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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME SE PENCHE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE ET AU MYANMAR

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a examiné, lors d'une séance de la mi-journée, les rapports présentés par les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et au Myanmar.

M. Vitit Muntarbhorn, dont le mandat de Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée prend fin cette année, a déploré que ce pays ait décliné toute coopération tout au long des six ans de son mandat. Il a affirmé que les violations commises par les autorités contre la population sont patentes. Des contraintes multiples entravent la réalisation des droits de l'homme: les ressources nationales sont accaparées par l'élite; la pénurie alimentaire et les privations sont monnaie courante; les infrastructures de santé et d'éducation sont en déclin. Le Rapporteur spécial a émis des recommandations à l'adresse du Gouvernement, et notamment celle d'adopter un moratoire sur la peine capitale et de mettre un terme aux sanctions imposées à leur retour contre les personnes qui demandent l'asile à l'étranger. Il a également passé en revue les moyens d'engager la responsabilité des autorités au plan international, que ce soit par le biais d'une commission d'enquête sur les crimes contre l'humanité créée par le Conseil de sécurité ou par la saisine de la Cour pénale internationale.

Suite à cette présentation, la délégation de la République populaire démocratique de Corée a estimé que le rapport de M. Muntarbhorn était le fruit d'une conspiration des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne. Pour lui, le mandat du Rapporteur spécial signifie confrontation, ce qui n'est pas compatible avec les droits de l'homme. Le mandat doit par conséquent être supprimé une bonne fois pour toutes.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, M. Tomás Ojea Quintana, a pour sa part exprimé sa sincère appréciation des efforts déployés par les autorités de ce pays pour faciliter sa mission. Il a déclaré que le Myanmar se trouvait à un moment critique de son histoire, alors que des élections sont prévues pour la première fois depuis 20 ans. Dans le contexte de ces élections, M. Ojea Quintana a déploré l'emprisonnement de nombreux prisonniers de conscience et notamment des membres de la Ligue nationale pour la démocratie - dont la Secrétaire générale de ce parti, Aung San Suu Kyi. Il n'a noté aucune indication qui attesterait que le Gouvernement est désireux de libérer les prisonniers de conscience. Il a averti que sans une participation pleine et entière, et sans un environnement qui permette aux personnes et aux partis de s'engager dans toute la gamme des activités électorales, les élections ne peuvent pas être crédibles. Selon le Rapporteur spécial, les défis en matière de droits de l'homme auxquels est confronté le Myanmar sont «effrayants». En outre, il est d'avis que la possibilité que la nature massive et systématique des violations puisse impliquer un crime contre l'humanité doit être sérieusement examinée et traitée en conséquence.

Répondant en tant que pays concerné, la délégation du Myanmar a estimé que le rapport de M. Ojea Quintana n'était pas objectif. Il a souligné qu'une commission chargée d'organiser les prochaines élections avait été créée, faisant valoir que le pays est bien engagé sur la voie de la transition vers la démocratie. Pour lui, la communauté internationale, si elle entend aider le Myanmar, doit comprendre le pays et l'encourager dans ses efforts pour parvenir à cet objectif.

Plusieurs États ont pris la parole pour commenter les rapports concernant ces deux pays. S'agissant de la situation en République populaire démocratique de Corée, des délégations ont regretté l'absence totale de coopération du pays avec le Rapporteur spécial, l'une d'entre elles faisant remarquer que ce pays a manqué l'occasion de montrer au monde, par le truchement d'un expert indépendant, à quoi ressemblait la situation réelle sur le terrain ainsi que les améliorations avérées. En ce qui concerne la situation au Myanmar, tout en félicitant les autorités d'avoir autorisé le Rapporteur spécial à se rendre dans le pays, plusieurs intervenants ont regretté que ce dernier n'ait pu s'entretenir avec Aung San Suu Kyi.

La question de l'importance de la coopération entre les États et le Conseil a tout au long des débats été mise en évidence, certains intervenants déplorant que ce type de mandat par pays privilégie l'imposition et la critique, au détriment du dialogue et de la coopération, d'autres soulignant qu'en ne donnant pas la liberté d'agir aux titulaires de mandat, les États vont à l'encontre de tout le système de coopération qu'ils ont mis en œuvre. Les efforts du Conseil doivent être accompagnés par des efforts de la part du pays, a-t-il été noté. L'appel a été lancé pour l'adoption d'une approche constructive et inclusive, tant de la part des États que de la part du Conseil et des titulaires de mandat.

Les délégations suivantes ont pris la parole s'agissant de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée: Union européenne, Japon, Belgique, Canada, Syrie, États-Unis, Cuba, Royaume-Uni, Chine, Thaïlande, Angola, République de Corée, Suisse, Soudan, Norvège, Myanmar, Chili, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), et Australie. La représentante de Human Rights Watch a également participé au dialogue.

Les pays suivants sont intervenus s'agissant de la situation des droits de l'homme au Myanmar: Italie, Canada, Philippines, Japon, Union européenne, République de Corée, Royaume-Uni, Cuba, Belgique, Argentine, République démocratique populaire lao, Chine, États-Unis, République populaire démocratique de Corée, Viet Nam, Suisse, Norvège, Australie, Thaïlande, Malaisie, et Bangladesh. Les représentants de Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Reporters sans frontières - international; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Human Rights Watch; Asian Legal Resource Centre; et Amnesty International ont également pris la parole.


Le Conseil, qui se réunit aujourd'hui sans interruption depuis 9 heures et jusqu'à 18 heures, entamera cet après-midi son débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention, pour se pencher notamment sur le rapport du Haut Commissariat sur les violations des droits de l'homme commises au Honduras depuis le coup d'État du 28 juin 2009.


Situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée

Présentation du rapport

M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a rappelé que son mandat, créé en 2004, prenait fin cette année, au terme de six années. Il a précisé que ce rapport final faisait un bilan du mandat du Rapporteur spécial et présentait une mise à jour de la situation récente. Il a affirmé que l'indépendance et l'objectivité ont toujours sous-tendu ses activités: il a toujours écrit lui-même ses rapports; il s'est fondé sur toute une variété de sources d'informations - gouvernementales, intergouvernementales, non gouvernementales; il a effectué des visites sur le terrain, en particulier dans les pays voisins directement touchés par la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée; il a également eu accès à de nombreux réfugiés et requérants d'asile, desquels il a pu apprendre certains détails sur leurs conditions de vie dans leur pays d'origine et les raisons de leur départ; et il a été en contact avec les agences des Nations Unies présentes sur le terrain. Malheureusement, le gouvernement a décliné toute coopération, a regretté le Rapporteur spécial, ajoutant que ce qui importe malgré tout est d'élever sa voix pour faire entendre ceux qui ne peuvent parler et dénoncer les graves violations des droits de l'homme.

S'agissant de la situation en République populaire démocratique de Corée, le Rapporteur spécial a affirmé que les violations commises par les autorités contre la population y sont patentes. Il a souligné que la nature antidémocratique des autorités a créé un État de peur pour les masses qui ne font pas partie de l'élite. Des contraintes multiples entravent la réalisation des droits et libertés; les ressources nationales sont accaparées par l'élite; la référence aux droits de l'homme dans la Constitution est illusoire, cette dernière préconisant une politique avant tout militaire au lieu de mettre l'accent sur la population.

