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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LA MINISTRE BOLIVIENNE DE LA JUSTICE ET SE PENCHE SUR LE SUIVI DES CRISES MONDIALES

Compte rendu de séance
Face à la crise alimentaire mondiale, il faut se demander qui produit l'alimentation et pour le bénéfice de qui, souligne le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation

Le Conseil des droits de l'homme a entendu, ce matin, la Ministre de la justice de l'État plurinational de Bolivie, Mme Celima Torrico, avant d'entamer, en présence du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, M. Olivier De Schutter, et de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, l'examen du suivi de ses sessions extraordinaires consacrées à la crise financière et à la crise alimentaire. Il a également été saisi du rapport du Président du Groupe de travail sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta.

La Ministre bolivienne de la justice a souligné que son pays avait élaboré un plan d'action national pour les droits de l'homme dénommé «Bolivie pour vivre bien». Le concept de «vivre bien» répond au concept de «vivre mieux» qui domine actuellement le monde et qui équivaut à chercher à toujours avoir plus, sans égard pour les conséquences qu'un tel concept peut avoir pour les êtres humains et pour la nature, a-t-elle précisé. La Ministre a par ailleurs fait valoir que des plans ont été adoptés au niveau national afin de lutter contre la malnutrition, contre la pauvreté, pour l'égalité des chances, pour la santé et pour le logement social et solidaire. La Ministre de la justice a par ailleurs informé le Conseil que subsistent dans le pays des groupes d'opposition radicale qui recourent à la discrimination et au racisme pour protéger des intérêts propres. Mais les obstacles posés par ces groupes n'entament pas l'engagement du Gouvernement; au contraire, ils le renforcent, a-t-elle assuré, affirmant que le Gouvernement se présente aux élections générales de décembre prochain «la tête haute et confiant dans le soutien de notre peuple».

S'agissant du suivi de la session extraordinaire que le Conseil avait consacrée, en mai 2008, à la crise alimentaire mondiale, le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, M. Olivier De Schutter, a souligné que cette crise ne doit pas uniquement être considérée comme un problème d'insuffisance de la production agricole ou de décalage entre l'offre et la demande; elle exige de travailler sur des questions telles que l'organisation de la production alimentaire et de la chaîne de distribution; l'instauration de systèmes agricoles davantage résistants au changement climatique; le développement de systèmes de protection sociale solides; ou encore l'amélioration de la protection des droits des travailleurs agricoles sans terre. Un milliard vingt millions de personnes souffrent de la faim, un chiffre sans précédent et ce, alors que les récoltes de ces deux dernières années ont atteint des records. En outre, les prix des produits alimentaires se situent désormais à des niveaux bien inférieurs que ceux de juin 2008; mais dans la majorité des pays en développement, les niveaux des prix restent très élevés. Ceci suffit à montrer que produire davantage de nourriture n'est pas la solution: la question qu'il convient de se poser, c'est celle de savoir qui produit l'alimentation, pour le bénéfice de qui et si le pouvoir d'achat de tous les groupes de population est suffisant pour acheter la nourriture disponible, a souligné M. De Schutter.

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme a pour sa part souligné que si la crise économique mondiale s'est infléchie, ses effets se feront sentir pendant longtemps. Tous les États ont la responsabilité de susciter un environnement international juste et propice au développement, a rappelé Mme Pillay.

Les représentants des pays suivants ont pris part à la discussion: Nigéria (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Suède (au nom de l'Union européenne), Tunisie (au nom du Groupe arabe), Colombie (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), Égypte (en son nom propre et au nom du Mouvement des pays non alignés), Uruguay (au nom du MERCOSUR), Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Fédération de Russie, Cuba, Bangladesh, Belgique, États-Unis, Nicaragua, Italie, Royaume-Uni, République de Corée, Algérie, Suisse, Luxembourg, Iraq, Australie, Syrie, ainsi que la Commission européenne. Sont également intervenus les représentants de quatre organisations non gouvernementales: Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques (au nom également de Centre Europe tiers-monde - CETIM); Assemblée permanente pour les droits de l'homme; Association internationale des juristes démocrates; et Nord-Sud XXI.

En fin de séance, le Conseil a entendu Mme Mona Rishmawi, chargée de la Division de la recherche et du droit au développement au Haut Commissariat aux droits de l'homme, qui a présenté des rapports de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, du Secrétaire général de l'ONU et du Corps commun d'inspection (que nous présenterons dans le compte rendu de l'après-midi).


Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil tiendra un débat sur les rapports de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, du Secrétaire général de l'ONU et du Corps commun d'inspection.


Déclaration de la Ministre de la justice de la Bolivie

MME CELIMA TORRICO ROJAS, Ministre de la justice de l'État plurinational de Bolivie, a souligné que son pays, qui est membre du Conseil des droits de l'homme depuis 2007, a engagé, depuis l'année 2006, un processus de changement démocratique dirigé par le Président Evo Morales et accompagné par les mouvements sociaux et par les peuples autochtones qui représentent la majorité de la population bolivienne. La Bolivie a élaboré un plan d'action national pour les droits de l'homme dénommé «Bolivie pour vivre bien», qui fut officiellement présenté le 10 décembre dernier à l'occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce plan s'inscrit dans le cadre du Plan national de développement, lequel établit un nouveau modèle de développement social communautaire et comporte diverses stratégies visant l'éradication de la pauvreté et des inégalités par le biais d'une répartition équitable des revenus et des richesses, la promotion de la démocratie afin d'instaurer une société participative et communautaire et le développement de l'appareil productif, tout en renforçant la souveraineté de l'État et l'identité propre de la Bolivie dans les relations internationales. Le concept de «vivre bien» qui préside à l'ensemble de cette démarche répond au concept de «vivre mieux» qui domine actuellement le monde et qui équivaut à chercher à toujours avoir plus, sans égard pour les conséquences qu'un tel concept peut avoir pour les êtres humains et pour la nature, a souligné Mme Torrico. Nous avons réfléchi aux concepts de compétitivité, de croissance et d'expansion et avons finalement décidé d'opter pour les principes d'équilibre, d'harmonie et de complémentarité, a-t-elle insisté.

