence à l'encontre des enfants (A/HRC/13/46, à paraître en français), qui présente sa vision de son travail, ses priorités et les stratégies qu'elle entend suivre, ainsi que les activités menées pendant les premiers mois d'activité de son mandat.

Débat interactif

M. SAEED SARWAR (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a déclaré que les États membres de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) condamnent toute forme de violence contre les enfants, un problème qui mérite l'attention immédiate de la communauté internationale. La prévention de cette violence doit être assurée par le biais de la coopération internationale et par une lutte résolue contre l'impunité des auteurs de tels actes. L'OCI aimerait par ailleurs que Mme Santos Pais s'efforce, dans l'exercice de son mandat, d'éviter les doubles emplois avec les autres mécanismes des Nations Unies chargés de thèmes proches.

M. SERGEY KONDRATIEV (Fédération de Russie) a rappelé que son pays a déjà attiré l'attention du Conseil sur la question de l'aggravation des violences contre les enfants et a estimé qu'en matière de violences, les enfants doivent être considérés comme un groupe distinct. Il faut élaborer des mesures complémentaires pour renforcer la protection des enfants victimes de violence, a déclaré le représentant, qui a ensuite regretté que les pays d'origine d'enfants adoptés ne soient pas en mesure d'intervenir en faveur de ces enfants une fois qu'ils se trouvent dans un autre pays et ce, même s'ils gardent leur nationalité d'origine, car leurs autorités consulaires n'ont pas accès à ces enfants. Citant le cas d'un enfant russe adopté à l'étranger décédé de malnutrition malgré les rapports trompeurs de la famille d'adoption, le délégué russe a souhaité que la Représentante spéciale accorde davantage d'attention à cette question.

MME NICOLE RECKINGER (Union européenne) a estimé que le mandat de Mme Santos Pais est déterminant pour le renforcement de l'action des Nations Unies dans la lutte contre la violence à l'égard des enfants. L'Union européenne attache une importance particulière à la coordination entre ses propres démarches et celles de Mme Santos Pais, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des Directives européennes. La représentante a demandé à Mme Santos Pais quel rôle, à son avis, le Conseil des droits de l'homme pourrait jouer dans la mise en œuvre de l'Étude des Nations Unies sur la violence contre les enfants, et comment le Conseil pouvait l'aider à réaliser les tâches associées à son mandat. La représentante a demandé en outre quel rôle pourraient jouer les enfants et les jeunes gens dans l'élaboration de politiques et activités au niveau régional.

MME MARCIA USTRA SOARES (Brésil) a indiqué que le Président Lula avait présenté, en 2007, un engagement pour la réduction des violences faites aux enfants et adolescents, en promulguant l'application de mesures au niveau fédéral et local. Le Brésil a investi dans les conseils de tutelle, les conseils de droit, les conseils municipaux d'enfants et autres institutions juridiques spécialisées dans les affaires liées aux enfants. La représentante a souligné que 46% des décès d'enfants et adolescents au Brésil sont liés à des homicides. Elle a précisé que la Constitution fédérale contenait des dispositions très claires sur les droits de l'enfant; une loi aggravant les peines en cas d'atteinte à la dignité sexuelle, agressions sexuelles ou cas de pornographie enfantine a été adoptée; il existe un outre un projet de loi qui porte sur la lutte contre toutes les formes de violences envers les enfants. Le Brésil considère en outre que les châtiments corporels sont humiliants et ne sont pas compatibles avec l'éducation. Enfin, le pays est favorable à l'élaboration d'un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant portant sur un système de plaintes individuelles.

MME NYNKE B. WIJMENGA (Pays-Bas) a estimé que le rapport de la nouvelle Représentante spéciale décrivait clairement la voie à suivre pour lutter contre les violences faites aux enfants. Elle a dit appuyer fermement ce mandat et lui a demandé comment elle entendait aider les États à prendre des mesures de protection des enfants contre les violences. Elle lui a demandé en particulier si la création d'une base de données internationale lui paraissait utile et si elle comptait faire des propositions en ce sens. Elle lui a enfin demandé comment le Conseil des droits de l'homme pourrait, selon elle, l'aider dans son mandat.

MME ELLEN VAN UYTVANCK (Belgique) a déclaré que son pays avait collaboré étroitement à l'élaboration de l'Étude des Nations Unies sur la violence à l'encontre des enfants. Ce phénomène s'inscrit dans le cadre plus général des violations des droits de l'enfant, a observé la représentante. La Belgique se félicite des orientations stratégiques choisies par Mme Santos Pais et de sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). La déléguée a souhaité savoir comment cette collaboration se poursuivrait et aussi si la Représentante spéciale comptait s'intéresser en particulier au sort des petites filles victimes de violence.

MME EKSIRI PINTARUCHI (Thaïlande) a dit partager les priorités de la Représentante spéciale sur les axes à privilégier en matière de lutte contre la violence à l'égard des enfants. Elle a souligné l'importance de s'interroger sur les conditions propres à chaque pays et de s'assurer d'un sentiment d'appropriation et d'engagement de chaque pays dans la lutte contre cette violence. Elle a noté que la Représentante spéciale n'avait pas encore mené d'activités en Asie et a espéré qu'elle participerait aux différents ateliers organisés dans la région. La représentante thaïlandaise a enfin appelé à une coopération dans le futur entre la Représentante spéciale et la Commission asiatique pour la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants.

