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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMMME TIENT UN DÉBAT DE HAUT NIVEAU
SUR LE PROJET DE DÉCLARATION SUR L'ÉDUCATION DANS LE DOMAINE DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une réunion-débat sur le projet de déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme. Le Conseil a par ailleurs entendu six dignitaires dans le cadre de son débat général de haut niveau.

La discussion sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme s'est tenue sur la base d'un projet de déclaration qui avait été transmis par le Comité consultatif du Conseil à l'issue de sa session de janvier dernier. La discussion a été ouverte par six intervenants de haut niveau, avant se poursuivre sous la forme d'un change de vues.

Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a d'abord rappelé que le texte auquel est parvenu le Comité consultatif définit les caractéristiques de l'éducation et de la formation dans le domaine des droits de l'homme; elle souligne que cette éducation constitue un droit et considère les personnes impliquées dans l'éducation aux droits de l'homme comme des défenseurs des droits de l'homme. Le texte de ce projet rappelle aux gouvernements leurs obligations et souligne que la formation dans le domaine des droits de l'homme requiert la mobilisation des autorités publiques, de la société civile, des institutions nationales des droits de l'homme et du secteur privé.

Sont également intervenus, à titre de panélistes, la Ministre des affaires étrangères de la Suisse et le Ministre de la justice du Maroc, dont les pays ont constitué, en 2007, le «Pôle éducation et formation aux droits humains» en vue d'élaborer une déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. La ministre suisse a jugé essentiel d'enseigner dès le plus jeune âge les valeurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de former des adultes et professionnels, en particulier les détenteurs de la force publique; elle a souhaité l'adoption d'une déclaration qui soit suffisamment claire, simple et intelligible pour être comprise par tous et toutes. Le ministre marocain a pour sa part souligné que l'adoption d'une déclaration mondiale sur l'éducation dans le domaine des droits de l'homme permettra de mettre en place un cadre juridique et éducationnel destiné à renforcer les droits de l'homme.

Les autres panélistes étaient le Ministre des affaires étrangères du Sénégal et des Philippines et la Vice-Ministre des affaires étrangères de Slovénie, qui a notamment souligné que l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme est un outil efficace pour la prévention des conflits, la transformation post-conflit, la réconciliation, la réhabilitation sociale post-conflit et la prévention des récidives.

Quinze représentants ont ensuite pris la parole au cours de la discussion sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme: Italie, Costa Rica, Thaïlande, Burkina Faso, Ouzbékistan, Espagne (au nom de l'Union européenne), Colombie (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes) , Vietnam (au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Indonésie, Lituanie (au nom de plusieurs pays), États-Unis, Fédération de Russie, République du Congo et Chine.

De nombreux orateurs ont estimé que l'adoption d'une déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme transmettrait le message qu'une telle forme d'éducation constitue une priorité des États. Le représentant de l'Italie, autre pays membre du Pôle éducation et formation aux droits humains, a estimé qu'une telle déclaration représenterait un programme s'inscrivant dans la durée, qui devrait mettre l'accent d'abord sur l'éducation dans l'enseignement supérieur et à destinations de certains professionnels tels que les responsables de maintien de l'ordre, les militaires ou encore les diplomates. Le représentant de la Thaïlande a estimé qu'il faudrait offrir une telle éducation à tous les segments de la société, même les plus défavorisés. Certains intervenants ont toutefois estimé que l'éducation aux droits de l'homme ne pourrait constituer qu'un élément complémentaire du droit à l'éducation, l'un des objectifs du Millénaire pour le développement étant une éducation primaire universelle à l'horizon 2015.

En début de séance, le Conseil a entendu plusieurs dignitaires qui se sont exprimés dans le cadre du débat général et ont présenté les mesures prises par leurs pays en faveur des droits de l'homme et leur analyse de la situation des droits de l'homme dans le monde. Plusieurs ont en outre abordé la question de l'examen du fonctionnement du Conseil cinq ans après sa création, auquel il sera procédé l'an prochain. L'accent a été mis par certains sur l'importance d'assurer l'indépendance des experts titulaires de mandats du Conseil, ou encore sur la nécessité d'éviter la politisation et la confrontation au sein du Conseil.