La Ministre bolivienne de la justice a mentionné les plans qui ont été adoptés au niveau national afin de lutter contre la malnutrition, contre la pauvreté, pour l'égalité des chances, pour la santé et pour le logement social et solidaire. Elle a par ailleurs souligné que la Bolivie avait constitutionnalisé la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et créé un Fonds de développement des peuples autochtones et originaires et des communautés paysannes, chargé de l'application d'un certain nombre de plans tels que celui portant sur la rénovation de l'Institut national de réforme agraire ou celui portant sur le peuple guarani.

Malheureusement, a poursuivi Mme Torrico, subsistent dans le pays quelques groupes d'opposition radicale qui recourent à la discrimination et au racisme pour protéger leurs propres intérêts. Nous avons enduré la perte de frères et de sœurs autochtones et paysans lors du massacre de Pando; nous avons subi et continuons de subir des humiliations et des menaces de tous types dans le cadre des efforts que nous déployons pour construire une nouvelle Bolivie, a-t-elle en outre rappelé. Nous souffrons aussi du blocage de projets de loi au Parlement, en raison de groupes d'opposants que ni souhaitent pas le bien-être de la majorité, a ajouté Mme Torrico. Ces obstacles ne réduisent pas notre engagement; au contraire, ils le renforcent, a-t-elle déclaré, précisant que «c'est dans cette posture que nous nous présentons aux nouvelles élections générales de décembre prochain, la tête haute et confiant dans le soutien de notre peuple». Ainsi, l'an prochain, disposerons nous alors d'un nouveau Parlement, avec des personnes engagées en faveur du bien-être de la Bolivie, a insisté la Ministre de la justice. Tout est question de volonté, a-t-elle conclu.


Débat sur le droit au développement et sur le suivi de la crise économique et financière mondiale et de la crise alimentaire mondiale

Présentations

M. ARJUN SENGUPTA, Président du Groupe de travail sur le droit au développement, se félicite, dans une déclaration prononcée par Mme Mona Rishmawi du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, de la capacité du Groupe de travail à travailler par consensus depuis 2004. En 2006, il a pu adopter un ensemble de critères liés au huitième objectif du Millénaire pour le développement (mettre en place un partenariat pour le développement). Elle a souligné que cette année, le Groupe de travail avait effectué des progrès décisifs et fait des recommandations constructives afin d'accélérer la mise en œuvre des résolutions du Conseil sur le droit au développement. M. Sengupta a exprimé sa gratitude sincère à tous les groupes régionaux et toutes les délégations qui ont apporté une contribution précieuse lors des délibérations du Groupe de travail en juin dernier. De nombreuses délégations ont joué un rôle clé, y compris celle des États-Unis d'Amérique qui vient d'intégrer le Conseil, a-t-il souligné. Il a attiré l'attention sur les conclusions et recommandations de la dixième session du Groupe de travail contenues dans les paragraphes 40 à 48 de son rapport (voir ci-après).

En premier lieu, le Groupe de travail a recommandé que l'équipe spéciale passe de la phase test pilote à la consolidation de ses conclusions en présentant une liste révisée des critères sur le droit au développement, avec les sous-critères opérationnels correspondants, ainsi que des propositions pour la poursuite des travaux dans la perspective de la onzième session du Groupe de travail l'an prochain. En second lieu, le Groupe de travail a donné son appui implicite à la démarche proposée par l'équipe spéciale selon laquelle les critères et sous-critères révisés devaient répondre aux préoccupations de la communauté internationale en dehors de celles énumérées dans l'Objectif du Millénaire pour le développement numéro huit; ils doivent couvrir les thèmes essentiels du droit au développement tels que définis par la Déclaration sur le droit au développement de manière globale et cohérente. Ces deux recommandations sont les éléments les plus saillants du consensus atteint à la dixième session du Groupe de travail, a-t-il souligné.

Le rapport du Groupe de travail sur le droit au développement (A/HRC/12/28, à paraître en français) sur sa dixième session, qui s'est tenue à Genève du 22 au 26 juin 2009, souligne en particulier dans ses recommandations que l'équipe spéciale sur la mise en œuvre du droit au développement mise sur pied en 2004 par la Commission des droits de l'homme devait tirer les enseignements et les leçons apprises des institutions internationales pertinentes, y compris celles de Bretton Woods, notamment sur la façon dont les initiatives en matière de développement obtiennent des résultats. Le Groupe de travail exhorte les membres institutionnels de l'équipe spéciale représentant les institutions financières et de développement internationales et d'autres institutions spécialisées, fonds et programmes des Nations Unies, à participer activement aux travaux de l'équipe spéciale.

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait convoqué, en février dernier, une session extraordinaire consacré aux répercussions de la crise économique et de la crise financière mondiales sur la réalisation universelle et l'exercice effectif des droits de l'homme. Aujourd'hui, on peut considérer que cette crise s'est infléchie, même si ses effets se feront sentir pendant longtemps, comme en attestent les estimations de l'augmentation de la pauvreté cette année encore. La crise a lancé d'importants défis en matière de droits de l'homme. L'action des gouvernements qui ne tiennent pas compte de cette réalité est à la fois malavisée et injuste. Seule une perspective fondée sur les droits de l'homme permettra de mettre l'accent sur les victimes potentielles de la crise et d'améliorer leur sort.

