Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR LES RÉPERCUSSIONS DES CRISES FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE SUR LES DROITS DE L'HOMME
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat de haut niveau pour examiner et évaluer les répercussions des crises financière et économique sur la réalisation de tous les droits de l'homme dans le monde entier. Il a en outre entendu six dignitaires dans le cadre de son débat général de haut niveau entamé ce matin.
Ouvrant la réunion-débat sur les répercussions des crises financière et économique, Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, tout en constatant que l'état de l'économie semblait s'améliorer lentement, a estimé que les conséquences de la crise sur les individus, et en particulier sur leurs droits individuels, n'en étaient qu'à leurs débuts, avant de souligner que le Haut Commissariat contribuerait à surveiller l'impact de la crise sur la protection sociale. Elle a rappelé que l'une de ses priorités pour 2010-2011 consistait à mettre l'accent sur les droits économiques, sociaux et culturels et à combattre les inégalités et la pauvreté, qu'elle a présentée comme «l'un des plus grands défis de notre temps en matière de droits de l'homme».
M. Juan Somavía, Directeur général de l'Organisation internationale du travail, a estimé qu'on ne pouvait parler de redressement de l'économie s'il n'y avait pas moins de chômage et une stabilisation de l'accès à la protection sociale. On nous dit qu'il faut plus de temps pour que l'emploi revienne. Mais puisqu'on a fait preuve d'imagination pour sauver les banques, pourquoi ne se sert-on pas de cette imagination pour sauver des emplois et créer des entreprises, a-t-il demandé.
M. Francisco Santos Calderón, Vice-Président de la Colombie, a quant à lui expliqué l'impact relativement faible de la crise actuelle en l'Amérique du Sud par les politiques publiques mises en place après la crise des années 90 et qui ont fait tampon: on a économisé pendant les périodes de vaches grasses, on a fait baisser l'inflation et l'épargne s'est donc accrue. Après avoir jugé fondamental de préserver les dépenses sociales et de créer un impact direct sur les emplois en augmentant les dépenses pour les travaux d'infrastructures, il a affirmé que les marchés financiers internationaux devaient se comporter de manière éthique et ne pas renouveler les conduites spéculatives qui ont conduit à la crise.
M. Martin Khor, Directeur exécutif du Centre Sud, s'est opposé aux mesures protectionnistes et a demandé qu'on réfléchisse aux financements extérieurs dont les pays pauvres ont besoin pour faire face à la crise. Il a demandé que les institutions financières internationales changent leurs politiques et les conditions qu'elles imposent. M. Martin Uhomoibhi, Représentant permanent du Nigéria et ancien Président du Conseil des droits de l'homme, a pour sa part affirmé que la crise n'était pas le résultat de mécanismes qui se sont effondrés mais de mécanismes qui ont créé de la richesse pour certains et de la pauvreté pour les autres, et plaidé pour des filets de protection pour tous et à tout moment. Pour Mme Irene Khan, rectrice de l'Université de Salford et ancienne Secrétaire générale d'Amnesty International, les droits de l'homme représentent une valeur commune de l'humanité et c'est donc une «boussole morale» pour tester des mesures de longue durée face à la crise.
Au cours de la discussion qui a suivi, de nombreux orateurs ont insisté sur les conséquences graves de la crise sur les droits de l'homme, en particulier les droits économiques et sociaux et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Certains ont d'ailleurs souligné qu'il ne s'agissait pas d'une «crise de développement», mais d'une «crise des droits de l'homme».
Les représentants et observateurs des pays suivants ont pris la parole au cours du débat: Thaïlande (au nom de l'Initiative mondiale - Brésil, France, Indonésie, Norvège, Sénégal, Afrique du Sud et Thaïlande), Brésil, Ouzbékistan, Moldova, Égypte, Fédération de Russie, Espagne (au nom de l'Union européenne), Colombie (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Inde, Indonésie et Turquie.
Poursuivant en début de séance sont débat de haut niveau, le Conseil a entendu les Ministres des affaires étrangères du Népal, de l'Afrique du Sud et de la Palestine, ainsi que le Secrétaire d'État aux affaires européennes du Portugal, le Secrétaire général du Commonwealth, et le Secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI).