En ce qui concerne le droit à l'alimentation, M. Muntarbhorn a indiqué que la République populaire démocratique de Corée comptait avec un système de distribution publique d'aliments, un système de dépendance de la population à l'égard de rations fournies par l'État. Ce système s'est effondré dans les années 1990; le régime a ensuite commencé à accepter de l'aide internationale, sous forme d'aliments. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a été un canal majeur d'approvisionnement, a souligné le Rapporteur spécial. Les autorités ne peuvent pas satisfaire les besoins de la population. La pénurie alimentaire et les privations sont monnaie courante, a-t-il insisté. S'agissant de l'éducation et des soins de santé, un déclin des infrastructures a été constaté, a poursuivi le Rapporteur spécial. Les hôpitaux manquent de médicaments et d'électricité. Les écoles n'ont pas assez de livres, ni d'électricité. La fin de 2009 a vu l'arrivée massive inquiétante de la grippe H1N1 en raison de la pénurie de médicaments.

Le Rapporteur spécial s'est intéressé aux moyens de s'atteler aux questions de l'impunité et de la responsabilité pour les violations des droits de l'homme dans ce pays. Il a souligné qu'il existe différents moyens d'engager la responsabilité du pouvoir au plan international, qui reste difficile au niveau national. Le Conseil de sécurité, par exemple, pourrait se saisir directement de cette question et établir une commission d'enquête pour crimes contre l'humanité. La Cour pénale internationale (CPI) pourrait être saisie, a-t-il ajouté, précisant que l'article 13 du Statut de Rome autorise la Cour à exercer sa juridiction dans certaines conditions.

M. Muntarbhorn a conclu sa présentation en répétant que des violations terribles des droits de l'homme sont commises en République populaire démocratique de Corée. Selon lui, la situation pourrait être améliorée par certaines mesures et des actions constructives lancées tant au niveau national qu'international. Entre autres mesures, il a préconisé de garantir l'accès à l'alimentation et aux autres soins de santé de base pour toute la population; d'adopter un moratoire sur la peine capitale; de mettre un terme aux sanctions imposées à leur retour contre les personnes qui demandent l'asile à l'étranger; de moderniser le système national par la mise sur pied de réformes qui garantissent notamment la participation de la population; et de garantir la sécurité personnelle en mettant un terme au système de surveillance et de renseignements.

Dans son rapport, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (A/HRC/13/47, à paraître en français), estime notamment qu'il revient à la communauté internationale de donner espoir et protection au peuple de ce pays, compte tenu de l'incapacité du pouvoir en place à assumer ces responsabilités. Le système international, en particulier l'Organisation des Nations Unies et ses institutions affiliées, doivent donc se mobiliser et agir de manière mieux coordonnée.

Délégation concernée

M. CHOE MYONG NAM (République démocratique populaire de Corée) a déclaré que le rapport de M. Vitit Muntarbhorn, est le prix d'une confrontation politique qui existe en raison d'une conspiration des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne pour éliminer le système social de la République démocratique populaire de Corée. Le dialogue entre la République démocratique populaire de Corée et l'Union Européenne était à l'époque au beau fixe, se souvient le délégué de la République démocratique populaire de Corée, il n'y a aucune raison pour que ces pays aient recours à des résolutions de condamnation comme celles condamnant son pays. La pratique de l'avis préalable et des consultations de la partie concernée a été complètement ignorée, a-t-il déploré. Ces pays n'auraient pas recours à ce type d'approche s'ils étaient motivés par la protection des droits de l'homme. À cet égard, il a attiré l'attention sur les questions de la diffamation des religions, des violations des droits de l'homme en Palestine ou encore de l'invasions de l'Iraq et de l'Afghanistan. Le Japon n'a pas reconnu les crimes contre l'humanité tels que les enlèvements et les meurtres en Corée, a en outre ajouté le délégué, qui a également déploré qu'il n'y ait pas un seul titulaire de mandat chargé de vérifier la situation des droits de l'homme dans les pays occidentaux. Le manda t de Rapporteur spécial sur la République démocratique populaire de Corée signifie confrontation, ce qui n'est pas compatible avec les droits de l'homme en tant que tels. Le mandat doit être supprimé une bonne fois pour toutes, a conclu le représentant.

Débat

MME NICOLE RECKINGER (Union européenne) a estimé que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée s'était bien acquitté de son mandat en dépit des limites auxquelles il s'est heurté en matière de coopération. Le fait que la République populaire démocratique de Corée ne lui ait pas accordé l'accès à son territoire constitue un sérieux défi pour ce mandat et il serait bon de savoir ce que le Rapporteur spécial propose pour que les choses changent. Comment le Rapporteur spécial évalue-t-il la participation de la République populaire démocratique de Corée à l'Examen périodique universel? L'Union européenne reste préoccupée par la situation des droits de l'homme dans ce pays, s'agissant en particulier de la torture et des châtiments collectifs qui sont imposés en raison de la stratification de la population en différentes classes, sans parler de l'esclavage et des mauvais traitements à l'encontre des femmes et des enfants ainsi que de la pénurie alimentaire. Quelles sont les chances que la Cour pénale internationale se saisisse du cas de la République populaire démocratique de Corée? Étant donné que ce rapport est son rapport final, quelles sont les conclusions globales, tant positives que négatives, que le Rapporteur spécial tire de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a demandé la représentante de l'Union européenne?

M. SHINICHI KITAJIMA (Japon) a félicité le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée pour les activités qu'il a déployées avec indépendance depuis six ans. Cette indépendance, a-t-il précisé, se vérifie par la pléthore de sources dûment vérifiées et ses rapports exhaustifs et dignes de foi. Il a estimé évident que les graves violations des droits de l'homme se poursuivent en République populaire démocratique de Corée, y compris des tortures, exécutions publiques et graves entraves à la liberté de mouvement. Il a également souligné que le problème de l'enlèvement de ressortissants japonais n'a jamais été résolu. Le représentant japonais a estimé regrettable que la République populaire démocratique de Corée n'ait jamais autorisé le Rapporteur spécial à entrer sur son territoire et refuse de coopérer avec lui. Il a estimé que ce pays ne devrait pas éluder une discussion sérieuse sur la situation des droits de l'homme de sa population, appelant les autorités à ouvrir les yeux. La situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée est très grave et requiert l'attention du Conseil, a-t-il conclu.

M. XAVIER BAERT (Belgique) a remercié vivement le Rapporteur spécial de son excellent travail pendant six ans, six ans pendant lesquels il n'a malheureusement pas pu compter sur la coopération pleine et entière de la République populaire démocratique de Corée, ce que la Belgique regrette. La Belgique tient à exprimer sa vive préoccupation quant au nombre record de recommandations rejetées à l'occasion de l'examen du cas de la République populaire démocratique de Corée dans le cadre de l'Examen périodique universel. La Belgique a pris bonne note des recommandations que le Rapporteur spécial a formulées dans son rapport. Il est clair que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée ne pourra s'améliorer que si les autorités de ce pays s'engagent véritablement en faveur des droits de l'homme et s'ouvrent au monde extérieur, a conclu le représentant.

MME ALISON LECLAIRE CHRISTIE (Canada) a déclaré que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée ne laissait pas d'inquiéter sérieusement le Canada. Elle s'est dite particulièrement troublée par les informations qui continuent de faire état de châtiments collectifs, d'exécutions publiques, de torture et de détentions arbitraires. Le Canada se préoccupe également du traitement brutal infligé à ceux qui sont rapatriés en République populaire démocratique de Corée après l'avoir quittée. À cet égard, la représentante canadienne a engagé tous les États à respecter le principe de non-refoulement et à respecter les droits de ceux qui quittent ce pays en raison de la situation qui y prévaut. Le Canada reste en outre vivement préoccupé par les pénuries persistantes de vivres et par le problème de la sécurité alimentaire. Quelle ligne de conduite la communauté internationale doit-elle suivre pour assurer une prestation de l'aide alimentaire, a demandé la représentante? Quelles mesures faudrait-il prendre, de l'avis du Rapporteur spécial, pour faire en sorte que le pays continue de coopérer dans le cadre de l'Examen périodique universel et aux autres mécanismes des droits de l'homme, a également demandé la représentante du Canada?