En vue de faciliter ce processus, le Haut-Commissariat participe à la définition de l'action des Nations Unies en appui aux stratégies nationales de développement et de réaction contre les effets de la crise, a fait valoir la Haut-Commissaire. Elle a aussi indiqué que plusieurs titulaires de mandat de procédures spéciales ont contribué aux travaux de la conférence de l'Assemblée générale consacrée à la crise. En outre, le Haut-Commissariat a attiré l'attention des États sur l'endettement et ses conséquences et a rappelé que tous les États, s'ils doivent mettre en œuvre leurs propres stratégies de développement, ont aussi la responsabilité de susciter un environnement international juste et propice au développement. Ils doivent, ce faisant, intégrer systématiquement les droits de l'homme à leurs programmes de lutte contre les effets de la crise. Ces programmes doivent avoir pour objectif de remédier aux causes ayant suscité la crise. Mme Pillay a espéré que les progrès réalisés en matière de droits de l'homme et de sécurité humaine pourront être préservés grâce à un système économique amélioré.

M. Olivier De Schutter, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a rappelé qu'en 2007 et 2008, les prix des denrées alimentaires avaient considérablement augmenté sur les marchés internationaux. Cette hausse brutale a entraîné de sérieux problèmes de balance des paiements dans nombre de pays importateurs de produits alimentaires ainsi que des manifestations, parfois violentes, dans une quarantaine de pays. C'est dans ce contexte que Cuba avait demandé la convocation d'une session extraordinaire du Conseil consacrée à cette crise alimentaire, en mai 2008, a rappelé M. de Schutter.

Le Rapporteur spécial a rappelé que l'objectif de ce deuxième rapport qu'il présente au Conseil depuis la tenue de la session extraordinaire était d'examiner les mesures prises par les États, à titre individuel ou collectif, afin de renforcer leur capacité à faire face, à l'avenir, à la volatilité des prix. Aussi, M. de Schutter a-t-il souligné que le présent rapport se base sur un grand nombre de réponses reçues au questionnaire qu'il a envoyé aux gouvernements en janvier dernier, ainsi que sur les nombreuses conférences et consultations qu'il a convoquées ou auxquelles il a assisté au cours de l'année écoulée.

La crise alimentaire mondiale ne doit pas uniquement être considérée comme un problème d'insuffisance de la production agricole ou de décalage entre l'offre et la demande, a poursuivi le Rapporteur spécial. Cette crise exige que nous travaillions sur des questions telles que l'organisation de la production alimentaire et de la chaîne de distribution; l'instauration de systèmes agricoles davantage résistants au changement climatique; le développement de systèmes de protection sociale solides; ou encore l'amélioration de la protection des droits des travailleurs agricoles sans terre, a précisé M. de Schutter.

M. de Schutter a insisté sur l'importance qu'il accorde à la dimension opérationnelle du droit à l'alimentation, soulignant qu'il convient de prendre des mesures susceptibles d'améliorer l'efficacité de toute action pouvant être entreprise afin de faire face au fléau de la faim et de la malnutrition. La faim et la malnutrition résultent avant tout, non pas d'un manque de nourriture disponible, mais de la pauvreté, de la discrimination et de la marginalisation, a-t-il souligné.

Un milliard vingt millions de personnes souffrent de la faim, un chiffre sans précédent et ce, en dépit du fait que les récoltes de ces deux dernières années ont atteint des records, a poursuivi le Rapporteur spécial. En outre, les prix des produits alimentaires se situent désormais à des niveaux bien inférieurs que ceux de juin 2008; mais dans la majorité des pays en développement, les niveaux des prix restent très élevés. Ceci suffit à montrer que produire davantage de nourriture n'est pas la solution: la question qu'il convient de se poser, c'est celle de savoir qui produit l'alimentation, pour le bénéfice de qui et si le pouvoir d'achat de tous les groupes de population est suffisant pour acheter la nourriture disponible, a indiqué M. de Schutter.

S'agissant des conclusions et recommandations contenues dans son rapport, M. de Schutter a notamment insisté sur la nécessité de réinvestir dans l'agriculture, en tenant compte de l'impact des choix qui ont été faits dans ce secteur sur la pleine réalisation du droit à l'alimentation. Les gouvernements devraient en outre de toute urgence promouvoir des approches agro-écologiques de la production alimentaire, a souligné le Rapporteur spécial. Il a en outre insisté sur la nécessité de limiter la compétition pour les terres et la spéculation sur les terres. Il convient en outre de renforcer la protection sociale, garant essentiel du droit à l'alimentation, a souligné M. de Schutter. Des mesures doivent également être prises pour protéger les États contre la volatilité des prix et pour combattre la spéculation, a-t-il ajouté. Enfin, les États devraient améliorer la gouvernance de la sécurité alimentaire à l'échelle mondiale, a conclu le Rapporteur spécial.

Le rapport du Rapporteur spécial sur le suivi de la session extraordinaire du Conseil consacrée à la crise alimentaire mondiale (A/HRC/12/31, à paraître en français), note que cette depuis a placé le problème de la faim au sommet de l'agenda politique et que des efforts importants ont été consentis au niveau tant international que national pour améliorer l'offre d'aliments. Accroître la production alimentaire ne suffira pas, cependant, à réduire la faim si la communauté internationale fait l'économie d'une réflexion sur l'économie politique des systèmes alimentaires et si elle ne produit pas et ne consomme de manière à la fois plus équitable et plus durable. Les États devraient veiller à ce que les investissements dans l'agriculture contribuent efficacement à la lutte contre la faim et la malnutrition en évaluant la contribution à la réalisation du droit à l'alimentation des différents modes de développement agricole. Il faut en outre accélérer le progrès vers un consensus international sur la production et l'utilisation d'agrocarburants, et sur des acquisitions de terres à grande échelle. Le Rapporteur spécial appelle à améliorer la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire. En temps de crise, plus que jamais, ce n'est que par le renforcement du multilatéralisme que la communauté internationale pourra espérer pouvoir effectivement réaliser le droit à l'alimentation; si elle y parvient, la crise peut devenir une opportunité.

