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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LES DROITS DES MIGRANTS DANS LES CENTRES DE DÉTENTION

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin une réunion-débat consacrée aux «droits de l'homme des migrants dans les centres de détention», comme il en avait pris la décision à sa session de juin dernier, afin de souligner l'importance de se pencher sur cette question qui crée les conditions pouvant donner lieu à des violations des droits de l'homme, et de tenter de définir des mesures alternatives à la détention.

Le Conseil a entendu dans ce cadre les déclarations d'introduction prononcées par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay; le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur détention arbitraire, M. El Hadji Malick Sow; le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. Jorge Bustamante; le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Abdelhamid El Jamri; une représentante de la Commission australienne des droits de l'homme, Mme Vanessa Lesnie; et un représentant de l'organisation Migrant Forum in Asia, M. Ashley Gois.

La Haut-Commissaire et les experts ont observé en particulier que la criminalisation du séjour irrégulier des migrants ne correspond pas à l'intérêt légitime des États à contrôler et réglementer l'immigration, et qu'elle risque d'entraîner des mises en détention inutiles. L'immigration irrégulière associée à la criminalité favorise la stigmatisation des personnes migrantes ainsi que la xénophobie à leur encontre. D'autre part, le traitement des migrants et leurs conditions de vie en détention renvoient à l'obligation fondamentale des États de garantir que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité de la personne humaine. Les mauvais traitements, la surpopulation carcérale, l'accès insuffisant aux droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux comptent parmi les préoccupations et violations les plus fréquentes recensées par les mécanismes internationaux des droits de l'homme dans ce domaine.

De nombreux intervenants ont observé que, d'une façon générale, la détention des migrants doit être conforme aux normes internationales; que le respect des droits et libertés fondamentales des migrants est une obligation qui incombe à tous les États, notamment quant aux voies de recours ouvertes et au respect du principe de la protection consulaire; et que le suivi de cette question devrait amener le Conseil des droits de l'homme à envisager la rédaction de lignes directrices générales en vue de prévenir les violations des droits de l'homme des migrants dans les centres de détention, en particulier leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Des délégations ont aussi déploré que, dans le contexte de la crise économique actuelle, de nombreux travailleurs migrants, souvent issus de pays en développement, perdent leur travail et doivent occuper des emplois précaires, ce qui les rend particulièrement vulnérables face aux autorités. Ils se retrouvent dans des centres de détention où ils subissent de graves violations de leurs droits. Des alternatives à la détention doivent être trouvées, tandis que les «centres de détention devraient être l'exception et utilisés uniquement comme ultime recours lorsque des mesures moins restrictives se sont révélées inefficaces ou ont échoué». Enfin, des appels ont été lancés en vue de la ratification universelle de la Convention de l'ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Ont pris part au débat les délégations des États suivants: Côte d'Ivoire (au nom du Groupe africain, Colombie (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), Suède (au nom de l'Union européenne), Tunisie (au nom du Groupe arabe), Mexique, Italie, Australie, Pakistan, France, Uruguay (au nom des pays du MERCOSUR), Chine, Égypte, Brésil, États-Unis, Algérie, Équateur, Afrique du Sud, Burkina-Faso, Indonésie, Sénégal, République de Corée, Suisse, Angola, Philippines, Pérou, Bangladesh, Gabon et Maroc.

Un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait une déclaration, de même que des institutions nationales de droits de l'homme et organisations non gouvernementales: Migrants Rights International; Organisation mondiale contre la torture (OMCT); Commission internationale de juristes; Human Rights First; Global Alliance against Traffic in Women; Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le Dialogue (au nom également de Espace Afrique International); et Médecins sans Frontières (MSF).

Le Conseil se réunira à 15 heures pour reprendre son débat interactif avec l'expert indépendant sur les droits de l'homme et la solidarité internationale. Il sera ensuite saisi des rapports de l'experte indépendante sur l'accès à l'eau potable et à l'assainissement et du Rapporteur spécial sur les déchets toxiques.


Réunion-débat consacrée aux droits des migrants dans les centres de détention

Présentations des panélistes

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné que le fait d'entrer ou de séjourner dans un État sans visa valable est généralement considéré comme une infraction administrative et non un délit pénal. Souvent, les immigrants en situation irrégulière vivent dans un pays pendant de longues années, y gagnent honnêtement leur vie dans des conditions parfois très difficiles et non conformes aux normes établies. La Haut-Commissaire a dit partager les positions du Groupe de travail sur la détention arbitraire, du Rapporteur spécial sur les droits des migrants et d'autres mécanismes des droits de l'homme selon lesquels la criminalisation du séjour irrégulier sort du cadre de l'intérêt légitime des États à contrôler et réglementer l'immigration, et risque d'entraîner des mises en détention superflues. D'autre part, l'immigration irrégulière associée à la criminalité favorise la stigmatisation des personnes migrantes ainsi que la xénophobie à leur encontre. La protection des migrants à cet égard et le risque d'arbitraire est encore beaucoup trop important, a encore observé Mme Pillay.

C'est dans ce contexte, a estimé Mme Pillay, que les participants au débat devront s'interroger en particulier sur les bases légales de la mise en détention de migrants irréguliers, compte tenu de l'interdiction fondamentale de la détention arbitraire consacrée par le Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international sur les droits civils et politiques. La privation de liberté doit être une mesure de dernier recours. Or, les migrants arrivant irrégulièrement dans un pays sont trop souvent mis en détention dans le cadre de procédures de routine, privés de toute sauvegarde juridique. Ces procédures n'épargnent pas les enfants qui, dans de nombreux pays, sont maintenus en détention administrative prolongée sans motif valable.

Les participants devront en outre se pencher sur le traitement des migrants et leurs conditions de vie en détention, a poursuivi la Haut-Commissaire. Cet aspect du débat a trait au droit fondamental qui impose aux États de garantir que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité de la personne humaine. Les mauvais traitements, la surpopulation carcérale, l'accès insuffisant aux droits économiques, sociaux et culturels fondamentaux comptent parmi les préoccupations et violations les plus fréquentes recensées par les mécanismes internationaux des droits de l'homme, a rappelé Mme Pillay. À cet égard, le débat devra aussi porter sur les mesures alternatives à la détention qui peuvent être envisagées. La réunion permettra de faire connaître des expériences et pratiques optimales dans ce domaine, a conclu la Haut-Commissaire.