M. FAYSAL KHABBAS HAMOUI (Syrie) s'est étonné des lacunes importantes dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Il n'y a aucun point positif, a-t-il fait remarquer, estimant que le rapport n'est pas objectif. Le représentant syrien s'est étonné que le Conseil revienne à des mauvaises pratiques de ciblage de certains pays pour des raisons politiques. Le Conseil doit appeler au dialogue avec la République populaire démocratique de Corée afin de l'assister dans ses efforts d'amélioration des droits de l'homme, a fortiori depuis que ce pays montre davantage d'ouverture. Le travail actuel du Conseil peut nuire à sa réputation, a-t-il averti.

M. ROBERT KING (États-Unis) a félicité le Rapporteur spécial de son rapport et regretté que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée n'ait pas collaboré avec ce mandat. Le Rapporteur spécial a raison d'observer que le peuple de la République populaire démocratique de Corée vit dans une peur permanente, sous la pression d'un appareil répressif et de politiques économique l'empêchant de réaliser ses droits fondamentaux, a dit le représentant. Les États-Unis invitent les pays accueillant des ressortissants de ce pays en tant que réfugiés à leur accorder la protection qui leur est due au titre du droit international. Les autorités de la République populaire démocratique de Corée devraient quant à elles mettre un terme aux punitions infligées aux personnes ayant choisi de fuir le pays qui sont retournées. Le représentant a demandé à M. Muntarbhorn de préciser comment les États peuvent agir, dans le cadre des relations bilatérales, afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans la République populaire démocratique de Corée.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a rappelé que son pays s'est toujours opposé aux résolutions et aux mandats sélectifs contre les pays du Sud, qui reposent sur des motivations clairement politiques qui n'ont rien à voir avec les véritables préoccupations de droits de l'homme. L'irruption de cet exercice contre la République populaire démocratique de Corée a été marquée par la décision de l'administration Bush de l'époque, en 2002, d'inclure ce pays dans la liste des pays du prétendu axe du mal et l'établissement de ce mandat, en 2004, a coïncidé avec la décision de rehausser le niveau des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée, a rappelé le représentant cubain. Cet exercice, qui obéit à des motivations politiques, n'est pas compatible avec l'esprit de coopération et de dialogue qui doit prévaloir au sein de ce Conseil. La situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée a déjà été examinée par le Groupe de travail en charge de l'Examen périodique universel, dont le rapport sera examiné par le Conseil au cours de la présente session. Cuba demande un vote au sujet de la résolution qui sera présentée durant cette session aux fins du renouvellement du mandat contre la République populaire démocratique de Corée et votera contre ce texte, a indiqué le représentant.

M. PETER GOODERHAM (Royaume-Uni) a félicité le Rapporteur spécial pour son rapport, tout en notant que sa tâche avait certainement été ardue puisqu'il a dû analyser des détails terribles de violations colossales des droits de l'homme. En rejetant toute coopération avec le Rapporteur spécial, le pays a manqué une possibilité de montrer au monde, par le truchement d'un expert indépendant, à quoi ressemblait la situation réelle sur le terrain ainsi que les améliorations avérées, a souligné le représentant britannique. Il a regretté que M. Muntarbhorn ait eu à attirer l'attention sur les mêmes problèmes tout au long de son mandat, notamment s'agissant de l'accès à la nourriture. Entre autres recommandations, il a relevé l'importance d'octroyer un plein accès au Programme alimentaire mondial (PAM) pour faire en sorte que les plus vulnérables aient accès à de la nourriture.

M. LUO CHENG (Chine) a déclaré que son pays prend bonne note du rapport du Rapporteur spécial. Le représentant a observé que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée a consenti d'importants efforts, ces dernières années, en faveur du développement de son peuple. Malheureusement, la crise financière et des catastrophes naturelles ont compromis les efforts engagés par les autorités. La République populaire démocratique de Corée a participé récemment à l'Examen périodique universel la concernant, prouvant sa volonté de collaborer avec les Nation Unies. La communauté internationale devrait respecter la voie choisie par la République populaire démocratique de Corée pour son développement. En tant que voisin amical, la Chine continuera de jouer un rôle constructif auprès de la République populaire démocratique de Corée.

M. SIHASAK PHUANGKETKEOW (Thaïlande) a exhorté la République populaire démocratique de Corée à maintenir un dialogue constructif et son engagement aux côtés de la communauté internationale. Il a encouragé ce pays à mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été transmises suite à l'Examen périodique universel le concernant et à accélérer ses efforts afin de promouvoir et protéger les droits de l'homme, favorisant ainsi le bien-être de son peuple. La Thaïlande regrette que la situation reste grave en République populaire démocratique de Corée, a poursuivi le représentant thaïlandais, exhortant ce pays à continuer de coopérer afin d'accélérer les efforts visant à assurer un accès équitable à l'aide alimentaire et à atteindre progressivement la sécurité alimentaire.

M. ARCANSO DO NASCIMIENTO (Angola) a fait observer que l'analyse des situations des droits de l'homme ne devrait pas être considérée comme une politique sélective, ni un acte critique, mais plutôt comme servant à promouvoir le dialogue entre le pays concerné, d'une part, et le Conseil, d'autre part. Il s'est dit d'avis que ce processus ne doit pas se concentrer sur la critique mais plutôt viser à faire les ajustements nécessaires afin d'améliorer la situation des droits de l'homme. Il s'est dit persuadé que la communauté internationale avait encore la possibilité de renforcer la coopération, l'assistance et l'échange de vues de façon transparente, tout en évitant le recours à deux poids, deux mesures. Selon lui, la clé pour l'élaboration d'une politique effective des droits de l'homme est la reconnaissance de la distinction fondamentale entre une approche fondée sur l'imposition de conditions et les mesures constructives. L'approche constructive et inclusive pourra avoir un véritable impact sur le terrain, a-t-il estimé.

M. LEE SUNG-JOO (République de Corée) a remercié le Rapporteur spécial des efforts qu'il a déployés dans un contexte difficile. M. Muntarbhorn a toujours tenté de donner une évaluation objective et indépendante de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a salué le représentant. Il a regretté les sanctions prises par le Gouvernement de ce pays contre certains de ses ressortissants demandeurs d'asile à l'étranger. La République de Corée estime que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée demeure grave et qu'elle mérite donc toute l'attention du Conseil. Le représentant a demandé au Rapporteur spécial de préciser les difficultés qu'il a rencontrées au cours de son mandat et son avis quant à la manière d'en améliorer le fonctionnement.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a demandé au Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée de démontrer par des actes concrets sa volonté de coopérer et d'améliorer la situation humanitaire et des droits de l'homme en garantissant au Rapporteur spécial l'accès au pays et en prenant sérieusement en considération les recommandations formulées par la communauté internationale lors de l'Examen périodique universel concernant le pays en décembre 2009. La sécurité alimentaire, en tant que droit humain fondamental, ne peut être assurée par l'aide alimentaire seule, a poursuivi la représentante suisse; elle doit également s'appuyer sur des efforts sérieux pour parvenir à une agriculture productrice et durable, fondée sur la participation du peuple. La représentante suisse a par ailleurs pris note de la partie du rapport du Rapporteur spécial, M. Muntarbhorn qui évoque la possibilité de recourir à la Cour pénale internationale, et a demandé à ce dernier quel pourrait en être, de son point de vue, le bénéfice concret, pour la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée.