Débat interactif

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria au nom du Groupe africain) a souligné que la faim ne pouvait pas simplement être résolue par une augmentation de la production alimentaire. Il convient de réglementer à la fois la production et la consommation de manière à rendre les marchés plus équitables et durables. Le Groupe africain est inquiet de ce que 110 millions de personnes supplémentaires aient sombré dans la pauvreté depuis 2006 à cause de l'augmentation des prix de l'alimentation. Le groupe soutient la recommandation du Rapporteur spécial selon laquelle il est nécessaire d'adopter un cadre multilatéral assurant que des acquisitions massives de terres soient équilibrées et aillent dans le sens du développement durable. Il soutient aussi la recommandation appelant la communauté internationale à accélérer ses réflexions visant à parvenir à un consensus sur les agrocarburants. Il appelle le rapporteur à se pencher sur l'impact des subventions agricoles. Concernant les retombées de la crise financière, le Groupe africain recommande que les initiatives prises pour la surmonter prennent en compte les besoins en matière de développement de tous les pays, les développés comme les autres.

M. MUHAMMAD SAEED SARWAR (Pakistan au nom de Organisation de la Conférence islamique) s'est dit préoccupé que le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation ne dise rien de l'impact des subventions agricoles accordées par les gouvernements de certains pays. De même, il faudrait évoquer des problèmes aussi importants que le transfert de technologies agricoles, les effets du changements climatiques ou encore le rôle des mégamultinationales qui contrôlent la chaîne alimentaire mondiale. L'Organisation de la Conférence islamique estime en outre que l'impact de la crise alimentaire sur les économies en développement a été aggravé par la chute des prix au deuxième trimestre 2008. Une meilleure réglementation de ce marché est indispensable pour protéger les intérêts des consommateurs aussi bien que des producteurs. S'agissant de la crise financière, l'OIC estime qu'elle est due à la prédominance de la finance sur les secteurs productifs de l'économie, qui seuls créent les vraies richesses. Les initiatives internationales de résolution de cette crise doivent prendre en compte les besoins des États en matière de développement. La nouvelle architecture financière mondiale devra en outre être créée par les Nations Unies, et non par un groupe restreint d'États; enfin, tant que les prix seront influencés par les flux spéculatifs, les marchés ne fonctionneront pas correctement, a conclu le représentant pakistanais.

M. CHRISTOFFER BERG (Suède au nom de l'Union européenne) a remercié M. de Schutter pour son rapport et a indiqué avoir pris connaissance avec intérêt de son analyse concernant les acquisitions de terres à grande échelle. À cet égard, l'Union européenne serait intéressée d'en savoir davantage sur la manière dont une perspective soucieuse des droits de l'homme pourrait être intégrée dans les processus d'acquisition de terres. L'Union européenne aimerait par ailleurs connaître les faits nouveaux et les progrès réalisés en matière d'intégration d'une perspective soucieuse des droits de l'homme dans les programmes internationaux visant la sécurité alimentaire, en particulier ceux mis en œuvre par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.

M. ABDELWAHÈB JEMAL (Tunisie au nom du Groupe arabe) a souscrit aux recommandations du rapport sur la crise alimentaire, qui appele au renforcement du multilatéralisme. Il convient de lutter contre la volatilité des prix alimentaires, ce qui nécessite de s'attaquer à ses causes, a-t-il ajouté. Le Groupe arabe apprécie en particulier que le Rapporteur spécial se soit penché sur le problème posé par le droit de bail des terres. Les deux crises, alimentaire et financière, ont été débattues dans diverses enceintes de l'ONU, a-t-il rappelé. «Malgré cet examen approfondi, nous voyons que leurs effets pèsent toujours aussi lourdement sur les pays pauvres et les pays en développement». La résolution S10/1 du Conseil doit être mise en œuvre de manière urgente, a-t-il ajouté. Les liens entre les crises alimentaire et financière montrent bien que la communauté internationale doit travailler de concert, a-t-il souligné.

M. ÁLVARO ENRIQUE AYALA MELÉNDEZ (Colombie au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes) a déclaré que le Conseil joue un rôle fondamental dans le débat sur la crise et ses effets sur les droits de l'homme. Il est essentiel de respecter les engagements pris à cet égard pour assurer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il faut espérer que le Conseil saura débattre des effets de la crise dans un esprit d'ouverture. Le Groupe rejoint en outre le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation pour dire que la lutte contre la crise alimentaire doit être prioritaire pour les États. Il invite M. de Schutter à examiner les méthodes agricoles ayant cours dans les pays industrialisés qui perturbent la production des pays en voie de développement.

M. HISHAM BADR (Égypte au nom du Mouvement des pays non alignés) a rappelé que la crise financière mondiale n'est pas imputable aux pays en développement et que ce sont pourtant ces derniers qui sont les plus touchés par cette crise. Il a réitéré son attachement au suivi par le Conseil des sessions extraordinaires. Les effets négatifs de la crise alimentaire mondiale perdurent et il convient donc d'éradiquer les causes de cette crise afin de garantir la sécurité alimentaire, a poursuivi le représentant égyptien. Toute solution à cette crise passe par de meilleurs investissements agricoles qui soient mieux ciblés, ainsi que par l'instauration de systèmes de sécurité sociale pérennes et par un meilleur équilibre des marchés internationaux, notamment pour les produits agricoles.