Le Ministre des affaires étrangères de la Palestine a affirmé que les droits du peuple palestiniens sont violés de manière méthodique par la puissance occupante et a dénoncé le «blocus inique» de la bande de Gaza, saluant la résolution adoptée le 26 février par l'Assemblée générale des Nations Unies concernant les enquêtes internationales menées dans le contexte du rapport Goldstone. Le Secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique a quant à lui salué dans le rapport Goldstone «un document équilibré, impartial et complet» avant de dénoncer l'islamophobie comme une «forme contemporaine de racisme, due au fait que l'Occident comprend mal une partie de l'Islam», et de voir dans l'interdiction récente de construire des minarets en Suisse «un changement de paradigme qui institutionnalise ce phénomène». Pour sa part, le Secrétaire général du Commonwealth, qui a présenté son organisation comme un entraîneur pour ses membres plutôt que comme un arbitre qui impose des sanctions, et a estimé que les droits de l'homme «sont l'absolu le plus simple qui soit mais aussi l'idéal le plus haut».
En fin de séance, la République populaire démocratique de Corée a exercé le droit de réponse.
Le Conseil des droits de l'homme se réunira de nouveau demain, mardi 2 mars, à partir de 10 heures, pour une réunion de haut niveau sur la déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. Il reprendra vers 11h30 son débat de haut niveau.
Suite du débat de haut niveau
MME SUJATA KOIRALA, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Népal, a déclaré que le Conseil des droits de l'homme a montré sa résilience et sa capacité à faire face aux problèmes des droits de l'homme quand ils se présentent, ajoutant que cette capacité devrait toutefois être renforcée par un soutien et des ressources supplémentaires. Elle a précisé que le Népal accorde une égale importance à tous les mécanismes du Conseil, comme l'Examen périodique universel, les procédures spéciales ou le Comité consultatif. Ces mécanismes ont un rôle fondamental à jouer pour la promotion et la protection des droits de l'homme, sur la base des principes d'impartialité, d'objectivité et de non sélectivité, a-t-elle noté. Il faut éviter d'utiliser les droits de l'homme à des fins politiques, a-t-elle ajouté.
La transition pacifique menée au Népal montre que le pays est attaché à la cause des droits de l'homme, a fait valoir la Ministre, ajoutant que la future Constitution serait la dernière touche au processus de paix et qu'elle intégrerait des mécanismes de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il existe, certes, des difficultés, mais la construction du consensus au Népal requiert le respect de chacun, a ajouté Mme Koirala, pour qui la construction d'une unité nationale est à ce prix. La Ministre a par ailleurs déclaré que son Gouvernement est convaincu qu'il n'y a pas de place pour l'impunité dans un Népal démocratique. La justice, a-t-elle poursuivi, fait partie intégrante du processus de paix et le Gouvernement entend trouver un juste équilibre entre la paix et la justice. Abordant les crises financière, énergétique, alimentaire et climatique, Mme Koirala a jugé triste et regrettable que les pays les moins développés soient ceux qui payent le plus cher le prix de crises qui ne sont pas de leurs faits. Tout en rappelant que son pays est partie à de nombreuses conventions internationales et a présenté, cette année, divers rapports périodiques en application de ces instruments, elle a souligné que son Gouvernement avait, l'an dernier, invité à deux reprises la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés. Affirmant que le processus de paix a ouvert un espace démocratique et permis une amélioration de la situation des droits de l'homme au Népal, la Ministre a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle redouble d'efforts dans son soutien à la construction d'un Népal démocratique, pacifique et prospère.
MME MAITE NKOANA-MASHABANE, Ministre des relations internationales et de la coopération de l'Afrique du Sud, s'est dite encouragée par les résultats du Sommet de Copenhague sur le changement climatique. Ce résultat, a-t-elle fait valoir, est un pas important vers un instrument contraignant qui devrait être signé par l'ensemble de la communauté internationale. La communauté internationale doit répondre aux défis posés par le changement climatique et se montrer à la hauteur, a-t-elle souligné. La Ministre s'est dite convaincue que les droits de l'homme sont la préoccupation légitime de l'ensemble de la communauté internationale et a souhaité que, conformément aux engagements pris par l'Assemblée générale, les actions collectives entreprises par la communauté internationale en matière de droits de l'homme traitent les pays en toute égalité. S'intéressant ensuite à son pays, Mme Nkoana-Shabane a souligné que l'administration actuelle dirigée par le président Jacob Zuma a donné la priorité à la création d'emplois, à l'accès à l'éducation, à la mise sur pied de structures de santé et au développement rural. Selon elle, ces priorités devraient aider son pays à réaliser les droits économiques et sociaux des Sud-Africains. La Ministre a à cet égard rappelé que «le sud en général» bute sur de sérieux écueils pour sortir du sous-développement. La réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement d'ici 2015 doit rester dans la ligne de mire des pays en voie de développement, a-t-elle rappelé, tout en demandant à la communauté internationale d'être à la hauteur de ses engagements.