M. EL HADJI MALICK SOW, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a notamment rappelé que le Groupe de travail, dans sont rapport de 2007, avait recommandé que le Conseil organise rapidement une délibération approfondie sur le sujet afin de trouver des mesures efficaces pour empêcher la violation de droits garantis par les instruments du droit international. Il s'est dit heureux que cette délibération ait lieu ici aujourd'hui. Tout en reconnaissant le droit souverain des États à réglementer la migration, le Groupe de travail se joint néanmoins à ceux qui plaident en faveur de l'élimination progressive des détentions pour motifs d'immigration, s'agissant de personnes n'ayant commis aucun délit. Il s'est félicité du fait que la Haut-Commissaire ait souligné que la pénalisation de la migration irrégulière restait un sujet de préoccupation, du fait que la détention administrative doive être le dernier recours et qu'elle devait être encadrée juridiquement et judiciairement. Il a souligné que la détention de mineurs, notamment de mineurs non accompagnés, nécessitait une attention particulière. En outre, la loi doit fixer une durée maximale de détention et, à la fin de cette période, le détenu doit être automatiquement libéré. Enfin, tout détenu doit être informé, dans une langue qu'il comprend, des raisons de sa détention et de ses droits, y compris le droit de contester la légalité de la détention ou d'avoir accès à un avocat, a-t-il dit.

Parmi les défis auxquels il est confronté dans le cadre de la mise en œuvre de ces droits, le Groupe de travail a constaté que certaines législations nationales ne stipulaient pas qu'une détention devait être ordonnée par un juge, ni qu'il devait y avoir un examen judiciaire de l'ordre de détention. Souvent, les détenus ne jouissent pas du droit de contester la légalité de leur détention, a souligné M. Sow. La loi ne stipule souvent aucune durée maximale de la détention, ce qui entraîne une détention prolongée. C'est une situation qui préoccupe gravement le groupe. S'agissant des conditions de détention, qui ne relèvent pas du mandat du Groupe de travail, celui-ci a toutefois observé que celles-ci pouvaient être «tout simplement inacceptables». Afin de pouvoir faire rapport sur les conditions de détention, le Groupe de travail, dans son dernier rapport, a proposé au Conseil des droits de l'homme d'élargir son mandat lui permettant de contrôler le respect par les États de leurs obligations relatives à tous les droits de l'homme des personne détenues. En conclusion, M. Sow a souligné que l'un des aspects du débat de ce jour était la recherche de mesures pouvant remplacer la détention. Il a donné comme exemples la présentation régulière aux autorités, la liberté sous caution, la création de centres ouverts ou l'assignation à résidence, toutes mesures ayant fait leurs preuves selon lui.

M. JORGE BUSTAMANTE, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a souligné que la nécessité de traiter des préoccupations de droits de l'homme soulevées par la détention de migrants irréguliers est particulièrement urgente dans le contexte actuel de mobilité transfrontalière croissante. Il conviendrait de réfléchir aux causes de ces préoccupations qui relèvent, d'une part, du manque de reconnaissance du lien existant entre migration irrégulière et demande de main-d'œuvre dans les pays de destination et, d'autre part, de la tendance croissante à criminaliser la migration irrégulière, a-t-il ajouté.

M. Bustamante a souligné l'obligation morale et juridique qui incombe aux pays de destination et d'origine de se porter coresponsables de la mise en place et de l'application d'une approche de la gestion des migrations qui soit fondée sur les droits de l'homme. Comme l'a souligné la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, la criminalisation de la migration irrégulière favorise un environnement d'intolérance et de discrimination, sans que les causes profondes des migrations irrégulières ne soient traitées; la détention est alors utilisée comme moyen de dissuasion pour l'immigration, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences préjudiciables du point de vue des droits de l'homme, a rappelé le Rapporteur spécial. De manière routinière, les migrants qui arrivent irrégulièrement sont souvent détenus, parfois sans garanties judiciaires adéquates, sans être tenus informés de leurs droits et sans bénéficier d'un processus d'examen judiciaire indépendant, a précisé M. Bustamante. Ils sont parfois confinés dans des lieux surpeuplés, sans bénéficier de soins de santé, d'une alimentation, de services d'assainissement ou d'accès à l'eau potable qui soient adéquats. Certains d'entre eux sont également soumis à une détention administrative prolongée ou indéfinie, ce qui a été dénoncé par le Rapporteur spécial sur la torture comme équivalant à un traitement inhumain ou dégradant. Les victimes du trafic de personnes sont parfois doublement victimes en ce sens qu'il n'est pas tenu compte de leur condition de victime et qu'elles se voient alors accusées d'entrée illégale dans le pays, a fait observer le Rapporteur spécial.

Les millions de personnes qui risquent leur vie pour traverser des frontières internationales à la recherche d'une vie meilleure et celles qui vivent hors de leur pays d'origine comme migrants – quel que soit leur statut au regard de l'immigration – sont avant tout des êtres humains et, à ce titre, des détenteurs de droits de l'homme universels, a souligné M. Bustamante. Il convient ici de rappeler que le droit souverain des États de protéger leurs frontières et de fixer leurs politiques migratoires doit non seulement respecter les garanties reconnues en vertu du droit des réfugiés visant la protection des requérants d'asile, mais aussi l'obligation de l'État de respecter et protéger les droits de l'homme de tous les êtres humains se trouvant sous leur juridiction, quel que soit leur statut d'immigration, a-t-il insisté. Ces garanties, a précisé le Rapporteur spécial, comprennent l'interdiction de l'arrestation ou de la détention arbitraires ainsi qu'un certain nombre de garanties judiciaires associées à la légalité de la détention ou de l'arrestation, notamment dans le contexte du contrôle de l'immigration, comme cela est reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ainsi, identifier et appliquer des mesures alternatives à la détention permettrait d'aider les États à mieux respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme dans le contexte du traitement des migrants, a expliqué M. Bustamante. De telles mesures alternatives - qui peuvent, par exemple, prendre la forme d'une libération sous caution, d'une libération conditionnelle, d'une autorisation de sortie à des fins d'emploi à certaines heures spécifiques ou encore d'un placement en centre semi-ouvert voire du placement d'un bracelet électronique – devraient être soumises à un examen judiciaire et les migrants devraient donc pouvoir faire appel de ces mesures devant une autorité ou un organe judiciaire ou autre compétent, a précisé le Rapporteur spécial.

