Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU KAZAKHSTAN
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, vendredi après-midi et ce matin, le rapport du Kazakhstan sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
Présentant le rapport de son pays, M. Gaziz Telebayev, Vice-Ministre de la culture et de l'information du Kazakhstan, a déclaré que depuis son indépendance, le pays a toujours fondé sa politique sur la paix et la tolérance en tant qu'aspects essentiels. La diversité ethnique, culturelle et linguistique constitue la précieuse richesse du Kazakhstan, a-t-il ajouté. Par ailleurs, le Gouvernement crée toutes les conditions propices au développement de toutes ces langues et cultures. Le programme national des droits de l'homme pour les années 2009-2012 vise notamment à parfaire la législation nationale conformément aux grandes conventions internationales, au nombre desquelles figure la Convention. Le Kazakhstan compte quelque 16 millions d'habitants appartenant à près de 140 groupes ethniques, a indiqué M. Telebayev. Tous ces groupes ethniques jouissent d'un statut social, civil et juridique très élevé; leurs membres sont des citoyens du Kazakhstan de plein droit. Ainsi, prévaut au Kazakhstan le principe de l'unité dans la diversité. De l'avis d'experts, si des tensions interethniques sont apparues, c'est en raison de certaines publications dans les médias et de déclarations de certains acteurs sociaux, a par ailleurs indiqué le chef de la délégation.
L'imposante délégation kazakhe était également composée de représentants du Ministère du travail et de la sécurité sociale; du Ministère des affaires intérieures; du Ministère de la justice; du Ministère de l'éducation et des sciences; du Ministère de la santé; du Ministère des affaires étrangères; de l'Assemblée du peuple du Kazakhstan; de la Commission des droits de l'homme auprès de la Présidence de la République; du bureau du Procureur général; du Centre national pour les droits de l'homme; ainsi qu'un juge de la Cour suprême. Elle a fourni aux membres du Comité des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la Commission des droits de l'homme auprès de la Présidence de la République; les causes des tensions ou conflits ethniques, s'agissant en particulier des inégalités sociales; les questions linguistiques et d'éducation; les religions; ou encore les migrations.
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport, M. Ion Diaconu, a reconnu que le Kazakhstan avait créé un certain nombre d'institutions démocratiques qui fonctionnent bien, adopté un grand nombre de textes législatifs et fait de nombreux progrès, notamment dans le domaine des droits de l'homme. Le pays a adopté une Constitution très généreuse qui interdit la discrimination fondée sur la race, la nationalité et l'origine ethnique, a noté le rapporteur, estimant que cela constitue une bonne base pour l'action dans le domaine qui intéresse le Comité. Il a estimé que le Kazakhstan devait veiller à continuer d'établir des relations de compréhension, de coexistence et de respect mutuel et, à cette fin, doit veiller à bien éduquer sa population. Il faudrait en outre accorder davantage d'attention aux causes économiques et sociales des divers problèmes, afin de prévenir les situations de conflit, a-t-il ajouté.
Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 12 mars 2010.
Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport présenté par le Panama (CERD/C/PAN/20).
Présentation du rapport
M. GAZIZ TELEBAYEV, Vice-Ministre de la culture et de l'information du Kazakhstan, a déclaré que depuis son indépendance, le Kazakhstan a toujours fondé sa politique sur la paix et la tolérance en tant qu'aspects essentiels de sa politique. La diversité ethnique, culturelle et linguistique constitue la précieuse richesse du Kazakhstan, a-t-il ajouté. Par ailleurs, le Gouvernement crée toutes les conditions propices au développement de toutes ces langues et cultures. Parmi les valeurs fondamentales du pays figurent la tolérance et la responsabilité, ainsi que l'unité du peuple kazakhe.
Le Kazakhstan est parfaitement conscient que la pauvreté est un facteur qui peut freiner la démocratie, a poursuivi M. Telebayev. Grâce à la réforme constitutionnelle engagée en 2007, le rôle et l'influence des organes de la société civile sont allés croissants. S'est également accrue, ces dernières années, la représentation des intérêts des différents groupes ethniques au niveau du Parlement, a ajouté le Vice-Ministre.