La Ministre sud-africaine a ensuite estimé que le Conseil devait s'adapter, modifier ses méthodes et ses approches, et appliquer toutes les normes prévues en matière de droit humanitaire et de droits de l'homme. La jurisprudence des pays ne doit pas remplacer le droit fondamental des droits de l'homme et le droit humanitaire, a-t-elle souligné. Elle a annoncé que l'Afrique du Sud, en coopération avec le Groupe africain et le Brésil, présentera une résolution relative à l'antiracisme dans le sport. Elle a également indiqué que son Gouvernement a créé un Ministère de la femme, des enfants et des personnes handicapées. La création de ce Ministère est considérée comme l'une des grandes réalisations en faveur des groupes vulnérables dans notre pays, s'est-elle félicitée. Elle a en outre signalé que l'Afrique du Sud était en cours de ratification du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
M. RIAD MALKI, Ministre des affaires étrangères de la Palestine, a affirmé que le peuple palestinien reste fermement attaché aux droits de l'homme, droits inaliénables dont chacun devrait pouvoir jouir abstraction faite de toute considération politique. Or, la mise en œuvre de ces droits se heurte, de fait, à des considérations politiques, a-t-il affirmé. Il a répété que les droits du peuple palestinien sont violés de manière méthodique par la puissance occupante. Affirmant le droit du peuple palestinien au retour et à disposer d'un État ayant Jérusalem-Est pour capitale éternelle, il a accusé Israël de continuer à ignorer la quatrième Convention de Genève, la Déclaration universelle des droits de l'homme, tout comme l'ensemble des instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Jusqu'à quand cette violation systématique continuera-t-elle impunément sous le regard de la communauté internationale, a-t-il demandé? Le Ministre a dénoncé la politique d'Israël à Jérusalem-Est et a accusé la puissance occupante de continuer de nuire à la liberté de mouvement des fidèles. Il a fustigé la construction du mur de séparation et la politique expansionniste de la puissance occupante, rappelant que ces actes se font, de l'avis notamment de la Cour internationale de justice, en violation du droit international. Toute la communauté internationale juge illégales les nouvelles implantations, a-t-il affirmé.
Le Ministre palestinien des affaires étrangères a dénoncé le «blocus inique» de la bande de Gaza, dans lequel il a vu une sanction collective, un crime de guerre du point de vue du droit international. Il a appelé la communauté internationale à respecter ses engagements et à contribuer à la reconstruction de Gaza. Il a dénoncé l'inscription par la puissance occupante de plusieurs sites des territoires occupés sur la liste du patrimoine national israélien. Il a accusé Israël de continuer de retenir les dépouilles de citoyens palestiniens et arabes. Il a aussi accusé Israël de violer la souveraineté de plusieurs États en utilisant des passeports falsifiés de pays occidentaux pour aller commettre des assassinats à l'étranger. Concernant le rapport Goldstone et ses conclusions, M. Malki a rappelé que la Palestine avait désigné une commission d'enquête sur les violations des droits que des Palestiniens auraient pu commettre lors du dernier conflit à Gaza. Il a salué la résolution adoptée le 26 février par l'Assemblée générale des Nations Unies concernant les enquêtes internationales. Le ministre palestinien a dit accorder la plus haute importance aux résolutions du Conseil des droits de l'homme, ainsi qu'au travail des différents rapporteurs. Il a salué les efforts consentis par tous ceux qui œuvrent en faveur de la création d'un État palestinien, conformément à l'initiative de paix lancée par l'Arabie saoudite. Il a conclu son intervention en demandant à la communauté internationale de poursuivre ses efforts en faveur de la cessation de l'occupation du territoire palestinien et en faveur de la paix dans la région.