Le cas des enfants mérite une attention particulière puisque, conformément aux normes internationales, la privation de liberté d'un enfant dans le contexte des migrations ne devrait être qu'une mesure de dernier recours applicable pour la durée la plus courte possible et ne devrait jamais être de nature punitive, a souligné M. Bustamante. De plus, les enfants migrants non accompagnés ne devraient pas être détenus, a-t-il ajouté, précisant que la détention d'enfants en rapport avec la migration ne saurait être justifiée en invoquant le maintien de l'unité familiale.

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, a rappelé que la Convention sur les travailleurs migrants précise que ces personnes ont droit à la protection de l'État contre les abus et violations de leurs droits. Les migrants et leurs familles doivent être informés du motif de leur arrestation dans leur langue, et les autorités consulaires de leur pays doivent être prévenues. En outre, aux termes de la Convention, les migrants et leurs familles victimes d'arrestation illégale ont droit à une indemnisation.

Le Comité constate que la pratique internationale est satisfaisante du point de vue des efforts consentis par certains États pour améliorer les conditions de vie des migrants dans les centres de détention. Elle est insuffisante en ce qui concerne, par exemple, la persistance d'arrestations illégales de migrants et leur placement en détention pouvant donner lieux à des tortures ou des mauvais traitements. D'autre part, la détention se fait souvent malheureusement dans les mêmes établissements que ceux réservés aux prisonniers de droit commun.

Le rôle du Comité est de formuler des recommandations à l'intention des États pour qu'ils améliorent le traitement des migrants et leurs familles. Un dialogue constructif est instauré entre le Comité et les États pour la recherche de solutions aux problèmes détectés. Cette collaboration généralement positive et fructueuse a notamment permis la mise en place de systèmes d'information relatifs aux migrants détenus. M. El Jamri a remercié les institutions nationales de droits de l'homme et les organisations de la société civile pour leur importante contribution aux travaux du Comité.

MME VANESSA LESNIE, de la Commission australienne des droits de l'homme, a affirmé que des progrès importants avaient été accomplis récemment par son pays s'agissant de la situation des migrants. Ainsi, les conditions dans les centres de détention se sont généralement améliorées et il existe des alternatives de plus en plus nombreuses à la détention. Bien que son institution continue d'être préoccupée par la question de la détention des migrants, elle est convaincue que «le gouvernement apprend grâce aux erreurs du passé». La Commission australienne a mené des enquêtes approfondies sur les cas de détention prolongée et c'est sans surprise qu'elle a pu en constater les effets néfastes. Par exemple, plus on détient une personne pendant une longue durée et plus il y a de risques de celle-ci souffre de problèmes mentaux et d'autres pathologies.

D'autre part, l'expérience australienne montre que les alternatives à la détention sont substantiellement plus économiques et plus efficaces. Environ, 94% des migrants concernés se plient aux conditions mises à leur non-détention, a-t-elle affirmé. Avec le temps, l'État a réalisé que le fait de travailler avec les institutions nationales des droits de l'homme et avec les organisations non gouvernementales produisait de meilleurs résultats pour tout le monde. Mme Lesnie a aussi constaté que, ces dernières années, la relation entre la Commission australienne des droits de l'homme et le Ministère de l'immigration davantage axée sur la consultation et la coopération. En conclusion, elle a souligné que les erreurs du passé avaient été coûteuses pour son pays, en termes humains et pratiques. Certaines d'entre elles auraient pu être évitées, a-t-elle tenu à ajouter.

M. ASHLEY WILLIAM BONAVENTURE GOIS, de Migrants Rights International/Migrant Forum in Asia, a indiqué attendre avec intérêt les résultats de la présente réunion-débat sur les migrations et la détention, en espérant qu'ils aboutissent à l'adoption d'une résolution appelant à une enquête approfondie sur les violations massives des droits de l'homme qui se produisent du fait de la pratique actuelle de détention arbitraire des migrants. Examiner l'efficacité des modèles et des alternatives à la détention ne doit pas nous détourner du principe général selon lequel les migrants ne devraient tout simplement pas être détenus, a souligné M. Gois. Très souvent, en cherchant des alternatives à la détention, on finit par adopter des méthodes qui équivalent à des alternatives pour la détention, a-t-il prévenu.

Lorsque la détention se produit, ce doit être conformément à la loi et de manière autorisée par la loi; il ne faut pas que ce soit arbitraire, a poursuivi M. Gois. En outre, la personne ainsi détenue bénéficie de droits, dont celui de ne pas être soumis à la torture ou à un quelconque traitement cruel, inhumain ou dégradant; le droit à la santé; et le droit de jouir de sa famille. La durée de la détention doit faire l'objet d'un examen périodique et la personne ainsi détenue doit pouvoir contester sa détention devant un tribunal. Tout ce qui est en-deçà d'un examen par un tribunal n'est pas satisfaisant et, plus important encore, le tribunal doit être habilité à ordonner la libération du détenu.

M. Gois a jugé particulièrement préoccupante la prolifération des centres de détention pour migrants à travers le monde. Tolérer des pratiques de détention arbitraire a un impact néfaste non seulement sur ceux qui recourent à de telles pratiques, mais aussi sur la société qui tolèrent ces pratiques, a-t-il conclu.

Observations et questions des participants

M. N'VADRO BAMBA (Côte d'Ivoire au nom du Groupe africain) a déclaré que le Groupe africain se préoccupe depuis longtemps des rapports faisant état du nombre de plus en plus élevé de migrants sans autorisation de séjour qui feraient l'objet d'une rétention administrative prolongée. Les exemples de conditions de détention déplorables de détention des migrants étant légion, le Groupe africain espère que ce panel envisagera d'autres méthodes de gestion de la problématique des migrants. D'une façon générale, la détention doit être conforme aux normes internationales; le respect des droits et libertés fondamentales des migrants est une obligation qui incombe à tous les États; le suivi de cette question devrait amener le Conseil des droits de l'homme à envisager la rédaction de lignes directrices générales en vue de prévenir les violations des droits de l'homme des migrants dans les centres de détention.