M. HAMZA OMER AHMED (Soudan) a attiré l'attention du Conseil sur le fait que la République populaire démocratique de Corée est un État qui a été forcé de vivre un état de «guerre froide», à cause de l'embargo qui le frappe, une situation qui, pour le représentant soudanais, exige la mobilisation de toutes ses ressources. Il a regretté que le Rapporteur spécial ne se soit pas intéressé aux conséquences de cet embargo sur les droits de l'homme. Aussi, s'est-il interrogé sur l'impact de cet embargo sur le droit à l'alimentation et d'autres droits économiques, sociaux et culturels.

M. GEIR SJOBERG (Norvège) a félicité le Rapporteur spécial des informations qu'il a rassemblées au sujet de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et des démarches qu'il a tentées auprès du Gouvernement de ce pays. La Norvège estime que l'aide humanitaire accordée au pays doit être distinguée des questions politiques. Le représentant s'est inquiété de la présence limitée sur le terrain du Programme alimentaire mondial et des problèmes de distribution de l'aide alimentaire. Une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux enfants, qui sont les premières victimes de la disette qui sévit en République populaire démocratique de Corée, a dit le représentant. La Norvège reconnaît la participation de la République populaire démocratique de Corée au processus d'Examen périodique universel et encourage le pays à poursuivre sa collaboration avec la communauté internationale, a conclu le représentant norvégien.

M. WUNNA MAUNG LWIN (Myanmar) a estimé que le processus de l'Examen périodique universel (EPU) reste le mécanisme le plus constructif pour évaluer et améliorer la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Pour les droits de l'homme, une politisation, une sélectivité et une approche fondée sur deux poids, deux mesures ne sont pas acceptables, a-t-il déclaré. La coopération de la République populaire démocratique de Corée avec le Conseil se reflète très concrètement dans le rapport que ce pays a présenté dans le cadre de l'Examen périodique universel, a affirmé le représentant du Myanmar. Il a félicité le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée pour tous les efforts qu'il a consentis et l'a encouragé à poursuivre dans cette voie.

M. CARLOS PORTALES (Chili) a estimé que le Conseil perd parfois de vue son véritable objectif: œuvrer pour les droits de l'homme et faire en sorte que la communauté internationale respecte ces droits. Dans ce contexte, il a estimé indispensable de promouvoir la coopération entre la communauté internationale et les États membres. Aujourd'hui, les États iraient à l'encontre de tout ce qu'ils ont mis en œuvre s'ils ne donnaient pas la liberté à certains titulaires de mandat d'agir dans le cadre de leur mandat. Pour le représentant chilien, la communauté internationale, le Conseil et les États doivent respecter un certain nombre de principes: il a ainsi appelé la République populaire démocratique de Corée à respecter le Rapporteur spécial et à coopérer avec lui. Enfin, il a espéré que le mandat de M. Muntarbhorn sera renouvelé.

M. MUHAMMAD SAEED SARWAR (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique - OCI) a déclaré que, par principe, l'OCI est opposée aux mandats par pays, qui sont de nature trop sélective. Les mécanismes appropriés pour l'examen de la situation des droits de l'homme sont notamment l'Examen périodique universel et les autres instances de collaboration internationale. La République populaire démocratique de Corée s'est soumise à l'Examen périodique universel, dont les participants ont émis un certain nombre de recommandations constructives qui ont été acceptées, pour certaines, par le Gouvernement de ce pays. Seul un engagement politique pourra contribuer à l'amélioration de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée.

MME ANGELA ROBINSON (Australie) a salué le travail réalisé par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée afin d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la scandaleuse situation des droits de l'homme dans ce pays, en particulier eu égard aux conditions difficiles dans lesquelles il a dû travailler puisque le Gouvernement a refusé de coopérer avec lui. La représentante australienne s'est dite très préoccupée par la situation des droits de l'homme dans son ensemble en République populaire démocratique de Corée. L'Australie est tout à fait favorable aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial à l'intention de la communauté internationale, en particulier aux paragraphes 88 et 89 de son rapport, a indiqué la représentante. Elle s'est enquise de la manière dont, de l'avis du Rapporteur spécial, la communauté internationale et les pays, à titre individuel, pouvaient se mobiliser efficacement pour améliorer les conditions des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) a estimé que le Rapporteur spécial a, en six ans de mandat, joué un rôle fondamental en mettant en lumière les graves violations des droits de l'homme commises en République populaire démocratique de Corée. La représentante d'Human Rights Watch a souhaité savoir, de l'avis de M. Muntarbhorn, comment la communauté internationale pouvait faire pour améliorer la situation des réfugiés nord-coréens. Elle a invité la République populaire démocratique de Corée à répondre immédiatement à la demande d'invitation du Rapporteur spécial.

Conclusion du Rapporteur spécial

M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a répondu aux questions et déclarations en indiquant avoir toujours rédigé lui-même ses rapports, une garantie d'impartialité dont le Conseil a bien besoin pour évaluer la situation. L'examen périodique universel a été un processus utile et complémentaire des autres mécanismes des Nations Unies. Au chapitre des recommandations faites pendant cet exercice, et d'ailleurs entérinées par le Rapporteur spécial, figure notamment la ratification des traités est essentielle, notamment la Convention contre la torture. Le Rapporteur spécial a encouragé la République populaire démocratique de Corée à coopérer davantage avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme et le Programme alimentaire mondial. Les activités du Rapporteur spécial pourraient être renforcées, sur le terrain, par la présence de représentations locales des institutions des Nations Unies. Enfin, la lutte contre l'impunité doit faire l'objet d'une action du système des Nations Unies dans son ensemble. Il faut absolument promouvoir la reddition de comptes pour des crimes et pratiques assimilables à des crimes contre l'humanité.

Les réformes législatives engagées en République populaire démocratique de Corée ne doivent pas masquer la situation horrible au regard des droits de l'homme dans ce pays, rappelé le Rapporteur spécial. Il faudra que la République populaire démocratique de Corée veille à une stricte application des engagements pris lors de l'Examen périodique universel. L'Examen périodique universel et les autres mécanismes doivent, en tant que garde-fou, contribuer à la protection et la promotion des droits de l'homme dans tous les pays. Il importe que la République populaire démocratique de Corée collabore dans ce contexte avec les institutions des Nations Unies.

Pour ce qui est du problème des enlèvements, la République populaire démocratique de Corée est appelée à assurer un suivi des recommandations faites antérieurement par le Rapporteur spécial. Par ailleurs, la question de l'aide alimentaire dépend d'une part de considérations budgétaires et d'autre part d'un engagement ferme en faveur du respect du droit fondamental à l'alimentation, a rappelé le Rapporteur spécial. M. Muntarborn a assuré qu'il s'était efforcé de promouvoir l'aide alimentaire inconditionnelle à la République populaire démocratique de Corée.