M. PEDRO LOURTIE, Secrétaire d'État aux affaires européennes du Portugal, a rappelé que son pays avait toujours appuyé le Conseil des droits de l'homme, ainsi que le renforcement du «pilier droits de l'homme» des Nations Unies, estimant toutefois que l'on pouvait encore faire davantage. Il s'est dit d'avis que le Conseil devait continuer de se concentrer sur les conditions quotidiennes qui mènent aux violations des droits de l'homme, quelle que soit leur nature civile, culturelle, politique, économique ou sociale. Il a appelé à lutter contre le racisme et la discrimination raciale et à protéger les enfants. Il a estimé qu'il faudrait cette année mettre l'accent sur l'exercice légal des droits de l'homme pour les femmes et les jeunes filles dans le monde. M. Lourtie a par ailleurs dénoncé les violations des droits de l'homme relevées au Myanmar, en République populaire démocratique de Corée, ainsi qu'en Iran, et a appelé à la mise en place de mécanismes contre les violations de droits de l'homme en République démocratique du Congo.
Le Secrétaire d'État portugais a ensuite tenu à rappeler certains points essentiels de l'action du Conseil des droits de l'homme: créer et renouveler des mandats, adopter des résolutions sur une base régulière et convoquer des sessions extraordinaires pour réagir avec promptitude aux situations de droits de l'homme. Il a également plaidé pour un engagement fort de la société civile dans les travaux du Conseil. Pour le représentant du Portugal, l'Examen périodique universel constitue l'un des outils les plus importants du Conseil. Il a annoncé que son pays a subi son propre examen et est actuellement en train de mettre en œuvre les leçons tirées de cet exercice. Il a également annoncé la création, dans son pays, d'une Commission nationale des droits de l'homme, désormais en phase législative, qui sera approuvée par le Parlement dans quelques jours. Le Portugal se félicite du sérieux des pays qui ont subi cet examen jusqu'à présent, a poursuivi M. Lourtie, qui a rappelé son attachement au principe d'universalité au cœur de l'Examen périodique universel. En conclusion, le Secrétaire d'État a souligné l'importance du droit à un logement décent, du droit à l'alimentation, des droits des défenseurs des droits de l'homme et de ceux des enfants. Sur ce dernier point, il a signalé que son pays est acquis à la création d'une procédure de plainte au sein du Comité des droits de l'enfant.
M. KAMALESH SHARMA, Secrétaire général du Commonwealth, a déclaré que, depuis la récente adhésion du Rwanda, l'organisation comptait désormais 54 membres, soit un quart des pays du monde et un tiers de la population mondiale. Il a félicité le Conseil des droits de l'homme pour ses quatre premières années de travail et annoncé la signature prochaine avec la Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'un document renforçant le partenariat entre le Haut-Commissariat et le Commonwealth. Il a attiré l'attention sur le rôle que le Commonwealth joue au profit de ses membres qui font l'objet de l'Examen périodique universel. Il a affirmé que les actions menées dans le cadre du Commonwealth renforcent les droits de l'homme, citant notamment les programmes en faveur des femmes ou de la jeunesse, ou encore le travail de mise en œuvre d'institutions qui, sans être directement liées aux droits de l'homme, jouent un rôle dans la construction de démocraties, comme la mise en place de commissions électorales.
Personne n'est parfait, a reconnu le Secrétaire général du Commonwealth, mais il a insisté sur l'action de l'organisation en faveur des droits de l'homme. Il a rappelé «avec tristesse» la suspension en septembre dernier des îles Fidji du Commonwealth après le coup d'État militaire. Il a précisé que ce type de sanction est rare et que le Commonwealth se consacre davantage à l'engagement qu'à l'adoption de sanctions. Il a rappelé que l'édification d'une nation est toujours laborieuse au vu des objectifs ambitieux fixés. Le Commonwealth est plutôt l'entraîneur d'une équipe que l'arbitre qui impose des sanctions, a-t-il expliqué. Affirmant que les droits de l'homme sont l'absolu le plus simple qui soit mais aussi l'idéal le plus haut, M. Sharma a conclu en réaffirmant que le Commonwealth resterait fidèle à ses valeurs essentielles et travaillerait étroitement avec le Conseil des droits de l'homme et tous ses membres.