Ont pris la parole dans ce cadre les Ministres des affaires étrangères des Philippines, de la Suisse et de la Serbie, ainsi que les Vice-Ministres des affaires étrangères du Royaume-Uni, du Viet Nam et de la République de Corée.


Le Conseil des droits de l'homme se réunira de nouveau cet après-midi à partir de 15 heures, afin de poursuivre son débat de haut niveau.


Suite du débat de haut niveau

M. ALBERTO ROMULO, Secrétaire d'État aux affaires étrangères des Philippines, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait la responsabilité énorme de protéger et promouvoir les droits de l'homme pour toutes les parties du monde, ajoutant que cette responsabilité ne saurait être prise à la légère. Il a souhaité que le Conseil des droits de l'homme renforce ses partenariats internationaux et nationaux et ses capacités et a préconisé un dialogue ouvert sur les droits de l'homme. Il faut faire preuve du courage nécessaire pour surmonter les divergences du passé et actuelles, a-t-il affirmé. Si le Conseil constitue une enceinte essentielle, les gouvernements doivent collaborer avec l'ensemble des organismes internationaux ou nationaux et les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme, a-t-il ajouté. Affirmant que les Philippines, membres du Conseil des droits de l'homme depuis sa création, ont contribué aux efforts d'édification de l'institution et rappelant qu'elles ont été l'un des premiers pays à se soumettre à l'Examen périodique universel, M. Romulo a annoncé la candidature de son pays pour un nouveau mandat au Conseil à partir de 2011.

Les Philippines mettent actuellement la dernière main au deuxième plan national pour les droits de l'homme, lequel tient compte des remarques faites à l'issue de l'Examen périodique universel, a déclarée M. Romulo. Il a mentionné notamment la nouvelle loi contre la torture et la «magna carta pour les femmes» - un projet de loi global pour renforcer encore les efforts déjà faits en faveur de l'égalité des droits des femmes-, ainsi que les mesures prises en faveur des droits de l'enfant. La première priorité est la réduction de la pauvreté, a affirmé M. Romulo, qui a insisté sur l'aspect «développement» des droits de l'homme, essentiel pour les pays pauvres. Les États doivent réfléchir aux poins forts et points faibles du Conseil des droits de l'homme dans la perspective de l'examen qui aura lieu l'an prochain, a par ailleurs déclaré M. Romulo. Il a félicité le Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'avoir fait des droits des migrants une priorité de son travail et a souhaité un renforcement de la convention internationale sur les doits des migrants, lesquels sont particulièrement menacés dans le contexte de la crise économique mondiale. Il rappelé que son pays était membre de la Plate-forme de l'éducation aux droits de l'homme et a présentée cette association de sept pays issus de différentes régions du monde comme un exemple de coopération transrégionale en matière de droits de l'homme.

MME MICHELINE CALMY-REY, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a rappelé que son pays était fier d'avoir parrainé et accueilli à Genève le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort. «L'abolition de la peine de mort est une priorité de la politique des droits humains de la Suisse», a-t-elle rappelé. Le Conseil est un organe encore jeune et il n'a pas encore été en mesure de déployer tout son potentiel, a analysé la Ministre suisse des affaires étrangères. Nombreux sont ses aspects positifs, le premier d'entre eux étant l'Examen périodique universel, a-t-elle poursuivi. Cet instrument reste perfectible mais qui aurait pu imaginer, il y a quelques années seulement que tous les pays auraient présenté devant la communauté internationale leur propre situation des droits de l'homme: les succès mais aussi les lacunes. Mme Calmy-Rey a également estimé que les procédures spéciales étaient un autre grand atout du Conseil. Pour que le système soit effectif, elle a appelé à un soutien actif de la part des États, qui ont l'obligation de coopérer pleinement avec le Conseil. Encore trop d'États ne répondent pas aux demandes de visites de rapporteurs, qui sont eux-mêmes de plus en plus fréquemment «l'objet d'attaques virulentes» quand leurs rapports déplaisent. L'indépendance des rapporteurs doit être la pierre angulaire du système, a martelé la Conseillère fédérale, qui a par ailleurs déploré que les moments consacrés aux «dialogues interactifs» avec les rapporteurs sont rarement interactifs.