Le Kazakhstan s'est efforcé de tenir pleinement compte des précédentes recommandations qui lui avaient été adressées par le Comité, a poursuivi M. Telebayev. En mai dernier, a-t-il indiqué, le Président de la République a confirmé le programme national des droits de l'homme pour les années 2009-2012, qui vise notamment à parfaire la législation nationale conformément aux grandes conventions internationales, au nombre desquelles figure la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Est en outre prévue l'accession du pays à la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, a ajouté le Vice-Ministre.
Au début de cette année, le Kazakhstan comptait quelque 16 millions de personnes appartenant à près de 140 groupes ethniques, a indiqué M. Telebayev. Tous ces groupes ethniques jouissent d'un statut social, civil et juridique très élevé, a-t-il assuré. Leurs membres sont des citoyens du Kazakhstan de plein droit, a insisté le Vice-Ministre. L'Assemblée du peuple du Kazakhstan œuvre dans le cadre d'un nouveau statut juridique déterminé par la Constitution et d'une loi de 2008 sur ladite Assemblée; elle a un statut constitutionnel et est représentée à la chambre basse du Parlement (Majilis), a souligné M. Telebayev. L'Assemblée du peuple du Kazakhstan compte deux adjoints au Président représentant les associations ethnoculturelles du pays. Elle élit à la chambre basse du Parlement neuf députés représentant ses intérêts. Aucun groupe ethnique vivant au Kazakhstan ne voit ses droits civils limités et peut donc participer pleinement au jeu politique, a insisté le Vice-Ministre. Ainsi, prévaut au Kazakhstan le principe de l'unité dans la diversité, a-t-il expliqué.
Au total, sur les 97 000 fonctionnaires de l'État, 15 000 proviennent des différents groupes ethniques (autres que le groupe principal), a par ailleurs fait valoir M. Telebayev. Depuis l'indépendance du pays, a-t-il ajouté, le nombre d'associations religieuses a été multiplié par six pour atteindre plus de 4 000 associations représentant plusieurs dizaines de religions ou confessions.
Toute initiative peut devenir réalité à condition de disposer de ressources financières suffisantes à cette fin, a souligné le Vice-Ministre; à cet égard, il a fait remarquer que chaque année, augmente progressivement, au Kazakhstan, le volume des dépenses allouées aux questions ethniques et ce, en dépit de la crise.
De l'avis d'experts, si des tensions interethniques sont apparues dans la vie quotidienne au Kazakhstan, c'est en raison de certaines publications dans les médias et de déclarations de certains acteurs sociaux, a indiqué M. Telebayev. L'éducation à la tolérance passe par l'enseignement, a-t-il souligné, faisant état des enseignements dispensés dans les langues de différents groupes ethniques dans de nombreuses écoles du pays.
Pour ce qui est de la lutte contre la discrimination, la législation en vigueur au Kazakhstan correspond pleinement aux principes et normes du droit international et aux engagements internationaux pris par le pays, a par ailleurs déclaré le Vice-Ministre. Le 29 mai 2008, est entré en vigueur le décret présidentiel portant reconnaissance de la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale par voie de la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention, a en outre indiqué M. Telebayev. Cette année, a-t-il rappelé, le Kazakhstan préside l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE): c'est là un grand honneur et une lourde responsabilité dont le pays entend s'acquitter en se fondant sur les principes de confiance, de transparence et de tolérance.
Répondant à une liste de questions écrites du Comité préalablement adressée au Kazakhstan, la délégation a ensuite souligné qu'en dehors des principes constitutionnels afférents qui n'autorisent aucune forme de discrimination, les normes interdisant toutes les formes de discrimination raciale sont assez largement diffusées dans les normes juridiques en vigueur au Kazakhstan. Le Code pénal comporte notamment un article relatif aux atteintes à la paix et à la sécurité de l'humanité, qui prévoit une responsabilité pénale en cas d'incitation à la dissension sociale, ethnique, clanique, raciale, religieuse ou autre, a notamment précisé la délégation. Les statistiques indiquent qu'entre 2003 et 2007 on a enregistré 222 infractions en rapport avec l'incitation à la haine sociale, nationale, clanique, raciale ou religieuse. Le Conseil constitutionnel du Kazakhstan garantit sur l'ensemble du territoire l'application de la Constitution et la protection des droits du citoyen, a souligné la délégation.