M. EKMELEDDIN IHSANOGLU, Secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), a félicité le Conseil des droits de l'homme pour les progrès qu'il a réalisés ces dernières années. Il a estimé important de faire une évaluation objective des enseignements de l'évolution des droits de l'homme et de chercher des remèdes plutôt que de juger et se montrer sélectif. Selon lui, l'action du Conseil doit galvaniser la volonté politique et construire des capacités avec les composantes techniques du système, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et les organes de traités. Le Secrétaire général de l'OCI s'est également attardé sur la «nécessité urgente» pour le Conseil de se pencher sur la triste situation et les souffrances du peuple palestinien, arguant que ce dernier subit une agression délibérée et continue de la part des forces israéliennes. Les rapports et les témoignages de divers mécanismes des Nations Unies, dont le rapport Goldstone, ont mis en lumière de graves manquements au droit humanitaire et aux droits de l'homme, a-t-il fait valoir, soulignant que pour l'OCI, le rapport Goldstone a été reçu comme un document équilibré, impartial et complet. M. Ihsanoglu a également dénoncé plusieurs atteintes faites aux Palestiniens à Jérusalem-est, dans les territoires occupés et aux abords des lieux saints. Par ailleurs, l'OCI souhaite encourager les efforts pour promouvoir les droits de l'homme des populations du Jammu-et-Cachemire. Il faut que les pourparlers entre le Pakistan et l'Inde s'intensifient, a préconisé M. Ihsanoglu.
Pour le Secrétaire général de l'OCI, l'islamophobie est une forme contemporaine de racisme, due au fait que l'Occident comprend mal une partie de l'Islam. Il a évoqué notamment les caricatures de figures sacrées de l'Islam. Il a également souligné que l'interdiction récente de construire des minarets en Suisse inquiète. Mettant en garde contre les effets négatifs de l'islamophobie, il a réaffirmé la primauté du multilatéralisme pour agir sur des questions qui sont d'importance mondiale, tout en gardant à l'esprit la diversité et les complexités culturelles. M. Ihsanoglu s'est félicité de la création, par le Conseil, d'un nouveau mandat pour un expert en matière de droits culturels. Désormais, l'une des priorités de l'OCI est de s'attaquer aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment en Afrique, a-t-il indiqué, précisant que l'Organisation est sur le point de créer une commission indépendante permanente sur les droits de l'homme. Les statuts sont presque terminés et entreront en vigueur après la session du Conseil des ministres des affaires étrangères de l'OCI qui se déroulera en mai 2010, a-t-il annoncé.
Réunion-débat pour examiner et évaluer les répercussions des crises financière et économique sur la réalisation de tous les droits de l'homme dans le monde entier
Exposés des panélistes
M. HISHAM BADR, Vice–Président du Conseil des droits de l'homme, a présenté la réunion-débat consacrée à l'examen et l'évaluation des répercussions des crises financière et économique sur la réalisation de tous les droits de l'homme dans le monde entier. Il a rappelé que la réunion résultait d'une décision du Conseil prise en octobre dernier et qu'elle est destinée à attirer l'attention sur l'importance de la perspective des droits de l'homme dans le contexte de la crise économique et financière et de ses répercussions. Le débat doit aussi permettre au Conseil des droits de l'homme de contribuer au débat international sur les efforts destinés à limiter les effets de la crise, a-t-il expliqué.
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a salué l'initiative du Conseil des droits de l'homme de se pencher sur l'impact de la crise sur les droits de l'homme. Constatant que la situation de l'économie, qui semblait devoir s'écrouler au moment de la dixième session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme, apparaît aujourd'hui comme s'améliorant lentement, elle a en revanche estimé que les conséquences de la crise sur les individus, et en particulier sur leurs droits individuels, n'en étaient qu'à leurs débuts. Estimant que la hausse du chômage allait provoquer une augmentation de la pauvreté, elle a ajouté qu'il en résulterait sans doute aussi une diminution des ressources disponibles pour les services sociaux de base, y compris l'éducation et la santé. Il faut s'assurer que les plans de stimulation aux banques et institutions financières doivent aller de pair avec des politiques concernant la vie quotidienne des populations.