M. XIANG XIN (Chine) a souligné que la question de la protection des enfants a fait l'objet d'un consensus au sein de la communauté internationale et a ajouté que des progrès constants ont pu être enregistrés dans ce domaine. Toutefois, la violence contre les enfants reste largement répandue. Il a demandé aux États d'adopter des lois qui châtient plus lourdement les auteurs de violences contre les enfants et a ajouté que les pays développés devaient aider les pays pauvres à disposer des moyens d'y parvenir.

MME BEATRIZ LINARES CANTILLO (Colombie) a indiqué que son pays prévoyait des sanctions sévères contre les auteurs de violences à l'encontre des enfants. Pour la représentante colombienne, d'autres formes de violence, comme par exemple l'exploitation économique, la violence domestique ou la violence à l'école, mériteraient, elles aussi, d'être plus durement sanctionnées, de même que l'utilisation d'enfants par des organisations criminelles à des fins illégales. La Colombie est favorable à l'adoption d'un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui introduirait un nouveau mécanisme de recours à la disposition des enfants victimes de violence.

M. MASSAMBA (République du Congo) a encouragé la collaboration entre la Représentante spéciale et la Commission du travail et des affaires sociales de l'Union africaine. La situation des enfants demeure préoccupante, a-t-il noté. Aux violences et abus sexuels observés dans la famille s'ajoutent ceux perpétrés dans les institutions, a ajouté le représentant congolais. Il a estimé important de rendre justice aux victimes et a précisé que c'était là une priorité du Gouvernement du Congo.


Droit de réponse

M. VAHEH GEVORGYAN (Arménie) a regretté que la délégation de l'Azerbaïdjan ait politisé le sujet de la destruction des Khatchkars du Nakitchevan en la liant à la question du Haut-Karabakh. Il a estimé que la destruction de signes religieux dans une région qui n'avait jamais connu de conflit armé relève de la haine religieuse, d'une attitude xénophobe et d'un désir ancien d'effacer toute trace de la présence arménienne au Nakitchevan, et qui démontre aussi que ces actes de vandalisme étaient le fruit d'une politique délibérée. L'Arménie souhaite simplement la protection de ces monuments mais aucune mission de l'UNESCO ou du Conseil de l'Europe n'a été acceptée dans la région, a déploré le représentant. En revanche, l'Arménie a reçu des missions d'enquête sur les destructions d'ouvrages religieux dans le Haut-Karabakh pendant le conflit, qui ont pu constater notamment que plusieurs cimetières musulmans de la région étaient bien entretenus, a-t-il fait valoir.

M. KAMIL HASHIM (Iraq), répondant à l'intervention de la Belgique, a déclaré qu'il est erroné de parler de répression des chrétiens en Iraq. Les agressions terroristes commises en Iraq contre des citoyens chrétiens ne sauraient être reprochées aux autorités, dont les services de sécurité œuvrent à la protection de toutes les communautés, au péril de leur vie.

M. ANGELINO GARZÓN (Colombie) a réaffirmé l'appui de son pays aux défenseurs des droits de l'homme et s'est dit prêt à mettre en œuvre les recommandations de la Rapporteuse spéciale. La Colombie regrette cependant que le respect de ces recommandations ait pu être présenté comme une condition sine qua non de la réouverture du Plan d'action national et du dialogue avec la société civile qui doit l'accompagner.

M. MESBAH ANSARI (République islamique d'Iran) a déclaré que les croyances sectaires des bahá'í, leurs liens avec la France, le Royaume-Uni ou Israël font que le bahá'ísme n'est reconnu comme religion dans aucun État musulman, ajoutant qu'il y avait sur ce point consensus au sein de l'Organisation de la Conférence islamique. Il a ajouté que sept bahá'í sont actuellement détenus car ils sont accusés de recrutement et d'ingérence dans divers affaires. Il a par ailleurs indiqué que des personnes ont été accusées à l'issue des élections de juin car elles avaient incité à la violence. Toutes ces personnes ont été informées des accusations dont elles font l'objet et ont été mises en liberté conditionnelle pendant les enquêtes préliminaires. Les procès ont été publics et se sont déroulées en présence d'avocats et des medias, a ajouté le représentant iranien, qui a rejeté les propos de l'Union européenne comme des allégations sans fondement

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a estimé que le délégué de l'Arménie avait politisé la question des sites culturels azerbaidjanais détruits. Il a par ailleurs relevé que les causes premières des déplacements internes en Azerbaïdjan n'ont pas été abordées il y a quelques jours lors du débat sur la question au Conseil. L'Azerbaïdjan estime que l'Arménie profère de fausses affirmations et, occupant 20% du territoire de l'Azerbaïdjan, n'a pas la légitimité de porter de telles accusations contre l'Azerbaïdjan. L'Arménie, qui se dit victime de nettoyage ethnique, l'a elle-même commis, a dit le représentant azerbaïdjanais. Il s'agit là d'une falsification de l'histoire, et l'objet de cette campagne est d'occulter l'occupation de territoires de l'Azerbaïdjan par l'Arménie, il est paradoxal que l'État agresseur prétende être la victime.

__________

La documentation relative à la présente session du Conseil, notamment l'ordre du jour annoté (A/HRC/13/1), est disponible sur la page Internet consacrée à la documentation de la treizième session du Conseil: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/13session/reports.htm


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC10/026F