Enfin, Mme Calmy-Rey a réclamé une révision des méthodes de travail et du mandat du Conseil des droits de l'homme, rappelant que la Suisse organisait le 20 avril prochain, à Montreux, un séminaire informel sur la question. «Avons-nous besoin de tant de groupes de travail?», s'est-elle interrogée, prônant d'alléger le rythme des résolutions et de mieux répartir les travaux entre la troisième Commission de l'Assemblée générale à New York et le Conseil, afin d'améliorer les méthodes de travail de ce dernier et rendre son mandat plus effectif. «Ce nécessaire travail de réflexion ne doit pas se faire aux dépens du travail du Conseil, ne dépensons pas toute notre énergie à reconstituer un Conseil presque neuf», a-t-elle averti.

MME GLENYS KINNOCK, Ministre d'État chargée de l'Afrique et les Nations Unies du Royaume-Uni, a déclaré que les pays membres du Conseil des droits de l'homme devraient tous adhérer aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme et accepter les défis auxquels tous sont confrontés lorsqu'il s'agit de garantir la liberté, la dignité et le bien-être des peuples du monde entier. Elle a ajouté que l'ensemble des peuples, de toutes les traditions religieuses et culturelles, devraient souscrire aux mêmes objectifs de paix, de sécurité, de bonne santé et de possibilité pour chacun et sa famille de s'épanouir. Pourtant, a-t-elle ajouté, l'oppression et l'injustice persistent et c'est pourquoi il faut renforcer les Nations Unies, afin qu'elles puissent traiter les différents aspects du manque d'éducation, de nourriture, d'eau potable, d'accès aux services sociaux de base, ou encore de l'insécurité physique et de l'exclusion politique. Mme Kinnock a affirmé qu'il fallait reconnaître que ce sont les femmes et les fillettes qui courent le plus grand risque de souffrir de privations au long de leur vie. Ceux qui défendent les droits de l'enfant doivent aussi défendre l'égalité entre les sexes, a-t-elle ajouté. Faisant part d'un visite effectuée dans les Kivu, en République démocratique du Congo, elle a déclaré que les femmes de ces régions avaient été utilisées comme armes de guerre et a rappelé les viols et autre violences sexuelles dont elles sont victimes et leurs conséquences, y compris sur la vie sociale des victimes, souvent ostracisées. Rappelant que cet automne, l'état d'avancement des objectifs du Millénaire pour le développement sera examiné, Mme Kinnock a estimé que d'importants retards seront constatés et a demandé que le statut des femmes et la place qu'on leur accorde soit mieux pris en compte. Rappelant que tous les États s'étaient engagés de manière solennelle lors de l'adoption des objectifs du Millénaire pour le développement, elle a déclaré que son pays s'était prononcé en faveur de la création d'une nouvelle agence des Nations Unies qui s'occuperait de rationaliser les efforts internationaux en faveur de l'égalité entre les sexes.

Mme Kinnock s'est en outre élevée contre toute forme de fatalisme justifiant l'inaction. L'humanité doit montrer qu'elle est décidée à prendre son avenir en charge et non à se soumettre à une notion vague de destinée, a-t-elle ajouté. Elle a par ailleurs déclaré que toute personne devrait être en droit d'être son propre porte-parole. Certes, en de nombreux pays du monde ce n'est pas le cas, a-t-elle ajouté, citant l'Iran, la Birmanie, le Zimbabwe ou encre les républiques post-soviétiques. Rappelant les propos du Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon sur la manipulation des institutions pour conserver le pouvoir, Mme Kinnock a affirmé que le Conseil des droits de l'homme devait garder à l'esprit qu'il avait la responsabilité de soutenir les efforts des individus qui travaillent à améliorer leur propre vie, celles de leurs concitoyens et celle de leurs enfants. Le Conseil des droits de l'homme a un rôle particulier à jouer, tout comme le Haut Commissariat aux droits de l'homme, a-t-elle conclu.