À l'heure actuelle, il n'est pas nécessaire au Kazakhstan d'adopter de lois précises sur les personnes appartenant à des minorités car tous les groupes ethniques du pays jouissent d'un statut juridique élevé, a par ailleurs indiqué la délégation. Sont considérés comme inconstitutionnels tous les actes menaçant l'harmonie interethnique, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne les éventuels conflits interethniques dans le pays, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas de foyer de séparatisme ethnique au Kazakhstan. Les sources de conflit qui ont pu surgir ici ou là ont plutôt été liées à des activités criminelles ou économiques qui se sont ensuite dissimulées sous des aspects ethniques. De tels événements ont été perçus par l'opinion publique comme étant tout à fait inhabituels; ils n'ont rien à voir avec les normes habituelles de comportement au Kazakhstan. Dans ce contexte, les autorités s'efforcent surtout de résoudre les problèmes économiques et sociaux qui, à l'instar du chômage, peuvent se poser dans le monde rural.
Le Kazakhstan entretient un dialogue régulier avec les groupes ethniques et l'Assemblée du peuple du Kazakhstan joue à cet égard un rôle particulier, a rappelé la délégation.
Interrogée sur les mesures prises pour assurer une meilleure représentativité des groupes ethniques à tous les niveaux, en particulier dans les organes de l'État, la délégation a tenu à souligner que l'origine ethnique ou nationale d'un candidat au sein des organes de l'État ne peut pas constituer un motif pour ne pas le recruter. Les statistiques dans ce domaine témoignent du niveau de tolérance de la société kazakhe, a fait valoir la délégation. Aucune plainte n'a jamais été déposée par une personne qui aurait estimé avoir été victime d'une discrimination dans le contexte d'un recrutement dans la fonction publique, a-t-elle insisté.
D'après la loi sur les médias, il est interdit d'utiliser les médias pour perturber le fondement de l'État ou encourager à la guerre ou à la haine raciale, a d'autre part rappelé la délégation. Une analyse des informations contenues dans les médias montre que n'y apparaissent pas d'informations incitant à la haine, a-t-elle fait valoir.
La notion d'enseignement pluriel est appliquée au Kazakhstan à travers le fonctionnement de 1598 écoles qui enseignent en russe, 62 en ouzbek, 14 en ouïghour et 2 en tadjik et plus de deux mille qui dispensent des cours en plusieurs langues, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans les écoles dites du dimanche, les élèves peuvent apprendre leur culture maternelle, a-t-elle ajouté.
Le Commissaire aux droits de l'homme jouit de prérogatives conformes aux principes de Paris applicables aux institutions nationales de droits de l'homme, a fait valoir la délégation. Il peut notamment examiner des plaintes afférentes à tous les niveaux des organes de l'État, qu'ils soient locaux ou centraux.
Le rapport périodique du Kazakhstan (CERD/C/KAZ/4-5, document regroupant les quatrième et cinquième rapports) indique que depuis son accession à l'indépendance, le Kazakhstan a déployé des efforts considérables en vue d'améliorer sa législation et de la mettre en conformité avec les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels il est partie. Le pays s'est doté d'institutions de protection des droits de l'homme, dont la Commission des droits de l'homme auprès de la Présidence de la République du Kazakhstan, le Bureau du Défenseur des droits de l'homme de la République du Kazakhstan et la Commission nationale des affaires familiales et féminines auprès de la présidence du Kazakhstan. Les traités internationaux ratifiés par le Kazakhstan l'emportent sur le droit interne et sont directement applicables, sauf si leur application exige la promulgation d'une loi, poursuit le rapport.
Les données les plus récentes indiquent que depuis l'enquête de 2007 les problèmes de cohabitation entre les différents groupes ethniques se sont atténués et sont en général réglés sur place grâce à la tradition de tolérance du peuple du Kazakhstan et à de longues années d'expérience en matière de dialogue entre les personnes et les groupes, et qu'ils ne peuvent, dans l'ensemble, avoir de répercussions sur l'esprit de coopération et d'entente mutuelle. Plus de 470 associations ethnoculturelles sont enregistrées au Kazakhstan, les plus actives étant les centres ouïghours, allemands, coréens, ukrainiens et russes. Le niveau de tolérance religieuse est très élevé au Kazakhstan, ajoute le rapport. L'article 19 de la Constitution reconnaît à chacun, sans exception, le droit de pratiquer sa langue et sa culture maternelles et de choisir librement sa langue de communication, d'éducation, d'instruction et d'activités créatrices. Le Kazakhstan estime donc n'avoir objectivement pas besoin d'élaborer une législation spécifique relative à la discrimination raciale, puisque les principes relatifs à l'élimination de la discrimination raciale sont énoncés dans sa Constitution, dans de nombreux actes législatifs touchant aux droits de l'homme et du citoyen, notamment dans le Code de procédure civile et dans le Code de procédure pénale, qui contiennent les normes pertinentes.
