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JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME: LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND UNE DÉCLARATION DE LA LIGUE INTERNATIONALE DES FEMMES POUR LA PAIX ET LA LIBERTÉ

Compte rendu de séance
Le Président de la Conférence avance une proposition de programme de travail largement inspirée de celui de 2009

À l'occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars de chaque année, la Conférence du désarmement a entendu ce matin une représentante de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Il s'agit de la première fois qu'une représentante de la Ligue s'adresse en personne à la Conférence, suite à une décision prise la semaine dernière. La Croatie et la Fédération de Russie ont réagi à cette intervention. Le Président a par ailleurs présenté un document de travail contenant un projet de programme de travail pour la session, suscitant la réaction immédiate du Pakistan.

La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté se félicite notamment que «le rôle d'un certain type de masculinité dans les structures politiques dominantes qui organisent les guerres et supervisent les questions de sécurité commence à être remis en question». Elle ajoute que la véritable sécurité des êtres humains est en fait sapée par les armes nucléaires, déplorant que les élites politiques et militaires qui sont liées aux industries et aux laboratoires de l'armement nucléaire continuent d'insister sur l'importance de maintenir une «dissuasion nucléaire effective» afin de «protéger la sécurité nationale», alors même qu'il est largement admis que la dissuasion nucléaire n'est pas adaptée aux menaces auxquelles est confronté le monde aujourd'hui. En fait, la seule chose que les armes nucléaires semblent dissuader, c'est le désarmement, estime la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.

La Croatie est ensuite intervenue pour plaider en faveur d'un plus grand rôle de la société civile dans le cadre des travaux de la Conférence, alors que la Fédération de Russie rappelait, pour sa part, qu'elle était l'un des rares pays au monde où le 8 mars continue d'être un jour férié.

Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur Mikhail Khvostov du Bélarus, a ensuite présenté un document de travail contenant un projet de programme de travail pour la session de 2010 de la Conférence, qui se veut dans le prolongement de ce qui avait été convenu l'an dernier. Ce document n'est qu'une «copie conforme» du document CD/1864 de l'an dernier qui ne recueille plus le consensus qu'il a pu recueillir naguère, a immédiatement réagi le Pakistan.

En début de séance, le Président de la Conférence a adressé ses condoléances au Gouvernement turc suite au tremblement de terre en Turquie qui a fait de nombreuses victimes et causé des destructions.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi 11 mars, à 10 heures.


Déclarations

MME BEATRICE FIHN (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a remercié tous les membres de la Conférence d'avoir autorisé son organisation, par sa voix, à s'exprimer directement devant cette instance pour la première fois, aujourd'hui. L'année 2010 est une année importante à maints égards, a-t-elle souligné: non seulement en raison de la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui se tiendra au mois de mai prochain, mais aussi en raison du dixième anniversaire de l'adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. En intégrant la perspective sexospécifique dans le mandat des Nations Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, cette résolution 1325 fournit un cadre important pour accroître la sensibilisation à la prise en compte de la sexospécificité dans tous les aspects de la paix et de la sécurité, a précisé Mme Fihn. La Conférence du désarmement a fait un petit pas dans le sens d'une application de la résolution 1325 en autorisant son association à prononcer sa déclaration aujourd'hui, a-t-elle ajouté.

Le lien entre les femmes et l'élimination des armes nucléaires est profond, a poursuivi Mme Fihn. Les organisations de femmes n'ont en effet eu de cesse de protester contre les armes nucléaires depuis les bombardements de Nagasaki et d'Hiroshima et elles ont fait campagne sans relâche pour un arrêt des essais nucléaires. En outre, a souligné Mme Fihn, les questions en rapport avec la façon dont on perçoit, culturellement, ce que c'est que d'être un homme et ce que c'est d'être une femme ne sont pas sans effet sur les efforts visant à abolir les armes nucléaires et à faire cesser leur prolifération. C'est pourquoi il est important que les gouvernements et les organisations non gouvernementales (ONG) prennent en considération les questions de genre dans leurs délibérations et recourent aux outils de l'analyse sexospécifique pour réformer leurs comportements et valeurs traditionnels tels qu'ils s'expriment dans le cadre des négociations et des discussions sur les armes nucléaires. Le rôle d'un certain type de masculinité dans les structures politiques dominantes qui organisent les guerres et supervisent les questions de sécurité commence à être remis en question, a affirmé Mme Fihn.