MME MARÍA LOURDES BONÉ (Uruguay au nom du MERCOSUR) s'est inquiétée de ce que le monde puisse être confronté à une inversion possible de la dynamique de la réduction de la pauvreté extrême dans le monde, rappelant qu'en février dernier le Conseil avait tiré la sonnette d'alarme à cet égard lors de sa dixième session extraordinaire. En ce qui concerne les migrants, la représentante a souligné avec préoccupation l'augmentation potentielle de la discrimination à leur endroit du fait de la crise. Au sujet de la crise financière, le MERCOSUR estime que celle-ci ne doit pas servir de prétexte pour empêcher les pays développés à tenir leur engagement de consacrer 0,7% de leur PIB à l'assistance internationale au développement jusqu'en 2015. Évoquant la crise alimentaire, la représentante des pays du MERCOSUR a rappelé que ceux-ci étaient favorables à un changement des politiques agricoles internationales de manière à rompre avec le cycle de dépendance subi par de nombreux pays à l'égard de l'aide internationale, laquelle doit demeurer extraordinaire et non pas la règle générale. C'est la raison pour laquelle ils appellent l'expert à réfléchir aux effets et aux distorsions causés par les barrières commerciales et les subventions mises en place dans le monde développé.

M. JOÃO ERNESTO CHRISTÓFOLO (Brésil) a déclaré que son Gouvernement accordait la plus haute priorité au respect du droit à l'alimentation, comme en témoignent ses mesures ciblées mises en œuvre en faveur des parties les plus vulnérables de la population. Le représentant a regretté que le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation ait opéré des choix méthodologiques qui l'empêchent de prendre en compte les raisons structurelles de la crise. Le Rapporteur spécial ne semble pas réaliser que les marchés échouent non par défaillance intrinsèque, mais bien en raison des distorsions qui y sont introduites par les subventions des pays riches, lesquels devraient réformer leurs politiques agricoles. Le commerce international n'est pas la cause de l'insécurité alimentaire, mais fait partie de la solution à ce problème. D'autre part, en ce qui concerne les biocombustibles, le Rapporteur spécial ne devrait pas faire de lien entre la production alimentaire et la production d'une énergie propre et renouvelable. Ici encore, le Rapporteur spécial semble poursuivre ses propres objectifs et non le mandat qui lui a été confié par le Conseil des droits de l'homme, semblant préférer les modèles de production des pays développés, où les subventions et les barrières commerciales sont la règle.

M. YAO SHAOJUN (Chine) a rappelé que les crises alimentaire et financière restent les deux grandes questions qui préoccupent la communauté internationale. La promotion du développement reste la principale solution à ces crises, a-t-il souligné, insistant notamment sur la nécessité de promouvoir la coopération agricole. Les marchés financiers et les économies de certains pays commencent à montrer des signes de redressement, mais ce n'est qu'en recourant à la coopération, au niveau international, que pourront être surmontées ces crises. Il faut recentrer le développement sur l'être humain, a poursuivi le représentant chinois. Le Conseil peut jouer un rôle spécifique face à ces deux crises; le droit à l'alimentation doit être au centre de nos efforts, a-t-il ajouté. Il a souscrit au point de vue exprimé par le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation concernant la nécessité de renforcer les protections sociales. L'amélioration de la gouvernance au plan mondial est essentielle, a ajouté le représentant chinois. Il faut promouvoir la réforme des institutions financières mondiales, a-t-il souligné. Toute crise comporte des défis et des opportunités, a rappelé le représentant chinois; aussi, faut-il saisir l'opportunité qui se présente.

M. ROHIT RATHISH (Inde) a souligné qu'il était clair que le ralentissement économique avait commencé à produire ses effets sur les objectifs de la communauté internationale, à commencer par les objectifs du Millénaire pour le développement. De nombreux pays sont confrontés à des problèmes de liquidité en devises et par l'alourdissement de la dette. L'Inde juge regrettable que seulement des progrès très limités aient été réalisés sur cette question malgré le coût humain énorme de la crise dans les pays en développement. L'Inde est certes consciente de l'importance des politiques nationales de réponse aux crises, et les grandes économies asiatiques en développement, à commencer par l'Inde, ont fait preuve de volontarisme, a-t-il dit. Mais dans un mode globalisé, les actions politiques internes ne peuvent neutraliser complètement les effets d'un phénomène qui trouve son origine à l'extérieur, a-t-il souligné.

M. DERSRA PERCAYA (Indonésie) a déclaré que les crises alimentaire et financière sont étroitement liées et doivent donc être traitées simultanément. Les crises produisent une cascade d'effets dans les économies, mettant en cause le respect des droits de l'homme des plus vulnérables. La lutte contre ces phénomènes doit être l'occasion d'une réflexion approfondie sur les moyens de remédier au problème de la faim. D'autre part, les pays donateurs devront rapidement intensifier les aides financière et alimentaire. Ce faisant, le principe du contrôle national des politiques de développement devra être respecté. Les effets des deux crises sont de nature avant tout sociale. Le déficit du crédit, le recul des investissements, la diminution des exportations a des effets immédiats sur la jouissance des droits de l'homme de couches entières de la population. Les États doivent donc adopter des mesures de redressement économique selon une approche axée sur les droits de l'homme et accordant la priorité, sans discrimination, aux éléments les plus vulnérables de la société.