Rappelant que les Nations Unies ont mis l'accent sur la question de la protection sociale, Mme Pillay a demandé un suivi permanent de l'impact sur les individus des politiques antirécession, ajoutant que le Haut-Commissariat y prendrait sa part. Une des six priorités de ce dernier pour 2010-2011 consiste à surveiller les droits économiques, sociaux et culturels et à combattre les inégalités et la pauvreté, a-t-elle rappelé, avant de présenter la pauvreté comme l'un des plus grands défis de notre temps dans le domaine des droits de l'homme. Si les États portent la responsabilité principale de protéger les droits de l'homme, la dimension mondiale de la crise impose une réponse internationale, a poursuivi la Haut-Commissaire, qui a insisté sur l'obligation de collaboration des États et a salué l'engagement du Conseil des droits de l'homme sur cette question.
M. FRANCISCO SANTOS CALDERÓN, Vice-Président de la Colombie, a observé qu'à la suite de la crise économique mondiale, chaque région avait subi un impact différent mais que l'impact était important pour toutes les économies. En ce qui concerne l'Amérique du Sud, cette dernière crise a beaucoup moins touché le continent que la crise des années 90 qui a causé beaucoup de chômage et un grand recul dans la création de richesses, donc une augmentation de la pauvreté, a analysé le Vice-Président colombien, qui a rappelé qu'il a fallu attendre le milieu de la décennie suivante pour s'en remettre. M. Santos Calderón a expliqué cet impact relativement moins fort de la crise actuelle par les politiques publiques conçues en Amérique du Sud qui ont fait tampon. On a économisé pendant les périodes de vaches grasses, on a fait baisser l'inflation et l'épargne s'est donc accrue, a-t-il poursuivi, en utilisant le cas colombien pour illustrer son constat: son pays a certes connu une baisse des recettes fiscales, de la demande et des exportations ainsi qu'un chômage qui est passé de 9,9% à 12,3%, tandis que la croissance économique a baissé de deux points et le déficit fiscal a augmenté. Mais pour réduire l'impact, la Colombie a lancé une politique anticyclique, investi dans les infrastructures et soutenu l'investissement privé.
Le Vice-Président colombien a rappelé l'objectif fondamental de préserver les dépenses sociales et de créer un impact direct sur les emplois en augmentant les dépenses pour les travaux d'infrastructures. Selon M. Santos Calderón, il y a plusieurs enseignements à prendre en compte: il faut que les marchés financiers internationaux se comportent de manière éthique en se conformant à un code de conduite, «il serait inouï de voir se reproduire les conduites spéculatives qui ont conduit à la crise», a-t-il ajouté. Ensuite, il est nécessaire d'être efficace dans les dépenses publiques et mener des politiques que l'on puisse maintenir dans la durée. Enfin, les mesures contre la crise ne peuvent pas avoir un caractère protectionniste. L'ouverture des marchés et l'intégration commerciale sont fondamentales pour la croissance économique, a conlclu le Vice-Président colombien.
M. JUAN SOMAVÍA, Directeur général de l'Organisation internationale du travail, a affirmé que le lien entre les droits des travailleurs et les droits humains existaient dès la création de l'OIT. Il a cité le préambule de l'OIT à l'origine et ce préambule est la base du travail mené par la suite avec la déclaration de Philadelphie avec l'idée selon laquelle à travail égal, salaire égal. L'OIT a placé les droits de l'homme dans le domaine du travail. C'était des objectifs pour l'OIT et la déclaration en a fait des droits. Concernant le futur, il pense qu'on ne peut pas considérer qu'il y a redressement s'il n'y a pas moins de chômage et un accès stabilisé à la protection sociale. «On nous dit qu'il faut plus de temps pour que l'emploi revienne. Mais puisqu'on a fait preuve d'imagination pour sauver les banques, pourquoi ne se sert-on pas de cette imagination pour sauver des emplois et créer des entreprises?» a-t-il déclaré. Il a cité le Pacte mondial pour l'emploi, initiative de l'OIT. Il a dit que l'Amérique latine, d'où il vient, avait été le cobaye du néo-libéralisme. Selon lui, on ne va pas sortir de la crise avec les mêmes politiques qui ont mené à la crise. La création d'emploi doit être un objectif macro-économique et concret. Le système financier doit être au service de l'économie réelle, alors qu'à un moment il servait ses propres intérêts. Il faut un système universel pour assurer un minimum de protection sociale: chaque société doit avoir un plancher de protection sociale.