D'autre part, le rapport indique que selon les chiffres de l'Agence de la statistique de la République du Kazakhstan, au 1er janvier 2008 le nombre de Tziganes (Roms) s'élevait à 5 153. Les organes locaux du pouvoir exécutif leur donnent la possibilité de vivre en habitat groupé, précise le rapport. Des dispositions sont prises pour interdire les pratiques discriminatoires à l'encontre de toutes les minorités ethniques, y compris les Roms. L'égalité d'accès aux services collectifs (santé, culture, éducation) est assurée. Enfin, aucune plainte ni aucune communication concernant des actes de discrimination fondés sur la race et l'appartenance ethnique commis à l'égard des Roms n'ont été enregistrées. Parce qu'ils se sont assimilés à la population autochtone, qu'ils ont un logement et un travail ou une activité permanente, on peut affirmer que les Tziganes du Kazakhstan ont un mode de vie sédentaire, jouissent de tous les droits et sont astreints à toutes les obligations des citoyens de la République.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kazakhstan, a reconnu que le pays a créé un certain nombre d'institutions démocratiques qui fonctionnent bien, adopté un grand nombre de textes législatifs et fait de nombreux progrès dans de nombreux domaines, y compris dans celui des droits de l'homme. Certes, tout n'est pas parfait et les choses pourraient mieux fonctionner; mais il faut se garder de comparer la démocratie au Kazakhstan avec celle d'autres pays, a souligné l'expert, indiquant qu'en ce qui le concerne, il se contenterait d'appréhender la situation dans ce pays du point de vue des exigences découlant de la Convention. Le Kazakhstan a adopté en 1995, en y apportant des modifications en 2007, une Constitution très généreuse qui interdit la discrimination fondée sur la race, la nationalité et l'origine ethnique. Plusieurs lois, du reste, réaffirment ces dispositions dans différents domaines. Voilà qui constitue une bonne base pour l'action dans le domaine qui nous intéresse, a déclaré M. Diaconu. Reste à voir comment ce cadre législatif et constitutionnel permet de donner suite aux dispositions de la Convention, a-t-il indiqué.
Il semble que le problème le plus difficile auquel le pays soit confronté soit celui des tensions interethniques qui ont connu une explosion entre 2004 et 2008, couvrant un territoire plus étendu et ayant des conséquences plus sérieuses, a souligné M. Diaconu. Selon certaines informations, a-t-il précisé, de graves conflits ethniques ont surgi à Malybai, Shilik, Mayatas, Malovodnoe et Aktau, certains de ces conflits ayant provoqué des morts. Les informations émanant d'organisations non gouvernementales (ONG) affirment que les organes de l'État n'auraient pas mené les enquêtes appropriées quant aux causes de ces événements et n'auraient pas recherché les coupables. Le Gouvernement kazakh reconnaît lui-même, au paragraphe 21 du rapport, que se fait toujours sentir le besoin d'une police nationale qui maintienne l'harmonie interethnique, a relevé M. Diaconu. Affirmer, comme le fait le rapport, que les problèmes sont généralement résolus au niveau local et ne sauraient affecter l'atmosphère de coopération et d'entente mutuelle n'est pas une solution; il faut examiner les causes de ces événements et les traiter, a souligné le rapporteur. Comment le Gouvernement entend-il s'y prendre pour éviter de tels événements et assurer l'harmonie interethnique dans un pays qui compte plus de 130 nationalités, a demandé M. Diaconu ?
En dépit des dispositions généreuses et claires de la Constitution quant au droit à l'éducation dans les langues maternelles, une autre question urgente semble avoir trait à l'éducation et à la culture en langue maternelle ainsi qu'à l'utilisation des langues dans le pays, a poursuivi l'expert. Des informations émanant d'ONG font état d'une réduction du nombre d'écoles, du manque de manuels scolaires et du manque de personnel qualifié en langues minoritaires.