M. ROMAN KASHAEV (Fédération de Russie) a souscrit aux propos de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme soulignant que la crise alimentaire et financière est aussi une crise des droits de l'homme. La crise a également touché la Fédération de Russie, a-t-il poursuivi, ajoutant que le pays a une conception de son développement fondée sur l'élévation du niveau de vie de la population et que les autorités continuent donc d'agir dans ce sens. Les responsabilités de l'État vis-à-vis de sa population restent la priorité de la Fédération de Russie, a insisté le représentant russe. Les objectifs essentiels de la communauté internationale, à moyen et long termes, doivent être poursuivis en se fondant sur la promotion des efforts des Nations Unies, des institutions financières internationales et des organisations régionales et sous-régionales et en veillant à la complémentarité de ces efforts. Il faut créer des conditions stables et favorables permettant aux gens de s'alimenter par eux-mêmes. Les approches traditionnelles de la sécurité alimentaire ont échoué; aussi, faut-il veiller à instaurer un environnement international propice à cet égard. Il faut en outre renoncer à toute tentation d'imposer des conditions à l'aide alimentaire, a souligné le représentant russe.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a loué le travail et le dynamisme de M. de Schutter. Il a constaté que les pays en développement étaient de plus en plus sacrifiés. Une amélioration ne pourra pas être obtenue sans les changements structurels nécessaires, a-t-il ajouté. Il a rappelé qu'un développement minimal était hors de portée pour un sixième des habitants de la planète. Dénonçant gaspillage et opulence des pays riches, il a constaté que ceux-ci refusaient les 30 milliards de dollars nécessaires par an qui permettraient d'en finir avec la faim, alors que dans le même temps des sommes beaucoup plus importantes ont été employés pour renflouer le système financier, sans parler des dépenses en armement. Un monde juste et équitable est non seulement possible mais il est indispensable et c'est pour son avènement que Cuba continuera de lutter.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a observé que la crise alimentaire avait reculé mais qu'elle n'était pas terminée, aucune de ses causes - y compris les subventions - n'ayant été résolue. Seul un effort collectif permettra de remédier durablement aux difficultés économiques actuelles, que les injections massives d'argent n'ont pas permis de donner de réponse définitive. La crise est cependant l'occasion de repenser et de redéfinir l'organisation de l'économie internationale, une tâche qui ne doit pas être abandonnée du fait de l'apparent redressement constaté aujourd'hui.

M. XAVIER BAERT (Belgique) a remercié M. de Schutter pour son excellent rapport. Le Rapporteur spécial a souligné que l'agriculture et la sécurité alimentaire constituaient des priorités d'action pour la Belgique et c'est à ce titre qu'elles ont été inscrites dans la loi sur la coopération internationale belge, a-t-il poursuivi. Trois domaines d'intervention privilégiés ont été identifiés pour pouvoir faire face à la crise alimentaire, a poursuivi le représentant. Tout d'abord, il s'agit d'accroître la productivité des agriculteurs; ensuite, de favoriser l'accès des groupes de population les plus pauvres à la production locale; enfin, dans une optique de croissance et de développement à long terme, il importe d'aider les pays les plus pauvres à créer de la valeur ajoutée à leur production locale. Ces objectifs dépassant largement les moyens du seul effort national, ils doivent mobiliser la communauté internationale dans son ensemble, a souligné le représentant belge. Aucune des crises alimentaire, énergétique, financière, économique, sociale et environnementale auxquelles le monde est actuellement confronté n'a pour le moment été véritablement résolue, a-t-il rappelé. Aussi, importe-t-il que les plans mis en œuvre pour en sortir soient complémentaires entre eux. Le représentant belge a souscrit au point de vue du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation selon lequel les programmes liés à la production de biocarburants doivent être pensés et élaborés de manière à ne pas mettre en péril la sécurité alimentaire mondiale. Il a enfin attiré l'attention sur un rapport de la Banque mondiale de 2008, consacré à l'agriculture et au développement, qui a mis en évidence l'effet multiplicateur d'une croissance de l'agriculture sur les autres secteurs économiques.

M. JOHN MARIZ (États-Unis) a souligné que sa délégation, tout en ne souscrivant pas à toutes les analyses et recommandations du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, constatait qu'il avait indiqué un certain nombre de domaines nécessitant d'être traités individuellement par les États et par la communauté internationale. Les États-Unis restent le premier donateur en matière alimentaire, a-t-il rappelé après avoir évoqué un certain nombre de programmes auxquels ceux-ci participent. Ils reconnaissent que les besoins se sont exacerbés à cause de la crise financière et ils sont profondément investis dans le règlement de cette question. Citant le Président Obama, son représentant a ajouté: «Les États-Unis mènent une réponse coordonnée pour promouvoir la reprise et rétablir la prospérité à la fois avec les plus grandes économies mondiales et avec les économies dont la croissance est la plus forte». Les États-Unis estiment que les États doivent faciliter l'accès aux aliments en favorisant un secteur primaire dynamique, ce qui suppose le développement de marchés agricoles et alimentaires efficaces et ouverts par la mise en œuvre de politiques macro-économiques saines, l'adhésion à la primauté du droit et à la bonne gouvernance, tout en appuyant des filets sociaux de sécurité et une bonne éducation. Un système commercial fort s'inscrit dans ce cadre, a-t-il conclu.

M. NÉSTOR CRUZ TORUÑO (Nicaragua) a souligné que garantir le droit à l'alimentation de tous les Nicaraguayens constitue la priorité de son gouvernement. Récemment, le Nicaragua a approuvé une loi sur la sécurité alimentaire dont l'objectif consiste à faire en sorte que tous les Nicaraguayens aient accès à une alimentation suffisante sans effet nocif sur la santé, a-t-il précisé. Sur le plan international, il est essentiel que la communauté internationale continue d'adopter des mesures cohérentes venant renforcer les mesures prises par les pays au niveau national.

MME HEBA MOSTAFA RIZK (Égypte) a déclaré que son pays était fier d'avoir contribué à la convocation de la session extraordinaire consacrée à la crise économique et financière, dont les effets se font sentir surtout sur les populations qui sont déjà les plus fragiles. Depuis février, la crise a été examinée dans le cadre de nombreuses conférences internationales ainsi que par l'Assemblée générale, en juin dernier, et l'Égypte estime que le Conseil doit rester saisi de cette question et continuer de donner son avis quant à la dimension droits de l'homme de ces crises, faisant ainsi passer un message unifié de solidarité et une conscience de la préoccupation collective face à ces crises.