Situation des droits de l'homme au Myanmar

Présentation du rapport

M. TOMÁS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré que ce pays se trouvait à un moment critique de son histoire. Pour la première fois depuis 20 ans, des élections ont été planifiées, a-t-il rappelé. Le processus menant à l'organisation de ces élections devrait constituer pour le Gouvernement du Myanmar une importante opportunité de traiter de toute une série de questions de droits de l'homme et d'engager les réformes si nécessaires vers l'édification d'institutions démocratiques, a-t-il poursuivi. En tant que Rapporteur spécial des Nations Unies, je suis préoccupé que cette opportunité ne soit pas saisie, a-t-il déclaré. Aussi, a-t-il instamment prié le Gouvernement du Myanmar de prendre des mesures urgentes et la communauté internationale de jouer un rôle utile au profit du peuple du Myanmar. Indiquant être tout juste de retour de sa troisième mission au Myanmar, effectuée du 15 au 19 février dernier, il a exprimé sa sincère appréciation pour les efforts déployés par les autorités qui ont facilité cette mission. Il a pu accéder à trois prisons, comme il l'avait demandé, à savoir celles de Sitwee, de Buthidaung dans l'État d'Arakan et de Insein près de Yangon, a-t-il indiqué, précisant avoir pu s'entretenir avec 15 prisonniers. Bien qu'appréciant la coopération accordée par les autorités, M. Ojea Quintana a affirmé que la durée autorisée pour sa mission était trop courte et l'accès accordé limité.

M. Ojea Quintana a déclaré ne pas revenir de cette mission avec un sentiment clair de progrès sur les quatre éléments essentiels qu'il avait présentés au Gouvernement en août 2008. Au contraire, a-t-il ajouté, on trouve encore un grand nombre de prisonniers de conscience dans les prisons, tandis que les arrestations et les condamnations se poursuivent. Le Gouvernement du Myanmar a réitéré qu'il n'y avait pas de prisonniers politiques ou de prisonniers de conscience dans le pays; à cet égard, le Rapporteur spécial a souligné qu'il qualifiait de «prisonniers de conscience» les personnes emprisonnées pour l'exercice de ce que la Déclaration universelle des droits de l'homme considère comme des libertés et des droits fondamentaux, a déclaré le Rapporteur spécial. Actuellement, a-t-il poursuivi, quelque 430 membres de la Ligue nationale pour la démocratie – dont la Secrétaire générale de ce parti, Mme Aung San Suu Kyi, qu'il faudrait libérer sans délai – figurent au nombre des 2100 prisonniers de conscience au Myanmar, a-t-il rappelé.

Il ne saurait y avoir de liberté d'association lorsqu'une loi sur les associations illégales est utilisée pour emprisonner des militants politiques et sociaux, a par ailleurs souligné M. Ojea Quintana. Précisant avoir recommandé au Gouvernement de revoir cette législation, il a indiqué avoir été informé qu'un tel réexamen avait été engagé et était en cours, sans pour autant que cette législation, pour l'heure, ne cesse d'être appliquée. Dans le contexte des élections à venir, M. Ojea Quintana n'a constaté aucune indication qui attesterait que le Gouvernement était désireux de libérer les prisonniers de conscience et que les libertés fondamentales seront garanties. Sans une participation pleine et entière, y compris de la part des quelque 2100 prisonniers de conscience, et sans un environnement qui permette aux personnes et aux partis de s'engager dans toute la gamme des activités électorales, les élections ne seront pas crédibles, a-t-il souligné.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs rappelé que lorsqu'il avait présenté son rapport au Conseil, l'an dernier, il avait fait part de ses préoccupations s'agissant de la situation de la population musulmane dans le nord de l'État d'Arakan, soit environ un million de personnes exclues de la citoyenneté sur la base de leur appartenance ethnique et traitées comme des immigrants illégaux. Indiquant avoir eu l'occasion de passer deux journées dans cette région lors de sa dernière mission, M. Ojea Quintana a déclaré que la discrimination à laquelle est confrontée cette communauté est profondément enracinée et endémique, affectant les aspects les plus fondamentaux de l'existence: enregistrement des naissances, mariage, éducation et emploi. La réponse des autorités face à la situation alarmante de cette communauté constitue un déni constant de l'existence de toute discrimination ou exclusion, a souligné le Rapporteur spécial. Il a exhorté le Gouvernement à prendre des mesures pour réexaminer sérieusement les lois, règles, règlements et pratiques actuelles qui sont utilisées pour justifier le traitement arbitraire et discriminatoire infligé à cette population.

En conclusion, M. Ojea Quintana a déclaré que les défis en matière de droits de l'homme auxquels est confronté le Gouvernement du Myanmar sont «effrayants». Il convient d'établir l'obligation de rendre compte des violations commises par le passé, a-t-il souligné. La possibilité que la nature massive et systématique des violations puisse impliquer un crime contre l'humanité doit être sérieusement examinée et traitée en conséquence, a souligné le Rapporteur spécial. Le moment est venu pour la communauté internationale d'envisager de nouvelles mesures pour assurer l'obligation redditionnelle et pour aider les autorités du Myanmar à s'acquitter de leurs obligations, a-t-il ajouté. En cet instant critique pour l'histoire du Myanmar, la communauté internationale a le devoir de ne ménager aucun effort pour aider le peuple du Myanmar, a conclu M. Ojea Quintana.

Le rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar (A/HRC/13/48, à paraître en français) indique notamment que des droits aussi fondamentaux que le droit à l'alimentation, au logement, à la santé et à l'éducation, qui ne sont pas seulement des droits de l'homme en eux-mêmes et par eux-mêmes, mais encore la condition de l'exercice des autres droits de l'homme, sont déniés à beaucoup trop de citoyens du Myanmar.

Délégation concernée

M. WUNNA MAUNG LWIN (Myanmar) a déclaré que la plupart des faits figurant dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, M. Tomas Ojea Quintana, n'étaient pas étayés dans la réalité et que le rapport n'était pas objectif. Le représentant a tout d'abord indiqué qu'en mars dernier avait été créée une commission chargée d'organiser les prochaines élections. Quiconque souhaite y participer peut faire les démarches conformément à la loi, a indiqué le délégué du Myanmar, estimant que son pays est bien engagé sur la voie de la transition vers la démocratie et réaffirmant la primauté de la loi et de l'ordre public. Le représentant a également indiqué que le Myanmar était arrivé à la cinquième des sept étapes du processus démocratique lancé par le Gouvernement.

La communauté internationale, si elle entend aider le Myanmar, doit comprendre ses objectifs et l'aider à les atteindre, a estimé le délégué du Myanmar. Il a déploré que le Rapporteur spécial juge le processus national en cours sur la base de préjugés et qu'il impose des préalables inacceptables à la tenue des prochaines élections générales. Le Rapporteur spécial a en effet décidé de politiser la question des droits de l'homme, a regretté le représentant. Il n'y a pas de prisonniers de conscience au Myanmar, toutes les personnes détenues ayant été convaincues d'avoir violé la loi en vigueur, a encore précisé le représentant. Les accusations du rapport cherchent à incriminer délibérément le Myanmar et à susciter un malentendu entre notre pays et la communauté internationale, a-t-il ajouté.

M. Ojea Quintana s'est rendu au Myanmar trois fois, a précisé le délégué du Myanmar, il a joui de la coopération du Gouvernement et a pu se rendre là où il l'a souhaité. Mais le Rapporteur spécial prononce des allégations infondées reposant sur des sources qui ne sont ni fiables et ni vérifiables, ainsi que des sources antigouvernementales. Les titulaires de mandats devraient s'efforcer de citer des sources fiables, a estimé le délégué du Myanmar. Le Rapporteur spécial a prononcé des exigences inappropriées en liant la question des droits de l'homme et de prétendus objectifs politiques cachés. Un certain nombre de questions évoquées dans le rapport ne relèvent pas du mandat du Rapporteur spécial, a aussi jugé le représentant. Nous condamnons vigoureusement la totalité du rapport, a conclu le représentant du Myanmar, assurant toutefois que son pays reste engagé à collaborer avec le Conseil des droits de l'homme ainsi qu'avec les Nations Unies dans leur globalité, dans le respect de sa souveraineté nationale.