M. Diaconu a par ailleurs relevé que s'il existe une législation interdisant la discrimination dans certains domaines (par exemple dans le code du travail ou dans les lois relatives aux syndicats et à l'emploi), il n'existe pas de législation globale sur la discrimination raciale, sous ses formes directes et indirectes. La seule exception est celle du Code pénal, mais ce dernier n'incrimine que les seules restrictions aux droits de l'homme et aux libertés et non pas les distinctions, exclusions et préférences, comme le requiert la Convention. Par ailleurs, la loi sur les partis politiques interdit la formation de partis politiques basés sur une affiliation ethnique, mais pas les activités de partis politiques promouvant la discrimination raciale; et la situation est la même pour ce qui est des associations, a fait observer M. Diaconu. Aussi, a-t-il recommandé au Kazakhstan de réexaminer l'ensemble de sa législation à la lumière des dispositions de la Convention, afin de combler les lacunes.
Le rapporteur a également souhaité connaître sur quels critères un traitement préférentiel était accordé aux Oralmans (personnes d'origine kazakhe revenant au Kazakhstan en provenance de zones de l'ancienne Union soviétique) en vue de l'obtention de la nationalité kazakhe. Il a, à cet égard, rappelé que l'article 1.3 de la Convention stipule que la loi dans ce domaine ne doit établir de discrimination à l'encontre d'aucune nationalité particulière.
En ce qui concerne la situation des réfugiés, le Kazakhstan n'a répondu que partiellement aux questions qui lui avaient été adressées par le Comité en 2004, a poursuivi M. Diaconu. Quelle est la situation des Tchétchènes, des citoyens chinois et d'autres personnes en provenance de certains pays voisins, a-t-il demandé ? Comme chacun sait, refuser de leur octroyer le statut de réfugiés revient à les priver de l'accès à certains services publics tels que les services de santé, a-t-il rappelé. Un projet de loi sur les réfugiés ayant été adopté, il serait utile de savoir s'il résout toutes les questions concernant l'octroi du statut de réfugié et de connaître son contenu, a-t-il ajouté. Un appel relayé par un autre expert qui souhaitait également connaître le nombre de réfugiés au Kazakhstan.
D'autre part, a poursuivi M. Diaconu, des organisations non gouvernementales décrivent une situation où des étrangers qui traversent la frontière pour entrer au Kazakhstan sont humiliés par des gardes et où des travailleurs migrants qui ne sont pas enregistrés ou ne peuvent pas l'être sont forcés à travailler selon des conditions imposées par les employeurs, sans avoir la possibilité de se tourner vers les autorités pour engager un recours. Certaines ONG recommandent que le Kazakhstan ratifie la Convention n°111 de l'Organisation internationale du travail (OIT) contre la discrimination en matière d'emploi et de profession. Un commentaire de la délégation pourrait s'avérer utile afin de comprendre la situation s'agissant de ces questions, a indiqué M. Diaconu.
Tout en prenant note du signe positif que constitue l'acceptation, par le Kazakhstan, de l'article 14 de la Convention, M. Diaconu a souligné qu'il conviendrait de faire de la publicité autour de cette procédure auprès du peuple afin qu'il puisse y recourir, lorsque tous les recours internes ont été épuisés.
Relevant que le Kazakhstan est un pays d'émigration et que la population – y compris celle des groupes ethniques – y diminue, un expert a souhaité avoir des explications quant aux raisons de cette poussée de l'émigration. On assiste au Kazakhstan à un renforcement de l'influence et de la place des religions et, si la population reste opposée à toute idée d'état théocratique, comme le souligne le rapport, il serait néanmoins intéressant de savoir comment s'explique ce phénomène, a ajouté cet expert.
Un autre expert a indiqué ne pas bien saisir le point de vue du Kazakhstan quant à la notion et l'utilisation du terme de «minorité». L'important, de toute façon, n'est pas la terminologie mais bien de veiller à ce que les droits des minorités soient bien protégés, ce qui semble être le cas au Kazakhstan, même si, lorsque l'on utilise une terminologie trop diverse et peu claire, il peut arriver qu'en fin de compte, on ne sache plus très bien de quoi ou de qui l'on parle, a souligné cet expert.