M. ROBERTO VELLANO (Italie) a rappelé les résultats du récent sommet du G8 à L'Aquila, rappelant que quarante chefs d'États et dirigeants d'organisations internationales s'étaient engagés à mobiliser 20 milliards de dollars sur trois ans par le biais de l'Initiative pour la sécurité alimentaire afin de soutenir le développement rural des pays pauvres. Ils ont aussi fait progresser le Partenariat mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire, a-t-il rappelé. Celui-ci doit promouvoir un développement agricole durable en prenant en compte le changement climatique et l'édification de sociétés résilientes, a-t-il ajouté. Ce partenariat doit être à la source d'un élan, a-t-il conclu.

MME MELANIE HOPKINS (Royaume-Uni) a déclaré que les mesures prises lors du Sommet du G20 de Londres, en avril 2009, ne sont pas restées sans effet sur la crise financière. Il faut espérer que le prochain sommet de Pittsburgh prolongera les efforts réalisés à cette occasion pour mettre en place un cadre propice au développement durable et à l'atténuation des effets de la crise sur les populations les plus pauvres. Cependant, la crise n'est pas terminée et des problèmes sont prévisibles, notamment en matière d'emploi. Les États doivent dans ce contexte faire en sorte que les pratiques discriminatoires ne prennent pas racine et que les voies de recours officielles restent ouvertes à celles et ceux qui s'estiment traités de manière injuste. L'action pour la promotion et la protection des droits de l'homme devient nécessaire pour désamorcer les tensions dues à la crise économique.

MME CHUN HYE RAN (République de Corée) a souligné que si la crise alimentaire mondiale des années 70 était imputable à une pénurie d'aliments, alors que la crise alimentaire actuelle est due à des facteurs plus complexes, parmi lesquels le changement climatique, la demande accrue de récoltes pour le carburant et l'imposition de restrictions à l'exportation de produits alimentaires. Dans ce contexte, produire davantage de nourriture ne saurait être une solution durable, a fait observer la représentante de la République de Corée. Elle a partagé le point de vue du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation selon lequel le droit à l'alimentation devrait guider tous les efforts déployés afin de faire face au problème de la faim et à la crise alimentaire. En outre, la République de Corée est d'accord pour dire qu'il est nécessaire de renforcer le multilatéralisme afin de remédier aux causes structurelles de la crise alimentaire mondiale.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a souligné que les chiffres avancés par le Rapporteur spécial étaient alarmants. La délégation algérienne est «sensible à l'optimisme de M. de Schutter qui affirme que la crise alimentaire pourrait être transformée en opportunité si l'on consent à ce que l'accroissement souhaité de l'investissement dans l'agriculture contribue réellement à combattre la faim et la malnutrition. Encore faut-il qu'il s'inscrive dans le long terme et qu'il s'étende au développement rural dans son ensemble. L'Algérie estime qu'une attention particulière devrait être accordée, au plan multilatéral, à la révision des modes de production agricole dans le monde et à la promotion des règles d'équité et de transparence dans le fonctionnement du marché des produits alimentaires.

M. DANTE MARTINELLI (Suisse) a déclaré que son pays partageait la position du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation quant à la nécessité de renforcer la gouvernance mondiale en matière d'agriculture et de sécurité alimentaire. La Suisse prend part au processus de revitalisation du Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. La Suisse est en faveur de l'inclusion du secteur privé dans ce processus de réforme. Son représentant a demandé à M. de Schutter pourquoi il n'y faisait pas référence dans son rapport et quel rôle il envisageait pour le secteur privé dans ce contexte.

M. JEAN FEYDER (Luxembourg) a salué la recommandation du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation visant à créer des réserves alimentaires sur les plans locaux et nationaux afin d'amortir l'impact des prix élevés sur les marchés internationaux. C'est en effet la volatilité des prix qui décourage les paysans d'augmenter leur production et d'investir dans leurs outils de production. Il convient dans ce contexte de rappeler qu'avant la crise alimentaire de 2007-2008, le pouvoir d'achat dégagé par les produits agricoles des pays en développement a été divisé par trois en trente ans. Entre 1996 et 2004, les prix pour les principaux produits d'exportation agricoles ont chuté de plus de 40%. La chute des prix a été telle que souvent, les producteurs n'ont plus été en mesure de couvrir leurs coûts de production, ce qui a accentué la vulnérabilité de la population rurale et encouragé l'exode rural. Un instrument pourrait contribuer à faire face à la volatilité des prix et à réguler les marchés: il s'agit d'un recours adéquat aux tarifs douaniers par tous les pays ayant atteint un degré élevé de sécurité alimentaire, a suggéré le représentant du Luxembourg.

Le représentant de l'Iraq a souligné que son gouvernement avait élaboré un plan visant à assurer la sécurité alimentaire qui représente 21% du budget de l'État, ce qui en fait l'un des plus importants de cette nature dans le monde. Chaque Iraquien dans le besoin se voit assurer de recevoir un panier de vivres de subsistance. Ce système d'assistance a aussi été mis en place dans les zones de conflit. Les pauvres, les chômeurs, les handicapés bénéficient d'une protection, ainsi que les orphelins et les personnes déplacées, a-t-il précisé.

MME JOELLE HIVONNET (Commission européenne) a demandé à M. de Schutter dans quelle direction il allait poursuivre son analyse des stratégies et initiatives de réalisation du droit à l'alimentation prises au niveau des pays; dans quelle mesure les programmes «travail contre nourriture» mentionnés dans le rapport peuvent effectivement autonomiser les personnes vulnérables; et ce qu'il pensait des acquisitions à grande échelle de terres arables et de leurs effets.