M. PHAM BINH MINH, Premier Vice-Ministre des affaires étrangères du Vietnam, a estimé que «la politisation et la confrontation qui demeurent doivent être mieux gérées pour que le Conseil serve vraiment de lieu de dialogue constructif et de coopération.» Le représentant vietnamien a estimé que le Conseil devait améliorer son cadre institutionnel et ses méthodes de travail, s'assurer que son ordre du jour est bien fondé et éviter des doublons avec d'autres organes des Nations Unies. Le Vietnam se félicite de la mise en place d'un groupe de travail intergouvernemental sur l'examen du Conseil. Pour le Viet Nam le processus d'examen doit être mené de manière transparente et sans politisation pour améliorer le fonctionnement du Conseil, a expliqué le Vice-Ministre.

M. Pham a souligné que l'an passé avait été une année difficile pour plusieurs pays en raison des différentes crises et des catastrophes causées par l'homme ou non, a-t-il rappelé, le Vietnam reste convaincu qu'il doit être à la hauteur des engagements souscrits pour que sa population puisse jouir des droits de l'homme et continuera d'investir dans les domaines tels que le travail, l'éducation, la santé et l'emploi. Le Vice-Ministre vietnamien a indiqué que son pays avait maintenu en 2009 un taux de croissance de 5%, ce qui lui permet de «continuer sur la bonne voie». M. Pham a souligné que les réformes législatives et judiciaires continuent d'être prioritaires sur l'ordre du jour du Gouvernement. Enfin, il a annoncé au Conseil que son pays s'apprêtait à recevoir les experts indépendants sur la pauvreté extrême, sur la dette extérieure, sur le droit à la santé et sur le droit des minorités.

M. CHO HYUN, Vice-Ministre des affaires internationales de la République de Corée, a estimé que Conseil des droits de l'homme principal organe intergouvernemental pour la défense et la promotion des droits de l'homme dans le monde entier et a joué un rôle clef pour s'attaquer aux violations de droits de l'homme grâce à son système de procédure spéciales. À ce stade, il faut se demander si la situation des droits de l'homme s'est améliorée dans le monde, a déclaré M. Cho. À son avis, le Conseil des droits de l'homme a sans doute contribué à améliorer les choses. Les droits de l'homme constituent le fondement solide du développement durable, de la paix et de la sécurité, a poursuivi le Vice-Ministre, qui a néanmoins insisté sur la responsabilité principale des États dans le respect et la promotion des droits de l'homme. Il a jugé de la plus haute importance le système des procédures spéciales qui a permis la nomination rapide d'experts et enquêteurs indépendants. Toutefois, le manque de bonne volonté, parfois le refus catégorique de coopérer de certain États, est une question qui doit être examinée, a-t-il ajouté. Il s'est dit préoccupé moins des mécanismes utilisés par le Conseil que du comportement de certains États. Il a estimé que certains mécanismes sont utilisés pour défendre des intérêts particuliers plutôt que pour promouvoir les droits de l'homme.

Membre du Conseil des droits de l'homme depuis sa création, la République de Corée a participé «corps et âme» à toutes les activités du Conseil, y compris au mécanisme d'examen périodique universel, a affirmé M. Cho, qui a également défendu le système des rapporteurs spéciaux. Il a estimé que la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée restait grave et a souhaité que le mandat du Rapporteur spécial sur ce pays soit renouvelé lors de la présente session. Faisant état des retombées négatives des crises successives des dernières années, le Vice-Ministre a estimé que les priorités que s'est fixées le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour les deux prochaines années sont justifiées, mais il a rappelé que les droits civils et politiques ne devaient pas être négligés. M. Cho a ensuite présenté les actions les plus récentes de son pays en faveur des droits de l'homme, notamment en faveur des travailleurs migrants, rappelant que la République de Corée accueillera cette année un séminaire régional su les droits des travailleurs migrants.