M. ANGELINO GARZÓN (Colombie au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes - GRULAC) a souligné que, en vertu d'instruments juridiques internationaux, personne ne doit être privé de liberté pour des motifs arbitraires. Des mesures pénales contre des personnes ne cherchant qu'à mieux vivre remet en question les droits fondamentaux des migrants, a-t-il ajouté. En outre, toute personne détenue doit avoir droit à un procès juste. Le GRULAC souhaiterait obtenir davantage d'informations sur les conditions de détention des migrants et sur l'information qui leur est fournie. Il souhaiterait aussi connaître les conséquences de telles situations pour les femmes et les enfants. Le GRULAC souligne qu'aucun mineur ne peut être détenu à cause de la situation migratoire irrégulière de ses parents et souhaite connaître l'avis des panélistes sur cet aspect particulier du problème.

M. HANS DAHLGREN (Suède au nom de l'Union européenne) a déclaré que les politiques migratoires de l'Union européenne doivent incontestablement respecter les normes internationales, en particulier celles relatives aux droits de l'homme, à la dignité humaine et aux réfugiés. Il a rappelé qu'en décembre 2008, l'Union européenne a adopté une directive sur les normes et procédures communes relatives au rapatriement de personnes vers des pays tiers. Selon cette directive, a-t-il notamment indiqué, le recours à la détention ne doit se limiter qu'aux seules situations pour lesquelles d'autres mesures ne seraient pas suffisantes; en outre, toute détention d'un migrant doit être aussi courte que possible et doit être ordonnée par des autorités administratives ou judiciaires. Le retour volontaire est l'option principale permettant de défendre le meilleur intérêt du migrant, a par ailleurs déclaré le représentant suédois.

M. ABDELWAHÈB JEMAL (Tunisie au nom du Groupe arabe) a souligné que l'immigration ayant des facettes diverses, la communauté internationale devait procéder à une analyse approfondie pour en comprendre la dimension globale. La majorité des pays arabes sont soit source, soit pays de transit des migrations. C'est pourquoi ils s'inquiètent des conditions de détention des migrants et demandent la recherche de solutions pour un traitement conforme aux droits de l'homme de ces personnes, conformément aux pactes et coutumes internationaux, et pour l'octroi systématique des moyens de recours juridiques. Le Groupe arabe appelle en outre toutes les parties concernées à trouver des solutions rapides aux difficultés rencontrées par les migrants dans les centres de détention, difficultés qui entraînent des sentiments de rancœur et de haine.

Le représentant du Mexique a dit partager entièrement le constat présenté par les panélistes. Les migrants doivent non seulement être traités de manière digne et avec respect mais aussi bénéficier de tous les droits fondamentaux de la personne. Ce ne sont pas des criminels, a-t-il rappelé, notant que la détention éventuelle devait être aussi brève que possible dans des conditions de dignité. Le droit à la notification consulaire est une obligation, a-t-il rappelé, et c'est, au bout du compte, un droit humain.

MME LAURA MIRACHIAN (Italie) a déclaré que le thème des migrations est une priorité pour tous, tant il est vrai que les migrations lancent d'énormes défis dans le monde entier. Certains pays sont davantage exposés que d'autres aux flux migratoires. Tel est certainement le cas de l'Italie. Historiquement pays d'émigration, l'Italie a été confrontée ces dernières années à une nouvelle réalité, qui évolue rapidement. Pour autant, l'Italie peut se prévaloir d'une forte tradition de tolérance et de coexistence civile, a souligné la représentante. Elle a souligné que l'Italie dispose de centres de premier secours et de réception pour plus de 3000 personnes, où les «migrants illégaux», privés de moyens de subsistance, sont accueillis durant la période de vérification de leur identité, avant qu'il ne soit statué sur leur statut futur. Nombre des personnes qui arrivent dans ces centres ont été secourues en mer par les forces navales italiennes (52 580 personnes entre janvier 2007 et août 2009). Les requérants d'asile sont accueillis dans des centres qui leur sont spécifiquement dédiés, a poursuivi la représentante italienne. Étant donné la croissance sans précédent des flux de migrants, le Gouvernement envisage d'étendre les installations disponibles. La représentante italienne a par ailleurs évoqué le troisième type de centre dont s'est doté son pays, à savoir les centres pour l'identification et le rapatriement, dans lesquels les «migrants illégaux» sont placés en rétention pour une durée maximum de 180 jours à des fins de vérification complémentaire avant leur rapatriement. Dans tous les centres précités, les services de base sont assurés, a ajouté la représentante.

M. ABRAR HUSSAIN HASHMI (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a noté que dans le contexte de la crise économique actuelle, de nombreux travailleurs migrants, souvent issus de pays en développement, perdent leur travail. Ceux-ci souvent ne retournent pas au pays, s'efforçant de survivre en occupant des emplois précaires, a-t-il constaté, ce qui les rend particulièrement vulnérables face aux autorités. Ils se retrouvent dans des centres de détention où ils subissent de graves violations de leurs droits. Le représentant du Pakistan a souligné que de telles situations devaient cesser, les alternatives à la détention devant être favorisées. Comme cela a été souligné, les centres de détention devraient être l'exception et utilisés uniquement comme ultime recours lorsque des mesures moins restrictives se sont révélées inefficaces ou ont échoué. Le Pakistan et l'OCI soutiennent la conclusion d'arrangements régionaux avec les institutions onusiennes concernées en ce qui concerne l'assistance afin de sauvegarder les droits des travailleurs migrants expatriés.