La Conférence du désarmement est un excellent endroit pour continuer à remettre en question et à réformer les hypothèses avancées au sujet des armes et de la sécurité, a poursuivi Mme Fihn. Elle reste la seule instance à laquelle appartiennent tous les États dotés de l'arme nucléaire, tant ceux qui se trouvent en dehors du TNP que ceux qui y sont parties, a-t-elle souligné, estimant que ses membres devaient donc saisir les occasions qu'offre cette architecture unique. La Conférence peut contribuer au respect de l'article 26 de la Charte des Nations Unies, qui demande que soient élaborés des plans «afin de favoriser l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde». La véritable sécurité des êtres humains est en fait sapée par la création, l'existence et le risque d'utilisation des armes nucléaires, a souligné Mme Fihn. Malgré cela, les élites politiques et militaires qui, dans les États dotés de l'arme nucléaire, sont liées aux industries et aux laboratoires de l'armement nucléaire continuent d'insister sur l'importance de maintenir une «dissuasion nucléaire effective» afin de «protéger la sécurité nationale», alors même qu'il est largement admis, tant par la société civile que par les stratèges militaires, que la dissuasion nucléaire n'est pas adaptée aux menaces auxquelles est confronté le monde aujourd'hui, qu'il s'agisse du changement climatique, du terrorisme, des problèmes d'eau et d'alimentation, du manque d'énergie ou encore des disparités économiques croissantes. En fait, la seule chose que les armes nucléaires semblent dissuader, c'est le désarmement, a conclu Mme Fihn, encourageant la Conférence à trouver des moyens novateurs de progresser sur les questions qui sont de son ressort.

MME DANIJELA ŽUNEC-BRANDT (Croatie) a remercié la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté de son intervention et de sa persévérance qui lui a permis de pouvoir s'exprimer ici ce matin. Elle a aussi remercié les membres de la Conférence qui ont permis que cela soit possible. La Croatie porte un grand intérêt au travail de la Conférence et espère y voir prévaloir la coopération, a poursuivi la représentante croate. Elle a par ailleurs rappelé que son pays souhaite depuis longtemps être membre de la Conférence. Il faut que le rôle de la société civile s'accroisse dans le cadre des travaux de la Conférence et il serait judicieux qu'un groupe de travail soit institué pour se pencher sur cette question, a-t-elle ajouté.

M. VICTOR VASILIEV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays est l'un des rares au monde où le 8 mars continue d'être un jour férié, à l'occasion de la Journée internationale de la femme. En Fédération de Russie, on s'est écarté des slogans politiques d'une époque révolue et on célèbre désormais à cette occasion l'amour, la famille et la paix et non plus les roses offertes à Rosa Luxembourg, a ajouté le représentant russe (ndlr: la délégation a fait distribuer des roses à toutes les femmes présentes dans la salle).

Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur MIKHAIL KHVOSTOV du Bélarus, a présenté un document de travail contenant un projet de programme de travail pour la session de 2010 de la Conférence (document CD/WP.559, intitulé: «Projet de décision pour l'établissement d'un programme de travail pour la session de 2010 - Proposition du Président»). Le règlement intérieur fait obligation à la Conférence de déterminer un programme de travail au début de sa session compte tenu des décisions de l'Assemblée générale, des propositions des États Membres de la Conférence et des décisions de la Conférence elle-même, a-t-il rappelé, ajoutant que - toujours selon le règlement intérieur - le projet de programme de travail est établi par le Président avec le concours du Secrétaire général de la Conférence. À donc été élaboré, il y a deux semaines, un projet officieux de programme de travail sur la base du programme figurant dans le document CD/1864 (approuvé l'an dernier) et des recommandations figurant dans les résolutions de l'Assemblée générale 64/29 et 64/64, a poursuivi M. Khvostov. Le processus de préparation de ce document a été mené en étroite coopération avec tous les Présidents de la Conférence de cette année et s'est appuyé sur des consultations bilatérales ainsi que sur la consultation de groupes régionaux, a-t-il précisé. Les propositions du Président ne constituent pas un programme idéal mais une proposition (de programme de travail) sous forme de prolongation (de ce qui avait été convenu l'an dernier), a-t-il ajouté. À notre avis, a insisté M. Khvostov, la situation qui s'est établie veut que ce soit là la meilleure façon de remettre la Conférence au travail.