M. VUK JEREMIĆ, Ministre des affaires étrangères de la Serbie, s'est dit fier du bilan de son gouvernement en matière de droits de l'homme et de protection des minorités dans la région de l'Europe du Sud-Est. La Serbie a présenté un rapport global en 2008 qui porte sur toute une série de mesures adoptées pour surmonter les défis énormes que doit relever le pays, notamment pour harmoniser son cadre législatif, a indiqué le Ministre serbe. Il a cité notamment l'adoption en 2009 d'une loi contre les discriminations et la désignation du premier ombudsman de l'histoire de la Serbie. Le Ministère serbe des droits de l'homme et des minorités a signé un mémorandum avec plusieurs organisations non gouvernementales, a ajouté M. Jeremić.

La Serbie est un lieu de tolérance ou vivent près de trente communautés ethniques différentes, a poursuivi le représentant serbe, déplorant qu'il reste des zones où les droits de l'homme ne sont pas respectés, «notamment notre province du Kosovo-Metohija». M. Jeremić a estimé que la situation des droits de l'homme qui y règne est catastrophique. Le Kosovo-Metohija est, sans aucun doute, «la zone la plus noire d'Europe», a affirmé le Ministre serbe des affaires étrangères. Il a évoqué entre autres la diminution de moitié des populations serbe, bosniaque et rom du Kosovo, la situation de déplacement interne subie par plus de 10 000 personnes et le trafic d'organes dans des camps du nord-est de l'Albanie. Selon lui, des dizaines de milliers de maisons et de commerces ont été détruits ou occupés illégalement. Le ministre serbe a aussi dénoncé l'impunité pour les crimes de droit commun ou politique et le crime organisé qui prospère selon lui au Kosovo. Concernant les sites religieux, il a souligné que 150 monastères serbes orthodoxes ont été détruits dans des «actes délibérés d'épuration culturelle», dont certains sont des lieux saints de l'orthodoxie serbes et sont inscrits à la liste mondiale du patrimoine de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Enfin, il a déploré qu'aucun responsable du «pogrom de mars 2004» n'ait été incarcéré. La Serbie partage les graves préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction qu'aucune mention n'ait été faite sur le fait que ces monastères relèvent du patrimoine serbe, a déploré M. Jeremić, exprimant le «contexte tragique» de la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo en février 2008. Il a en conclusion réitéré sa reconnaissance à tous les pays qui se sont engagés à respecter le droit international.


Réunion-débat de haut niveau sur le projet de déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme

Exposés des panélistes

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a salué le travail effectué par le Comité consultatif dans la préparation de cette déclaration sur l'éducation aux droits de l'homme. Le travail actuellement mené sur cette thématique, a-t-elle souligné, montre la reconnaissance internationale croissante du rôle joué par l'éducation aux droits de l'homme dans la promotion et la protection des droits, la prévention des abus, la lutte contre la discrimination, la promotion du développement durable et la participation des populations aux processus de décision. Cette déclaration, a précisé la Haut-Commissaire, définit les caractéristiques de l'éducation et de la formation dans le domaine des droits de l'homme, souligne que cette éducation constitue un droit et considère les personnes impliquées dans l'éducation aux droits de l'homme comme des défenseurs des droits de l'homme. Le projet contient en outre des recommandations qui rappellent aux Gouvernements leurs obligations. Il souligne aussi que la formation dans le domaine des droits de l'homme requiert non seulement la mobilisation des autorités publiques, mais également la participation de la société civile, des institutions nationales des droits de l'homme et du secteur privé, a noté Mme Pillay. Pour protéger des droits, il faut être conscient de ce que sont ces droits, a-t-elle ajouté, faisant remarquer que ce principe est, de surcroît, renforcé par l'obligation générale de rendre publiques les dispositions des instruments de droits de l'homme.

Mme Pillay a indiqué que le Haut Commissariat avait beaucoup avancé dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme par le biais de différents programmes, ainsi que par son soutien à la formation et par l'assistance technique qu'il fournit. Ces efforts se reflètent notamment dans le manuel réalisé par le Haut Commissariat sur le droit à l'éducation aux droits de l'homme, a-t-elle souligné. Mme Pillay a, enfin, attiré l'attention du Conseil sur le programme mondial pour l'éducation aux droits de l'homme, une initiative internationale qui constitue un cadre essentiel pour les activités déployées dans ce domaine. Elle a expliqué que la première étape de ce programme, couvrant la période 2005-2009, a mis l'accent sur l'intégration des droits de l'homme aux niveaux primaire et secondaire du système scolaire. L'évaluation de cette première phase sera présentée lors de la soixante-cinquième session de l'Assemblée générale, a précisé la Haut-Commissaire.

