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LE COMITÉ CONSULTATIF DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR LE DROIT À L'ALIMENTATION

Compte rendu de séance

Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin un débat sur la direction à donner à son étude sur les discriminations dans le cadre de la réalisation du droit à l'alimentation, qui doit porter notamment sur les bonnes pratiques et stratégies de lutte contre cette forme de discrimination.

M. Jean Ziegler, membre du groupe de rédaction chargé de la question du droit à l'alimentation, a indiqué que deux documents ont été préparés qui concernent deux groupes victimes de discrimination s'agissant de la jouissance du droit à l'alimentation, à savoir les enfants atteints par le noma et les paysans. Il a démontré comment les spéculations dans le domaine de la production agricole, les privatisations imposées par les institutions financières et les faibles investissements dans l'agriculture de subsistance de la part des pays en développement se conjuguent pour fragiliser les populations rurales. Il a par ailleurs rappelé que la sous-alimentation est à l'origine du noma, une maladie défigurante et mortelle qui frappe 30 000 enfants par an.

Les membres du Comité consultatif ont soulevé la nature variée des formes de discrimination s'agissant du droit à l'alimentation. Il existe à la fois des discriminations régionales et des discriminations sectorielles qui touchent des catégories sociales telle que les habitants des bidonvilles, les réfugiés, les enfants ou les femmes, qui comptent pour 70% des personnes souffrant de la faim, alors qu'elles cultivent les trois-quarts des denrées alimentaires dans les pays en développement. Les conséquences de la discrimination ne doivent être négligés, qu'il s'agisse de maladies causées par la sous-alimentation ou des inégalités dans l'accès à l'emploi. Dans le cadre de l'identification des bonnes pratiques et les stratégies de lutte contre la discrimination, il a été question, notamment, de la dignité des paysans, qui est directement liée à la coopération paysanne. «Il n'y a pas de droit à l'alimentation sans un processus parallèle de coopération au sein de l'activité paysanne et un respect de la dignité des paysans», a affirmé un membre du Comité consultatif.

M. Ziegler a conclu les échanges en soulignant que le cadre stratégique des études à mener s'agissant du droit à l'alimentation devait maintenant recevoir l'appui du Comité consultatif afin de permettre au groupe de rédaction d'aller de l'avant. Le groupe a besoin de disposer d'un cadre approuvé dès à présent, a insisté l'expert, qui a rappelé que ces travaux doivent être présentés au Conseil des droits de l'homme lors de sa session de mars 2010.

Outre des membres du Comité consultatif, le représentant du Brésil et les représentants des organisations non gouvernementales Centre Europe Tiers-monde et Mouvement indien «Tupaj Amaru» ont participé au débat.


Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité consultatif s'intéressera à la question des personnes disparues.


Débat sur le droit à l'alimentation

Présentation des travaux du groupe de rédaction chargé de la question du droit à l'alimentation

M. JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif et membre du groupe de rédaction chargé de la question du droit à l'alimentation, a d'abord fait part de la bonne entente qui règne au sein du groupe de rédaction chargé de la question du droit à l'alimentation. Deux documents de travail ont été élaborés sur le sujet du droit à l'alimentation. Aujourd'hui, il a tenu à fournir des informations qui serviront à enrichir la discussion du Comité consultatif sur la question du droit à l'alimentation, qui est certainement le droit le plus fréquemment violé. L'éradication de la faim fait partie des objectifs à atteindre, selon les objectifs du Millénaire pour le développement, mais un milliard de personnes, soit un être humain sur six, ne mange pas à sa faim. Il a aussi souligné qu'une personne perd la vue toutes les 4 minutes à cause d'un manque de vitamine A. Cela dans l'indifférence générale, alors que l'agriculture pourrait nourrir aujourd'hui 12 milliards de personnes. Il n'y a donc aucune fatalité. Grâce à la collaboration de l'Université de Genève dont les chercheurs ont réalisé un travail remarquable sur les enfants atteints par le noma et sur les paysans, deux rapports sont proposés sur ces deux catégories de personnes dont le droit à l'alimentation est violé.