D'autres questions des membres du Comité ont porté sur l'existence ou non d'un observatoire quelconque chargé de surveiller ce qui est diffusé sur l'Internet et dans les médias; et sur l'absence apparente d'institution gouvernementale traitant des questions relatives aux minorités, alors que la population est composée, à 48%, de groupes minoritaires ethniques. Enfin, un expert a tenu à rappeler que selon les principes de Paris, les institutions nationales de droits de l'homme doivent être indépendantes du pouvoir exécutif.
Informations complémentaires fournies par la délégation
La délégation a expliqué que la Commission des droits de l'homme auprès de la Présidence de la République, créée en février 1994, est un organe consultatif chargé de formuler des recommandations adressées au chef de l'État. Cette Commission est chargée d'élaborer et d'améliorer la politique menée par l'État en matière de droits de l'homme; elle est composée de 23 personnes toutes désignées par décret du chef de l'État. Au total, 60% des membres de cette Commission sont des membres de la société civile, a précisé la délégation. C'est suite à des recommandations de cette Commission qu'un programme de coopération avec l'ONU a été adopté en 2000 et qu'a été créé le poste de Médiateur des droits de l'homme au Kazakhstan. Pour l'heure, ce Médiateur a également été créé par décret présidentiel, a précisé la délégation, se disant toutefois consciente du fait que pour être conforme aux principes de Paris, cette dernière institution devait être adossée à une disposition constitutionnelle ou à une loi distincte.
La délégation a insisté sur la tradition d'ouverture et de tolérance interethnique qui caractérise son pays et a rappelé que le Kazakhstan est un État jeune où de nombreuses institutions démocratiques viennent tout juste d'être créées. Le Kazakhstan est un État pluriethnique, a-t-elle insisté. Ce pays est un carrefour de cultures et d'influences religieuses et de nombreux experts qualifient de syncrétisme la situation qui y prévaut.
Pendant plus de 70 ans, le Kazakhstan est resté un État athée, a rappelé la délégation. Puis le Kazakhstan a été le premier État indépendant de l'ex-URSS à définir les conditions dans lesquelles était professée la religion; la politique libérale ainsi adoptée a permis un développement de la religiosité avec l'émergence de confessions religieuses qui n'avaient auparavant jamais été présentes dans le pays, a expliqué la délégation. Tout cela témoigne de la grande tolérance qui prévaut dans ce pays. Depuis l'indépendance, le Kazakhstan a épousé l'idée de la diversité, y compris en matière religieuse, a insisté la délégation. Les Musulmans sont le principal groupe religieux au Kazakhstan; or, il se trouve que ce groupe est contre la création d'un État théocratique, a par ailleurs souligné la délégation. Il n'y a pas de tensions entre les religions au Kazakhstan, a-t-elle également assuré.
En ce qui concerne les raisons des conflits ethniques qui ont pu apparaître ça et là dans le pays, la délégation a notamment souligné qu'il y a unanimité pour reconnaître la base socioéconomique de ces conflits, qui ont tous touché le sud du pays où la population est essentiellement rurale. Ces conflits ne touchent pas les villes du Kazakhstan, a insisté la délégation. Dans les zones rurales, on remarque une tendance à la persistance des familles nombreuses et à une forte mortalité infantile; il y a des tensions s'agissant, notamment, de la question des terres, du fait de la surpopulation rurale qui engendre une concurrence conflictuelle avec les conceptions traditionnelles de la gestion des terres.
Des études ont été menées afin de déceler les inégalités sociales ventilées par groupes ethniques, a indiqué la délégation, ajoutant que l'inégalité sociale entre les groupes ethniques peut engendrer des tensions interethniques. Aussi, la politique suivie par les autorités kazakhes vise-t-elle la constitution d'une classe moyenne forte comme base de la stabilité sociale, a souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs rappelé que conformément à l'article 4 de la Constitution, le droit en vigueur au Kazakhstan est le droit constitutionnel; en outre, a-t-elle ajouté, les traités internationaux ratifiés par le pays ont la primauté sur les lois internes et ils s'appliquent de manière indirecte lorsqu'ils nécessitent un décret d'application.
Conformément à la Constitution, tous les citoyens sont égaux en droit et devant les tribunaux et nul ne peut être soumis à une forme quelconque de discrimination, a rappelé la délégation. En 2009, a-t-elle précisé, deux personnes ont été condamnées au pénal pour discrimination raciale.