M. MARTIN UHOMOIBHI, Représentant permanent du Nigéria et Ancien Président du Conseil des droits de l'homme a affirmé que les jeunes et les minorités sont durement touchés par la crise. Ils souffrent de la pauvreté, de la perte d'emploi. La discrimination vis-à-vis des migrants, accusés de voler des emplois, augmente. La tenue de ce débat est cruciale: il s'agit d'une crise des droits de l'homme qui vient d'une réaction inappropriée à la crise. Si on regarde les choses sous le prisme des droits de l'homme, on voit que les gouvernements cherchent à s'extirper de la crise. La crise a frappé les plus pauvres. La crise n'est pas le résultat de mécanismes qui se sont effondrés mais des mécanismes qui ont créé de la richesse pour certains et de la pauvreté pour les autres. Il faut des filets de protection pour tous à tous moments, comme l'a dit le Directeur général de l'Organisation internationale du travail. Les efforts de sortie de crise devront s'accompagner d'efforts pour les droits de l'homme, a conclu M. Uhomoibhi.
M. MARTIN KHOR, Directeur exécutif du Centre Sud, a estimé que le régime des droits de l'homme pouvait apporter une contribution décisive dans la manière dont les pays abordent la crise économique mondiale, en citant plusieurs articles de la charte des droits de l'homme témoignant en ce sens. Les gouvernements et la communauté internationale doivent s'interroger sur le fait qu'il faut s'aider pour gagner dans cette crise et la balance doit pencher vers les droits de l'homme, a estimé M. Khor. Au niveau politique, il faut donc opérer des choix: s'il faut réduire les dépenses réduites, où faut-il couper, a-t-il poursuivi. S'agissant de la santé et de l'accès aux médicaments, les gouvernements qui font face à un budget réduit devraient privilégier les médicaments génériques pour favoriser l'accès de leur population. En outre, l'approvisionnement alimentaire de la population et de ceux qui ont perdu leur emploi devrait être la priorité par excellence. Assurer le revenu des agriculteurs et promouvoir les droits des petits agriculteurs, ainsi que la sécurité pour les pauvres, est aussi une priorité. Pour le Directeur exécutif du Centre Sud, il convient de réfléchir aux financements extérieurs dont les pays pauvres ont besoin en face de la crise et accroître le montant de l'aide afin de stimuler l'économie des pays pauvres. M. Khor a affirmé que les pays riches ne devraient pas avoir recours à des mesures protectionnistes qui auront des effets sur les pays en voie de développement, et a remis en question certaines des décisions du FMI et de la Banque mondiale dans certains pays. Il faut s'assurer que les institutions financières puissantes changent de politiques et les conditions qu'elles imposent. Il a enfin salué la demande formulée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement pour instituer un «tribunal de l'endettement» au sein des Nations Unies afin de régler les questions de dette souveraine avec des créanciers privés.
MME IRENE KHAN, rectrice de l'Université de Salford et ancienne Secrétaire général d'Amnesty International, a déclaré qu'en dépit de bonnes nouvelles pour certains pays, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté va augmenter. Cela signifie de plus grandes discriminations envers les minorités et demandeurs d'asile. Il faut donc accorder davantage la primauté aux droits de l'homme en temps de crise. Selon Mme Khan, il est important que le Conseil songe aux conséquences de la crise sur droits de l'homme. Les conséquences sur la dignité humaine ne sont pas le résultat de forces invisibles du marché mais de l'action ou de la non-action de l'État ou des entreprises. Les droits de l'homme représentent une valeur commune de l'humanité et c'est donc la «boussole morale» pour tester des mesures de longue durée face à la crise. Il faut que les États orientent leurs actions vers les droits économiques et sociaux. Il s'agit de renforcer les budgets pour réduire la mortalité infantile, il faut aussi prendre des mesures pour que les pauvres puissent jouir de leurs droits. Il faut prendre des mesures pour qu'il n'y ait pas de graves conséquences sur les groupes défavorisés. Mme Khan a rappelé que l'aide internationale était une obligation et non un acte de charité. L'obligation de fournir une aide internationale est fondée juridiquement mais elle est contestée sur le plan politique. Selon elle, le plain impact de la crise sur les droits de l'homme ne s'est pas encore produit. Assez peu d'attention a été accordé au devoir de respecter et de mettre en œuvre ces droits-là car il est difficile de trouver les responsabilités. «Comment le Conseil peut-il contribuer aux initiatives en cours face à la crise?