Il est positif que la société civile soit si présente et participe si activement aux discussions de Comité consultatif a poursuivi M. Ziegler, qui a salué en particulier Via Campesina, une fédération d'organisations paysannes, dont le représentant est José Bové en France et le mouvement des sans terres au Brésil. Via Campesina attire l'attention sur le fait que c'est la population rurale qui est le plus durement frappée par la crise alimentaire. La priorité du travail préparatoire au sein du groupe de rédaction a conséquemment été donnée à cette catégorie de personnes. La population rurale couvre 2,6 millions de personnes et 47,7% de la population active mondiale, Or, les travailleurs sans terre, les journaliers ou travailleurs ruraux migrants qui travaillent dans les plantations de café au Guatemala, sont au nombre de 500 millions, soit environ 100 millions de ménages, qui constituent les groupes le plus vulnérables parmi les paysans. La politique du Fonds monétaire international, la privatisation forcée et le service de la dette contribuent au problème, surtout dans les pays les plus surendettés. Le Niger, qui figure en queue de peloton sur l'Index du développement humain, se voit imposer des mesures de privatisation de l'Office vétérinaire et l'Office des produits vivriers par le Fonds monétaire international. La privatisation du premier ayant entraîné l'augmentation du prix des vaccins et traitements pour le bétail, qui sont devenus hors de portée de nombreux éleveurs, la mortalité du bétail est conséquemment montée en flèche. D'anciens éleveurs ruinés se réfugient aujourd'hui dans les bidonvilles de Niamey. Le second Office fournissait les semences, et l'augmentation des prix a, de même, entraîné la ruine de cultivateurs.

Les pays de l'Afrique subsaharienne ne consacrent en moyenne que 3,4% de leurs ressources à l'investissement agricole, ce qui est largement insuffisant. La plupart des paysans ne disposent pas d'irrigation et sont tributaires de la pluie, de même que de la traction animale, faute de machines agricoles. En 2008, il y a eu une explosion des prix des aliments de base (riz, maïs, blé) de 52% en moyenne. Les paysans sont certes ceux qui produisent ces denrées, mais la majorité d'entre eux font appel au marché pour se nourrir. Même ceux qui cultivent ces aliments de base, sont rarement autosuffisants pendant toute l'année, à cause de la relative infertilité des sols, et restent tributaires d'achats de produits alimentaires. Les prix sont d'autant plus chers que les aliments viennent de loin. Il faut donc ajouter le prix du transport, largement tributaire de la fluctuation des prix du pétrole, au prix de production des denrées.

Un autre facteur aggravant est la pratique récente d'achats massifs de terres dans les pays en voie de développement, a dénoncé M. Ziegler. Des investisseurs achètent ainsi des terres immenses pour assurer la sécurité alimentaire de leur propre population. Une multinationale sud-coréenne a ainsi acheté, en leasing pour 99 ans, 1,3 million d'hectares de terres à Madagascar, soit une partie considérable des terres arables nationales, et cela dans un pays qui peine déjà à nourrir sa population. Les Émirats arabes unis se sont assurés 400 000 hectares au Soudan, et au Sénégal, 10 000 travailleurs sont employés par la multinationale française Botero, pour travailler leurs anciennes terres en qualité de journaliers. La réforme agraire est un problème additionnel; réussie à Cuba, inexistante au Guatemala où les grands propriétaires s'accaparent la grande majorité des terres, elle a été entamée au Brésil afin de mettre fin à la pratique du latifundio. Les paysans sont évidemment en faveur de la redistribution des terres, mais c'est un exercice difficile à réussir. En Bolivie, où un indien est au pouvoir pour la première fois en Amérique du Sud, la loi de réforme agraire piétine, car les grands propriétaires trouvent toujours le moyen de diviser leurs terres entre les différents membres de leur famille, afin d'éviter leur redistribution aux paysans.

Quant au deuxième groupe vulnérable identifié, il s'agit du groupe des enfants du noma. Le noma atteint ceux qui souffrent de sous-alimentation, c'est-à-dire d'un régime trop faible en calories et micronutriments. La bactérie du noma attaque d'abord le palais de l'enfant, puis l'os. Les soins primaires peuvent arrêter la progression de la maladie, mais si l'enfant n'est pas traité, l'issue est fatale. M. Ziegler a souligné que 30 000 nouveaux cas sont identifiés tous les ans en Afrique sub-saharienne et ces enfants sont souvent rejetés par leurs propres familles. Si l'Organisation mondiale de la santé et une coalition d'organisation non gouvernementales peuvent être d'avantage mobilisés, cela permettrait de sauver la vie d'un grand nombre de ces enfants a conclu M. Ziegler.