Débat

MME LAURA MIRIACHIAN (Italie) a remercié le Rapporteur spécial, dont le rapport montre certaines évolutions positives au Myanmar. La représentante a cependant déploré les zones d'ombre qui demeurent dans l'action du Gouvernement s'agissant de la promotion et de la protection des droits de l'homme de toute sa population. La représentante a demandé aux autorités du Myanmar d'œuvrer pour la tenue d'élections crédibles et justes. L'Italie demande en outre la libération de tous les prisonniers politiques, notamment celle de Aung San Suu Kyi. La représentante a demandé au Rapporteur spécial comment renforcer l'action des institutions régionales pour l'amélioration des droits de l'homme au Myanmar.

MME ALISON LECLAIRE CHRISTIE (Canada) a exhorté le Gouvernement du Myanmar à continuer à s'engager avec le Rapporteur spécial, M. Ojea Quintana, en particulier pour ce qui est des quatre éléments fondamentaux identifiés par ce titulaire de mandat, c'est-à-dire la libération de tous les prisonniers de conscience; la réforme de l'appareil judiciaire, afin de garantir l'indépendance de la magistrature; la réforme de la législation nationale; et la prise de mesures spécifiques de la part de l'armée et de la police, notamment aux fins du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Afin que les élections à venir participent d'un véritable processus démocratique, la représentante canadienne a par ailleurs demandé que soient libérés tous les prisonniers politiques, y compris Aung San Suu Kyi.

M. DENIS Y. LEPATAN (Philippines) a félicité le Rapporteur spécial des trois missions qu'il a réalisées au Myanmar avec la coopération des autorités de ce pays. Le représentant a déploré que certaines des informations du rapport ne soient pas basées sur des informations fiables, notamment pour ce qui concerne les statistiques relatives aux indicateurs du bien-être de la population, dont certains sont présentés sous un jour trop défavorable. Le représentant a, en outre, remarqué que le Myanmar a besoin d'un renforcement de la coopération internationale en faveur de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de la sa population.

M. KENICHI SUGANUMA (Japon) a salué les démarches positives du Gouvernement du Myanmar en faveur de la réconciliation nationale, et également d'avoir accepté que le Rapporteur spécial se rende sur le terrain en février et visite des objecteurs de conscience. Cent objecteurs de conscience ont été relâchés le mois dernier, tandis que l'ancien Premier ministre n'est plus assigné à résidence: la communauté internationale doit prendre conscience de ces progrès, a estimé le représentant. Il serait fort regrettable que les lois électorales ne permettent pas la participation de toutes les parties concernées, ce qui est indispensable à la une démocratisation effective du pays. Le Japon encourage donc le gouvernement du Myanmar à organiser des élections libres garantissant la participation de tous. Cette année, marquée par l'organisation d'élections, est une étape importante de la démocratisation du Myanmar. Ce sera l'occasion de faire appel à la communauté internationale. Qu'envisage le Rapporteur spécial pour saisir pleinement cette occasion qui lui est donnée ?

MME LEONOR VIEIRA SOUSA (Union européenne) a remercié M. Ojea Quintana pour son excellent rapport, ainsi que les autorités du Myanmar de lui avoir permis de se rendre dans le pays. L'Union européenne regrette cependant que le Rapporteur spécial n'ait pu s'entretenir avec Mme San Suu Kyi. L'Union européenne prend note de la tenue d'élections générales en 2010 et estime que ces élections peuvent marquer un tournant pour la population du Myanmar. Par conséquent, l'Union européenne s'inquiète des graves restrictions apportées à la participation de l'opposition au scrutin. La représentante a souhaité avoir l'avis du Rapporteur spécial sur ce point et s'il considère que des élections crédibles peuvent se dérouler dans ces conditions. Tout en saluant les progrès survenus dans le pays s'agissant de la situation des droits de l'homme, l'Union européenne n'en déplore pas moins la persistance de violations graves et systématiques des droits de l'homme. La représentante a voulu savoir ce que le Gouvernement, d'une part, et la communauté internationale, d'autre part, peuvent faire pour que la situation s'améliore des droits de l'homme une fois pour toutes

M. TAE-ICK CHO (République de Corée) a remercié le Rapporteur spécial M. Ojea Quintana de son rapport extrêmement détaillé et complet. La République de Corée se félicite de l'engagement constant du Rapporteur spécial ainsi que de la coopération du Gouvernement du Myanmar avec le titulaire du mandat. Le représentant a également salué la libération de plus de cent prisonniers politiques par les autorités du Myanmar. Le représentant a appelé de ses vœux une transition harmonieuse vers la démocratie au Myanmar, notamment par le biais des prochaines élections dont il faut espérer qu'elles se tiendront dans l'équité et la transparence: les autorités devraient en particulier veiller à la pleine participation à ce scrutin des toute les forces politiques du pays. Le représentant de la République de Corée a demandé au Rapporteur spécial des précisions sur la manière dont il entend encourager les autorités à promouvoir la liberté d'expression et d'opinion au Myanmar.

M. BOB LAST (Royaume-Uni) s'est dit préoccupé par les violations systématiques et fortes de droits de l'homme au Myanmar et a demandé des sanctions conformément aux résolutions prises par le Conseil. Si les 210 prisonniers, y compris Aung San Suu Kyi, ne peuvent y participer, il est à craindre que cette élection ne puisse avoir lieu de manière normale. Un processus de réconciliation nationale et une transition démocratique fondée sur la compréhension mutuelle et le dialogue permettront de faire sortir de l'impasse politique et du conflit armé. Il faut cesser de harceler certaines personnes, membres de la société civile ou des organisations humanitaires. Le délégué du Royaume Uni a demandé au Rapporteur spécial quelles garanties il avait obtenues pour se rendre dans le pays et pour enquêter sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

M. RESFEL PINO ÁLVAREZ (Cuba) a réitéré son opposition claire et ferme à l'égard des procédures spéciales qui ne se basent pas sur la coopération avec les pays. Cuba prend acte des efforts déployés par le Gouvernement du Myanmar pour favoriser une meilleure participation de sa population. Le représentant a toutefois réaffirmé que ce n'est que par une approche de coopération et de dialogue que le Conseil pourra être efficace dans ses efforts d'amélioration de la situation des droits de l'homme partout dans le monde. Tous les efforts du Conseil doivent s'accompagner également par des efforts de la part du pays. Il faut en outre libérer ces efforts de toute contrainte politique.

M. XAVIER BAERT (Belgique) s'est félicité de la qualité du rapport du Rapporteur spécial sur la situation au Myanmar, regrettant que le programme de ses visites n'ait manifestement pas été organisé avec l'aval du Rapporteur spécial. Le représentant a demandé la libération des prisonniers politiques au Myanmar, y compris celle de Aung San Suu Kyi, et leur participation aux prochaines élections, s'ils le souhaitent. La tenue d'élections libres et transparentes est en l'état loin d'être garantie, a observé le représentant: la Belgique relève que de nombreux observateurs ont fait part de leur scepticisme quant aux nouveaux règlements électoraux édictés récemment par le Gouvernement du Myanmar.