MME MICHELINE CALMY-REY, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a rappelé que son pays et le Maroc ont initialement constitué le «Pôle éducation et formation aux droits humains» en 2007, en vue d'élaborer une déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. Mme Calmy-Rey a estimé que la composition du groupe de travail, qui compte désormais aussi la Slovénie, le Costa Rica, l'Italie, le Sénégal et les Philippines, est un exemple de coopération transrégionale au sein du Conseil. «En assurant la diffusion la plus vaste possible des droits de l'homme, nous contribuons à la prévention des violations de ces droits», a-t-elle affirmé, ajoutant: «C'est exactement ce que nos citoyens sont en droit d'attendre de ce Conseil». Mme Calmy-Rey a déclaré en outre que le combat contre toutes les formes de discrimination devait demeurer la priorité de la communauté internationale, et dénoncé les «raccourcis simplificateurs, préjugés et malentendus» qui occupent une place trop importante dans nos sociétés. L'éducation aux droits de l'homme est l'une des vocations fondamentales du Conseil des droits de l'homme, a poursuivi la Ministre, car l'éducation et l'information sur ces droits sont essentielles au progrès des libertés fondamentales: comment faire valoir nos droits si nous ne les connaissons pas et comment respecter les droits des autres si nous n'en connaissons pas la portée ?

La Ministre suisse des affaires étrangères a jugé essentiel d'enseigner dès le plus jeune âge les valeurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme. De même, il faut assurer la formation des adultes et des professionnels, en particulier les détenteurs de la force publique. Rappelant que de nombreux programmes nationaux existent en ce sens, de même qu'un programme mondial pour l'éducation aux droits de l'homme, elle a fait observer qu'il n'existe, en revanche, aucun instrument qui souligne toute la portée de ces droits et qui indique aux États leurs devoirs dans ce domaine. C'est pourquoi la Suisse et le Maroc ont lancé ce projet de déclaration, dans lequel Mme Calmy-Rey a dit voir «un appel fort lancé aux États et une feuille de route pour nous tous». Soulignant ensuite que le Comité consultatif des droits de l'homme avait soumis au Conseil un premier projet de déclaration pour négociation, la Ministre suisse a appelé à l'adoption d'une déclaration qui soit suffisamment claire, simple et intelligible pour être comprise par tous et toutes et affichée partout, et qui ne revête par conséquent pas la forme d'un document technique compréhensible seulement par les initiés.

M. MOHAMMED NACIRI, Ministre de la justice du Maroc, a témoigné de l'engagement de son pays en faveur de l'éducation et de la formation dans le domaine des droits de l'homme, un objectif auquel son pays croit et qu'il essaye de réaliser. Il s'est félicité que l'idée d'une telle Déclaration se soit concrétisée, notamment sous l'impulsion de son pays et de la Suisse. M. Naciri a salué le travail du Comité consultatif chargé de préparer cette déclaration et rappelé qu'un séminaire s'est tenu à Marrakech sur cette thématique. L'éducation revêt une importance capitale, notamment au vu des mutations profondes que connaissent les sociétés et les individus, a souligné le Ministre. Il a fait remarquer que la prise de conscience de leurs droits par les citoyens est une condition sine qua non pour parachever la construction d'un état de droit. L'éducation dans le domaine des droits de l'homme est une nécessité pour diffuser une culture des droits de l'homme et pour faire en sorte que tout le monde œuvre au renforcement de ces nobles valeurs. Pour le Ministre marocain, reconnaître les valeurs des droits de l'homme et les pratiquer au quotidien ne se réalisera que sur la base d'une culture de respect mutuel. Une chose est certaine, a-t-il souligné, l'adoption d'une déclaration mondiale sur l'éducation dans le domaine des droits de l'homme permettra la mise en place d'un cadre juridique et éducationnel destiné à renforcer les droits de l'homme et inculquer une culture des droits de l'homme dans la société.