Débat

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, Présidente du Comité consultatif, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme avait demandé au Comité de préparer une étude sur la discrimination dans le cadre du droit à l'alimentation en identifiant les bonnes pratiques. Elle a dit ne pas avoir l'impression que les deux études proposées par M. Ziegler répondent à la requête du Conseil, bien que leur contenu soit fort intéressant. Soulignant que le Comité est censé transmettre au Conseil le résultat de ses travaux sur ce point en mars prochain, elle s'est demandée ce que sera sa réaction. Elle a en effet mis en garde contre le risque d'échec du Comité, parce qu'il n'aurait pas répondu aux demandes du Conseil.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a souscrit aux observations soulevées par Mme Warzazi. Il a salué les conclusions de M. Ziegler, notamment s'agissant de la question des maladies causées par la faim. Il a rappelé que l'an dernier, le Comité avait voulu demander au Conseil de pouvoir s'occuper de ce sujet de manière beaucoup plus spécifique, en examinant certains points précis comme les réfugiés de la faim, les subventions, les droits des paysans, dans le cadre du droit à l'alimentation. Mais que le Conseil n'a pas eu une réaction positive à cette requête; sa réaction n'a pas non plus été négative, a-t-il précisé. M. Bengoa a rappelé que la demande du Conseil comporte trois éléments: la question de la discrimination dans le cadre du droit à l'alimentation; l'identification des bonnes pratiques dans les politiques mises en œuvre; et les stratégies de lutte contre la discrimination. Il a proposé de s'inspirer de ces trois domaines pour comprendre comment rédiger ce rapport. En ce qui concerne la discrimination, il a proposé de s'intéresser à la discrimination régionale dont a parlé M. Ziegler, à la discrimination culturelle et à la discrimination à l'égard des réfugiés. Ces points correspondent au mandat qui a été confié au Comité consultatif, a-t-il estimé. S'agissant de la question des bonnes pratiques, il a suggéré d'établir une liste d'éléments à reprendre. Parmi eux, figure notamment la dignité des paysans, a estimé l'expert, ajoutant que la dignité des paysans était directement liée à la coopération paysanne. Il n'y a pas de droit à l'alimentation sans un processus parallèle de coopération au sein de l'activité paysanne et un respect de la dignité des paysans, a-t-il insisté. Parmi les autres bonnes pratiques, M. Bengoa a également identifié la question du contrôle des produits agricoles. Enfin, s'agissant des stratégies de lutte contre la discrimination, il a proposé d'établir également une liste des points à traiter, parmi lesquels pourrait figurer la question de l'attribution de la terre dont a fait mention M. Ziegler.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a déclaré que le mandat plus précis sur le droit de l'alimentation défini par le Conseil des droits de l'homme témoigne de son intérêt pour les travaux du Comité consultatif. Le mandat est positif car permet d'assigner les priorités dans le cadre de la lutte contre la discrimination. Celle-ci peut être étudiée sous l'angle des inégalités régionales, notamment. En ce qui concerne la lutte contre la faim, certains pays ou régions sont, en effet, plus touchés que d'autres et certains sont victimes de pratiques discriminatoires. Il est aussi possible d'opter pour une approche sectorielle. Les habitants des bidonvilles sont particulièrement touchés par les violations du droit de l'alimentation. Les femmes qui produisent environ les trois-quarts des denrées alimentaires représentent 70% des personnes souffrant de la faim ou de la sous-alimentation, et des études montrent que ce sont essentiellement les enfants qui meurent de faim. Les conséquences de la négation du droit à l'alimentation sur l'emploi et sur l'accès à un habitat convenable, notamment, constituent aussi des questions importantes qu'il ne faudrait pas négliger. Les documents proposés par M. Ziegler ne correspondent pas exactement au mandat confié par le Conseil des droits de l'homme, mais peuvent enrichir la réflexion sur les questions de discrimination dans le cadre du droit à l'alimentation.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert du Comité consultatif, a souligné qu'un nombre important de questions très intéressantes est abordé dans ces deux documents, comme celles de la crise alimentaire, des subventions agricoles et des droits des paysans. Il a fait remarquer que M. Ziegler a brossé un tableau très grave de la situation. M. Kartashkin a reconnu l'importance de suivre les recommandations du Conseil et, par conséquent, d'examiner la question de la crise alimentaire, y compris les conséquences des politiques mises en œuvre et des mesures discriminatoires qui ont pu être adoptées face é cette crise. D'autre part, l'expert a fait remarquer que ce n'est pas un hasard si le groupe de rédaction comprend des juristes. Or, l'apport de ces juristes au document de travail est pratiquement invisible, a-t-il déploré. Il aurait en effet souhaité que le groupe précise ce qu'il entend par discrimination dans le cadre du droit à l'alimentation, comment cette discrimination se manifeste et quelles sont les pratiques positives constatées à cet égard. Il a estimé qu'avant toute chose, il faudrait réduire le volume de ces documents et supprimer les considérations d'ordre général. Il a fait remarquer qu'en élaborant un document juridique sur la discrimination, ses manifestations et les stratégies à mettre en œuvre, le Comité répondra à la requête du Conseil.