M. HÉCTOR RAÚL PELÁEZ (Argentine) est très préoccupé par la situation de certains groupes religieux ou membres de la société civile. Il a réitéré que la liberté de religion et l'exercice de la liberté d'expression ou de réunion sont des droits inaliénables reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il faut absolument revoir la législation nationale conformément au droit international. Le représentant de l'Argentine a enfin appelé à la libération progressive des prisonniers de conscience et à la mise en place d'un système de justice indépendant et impartial, ainsi qu'à la libération de Aung San Suu Kyi.

M. KHONEPHENG THAMMAVONG (République démocratique populaire lao) a félicité le Gouvernement du Myanmar de la coopération dont il a fait preuve à l'égard du Rapporteur spécial. Il a constaté que le Myanmar avait beaucoup progressé dans la promotion des droits économiques, sociaux et culturels. Il a estimé que la transition vers la démocratie, par le biais de la participation de la population aux élections prévues cette année, était essentielle. Le représentant lao a conclu son intervention en souhaitant que le pays arrive rapidement à relever tous les défis qu'il doit affronter et notamment d'éliminer la pauvreté.

M. LUO CHENG (Chine) a pris acte du rapport de M. Ojea Quintana et s'est félicité de l'engagement constructif du Gouvernement du Myanmar à l'appui des travaux du Rapporteur spécial et du Conseil des droits de l'homme. Le représentant s'est félicité, en outre, de la tenue prochaine d'élections générales dans ce pays. La Chine estime que la communauté internationale doit aider le Myanmar dans ses efforts pour la réconciliation et la démocratie. La Chine, en tant que pays voisin et ami du Myanmar, respecte les choix faits par ce pays en matière de développement et de réconciliation, et l'aidera à atteindre ses objectifs.

M. DOUGLAS M. GRIFFITHS (États-Unis) a pris acte de la présentation du rapport de M. Ojea Quintana, dans lequel le Rapporteur spécial indique que des élections doivent se tenir cette année. Le représentant a déploré l'adoption par le Myanmar de lois revenant à l'exclusion de plus de 2000 personnes du scrutin à venir, une pratique sélective. Le représentant demandé l'organisation d'élections transparentes et libres, accompagnées de la liberté d'opinion, d'expression et d'association. Douze journalistes et blogueurs ont été emprisonnés, a rappelé le représentant américain, stigmatisant également les conditions déplorables de détention dans les prisons du Myanmar. Nous espérons que le Gouvernement respectera le rôle des juges et des avocats, permettant à ces derniers de rendre vite aux détenus, a souhaité le représentant, avant de conclure en demandant l'éradication du travail forcé et la pleine application des principes de l'Organisation internationale du travail, adoptés en 1997.

M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a affirmé que les mandats par pays ne servent pas les droits de l'homme. Le représentant a fustigé cette «politisation des travaux du Conseil», regrettant que les leçons de l'ancienne Commission des droits de l'homme n'aient pas été retenues. Il a plaidé en faveur de l'élimination des mandats par pays et souhaité que la communauté internationale apporte son soutien au Myanmar dans ses efforts pour améliorer la situation des droits de l'homme.

M. TRAN CHI THANH (Viet Nam) a félicité le Myanmar de sa coopération renforcée avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies, en particulier avec le titulaire actuel du mandat sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, qui a été ainsi en mesure de visiter des prisons et des zones «sensibles», de rencontrer des prisonniers et plusieurs organisations non gouvernementales lors de ses missions. Tous ces efforts de coopération méritent d'être appréciés par le Conseil des droits de l'homme, de même que l'engagement du Myanmar de tenir des élections libres, démocratiques et équitables en 2010. Le Myanmar a besoin de l'aide internationale pour l'aider à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement et mieux répondre aux besoins sociaux et économiques les plus essentiels de sa population. Le Viet Nam est d'accord avec l'idée du Rapporteur spécial qu'il est urgent d'investir davantage dans le secteur de la santé, de l'éducation et de la sécurité sociale au Myanmar.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a estimé que les mandats par pays constituent une réponse adéquate du Conseil et a souligné l'importance du mandat sur le Myanmar à cet égard. Depuis des années, la Suisse est très inquiète des informations faisant état de la persistance de graves violations des droits de l'homme au Myanmar, notamment au détriment des prisonniers politiques. Les élections de cette année devront respecter les standards internationaux, a observé la représentante, regrettant que les lois électorales n'aient fait l'objet d'aucun débat. La déléguée suisse a dénoncé la discrimination systématique de la minorité musulmane et appelé le Gouvernement du Myanmar à lui garantir tous ses droits, conformément aux normes internationales. Enfin, la représentante a demandé à M. Ojea Quintana quelle approche serait la plus appropriée au niveau régional pour aborder la question des minorités au Myanmar.

M. GEIR SJOBERG (Norvège) a invité le Gouvernement du Myanmar à prendre des mesures pour enquêter sur les violations des droits de l'homme, au sujet desquelles de nombreuses difficultés subsistent, a-t-il poursuivi. Pour que les élections se déroulent dans l'équité et la transparence, il est essentiel que la population soit en mesure d'exercer ses droits et ses libertés fondamentales, a affirmé le représentant norvégien. Or, il semble que, si l'on en croit le rapport de M. Ojea Quintana, ces conditions ne sont aujourd'hui pas réunies, a-t-il déploré. Le Conseil a donc la responsabilité de continuer de se préoccuper de la situation des droits de l'homme au Myanmar, a-t-il conclu.

MME ANGELA ROBINSON (Australie) a déclaré que, tout en prenant note des mesures prises par le Myanmar pour organiser les prochaines élections nationales, l'Australie s'associe à l'appel lancé par le Rapporteur spécial en vue de la libération de plus de 2100 prisonniers politiques, notamment de Aung San Suu Kyi. L'Australie est d'ailleurs déçue d'apprendre que le Rapporteur spécial n'a pas été autorisé à la rencontrer pendant sa visite. L'Australie souhaite savoir comment il serait possible de mettre sur pied une commission d'enquête sur les violations du droit international au Myanmar; et de quelle manière la communauté internationale pourrait coopérer avec les Nations Unies pour remédier aux conditions très préoccupantes dans lesquelles vivent les membres de la minorité rohingya, dans le nord du pays.

M. SIHASAK PHUANGKETKEOW (Thaïlande) a remercié le Gouvernement du Myanmar qui a appelé le Rapporteur spécial à effectuer une troisième visite dans le pays. La Thaïlande croit que le meilleur moyen de renforcer les droits de l'homme est d'encourager le pays à renforcer son processus de démocratisation. La Thaïlande prend acte des nombreuses mesures prises en ce sens par le Myanmar. Le représentant a enfin fait savoir que son pays était convaincu que les prochaines élections permettront d'ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire du Myanmar.

MME ADNIN SITI HAJJAR (Malaisie) a réaffirmé que son pays croyait au rôle fondamental des États dans la promotion et la protection des droits de l'homme. La représentante a encouragé le Myanmar à persévérer dans la voie des réformes démocratiques et à garantir que les élections à venir seront justes et conformes aux normes internationales. La représentante de la Malaisie a également encouragé le Gouvernement du Myanmar à s'atteler, avec l'aide de la communauté internationale, à la résolution des nombreuses et grandes difficultés que le pays connaît encore dans le domaine des droits de l'homme. Elle a souligné que la communauté internationale doit venir en aide au Myanmar dans le cadre d'une démarche fondée sur le consensus.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a déclaré que le Bangladesh, pays voisin du Myanmar, observe avec intérêt l'évolution de la situation dans ce pays. Il a en particulier pris bonne note des événements positifs survenus depuis peu, notamment la décision d'organiser des élections libres et démocratiques en 2010. Le représentant s'est inquiété du sort de la minorité rohingya, compte tenu de ses répercussions directes pour le Bangladesh. Il faut espérer que la communauté internationale continue d'appuyer l'action du Gouvernement du Myanmar, a conclu le représentant.