M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France) a rappelé que l'Europe demeure la région du monde qui accueille le plus grand nombre de migrants légaux et de demandeurs d'asile. Un million quatre cents mille migrants entrent chaque année légalement dans l'espace européen. La politique migratoire de la France s'inscrit naturellement dans le respect des droits de l'homme des migrants, a poursuivi le représentant, précisant qu'elle vise notamment à favoriser l'immigration légale et à lutter contre l'immigration irrégulière, qui débouche trop souvent sur l'exploitation d'autrui et provoque d'innombrables drames humains. Dans ce cadre, un migrant arrêté en situation irrégulière peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire et être placé, en attendant, en centre de rétention, qui n'est en aucun cas une prison et ne vise nullement à punir le migrant en situation irrégulière, mais exclusivement à préparer son départ du territoire. Cette mesure administrative, qui implique une privation de liberté, est soumise au double contrôle du juge des libertés et de la détention et du juge administratif, qui s'assurent de sa légalité. La durée légale de rétention n'est pas arbitraire; elle ne peut dépasser 32 jours et, en pratique, la durée moyenne ne dépasse pas 10 jours, a indiqué le représentant de la France. Tout au long de son séjour en centre de rétention, les droits fondamentaux de la personne sont respectés, a-t-il assuré. La France est résolument convaincue que les migrations peuvent être profitables tant aux pays d'accueil qu'à ceux d'origine, a-t-il conclu.

MME MARÍA LOURDES BONÉ (Uruguay au nom du MERCOSUR) a déclaré que son pays accorde une grande importance aux droits de la personne et de la famille. Les membres du MERCOSUR rejettent entièrement la criminalisation de l'immigration et estiment particulièrement important le principe de la protection consulaire. La représentante a demandé aux panélistes quels mécanismes permettraient de garantir le respect des garanties procédurales de protection des droits de l'homme des migrants et de leurs familles ainsi que le respect du droit international en la matière?

MME YANG XIGONING (Chine) a indiqué que son pays avait toujours soutenu les efforts des pays luttant contre l'immigration clandestine, ce qui relève aussi d'une question de souveraineté et de sécurité nationale. Dans le même temps, on doit reconnaître que si les migrants clandestins violent la loi, leurs droits sont souvent bafoués, a-t-elle observé. Les droits des migrants détenus doivent être protégés à la fois par la coopération internationale et par des contacts bilatéraux entre pays concernés par l'origine et la destination des migrants, a-t-elle ajouté. Il faut aussi permettre des échanges légaux de personnes compétentes, ce qui dans l'intérêt de la communauté internationale, a-t-elle conclu.

MME HEBA MOSTAFA RIZK (Égypte) a fait part de sa préoccupation face à l'augmentation, ces dernières années, des pratiques de rétention de migrants dans les centres de rétention administrative où ces personnes ne jouissent pas de leurs droits fondamentaux. Aucune considération sociale ou économique ne peut justifier la rétention de centaines de milliers de migrants de par le monde dans de tels centres, d'où ils ne peuvent même pas contacter les services consulaires de leur pays, contrairement aux normes internationales les plus fondamentales. La représentante égyptienne a rappelé les résolutions des Nations Unies, notamment du Conseil, qui invitent à remplacer la rétention administrative par d'autres mesures et soulignent qu'en tout état de cause, la rétention administrative ne devrait être appliquée qu'en tant que mesure de dernier recours.

MME CAROLINA LINDHOLM BILLING (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) a notamment déclaré que les conditions dans les centres de détention ne sont souvent pas conformes aux normes élémentaires de droits de l'homme, en particulier pour ce qui concerne les femmes, les enfants et les personnes handicapées. Les acteurs humanitaires n'ont pas toujours accès ni ne disposent des moyens d'identifier les personnes ayant besoin d'une protection particulière. Il importe que toute initiative de suivi prévoie la mise à disposition d'informations sur la manière dont les migrants en situation irrégulière détenus peuvent déposer des demandes d'asile. Des services de soutien psychosocial, d'interprétation et de conseils juridiques devraient être mise à la disposition des requérants.

MME FARANI AZEVÊDO (Brésil) a indiqué que son pays n'internait pas les migrants irréguliers et qu'il ne procédait pas non plus à des expulsions massives. L'entrée et le séjour irréguliers ne sont en effet pas des délits. Elle a rappelé que la composition démographique de son pays était issue de descendants d'immigrants: la migration est une partie de l'identité du pays. Le Brésil croit que la solution du problème de la détention des migrants irréguliers passe par la coopération internationale et le dialogue. Elle a rappelé que la France et le Brésil avaient créé le 7 septembre un «mécanisme bilatéral de concertation sur les questions migratoires». Une des mesures mises en place est la création de points de contact direct pour des cas d'urgence liés à la circulation des personnes et afin d'assurer la communication immédiate entre les autorités françaises et brésiliennes compétentes. Il s'agit là d'un bon exemple de coopération Nord-Sud, a-t-elle conclu.

M. DOUGLAS M. GRIFFITHS (États-Unis) a indiqué que son pays était fortement engagé en faveur de la protection des droits de l'homme de toutes les personnes, y compris dans le contexte de la détention des migrants. Le pays prend cette responsabilité avec le plus grand sérieux et exhorte les autres États à en faire de même, a-t-il déclaré. Si le droit international autorise la détention de personnes qui ont violé les lois d'immigration ou les lois pénales d'un pays, les États n'en doivent pas moins respecter les droits de l'homme des migrants, conformément à leurs obligations en vertu du droit international. L'objectif de placer temporairement en détention des personnes qui ont violé les lois sur l'immigration ne doit pas être de les emprisonner, mais d'assurer la sûreté publique et de les expulser du pays aussi rapidement que possible, a poursuivi le représentant des États-Unis. Il a en outre attiré l'attention sur le principe bien établi selon lequel les États ont un «devoir affirmatif» d'accepter le retour de leurs ressortissants qui ont été expulsés du territoire d'un pays tiers. Le retour rapide des migrants irréguliers vers leur pays d'origine est essentiel pour réduire les périodes de détention, a insisté le représentant des États-Unis. Il a ajouté que les non-ressortissants jouissaient de protections importantes en vertu de la Constitution des États-Unis et d'autres lois nationales, indépendamment de leur statut d'immigration. Il a indiqué qu'en dépit des nombreuses protections qui existent déjà en faveur des migrants détenus, en vertu des lois des États-Unis, le Président Obama a récemment donné pour directive qu'il soit procédé à un examen du système de détention en rapport avec l'immigration aux États-Unis.