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif, a salué la présentation de M. Ziegler qui a su démontrer comment la crise actuelle aggrave la situation de l'alimentation. Il a rappelé que le Comité consultatif devait éviter d'alourdir le travail et tenir compte du fait que le Conseil des droits de l'homme a tenu une session extraordinaire sur la question et nommé un rapporteur spécial. Le Comité consultatif doit se concentrer sur les questions où il apporte une valeur ajoutée. La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme avait déjà effectué des travaux très rigoureux qui abordaient la question des discriminations liées au droit à l'alimentation. Celles-ci sont très nombreuses et diverses. Pour n'en mentionner que quelques unes, il existe des discriminations à l'égard des femmes rurales, des vieux qui ne peuvent plus travailler. Il y a aussi la question d'une alimentation culturellement acceptable, et celle des recoupements avec le droit à la santé.

M. CHEN SHIQIU, expert du Comité consultatif, a souhaité que le Comité s'attelle à définir la tâche qui l'attend et se pose la question du mandat qui lui a été assigné. Il a rappelé que les recommandations transmises au Conseil l'an dernier n'ont pas été entièrement acceptées et que le Conseil a apporté certains amendements aux propositions du Comité. Or, le mandat invite à présenter un rapport sur la question de la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation à la session du Conseil de mars prochain, a-t-il souligné. Le Comité risque de ne pas avoir suffisamment de temps pour achever un tel travail et ne pourra pas effectuer une étude de fond, a-t-il averti. M. Chen a proposé d'établir un Groupe de travail pour étudier cette question. Il a en effet relevé la nécessité que le Comité éclaircisse ce point, même s'il ne sera pas en mesure de respecter le délai qui lui est imparti. L'expert a ajouté que la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation est une question extrêmement riche et variée.

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a salué le travail accompli par le groupe de rédaction. Il a attiré l'attention sur les stratégies et bonnes pratiques dans le domaine des réformes agraires. Bien que le groupe de rédaction se montre critique à l'égard des réformes agraires entreprises, il existe aussi des expériences positives, par exemple celle de Cuba. Le droit à la propriété constitue souvent un obstacle au progrès, lorsque un petit nombre de possède la vaste majorité des terres. La question est de savoir si les pouvoirs publics peuvent se permettre d'indemniser les propriétaires. Au Zimbabwe, il y a eu une tentative de réforme agraire, qui certes s'est enlisée pour des raisons politiques, mais l'idée de base était d'indemniser les anciens propriétaires. Or cela est fort onéreux pour un État. Par ailleurs, avec les nouvelles techniques agricoles, il est toujours plus facile de cultiver des grandes propriétés. La productivité des grandes exploitations est plus grande. À Maurice, par exemple de nombreux petits agriculteurs se ont vus contraints d'abandonner leurs exploitations. L'avenir serait peut-être le regroupement en coopératives. Il serait bon que le Comité consultatif se penche sur cette question. Il a aussi souligné que des stratégies alimentaires existent déjà, sous forme, par exemple, de subventions à importation de produits alimentaires. À Nairobi, une réunion organisée sur l'initiative des États-Unis vise à encourager les agriculteurs à exporter vers ce pays, alors qu'il y a des obstacles concrets, tels que des exigences de qualité très strictes à l'importation aux États-Unis ou en Europe.