M. Naciri a précisé que le Maroc a mis en place un programme national pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, afin de renforcer les principes et valeurs de droits de l'homme et les intégrer dans le programme scolaire de toutes les écoles, publiques comme privées. Le Maroc poursuit son programme d'éducation dans le domaine de la tolérance et du comportement citoyen responsable, a-t-il assuré, relevant combien il est indispensable d'inculquer les valeurs des droits de l'homme pour les renforcer et les diffuser, et promouvoir le respect mutuel. M. Naciri a également fait part du lancement d'initiatives régionales, comme un plan sur l'éducation dans le domaine des droits de l'homme visant à renforcer les droits de l'homme dans les pays arabes.

M. MADICKÉ NIANG, Ministre des affaires étrangères du Sénégal, a estimé que c'est grâce à une meilleure connaissance des droits de l'homme que nous parviendrons à impulser dans nos pays une véritable dynamique participative en matière d'éducation et de formation aux droits de l'homme. Pour le Ministre, «ce sont les plus jeunes que nous devons cibler dans une telle entreprise, mais ce sont aussi toutes les composantes de la société que nous avons intérêt à former aux droits de l'homme, notamment ceux qui ont pour tâche la création des lois et ceux qui ont pour tâche de l'appliquer. » Le Sénégal a ainsi inscrit les droits de l'homme dans les curricula des formations des professions de la police et de la sécurité. Si le développement et l'effectivité de la jouissance des droits de l'homme avancent ensemble de manière harmonieuse, cela aura un effet des plus positifs sur l'épanouissement de chacun et chacune et sur la paix pour tous, a conclu le Ministre sénégalais.

M. ALBERTO G. ROMULO, Secrétaire d'État aux affaires étrangères des Philippines, a remercié le Comité consultatif pour son premier projet de Déclaration, qui donne des bases solides aux discussions et constituera l'assise des travaux futurs. «Nos populations doivent être conscientes de leur droits fondamentaux pour qu'ils soient appliqués», a rappelé M. Romulo. Aux Philippines, l'éducation aux droits de l'homme est intégrée aux cours dispensés dans les écoles, dont le contenu pédagogique a été élaboré par un partenariat entre la Commission philippine des droits de l'homme, des institutions universitaires ainsi que des organisations non gouvernementales et des organisations internationales, a expliqué le Secrétaire d'État philippin. Celui-ci a évoqué deux notions d'une importance toute particulière pour les Philippines: d'une part l'impératif d'une plus grande coopération internationale, d'autre part une approche sectorielle en matière d'éducation aux droits de l'homme. Il a encouragé les initiatives régionales en la matière pour renforcer les mécanismes d'éducation. «Il convient d'adapter l'éducation aux droits de l'homme aux groupes ciblés», a encore indiqué le Secrétaire d'État. Ainsi, aux Philippines, des séminaires ont été organisés pour que les enfants des rues soient sensibilisés à leurs droits. Les États sont libres de mettre en œuvre une politique d'éducation aux droits de l'homme qui tienne compte de leurs spécificités régionales et nationales, a conclu M. Romero.

MME DRAGOLJUBA BENČINA, Secrétaire d'État, Vice-Ministre des affaires étrangères de Slovénie, a souligné que le but essentiel de l'éducation et de la formation dans le domaine des droits de l'homme était de développer une culture des droits de l'homme qui permettrait de sensibiliser toutes les femmes et tous les hommes à leurs propres droits et aux droits d'autrui. L'objectif est un meilleur respect des droits de l'homme et la mise sur pied d'une société libre, pluraliste et tolérante. Mme Benčina a tout particulièrement attiré l'attention du Conseil sur l'importance de l'éducation et de la formation des agents de l'État à la prévention des violations des droits de l'homme et au renforcement de la tolérance au sein de la société. Elle a expliqué que, dans son pays, les droits de l'homme font pleinement partie des programmes de formation des forces de police et de la magistrature. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est étudiée; des conférences sont organisées en collaboration avec des organisations comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés ou Amnesty International. À titre d'exemple, la Vice-Ministre a fait part du lancement d'un programme de sensibilisation des forces de police à l'égard des Roms, un projet mené de 2003 à 2004. Les efforts déployés en matière d'éducation et de formation contribuent à prévenir les violations des droits de l'homme, a-t-elle rappelé.