MME NADIA LAMRANI (Algérie) a notamment déclaré qu'il y a lieu d'établir un lien entre migration et développement, de même qu'il est nécessaire de traiter les causes profondes du phénomène migratoire à travers une approche intégrée et équilibrée. Par ailleurs, l'insuffisante reconnaissance des droits de l'homme dans les centres de détention évoque l'impératif de l'adhésion universelle à la Convention sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Malheureusement, le refus catégorique des pays de destination d'adhérer à cette convention, illustré par le refus d'accepter les recommandations faites en ce sens dans le cadre de l'Examen périodique universel et par l'impossibilité qui résulte pour le Comité des travailleurs migrants d'intervenir en la matière, s'agissant de pays n'ayant pas ratifié ladite Convention, a un impact direct sur le respect des droits de l'homme des personnes se trouvant sur leurs territoires.

M. MAHJOUB EL HAIBA (Conseil consultatif des droits de l'homme du Maroc) a souligné que les institutions nationales, en tant qu' «acteurs de troisième type», devaient développer des synergies entre les politiques publiques. Elles ont aussi un rôle dans le débat interinstitutions. Elles doivent aussi fournir de l'expertise au gouvernement afin de promouvoir le respect des textes, plus particulièrement la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

M. RAJAH COLIN (Migrants Rights International) a souligné que les décisions en matière d'immigration et d'asile peuvent parfois prendre des mois voire des années et que dans l'intervalle, les personnes qui attendent ces décisions peuvent languir dans des lieux surpeuplés et dans des conditions peu hygiéniques. De nombreuses violations des droits de l'homme peuvent se produire dans de telles circonstances, a-t-il fait observer. Pour toutes les catégories de migrants, les États ne devraient utiliser la détention qu'en tant que mesure de dernier recours, a-t-il ajouté.

MME ALEXANDRA KOSSIN (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a déploré banalisation de la détention de personnes irrégulièrement présentes dans un pays, rappelant que la détention doit être une mesure exceptionnelle et de dernier recours. Elle a condamné la pratique des mesures de détention punitive à l'égard des migrants et réfugiés prévues dans les lois criminalisant la migration irrégulière de certains États, comme, par exemple, dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Au problème de la détention s'ajoute le fait que sa durée n'est pas connue, puisqu'elle dépend de la décision finale des autorités d'accorder ou non le statut de réfugié ou d'immigré et la mise en œuvre de l'expulsion. La durée de détention peut ainsi atteindre deux ans en Suisse, 18 mois dans l'Union européenne et une durée d'un mois «renouvelable», sans limite du nombre des renouvellements, en Algérie.

M. LUKAS MACHON (Commission internationale de juristes) a rappelé que la lutte contre le terrorisme avait eu des effets négatifs sur les migrants. Il s'est inquiété que les possibilités de détention puissent atteindre jusqu'à 18 mois en vertu d'une directive récente de l'Union européenne. La détention doit faire l'objet d'un examen des tribunaux ordinaires qui doivent pouvoir demander qu'à la détention soit substituée des mesures moins contraignantes, a-t-il demandé.

Réponses des panélistes

M. EL JAMRI, Président du Comité de l'ONU sur les travailleurs migrants, a insisté sur l'importance qu'il y a à réfléchir aux politiques migratoires dans une perspective régionale. Il a attiré l'attention sur le sort d'une catégorie particulière de migrants, à savoir les migrants qui sont détenus par des bandes organisées. Nombre de migrants mettent plus de trois années pour émigrer, trois années durant lesquelles ils subissent plusieurs formes de détention, notamment aux mains des passeurs et autres personnes auxquelles ils ont à faire durant leur transit. Durant ces années de transit, ils peuvent se retrouver dans des réseaux criminels, notamment de prostitution et de trafic d'organes, a insisté M. El Jamri.

MME LESNIE, de la Commission australienne des droits de l'homme, a indiqué que l'Australie a lancé un projet pilote d'alternative à la détention consistant en l'octroi, aux personnes détentrices d'un visa, d'une assistance en vue d'une insertion sociale: logement, aide à l'immigration et aide juridique. Une autre alternative consiste en l'assignation à résidence de familles avec enfants. Ces mesures sont bon marché et entraînent un taux de retour volontaire bien plus élevé. L'élément crucial de ces initiatives est la prise en compte des situations individuelles et des facteurs personnels.

M. BONAVENTURE GOIS, de Migrants Rights International/Migrant Forum in Asia, a félicité le Brésil, qui offre une alternative en ne criminalisant pas les migrants irréguliers. Il a aussi cité l'intervention du Pakistan dont le représentant s'est inquiété du fait que les consulats ne soient souvent pas avertis de la détention de leurs ressortissants. La possibilité pour les organisations des droits de l'homme d'effectuer des visites, y compris non annoncées à l'avance, dans les centres de détention, telle qu'évoquée par la délégation des États-Unis, devrait être généralisée, a-t-il ajouté.

Reprise des observations et questions des participants

M. JUAN HOLGUÍN (Équateur) a déploré qu'une séance de travail seulement ait été prévue pour traiter un sujet aussi important que celui de ce matin. Toute personne a droit à la liberté de mouvement et personne ne saurait être privé de sa liberté de manière arbitraire, a-t-il ensuite souligné. Il a relevé que le renforcement des restrictions à l'entrée des immigrants qu'ont décidé de nombreux pays a provoqué une augmentation de l'immigration irrégulière et le développement des réseaux de trafic de personnes. La vulnérabilité des migrants est aggravée par les politiques restrictives adoptées par les États et par la tendance à criminaliser les migrants, a insisté le représentant équatorien. Il s'est en outre inquiété que trop souvent, aucune différence ne soit établie entre adultes et enfants dans les législations qui pénalisent l'immigration irrégulière.