M. BABA KURA KAIGAMA, expert du Comité consultatif, a souhaité avoir des précisions sur les recommandations que le Comité envisage de faire au Conseil. Il a estimé que ces recommandations devraient reprendre l'essentiel du contenu des documents de travail préparés par le groupe de rédaction. Il a ensuite attiré l'attention sur les conséquences du rétrécissement du lac Tchad pour la survie des populations du Tchad, du Niger, du Nigéria et du Cameroun. Il a expliqué qu'il existe un projet de transférer de l'eau du bassin du Congo vers le bassin du Tchad pour alimenter ce lac. Il a proposé que le groupe de rédaction examine le problème propre à cette zone.

MME PURIFICACION V. QUISUMBING, experte du Comité consultatif, a déclaré qu'une assemblée d'universitaires, qui compte en plus un nombre d'éminents juristes en son sein, se doit d'avoir une idée précise de ce qu'elle veut faire. Étant donné que l'assemblée dispose maintenant de deux excellents documents de base, le temps est venu de définir le problème et la façon de l'aborder. Elle a demandé si le principal obstacle à la réalisation du droit à l'alimentation provenait d'un déficit de production ou d'une difficulté d'accès ou de distribution des denrées alimentaires. Elle a conseillé de laisser toute la place voulue aux bonnes pratiques et être prudent dans la critique. Dans un premier temps, le Comité consultatif doit définir un cadre conceptuel a-t-elle estimé.

M. BERNARDS ANDREWS NYAMWAYA MUDHO, expert du Comité consultatif, a souligné que les deux documents de travail présentés ce matin contiennent des éléments utiles pour répondre aux trois grandes questions posées au Comité et qui concernent la discrimination, les bonnes pratiques et les stratégies à adopter. Il a estimé que le Comité a besoin d'un document plus conceptuel et non pas d'un nouveau groupe de travail.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a rappelé que la tâche du groupe de rédaction consiste maintenant à préparer un cadre conceptuel et un calendrier pour effectuer une étude sur les discrimination dans le droit à l'alimentation en conformité avec le mandat donné par le Conseil des droits de l'homme. Les résultats préliminaires pourront probablement être présentés lors de la prochaine session du Comité consultatif, en janvier 2010.

M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe Tiers-Monde - CETIM) s'est félicité du travail déployé par le Comité consultatif en matière de droit à l'alimentation. Il a fait remarquer que le document de travail présenté par M. Ziegler montre que les paysans ont toujours été les premières victimes de violations du droit à l'alimentation. Depuis la nuit des temps, les paysans sont chassés de leurs terres et leurs revendications sont réprimées par la force, a-t-il souligné. Chaque année, des milliers de paysans sont tués parce qu'ils défendent leurs droits sur la terre, l'eau ou les semences. Pendant des siècles, des violations des droits des paysans ont été perpétrées au nom de la mission civilisatrice de la colonisation et, depuis des décennies, au nom de l'économie de marché au profit des entreprises transnationales. Le représentant a indiqué que pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, un mouvement international d'organisations paysannes, la Via Campesina, s'est créé pour défendre la vie, la terre et la dignité de centaines de millions de paysans. Il a précisé qu'après un processus de consultation qui a duré 10 ans, la Via Campesina a, à sa conférence internationale sur les droits des paysans en juin 2008 à Jakarta, adopté la Déclaration des droits des paysannes et paysans, rédigée sur le modèle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Faisant valoir qu'elle a acquis la plus grande légitimité possible en étant adoptée par la Via Campesina, le représentant du CETIM a demandé au Comité de faire sienne cette déclaration et de la recommander au Conseil des droits de l'homme pour adoption. Il a estimé évident que le mandat du Comité comprend l'examen des droits des paysans.