M. THAUNG HTUN (Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement) s'est dit partisan de la prolongation du mandat du Rapporteur spécial et a appuyé sa proposition de créer des commissions d'enquête sur les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre. La loi électorale annoncée lundi dernier ne fait que nourrir les réserves envers le processus électoral dans la mesure où elle en écarte Aung San Suu Kyi, a déclaré le représentant. Il a aussi déploré que certaines zones contrôlées par des organisations armées seront privées d'urnes de vote. Par ailleurs, le représentant s'est inquiété de la recrudescence des conflits avec les minorités ethniques du Myanmar, au détriment de la population.

M. GEORGE GORDON-LENNOX (Reporters sans frontières - international) a noté que le Rapporteur spécial a pu se rendre dans certaines prisons et y rencontrer des objecteurs de conscience et des journalistes. Il a également remarqué que, de l'avis de M. Ojea Quintana, les conditions ne sont actuellement pas réunies pour la tenue d'élections libres. En effet, de nombreux journalistes et blogueurs sont emprisonnés, la liberté de la presse n'étant pas encore garantie. Le représentant de Reporters sans frontières a souhaité savoir si le Rapporteur spécial a reçu un appui de la part des pays voisins dans la conduite de son mandat. Il s'est également posé la question du rôle que peut jouer l'Association des nations d'Asie du Sud-est (ANASE) pour faire en sorte que la liberté de la presse soit reconnue comme préalable à la tenue d'élections libres.

M. EMMANOUIL EATHAN ASIOU (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a déploré la décision de la Cour suprême du Myanmar de rejeter l'appel interjeté par Aung San Suu Kyi contre l'extension illégale de son assignation arbitraire à résidence. Le représentant a, par ailleurs, condamné les lois électorales récemment annoncées qui privent plus d'un million de personnes au Myanmar du droit de participer aux prochaines élections: les conditions minimales nécessaires pour une transition vers la démocratie ne sont donc toujours pas été réunies. Le Conseil devrait demander aux autorités du Myanmar de libérer sans conditions tous les prisonniers politiques, y compris Aung San Suu Kyi, et de mettre un terme aux violations systématiques des droits de l'homme, tout en engageant un dialogue inclusif avec les principaux représentants des groupes démocratiques et des nationalités. Le Conseil devrait également renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) s'est félicitée de la demande de création d'une commission d'enquête chargée de rendre justice aux victimes de violations graves des droits de l'homme au Myanmar. Human Rights Watch mène un travail de recherche dans ce pays, lui permettant de constater que des crimes sont toujours commis contre certaines communautés minoritaires, en particulier la minorité musulmane. Le Myanmar compte parmi les États les plus répressifs d'Asie, a observé la représentante de Human Rights Watch.

M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a fait observer que l'administration de la justice au Myanmar est extrêmement lacunaire, le système étant gangrené par la corruption. Il a également attiré l'attention du Conseil sur la persistance de la pratique de la torture et a déploré que les tribunaux acceptent les preuves obtenues par la torture.

MME PATRIZIA SCANELLA (Amnesty International) a déclaré que la gravité des conclusions du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar exige une réaction urgente du Conseil. Dans la perspective des élections à venir, risque de s'aggraver la situation extrêmement difficile qui est celle des minorités religieuses et ethniques, lesquelles sont victimes de graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. La représentante d'Amnesty International a demandé au Conseil des droits de l'homme de proroger le mandat du Rapporteur spécial.

Conclusion du Rapporteur spécial

M. TOMÁS OJEA QUINTANA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a fait état des relations qu'il entretient, depuis le début de son mandat, avec le Gouvernement du Myanmar, assurant que la coopération et le dialogue constructif avaient perduré jusqu'à aujourd'hui et perdureront à l'avenir. M. Ojea Quintana a par ailleurs rappelé que la réalisation de certains objectifs supérieurs, à savoir la promotion et la protection des droits de l'homme, exige une coopération et l'obtention de résultats concrets. Répondant à d'autres questions, M. Ojea Quintana a estimé que le mandat et le champ d'application de la nouvelle Commission des droits de l'homme de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) restent à préciser. La communauté internationale peut aider cette commission régionale à jouer un rôle, notamment dans le cadre du prochain processus électoral au Myanmar.

Les droits civils, politiques, sociaux et culturels de la population du Myanmar ne sont pas pleinement respectés, raison pour laquelle le Rapporteur spécial essaie toujours de s'informer de l'application de ces droits. Des mesures correctives doivent être prises en faveur des droits civils et politiques ainsi qu'en faveur des droits économiques, sociaux et cultuels, a-t-il estimé. Répondant à certains intervenants ayant mentionné des progrès réalisés par le Myanmar en matière de droits de l'homme, M. Ojea Quintana a acquiescé et souligné que les améliorations constatées sont signalées dans le rapport. L'Union européenne ayant évoqué un renforcement des lois allant dans le sens d'une meilleure participation à la vie politique, le Rapporteur spécial a assuré que si le Gouvernement lui avait bien signalé le lancement d'un processus à cet égard, lui-même n'a reçu aucune information concrète en ce sens.

La République de Corée ayant soulevé la possibilité de libérer de façon progressive tous les prisonniers de conscience, M. Ojea Quintana a indiqué avoir formulé une recommandation générale à cette fin. Malheureusement, a déploré le Rapporteur spécial, comme son rapport et ses remarques liminaires l'indiquent, très peu de prisonniers de conscience ont été libérés à ce jour. M. Ojea Quintana a ensuite évoqué les lois électorales promulguées par le Gouvernement du Myanmar, qu'il ne peut évaluer que de manière très approximative en raison d'un manque d'informations.

La question des enfants soldats ayant été évoquée, le Rapporteur spécial a fait savoir que, dans une certaine mesure, le Gouvernement est prêt à aborder ce problème extrêmement grave et touchant l'ensemble du pays. Cependant, la coopération ne doit pas servir d'excuse pour taire un certain nombre de pratiques et de violations si elles ont bien lieu, a mis en garde M. Quintana.

La justice est la première et la meilleure façon de prévenir les violations des droits de l'homme et de garantir l'application de la justice, a-t-il estimé. Le Myanmar est en pleine transition vers la démocratie, et cette démocratie devra passer nécessairement par une réforme du système judiciaire. Dans le contexte des élections à venir, il faudra rappeler aux autorités du Myanmar que leur système judiciaire est encore très lacunaire: il est de leur responsabilité d'y remédier, surtout quand certaines pratiques constituent des crimes contre l'humanité. Cela étant, le système judiciaire du Myanmar n'est ni indépendant ni impartial: le droit à la défense n'est pas garanti et certains avocats des prisonniers de conscience ont été arrêtés du fait même qu'ils défendaient ces personnes, a déploré M. Quintana. En conclusion, M. Ojea Quintana a proposé la création d'une commission d'enquête pour aller de l'avant et pour trouver des solutions.

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La documentation relative à la présente session du Conseil, notamment l'ordre du jour annoté (A/HRC/13/1), est disponible sur la page Internet consacrée à la documentation de la treizième session du Conseil: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/13session/reports.htm


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HRC10/030F