MME KGOMOTSO DAPHNE RAHLAGA (Afrique du Sud) a estimé que les immigrants constituent un chance pour son pays et son économie. L'Afrique du Sud considère la gestion efficace, humaine et sûre des migrations comme une priorité. À cet égard, des mesures sont prises en faveur de l'assistance aux demandeurs d'asile et du traitement rapide de leurs demandes. Les leçons tirées de l'expérience du passé - notamment les attaques violentes contre des étrangers commises l'an dernier - ont incité les autorités à engager une action résolue contre la xénophobie. L'Afrique du Sud encourage les États à ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

MME SABINE BAKYONO KANZIE (Burkina Faso) a rappelé que la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille contenait des dispositions assurant une protection spéciale aux migrants. La délégation du Burkina Faso estime que les violations des droits des migrants doivent être dénoncées et faire l'objet d'un mécanisme de plaintes. Pour elle, les États doivent reconnaître que les lois nationales concernant les migrations devaient être basées sur les droits de l'homme et non pas sur des considérations sécuritaires et répressives. Le Burkina Faso considère que le Conseil devra poursuivre les discussions à ce sujet au travers de ses procédures spéciales en vue de la formulation de recommandations pour surmonter les obstacles qui empêchent d'assurer la protection des droits des migrants.

M. REZLAN ISHAR JENIE (Indonésie) a souligné l'importance du principe selon lequel des mesures alternatives à la détention doivent être envisagées avant qu'il ne soit recouru à la détention. Lorsqu'il est fait recours à la détention, les États doivent s'assurer que cela n'empêche pas les individus d'exercer leurs droits de l'homme fondamentaux tels que le droit à l'alimentation et le droit à la santé, a-t-il ajouté. En outre, en cas d'infraction au droit national, il faut que les procédures de droit adéquates soient mises en œuvre sans retard. À cet égard, l'accès aux services consulaires doit être garanti par les pays récepteurs, a souligné le représentant indonésien.

M. ABDOUL WAHAB HAIDARA (Sénégal) a rappelé que la dignité du migrant doit être respectée et son intégrité physique et mentale préservée. Une attention particulière est requise, à cet égard, pour les personnes âgées, les femmes et les enfants, en raison de leur vulnérabilité. Plus que jamais, il semble utile de promouvoir une approche plus éducative que répressive, en recourant aux possibilités offertes par la justice pour les mineurs. Un autre point important concerne la durée souvent prolongée de la détention, sans voie de recours possible ni assistance judiciaire adéquate. Le Sénégal souhaite que le Conseil assure le suivi de cette question en clarifiant la teneur des obligations liées à la question de la détention administrative et à la protection consulaire. La promotion de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles pourrait également s'inscrire dans ce cadre, a déclaré le représentant sénégalais.

MME CHUN HYE RAN (République de Corée) a souligné que sa délégation était elle aussi d'avis qu'il convenait de réduire le recours à la détention ainsi que sa durée. À cet égard, les exemples d'alternatives à la détention sont source d'inspiration. Les autorités de la République de Corée s'efforcent de faire en sorte que la durée de détention temporaire des migrants irréguliers n'excède pas les délais nécessaires à la préparation de leur départ. En règle générale, celle-ci ne dépasse pas dix jours. En outre, a été mis en place un programme national visant à fournir des services médicaux, culturels et religieux aux migrants détenus.

MME DAMARIS CARNAL (Suisse) a déclaré que le passage de millions de personnes aux frontières constitue l'un des défis majeurs de notre temps. En ce qui concerne la Suisse, la détention de migrants en situation irrégulière n'a lieu que lorsque le renvoi ne semble plus pouvoir se faire; il s'agit de la mesure de dernier recours et elle doit donc être considérée comme exceptionnelle, a souligné la représentante suisse.

M. JOSÉ MARIA CAPON DUARTE E SILVA (Angola) a déploré que les sentiments anti-immigrants poussent les pouvoirs publics des pays les plus tolérants à adopter des mesures sévères de contrôle ou de découragement des flux migratoires. Certains pays en viennent à criminaliser certains types de migration. Or, les migrations ont joué un rôle positif dans la création de richesses de certains pays. Les migrants ne devraient donc pas être vus comme un fléau. L'immigration illégale cependant ne profite qu'aux réseaux criminels qui l'organisent et affecte négativement la stabilité et le mode de vie des pays d'accueil. L'Angola estime donc que s'il convient de garantir le respect des droits de l'homme de toute personne, indépendamment de son statut migratoire, l'immigration illégale doit être combattue.

MME ERLINDA F. BASILIO (Philippines) a souligné que par principe, la détention des migrants devrait être évitée tandis que des alternatives plus satisfaisantes devraient être recherchées. Elle a appelé tous les États à faciliter la visite d'officiers consulaires dans les centres de détention, conformément à la Convention de Vienne sur les relations consulaires. La représentante philippine a souligné l'importance de l'éducation aux droits de l'homme et la formation des officiers d'immigration.

M. CARLOS SIBILLE RIVERA (Pérou) a souligné qu'actuellement, quelque 2,5 millions de Péruviens vivent à l'extérieur du Pérou, dont 60% en situation irrégulière. Il s'est inquiété de la tendance de nombreux pays de destination à criminaliser la migration irrégulière, sans égards pour les droits de l'homme des migrants. Des mesures comme la détention administrative pour des périodes qui, par leur durée, équivalent à une sanction pénale, ainsi que des procédures qui n'assurent pas une assistance juridique effective, entre autres, alimentent des comportements discriminatoires et xénophobes. Ces attitudes et procédures amènent à s'interroger sur la réalité du respect des engagements souscrits par les pays de destination dans le cadre du système de droits de l'homme. Le respect de la dignité humaine, pilier du corpus juridique des droits de l'homme, doit être présent dans les politiques de régulation des migrations, a souligné le représentant péruvien.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a dénoncé les discriminations et mauvais traitements dont sont victimes les migrants dans les pays de destination, ainsi que la criminalisation des et migrants sans papiers. Or, la présence de migrants répond toujours à un besoin économique des pays d'accueil. Dans ces conditions, il faut songer à procéder à des régularisations systématiques de migrants. Toute personne mérite le respect de sa dignité d'être humain, indépendamment de la ratification par les États des conventions internationales. Le Conseil des droits de l'homme pourrait créer un mandat chargé d'examiner le sort des personnes migrantes détenues, a suggéré le représentant bangladais.