MME ANGELA ROBINSON (Australie) a indiqué qu'au mois de mai dernier, le Gouvernement australien avait annoncé un nouveau programme de 464 millions de dollars australiens sur quatre ans visant à soutenir la croissance de la production alimentaire au niveau mondial. Ce programme se concentrera sur la croissance des investissements dans le secteur de la recherche et du développement agricoles, sur l'aide aux pays afin de faire face aux lacunes spécifiques du marché et sur le développement de filets de sécurité sociale. La représentante australienne a par ailleurs souscrit au point de vue du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation selon lequel le cadre réglementaire des investissements étrangers dans les terres agricoles devrait être équitable, transparent et bénéfique pour l'économie nationale des pays récipiendaires. Elle s'est en revanche dite surprise par le peu d'attention portée dans ce rapport sur le rôle central que jouent une bonne politique économique et commerciale et des marchés alimentaires ouverts et efficaces. Pour améliorer l'accès à une alimentation adéquate, il est absolument fondamental de réduire la pauvreté et d'améliorer les revenus et le pouvoir d'achat, a souligné la représentante australienne.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a souligné que son pays consacrait des budgets importants à l'agriculture. Cette politique rend compatible un secteur primaire durable et le droit à l'alimentation, a-t-il assuré. Sur le plan mondial, les pays en développement doivent pouvoir participer aux grandes prises de décision, ce qui n'est pas le cas actuellement, a-t-il déploré. La question de la réduction des terres arables avec la désertification pose le problème de la responsabilité éventuelle des pays développés face à ce phénomène, le représentant syrien souhait connaître l'avis du Rapporteur spécial sur cet aspect de la question.

M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques (FIMARC), au nom également de Centre Europe tiers-monde - CETIM) a déploré que malgré l'ampleur du désastre, les États à qui incombe la responsabilité d'assurer la réalisation du droit à l'alimentation ne semblent pas avoir pris en considération le rôle primordial de l'agriculture et la nécessité urgente de reconstruire les politiques agricoles sur la base de la souveraineté alimentaire. Le représentant a aussi déploré que des entreprises transnationales et des fonds spéculatifs investissent, hors de leur territoire, pour acquérir ou louer des centaines de milliers d'hectares de terres arables, principalement dans des pays en voie de développement et aux dépens des petits paysans et des populations locales qui n'ont pas été consultés.

M. PABLO FRESNEDA (Assemblée permanente pour les droits de l'homme) a dénoncé la persistance de la pauvreté rurale, la détérioration de l'environnement et la destruction de la biodiversité résultant du modèle «agro-minier» exportateur (monoculture et mines à ciel ouvert) en vigueur en Argentine et qui mettent en péril la souveraineté alimentaire du peuple argentin. Il faut promouvoir des processus de réforme agraire qui soient participatifs, a-t-il souligné. Le soja transgénique se répand de plus en plus en Argentine, occupant la moitié des terres cultivables du pays en 2008. Tout cela est le résultat des politiques néolibérales des années 1990 qui ont chassé des milliers de paysans de leurs terres, en violation de leurs droits fondamentaux, a insisté le représentant. Le moyen de résoudre la crise alimentaire est de rétablir l'état de droit en mettant en œuvre des politiques fondées sur la participation et l'inclusion de tous, a-t-il conclu.

M. YORIO SHIOKAWA (Association internationale des juristes démocrates) a indiqué que pendant la semaine du nouvel an cette année, plus de 500 personnes sans abri avaient été hébergées sous des tentes à Tokyo dans le cadre d'une action organisée en faveur des chômeurs ayant perdu leur logement. Les politiques économiques néolibérales ont affecté la vie quotidienne poussant sans cesse à une plus grande dérégulation sociale, a constaté l'orateur: «Il s'agit d'une forme contemporaine d'extrême pauvreté». Le représentant a déclaré que lors de son congrès de juin dernier à Hanoï, son organisation avait souligné l'urgence d'œuvrer à l'émergence d'un système économique mondial qui assurerait une protection correcte des travailleurs, en droit mais aussi dans les faits.

M. CURTIS DOEBBLER (Nord-Sud XXI) a déclaré qu'il existe un lien indissoluble entre les crises économique et alimentaire. L'organisation Nord Sud XXI est convaincue que l'instauration d'un ordre mondial plus équitable doit être au cœur de la réalisation du droit à l'alimentation et de la lutte contre la pauvreté. Pour ce faire, le représentant a appelé à un renforcement de la coopération entre les États. Le devoir de coopérer exige des États qu'ils adoptent des approches plus équitables du développement, du changement climatique et de la réforme de l'architecture financière et politique internationale, a conclu le représentant.

Conclusion du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation

M. OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a assuré que le changement climatique était une question à laquelle il attachait beaucoup d'importance et a indiqué qu'il entendait présenter des informations à ce sujet dans le cadre de la prochaine Conférence de Copenhague. Évoquant un certain nombre de bonnes pratiques, il a notamment cité l'exemple de la Tanzanie, où, à la fin des années 1990, dans certaines provinces, un effort de reboisement sur 300 000 hectares a été entrepris. M. de Schutter, a également cité l'exemple du Malawi, où 100 000 agriculteurs ont bénéficié d'un programme de reboisement. Le bioethanol provenant de la canne à sucre est bon pour l'environnement, ce qui n'est pas le cas d'autres types de bioéthanol, a par ailleurs souligné le Rapporteur spécial. Il s'est par ailleurs réjoui de certaines initiatives visant à limiter l'extension des terres agricoles consacrées aux biocarburants. S'agissant de la question de la justiciabilité du droit à l'alimentation, M. de Schutter a fait observer que cette idée progresse, comme en témoigne l'exemple du Népal, où la Cour suprême, reconnaissant qu'un programme alimentaire du Gouvernement ne fournissait pas de vivres à une douzaine de districts, a demandé qu'il soit remédié à cette lacune.


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