Mme Benčina a ensuite évoqué un effet positif de l'éducation des droits de l'homme dont il est plus rarement tenu compte: l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme est un outil efficace pour la prévention des conflits, la transformation post-conflit, la réconciliation, la réhabilitation sociale post-conflit et la prévention des récidives. Au cours de sa présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en 2005, la Slovénie a proposé un programme d'éducation aux droits de l'homme qui s'est adressé à près de 120 000 enfants dans dix-sept pays. Dans le cadre de sa présidence du Conseil de l'Europe en 2009, la Slovénie a poursuivi ce projet dans des sociétés émergeant de conflits multiethniques. Pour la Secrétaire d'État slovène, l'éducation aux droits de l'homme est au cœur même du mandat du Conseil des droits de l'homme. Elle a estimé que le débat initié aujourd'hui devrait aboutir, cette année même, à l'adoption de la Déclaration sur l'éducation et la formation dans le domaine des droits de l'homme.

Échange de vues

Lors du débat qui a suivi ces présentations, auquel ont pris part une quinzaine de délégués et observateurs, de nombreux orateurs ont estimé que l'adoption d'une déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme transmettrait le message qu'une telle forme d'éducation constitue une priorité des États. Un tel texte, a dit le représentant de l'Espagne, s'exprimant au nom de l'Union européenne, constituerait un message politique de la part de la communauté internationale dans le sens d'un renforcement de l'éducation aux droits de l'homme. La Déclaration permettrait aussi de préciser les obligations juridiques des États et préciserait le rôle de divers acteurs comme les ONG et les médias. Pour le représentant du Costa Rica, pays membre du «Pôle éducation et formation aux droits humains» la Déclaration offrirait un outil facile et pratique pour les États dans leurs actions de formation et d'éducation, et permettrait au système international des droits de l'homme de passer d'une période de constat de violations des droits à un volet plus orienté vers la prévention des violations et la promotion de ces droits. Au nom de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, le Vietnam a estimé qu'une telle Déclaration pourrait jouer un utile rôle complémentaire d'autres textes ou actions menées au niveau régional, et il a rappelé la récente création de la Commission intergouvernementale de l'ANASE pour les droits de l'homme, dont une des fonctions consiste, a-t-il expliqué, à renforcer la sensibilisation aux droits de l'homme par l'éducation et la sensibilisation.

Le représentant de l'Italie, autre pays membre du «Pôle éducation et formation aux droits humains» a estimé qu'une telle déclaration représenterait un programme s'inscrivant dans la durée, qui devrait mettre l'accent d'abord sur l'éducation dans l'enseignement supérieur et à destinations de certains professionnels tels que les responsables de maintien de l'ordre, militaires ou encore diplomates. Le représentant de la Thaïlande a estimé qu'il faudrait offrir une telle éducation à tous les segments de la société, même les plus défavorisés. Certains intervenants ont toutefois estimé que l'éducation aux droits de l'homme ne pourrait constituer qu'un élément complémentaire du droit à l'éducation et le représentant du Pakistan, qui s'exprimait au nom de l'Organisation de la conférence islamique, a rappelé que l'un des objectifs du Millénaire pour le développement était l'éducation primaire universelle pour 2015. Son homologue de l'Indonésie a pour sa part demandé que cette éducation tienne compte des besoins et droits des différents groupes religieux et culturels. Un certain nombre de représentants ont par ailleurs rappelé que le projet transmis au Conseil des droits de l'homme par son Comité consultatif devrait faire l'objet de discussions, tout en le qualifiant de bonne base de travail. Le représentant des États-Unis a souhaité discuter avec les promoteurs du projet de déclaration des bonnes pratiques en matière d'éducation aux droits de l'homme. ________

La documentation relative à la présente session du Conseil, notamment l'ordre du jour annoté (A/HRC/13/1), est disponible sur la page Internet consacrée à la documentation de la treizième session du Conseil: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/13session/reports.htm


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HRC10/010F