La délégation a également rappelé que le Kazakhstan avait adopté par décret, en 2006, un plan d'action national en faveur de l'éducation dans le domaine des droits de l'homme pour 2006-2007.
Répondant aux questions relatives à l'éducation, la délégation kazakhe a indiqué que les parents ont le droit de choisir l'école de leurs enfants en fonction des désirs et préférences de ces derniers. Les écoles assurent les activités d'enseignement des différentes langues en fonction des besoins sur leurs territoires respectifs. Au Kazakhstan, a souligné la délégation, le réseau d'écoles correspond aux véritables besoins en matière d'enseignement et le droit de suivre un enseignement dans la langue maternelle peut s'exercer tant dans les écoles nationales que dans des écoles mixtes.
La loi sur l'éducation vise à garantir le droit constitutionnel de tous les citoyens - mais aussi des étrangers et apatrides vivant dans le pays - à l'éducation, a par ailleurs souligné le pays. Quant à la loi sur les langues, elle précise les obligations de l'État quant à la création de conditions propices à l'enseignement des langues.
Selon la Constitution, le russe est, avec le kazakhe, la langue de communication du Kazakhstan, a indiqué la délégation. En 2009, a-t-elle en outre rappelé, s'est tenue au Kazakhstan une Conférence internationale sur le renforcement de l'intégration nationale par le plurilinguisme.
D'après le dernier recensement, la population kazakhe de souche représente 67% de la population totale, a par ailleurs précisé la délégation.
En ce qui concerne les questions de migrations, et plus particulièrement les Oralmans (personnes d'origine kazakhe revenant au Kazakhstan en provenance de zones de l'ancienne Union soviétique), la délégation a indiqué que depuis l'indépendance, sont revenues dans le pays plus de 200 000 familles. Pour ces rapatriés, la naturalisation est possible sans justification de ressources et sans que la condition de cinq années de résidence dut être remplie, a ajouté la délégation.
Depuis le 1er janvier 2010, est entrée en vigueur la nouvelle loi sur les réfugiés - adoptée conformément à la Convention sur le statut des réfugiés que le Kazakhstan a ratifiée. Le pays compte notamment 622 afghans ainsi que 314 tadjiks enregistrés comme réfugiés, a-t-elle indiqué. Le Kazakhstan est fermement engagé à respecter ses obligations internationales s'agissant des réfugiés, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que la tendance à l'émigration a marqué le pas ces dernières années et que le solde migratoire y est positif.
Le séjour des étrangers, qui est en particulier réglementé par une loi de 1995, est soumis à des conditions d'inscription; les délais pour procéder à cette inscription après la date de franchissement de la frontière peuvent varier de 15 jours, en règle générale, à 30 jours pour les ressortissants du Tadjikistan voire 90 jours pour ceux du Kirghizistan. La majorité des migrants sont des citoyens de la Communauté d'États indépendants, a souligné la délégation.
Enfin, la délégation a tenu à rappeler que l'article 5 de la Constitution interdit de mener des activités dont le but est d'attiser la haine nationale ou autre.
Observations préliminaires
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kazakhstan, M. ION DIACONU, a jugé très intéressant le dialogue avec la délégation kazakhe. Beaucoup a été appris de ce dialogue, a-t-il déclaré. Le Kazakhstan doit veiller en premier lieu à continuer d'établir des relations de compréhension, de coexistence et de respect mutuel et, à cette fin, doit veiller à bien éduquer sa population, a indiqué le rapporteur. Il faudrait en outre accorder davantage d'attention aux causes économiques et sociales des divers problèmes, afin de prévenir les situations de conflit, a-t-il ajouté. Ensuite, le Kazakhstan doit tout particulièrement s'intéresser aux régions où vivent des peuples appartenant aux groupes ethniques et prendre des mesures afin que ces personnes se considèrent bien comme étant des citoyens de plein droit, a-t-il poursuivi. M. Diaconu s'est dit encouragé que de nouveaux projets de loi soient en cours d'examen. La conférence sur la tolérance qui se tiendra en juin prochain dans le pays intéresse beaucoup le Comité; elle sera importante pour le Comité, pour l'OSCE et pour l'ensemble des pays et pourrait dégager de nouveaux moyens d'action aux fins du renforcement de la tolérance au sein de nos sociétés, a souligné M. Diaconu.
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CERD10/012F