M. SAMUEL NANG NANG (Gabon) a rappelé que son pays était concerné par les questions de migrations en tant que pays de destination. Sa délégation estime que les migrants, en quelque lieu qu'ils se trouvent, doivent bénéficier des mêmes droits que le reste de la population quel que soit le motif de leur déplacement. Le Gabon a mis en place depuis les années soixante des dispositions en vertu desquelles les immigrés jouissent des mêmes droits que le reste de la population. Par ailleurs, le représentant a suggéré de supprimer les centres de détention, «ces zones de non droit où les droits fondamentaux sont bafoués».

M. OMAR RABI (Maroc) a souligné que le thème de la présente réunion représente un des nouveaux défis auxquels la communauté internationale doit faire face en se basant sur la coopération, le partenariat et le dialogue. Le lien étroit entre migration et développement permet de tenir compte des causes profondes de la migration, notamment la pauvreté. Le Maroc est, de par sa position géographique, un pays d'origine, de transit et de destination des migrations; il a donc adopté une approche multiple de la problématique des migrations, a souligné le représentant marocain. Les droits de l'homme des migrants ont été placés au centre de ses préoccupations, a-t-il précisé. Le représentant marocain a en outre fait part de la création d'un Observatoire national des migrations et rappelé que son pays avait accueilli en 2006 la première conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, qui a permis de lancer les jalons d'un dialogue entre les deux continents s'agissant de ces questions.

M. ANDREW HUDSON (Human Rights First) a instamment prié les États de ne pas soumettre les migrants à des mesures arbitraires. Il a déploré que le Gouvernement des États-Unis n'autorise pas les demandeurs d'asile à saisir les tribunaux du bien-fondé des mesures de détention prises à leur encontre. De plus, l'autorité chargée de la mise en détention est de fait juge et partie. L'approche du traitement des migrants détenus doit être de nature civile et non plus pénale. Le représentant a demandé au Gouvernement des États-Unis de réformer ses procédures de détention de manière à ce que les demandeurs d'asile puissent saisir les tribunaux.

MME CAROLINE-SUSAN HAMES (Global Alliance against Traffic in Women) a souligné que les femmes victimes de la traite étaient doublement victimes lorsqu'elles sont arrêtées en raison de l'absence de documents de voyage valables. Dans de nombreux pays, des centres d'accueil font office de centres de détention, a-t-elle dénoncé. En outre, elles ne reçoivent pas les soins dont elles auraient besoin après avoir été victimes de la traite. La GAATW condamne toute détention de personnes ayant été victimes de la traite et appelle les États à respecter les principes de proportionnalité, de nécessité et de légitimité dans le traitement des migrants et des personnes victimes de la traite dans leur politique de lutte contre la traite.

M. DEO HAKIZIMANA (Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le Dialogue (CIRID), au nom également de Espace Afrique International) a fait part de sa profonde préoccupation face aux drames répétés qui se jouent depuis plusieurs années dans le domaine de l'immigration africaine et surtout chaque fois qu'une embarcation fait naufrage ou que des individus traversent les océans au risque de leurs vies, à la recherche d'un avenir meilleur. Le dialogue entre les pays d'origine et les pays d'accueil est l'un des moyens qui permettra de trouver des réponses convenables pour tous face à la problématique des migrations internationales, a poursuivi le représentant. Il a plaidé en faveur d'une intégration des migrants eux-mêmes à cette stratégie de dialogue. La première solution à apporter réside dans la gestion des crises qui sont à l'origine des migrations et qui sont liées à la pauvreté et à la mauvaise gouvernance dans les pays d'origine des migrants.

M. EMMANUEL TRONC (Médecins sans Frontières - MSF) a indiqué que son organisation organisait depuis 2004 des consultations médicales et un soutien psychologique dans des centres de détention de plusieurs pays d'Europe, dont la Grèce, Malte, l'Italie et bientôt l'Ukraine. Les centres grecs et maltais sont caractérisés par la dureté des conditions matérielles qui y prévalent, au détriment de la santé des personnes détenues. La détention, qui peut durer plus d'un an, est d'autre part source de graves problèmes psychologiques. Tous les problèmes de santé sont aggravés par l'absence de moyens médicaux. L'arrivée massive de migrants ne justifie pas de les détenir par milliers dans des situations indignes et largement en dessous des normes internationales et nationales de détention.

Conslusion des panélistes

M. SOW s'est félicité de l'esprit objectif et d'ouverture dans lequel ce débat a eu lieu. À partir de là, il convient d'«aller plus loin», en faisant l'état des lieux, en répertoriant les bonnes pratiques, ainsi que les pratiques néfastes, afin de pouvoir se projeter dans l'avenir. Il convient de travailler de manière «plus normative et plus efficace», a-t-il conclu.

M. BUSTAMANTE a insisté sur l'importance d'un élément qui n'a pas émergé des discussions de ce matin, à savoir la demande de main-d'œuvre de migrants irréguliers dans les pays de réception. Le recours à des centres de détention pour migrants et la notion de criminalisation des migrants sans papiers relève d'une perception du migrant en tant que personne qui viendrait pour faire du mal dans le pays de destination, a déploré le Rapporteur spécial.

M. EL-JAMRI s'est félicité des appels lancés en faveur de la ratification de la Convention sur les travailleurs migrants, un outil fondamental pour la protection des droits des migrants. Le Comité continuera d'encourager les États à prendre des mesures de mise en conformité des conditions de détention aux normes internationales, à examiner toutes les plaintes pour traitement dégradants de la part de personnel chargés de la garde des migrants détenus, et à confier la garde et le contrôle des migrants à du personnel qualifié.

MME LESNIE a noté que les pays avaient demandé à avoir des «lignes directrices» et il restera ensuite à les appliquer. Quant aux bonnes pratiques, il y a celle de l'Australie qu'elle a évoquées, ainsi que d'autres; il convient d'alimenter le débat en s'en inspirant, a-t-elle ajouté.

M. GOIS a appelé à un arrêt des expulsions massives de travailleurs migrants qui se sont produites dans le contexte de la récession économique mondiale. Il a également plaidé en faveur du respect du droit des travailleurs migrants à faire partie de syndicats. Il faut catégoriquement rejeter la privatisation du secteur de la détention, a par ailleurs déclaré le représentant du Migrant Forum in Asia.


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