Ce projet s'efforce de prendre en compte les propositions avancées lors de nos innombrables consultations, a poursuivi le Président. Pour ce qui est du traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire - et alors que nombre de délégations ont souligné la nécessité d'adopter un mandat de négociation sur la question du désarmement nucléaire - un tel traité est, de l'avis du Président, une des mesures permettant d'aller à la fois dans le sens du désarmement nucléaire et dans celui de la non-prolifération, a précisé le Président de la Conférence. Certaines délégations voudraient que soient mentionnés les stocks existants, alors que d'autres préfèreraient ne pas les inclure: le dénominateur commun, en la matière, figure dans le document CD/1299 qui souligne que toute décision subsidiaire pourrait être discutée dans le cadre des mandats qui seraient mis en jeu, a indiqué M. Khvostov, se disant conscient qu'il peut y avoir là une pierre d'achoppement, mais soulignant que «si nous ne commençons pas notre négociation, nous ne saurons jamais». L'adoption de la résolution 64/29 de l'Assemblée générale a bien montré que la Conférence du désarmement acceptait de reconnaître que ce traité doit d'abord ne pas être discriminatoire, être multilatéral et être soumis à un contrôle international efficace, a par ailleurs rappelé le Président. Je comprends fort bien que certaines délégations puissent éprouver des préoccupations qu'il faudra prendre en compte et dont il faudra parler, a-t-il déclaré. Dans un premier temps, il a appelé les membres de la Conférence à prendre connaissance de ce document qui se trouve désormais entre leurs mains. M. Khvostov a indiqué ne pas souhaiter, à ce stade aujourd'hui, ouvrir un débat sur ce document, préférant que cela se fasse jeudi prochain, 11 mars, afin que les membres aient le temps de consulter leurs capitales.

M. ZAMIR AKRAM (Pakistan) a exprimé ses condoléances à la délégation de la Turquie pour le tremblement de terre qui vient de frapper ce pays. Il a ensuite rappelé que le Pakistan a toujours été favorable à la participation de la société civile aux travaux de la Conférence.

Se disant conscient que le Président de la Conférence avait marqué sa préférence pour que la proposition présidentielle de ce matin soit examinée ultérieurement, le représentant pakistanais a néanmoins indiqué que pour se faire il eut été préférable que ce document soit distribué officieusement et non en séance plénière comme cela a été le cas; étant donné que cela s'est fait en séance plénière officielle, le Pakistan se doit de réagir.

Le Pakistan tient à relever que ce document n'est qu'une copie conforme du document CD/1864 de l'an dernier qui ne recueille plus le consensus qu'il a pu recueillir naguère, a souligné M. Akram. La question qui se pose alors est de savoir à quoi cela sert de soumettre ce document de travail, a-t-il observé. Par ailleurs, ce document n'est pas équilibré et ne reprend pas la proposition du «G21» de créer un comité spécial sur le désarmement nucléaire; il faudrait que ce document soit revu afin de reprendre la proposition du «G21». Enfin, ce document n'est pas global; il ne propose rien sur le point 2 de l'ordre du jour, relatif à la prévention de la guerre nucléaire et toutes les questions qui y sont liées. Le Pakistan souhaiterait que la Conférence se penche sur les mesures visant à réduire le risque d'utilisation d'armes nucléaires. L'essentiel est de se mettre d'accord sur un programme de travail exhaustif et équilibré, a insisté le représentant pakistanais.

Le Pakistan a fait connaître sa position sur le traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires le 18 février dernier, a rappelé son représentant. Il ne faut pas être les otages de la question de la négociation d'un tel traité et il est d'autres questions d'importance pour la paix et la sécurité internationales qui sont inscrites à l'ordre du jour de la Conférence, a-t-il souligné. Les consultations afin de parvenir à un consensus sur un programme de travail seront fructueuses s'il est tenu compte de ce que pensent tous les États Membres, a-t-il conclu.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC10/016F