Interventions des délégations
Dans le cadre des échanges qui ont suivi ces exposés, et auxquels ont participé des membres du Conseil, des observateurs et des membres de la société civile, il a été estimé que les objectifs du Sommet du Millénaire pour le développement fournissaient une bonne indication pour mesurer la situation en matière de droits de l'homme dans le monde, mais que les chiffres montraient «une réalité fort inquiétante». Les représentants de l'Inde et de la Turquie ont ainsi évoqué «une détérioration très forte» des droits économiques et sociaux, empêchant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le représentant de l'Indonésie a d'ailleurs estimé qu'il ne s'agissait pas d'une «crise de développement», mais d'une «crise des droits de l'homme».
Les difficultés économiques et financières ne doivent pas être une excuse pour ne pas tenir compte des droits de l'homme, il faut prendre en compte les dimensions sociales de ces droits», ont estimé plusieurs orateurs. «La crise est globale et nous touche tous; elle est économique et financière mais c'est aussi une crise des droits de l'homme, a estimé le Ministre des droits de l'homme du Brésil, qui a rappelé que quelque 100 millions de personnes «sont tombées dans les griffées de la pauvreté et de la faim». Estimant lui aussi que la crise avait des effets très profonds sur la situation des droits de l'homme, le représentant de l'Ouzbékistan a expliqué que l'objectif de son pays était de ne pas accepter que le niveau de vie baisse et de garantir une vie normale à la population, base des droits de l'homme.
Plusieurs intervenants ont mis en avant leurs stratégies nationales ou régionales pour répondre à la crise, tout en insistant sur la responsabilité principale des États. Le représentant de l'Égypte a toutefois demandé dans quelle mesure les stimulants fiscaux décidés par les pays développés ne revenaient pas à des subventions et n'auraient pas des conséquences sur les exportations des pays en voie de développement.
Réponses des panélistes
M. SOMAVÍA a souligné que les pays qui avaient mis en place des politiques de dialogue social lors de la crise avaient obtenu de bien meilleurs résultats que ceux où on avait laissé se tendre les relations sociales. Il a estimé que la modélisation qui avait mené à cette crise avait surestimé le rôle d'autorégulation du marché et sous-estimé l'importance régulatrice des politiques publiques. Pour l'avenir, il a estimé qu'il fallait réfléchir à des politiques durables visant un travail décent et des politiques tournant autour des valeurs des droits de l'homme. On sortira de la crise en mettant l'accent sur les investissements en faveur des emplois, a-t-il estimé.
M. UHOMOIBHI a rappelé le lien entre développement et droits de l'homme. Il a estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait poursuivre sa réflexion en partenariat avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et les institutions spécialisées.
M. KHOR a rappelé la situation défavorable des pays pauvres qui n'ont pas les moyens de mettre en œuvre des politiques de sauvetage des institutions bancaires. Ce n'est pas une raison pour s'opposer à de telles politiques, a-t-il estimé. Mais il a jugé qu'il serait étrange que des institutions financières des pays riches, en faillite mais subventionnées par leurs gouvernements, en viennent à prendre le contrôle d'institutions financières en difficulté, que les gouvernements ne peuvent aider.
MME KHAN a estimé qu'il ne fallait pas sacrifier les droits de l'homme aux institutions financières. Mais pour elle, la crise économique a obligé à repenser l'ancien modèle qui insistait avant tout sur le marché, et à redonner une importance à l'action de l'État. Elle a également souligné «le rôle de la communauté internationale dans un environnement mondialisé avant d'aborder enfin le cadre normatif des droits de l'homme.
Droit de réponse
M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a déclaré que son pays avait rejeté le mandat du Rapporteur Spécial car ce dernier résulte d'une conspiration des États-Unis et de ses alliés. La politisation du Conseil ne saurait être justifiée sous aucune circonstance. Il a dit qu'une enquête devrait être ouverte sur les violations des droits de l'homme en Afghanistan suite à l'invasion de ce pays par les États-Unis.
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La documentation relative à la présente session du Conseil, notamment l'ordre du jour annoté (A/HRC/13/1), est disponible sur la page Internet consacrée à la documentation de la treizième session du Conseil: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/13session/reports.htm
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC10/009F