ERNESTO JOAO (Brésil) a souligné l'importance que revêt le droit à l'alimentation pour le Brésil. Il a déclaré réserver ses commentaires généraux à l'enceinte du Conseil des droits de l'homme mais qu'il avait des commentaires à faire sur la présentation de M. Ziegler. Les données avancées ne reflètent pas les réalités actuelles au Brésil. M. Ziegler n'a peut être pas eu accès aux données les plus récentes. Quant au nombre de paysans tués, des données fournies par l'Église catholique indiquent que 328 paysans ont été tués entre 2000 et 2008. C'est un nombre encore trop élevé, mais il est en diminution. La réforme agraire du Brésil ne parvient certes pas encore aux sommets atteints par les pays amis que sont le Mexique ou Cuba. Toutefois, les zones ayant fait l'objet de réformes agraires sont passées de 16 à 81 million d'hectares entre 1994 et 2008, soit 16 fois la taille de la Suisse. Un programme novateur et créatif vise par ailleurs à améliorer la production alimentaire. Des écoles des techniques alimentaires forment des milliers d'étudiants tous les ans. Le Brésil a aussi découvert qu'il est parfaitement possible de soutenir les paysans sans avoir recours aux subventions illégales pratiquées par les pays développés, a-t-il expliqué.

M. LÁZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a soutenu fermement le document présenté par M. Ziegler, estimant que ce travail constituait une contribution substantielle à la discussion sur le droit à l'alimentation. Il a fait remarquer que depuis le début du XXIe siècle, le droit à l'alimentation et au logement dépendent des caprices de l'économie de marché. Il a estimé que le Comité devrait mettre l'accent sur le droit à l'alimentation dans le contexte de la crise financière actuelle et de la crise alimentaire qui frappent cruellement de nombreux groupes sociaux et des populations vulnérables. Ces crises, a-t-il poursuivi, montrent que, sur la base de la loi de l'accumulation de capital, les richesses se concentrent dans quelques mains seulement. La spéculation et l'avidité rendent plus grave encore l'extrême pauvreté. Le fléau de la famine découle d'une distribution injuste des richesses, a insisté le représentant. Il a fait valoir que tant que les États ne feront pas la guerre à la spéculation, à l'escroquerie et au piratage des ressources, il n'y aura pas de possibilité de jouir du droit à l'alimentation. Il a estimé immoral et inconcevable que les gouvernements des pays du Nord autorisent leurs entreprises multinationales à «dévorer» le maïs, le riz, les tournesols et le soja pour en faire des combustibles. Il a souligné que le Comité devrait accorder une attention particulière aux études thématiques et analyses de fond. Parmi les domaines à étudier, il a notamment cité l'impact de la crise financière sur le droit à l'alimentation; l'élaboration d'un code de conduite pour les entreprises transnationales; la réforme des institutions financières internationales; et l'analyse des causes objectives du terrorisme, afin de formuler des recommandations à l'attention du Conseil.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a souligné la complexité de la question en raison du mandat très large qui a été confié au Comité. Il a proposé que le groupe de rédaction s'attelle à élaborer un plan de travail plus spécifique, en se basant sur les propositions faites par Mme Zulficar pour cadrer le travail.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a reconnu que le Groupe de rédaction devait choisir les éléments, les secteurs et dimensions de la discrimination sur lesquels il souhaite mettre l'accent. Ce choix doit se faire dans un cadre logique, a-t-elle précisé. Elle a par ailleurs souligné que le fait d'avoir un mandat très large est aussi positif, parce que cela permet de faire des choix.

M JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif et membre du groupe de rédaction chargé du droit à l'alimentation, a rappelé que M. Bengoa a élaboré un cadre stratégique, avec références conceptuelles, qui doit recevoir l'appui du Comité consultatif afin de permettre au groupe de rédaction d'aller de l'avant. Il a demandé à l'ensemble du Comité consultatif d'apporter ses réflexions et remarques dès à présent. Le groupe a besoin de disposer d'un cadre approuvé dès à présent, vu que les travaux doivent être présentés au Conseil des droits de l'homme lors de sa session de mars 2010.


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