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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: PLUSIEURS DÉLÉGATIONS REGRETTENT SON INCAPACITÉ À METTRE EN ŒUVRE LE PROGRAMME DE TRAVAIL

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu ce matin des déclarations du Chili, du Canada, de l'Italie, de la France et de la présidence autrichienne de la Conférence sur l'incapacité à mettre en œuvre le programme de travail. Le Kazakhstan, l'Algérie et la Fédération de Russie ont pris la parole sur d'autres questions.

Assumant cette semaine la présidence de la Conférence, M. Christian Strohal, Ambassadeur d'Autriche, a déclaré que cette année avait été une année extraordinaire pour la Conférence, qui a été en mesure d'adopter un programme de travail après plus d'une décennie de stagnation. Mais trois mois après son adoption, le programme de travail n'a toujours pas été mis en œuvre, et M. Strohal a rappelé que la Conférence n'avait désormais plus qu'un mois avant la fin de la session de cette année, tout en se disant convaincu que des progrès étaient encore possibles.

Le Chili a souligné que la sécurité nationale n'existait pas en isolement et ne pouvait être invoquée pour compromettre celle des autres. La meilleure manière de préserver cette sécurité nationale était de mettre en mouvement l'organe de négociation qu'est la Conférence, qui la garantit grâce à la règle du consensus. Si la Conférence du désarmement perd de sa pertinence, la voie est ouverte pour l'émergence d'autres initiatives n'appliquant pas cette règle.

Le Canada a souligné que si les membres de la Conférence ne pouvaient s'entendre pour mettre en œuvre un programme de travail aujourd'hui, alors le monde en tirera les conclusions appropriées quant à la capacité de la Conférence d'entreprendre des travaux de fond.

L'Italie a souligné que la règle du consensus avait permis à chacun de sauvegarder ses intérêts nationaux primordiaux, mais a souligné qu'en l'occurrence, ce n'est pas à une telle situation que la Conférence était confrontée. La situation porte atteinte au prestige de la Conférence, met en péril son existence même et met en cause sa pertinence parmi de la communauté des institutions multilatérales.

La France a déclaré que, grâce aux efforts de l'Algérie, l'espoir était né à la Conférence de pouvoir commencer le travail, mais «un autre pays a tué cet espoir de pouvoir travailler sur le fond en cette année 2009». Elle a aussi rappelé que les cinq pays qui à eux seuls détiennent 98% des armes nucléaires dans le monde étaient prêts à mettre en place une négociation sur un traité vérifiable d'interdiction de la production future de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires. Pour sa part, la délégation française fera tout pour que cette négociation reste au sein de la Conférence du désarmement; encore faut-il qu'elle puisse effectivement démarrer son travail.

La Fédération de Russie est pour sa part intervenue pour attirer l'attention sur un document soumis conjointement avec la Chine sur un projet d'accord visant à prévenir l'accumulation d'armes dans l'espace et l'utilisation de la force contre des objets dans l'espace, devant servir de base aux travaux du groupe de travail qui sera chargé de ces questions. L'Algérie a pour sa part souligné que le Traité de Pelindaba, qui fait de l'Afrique une zone exempte d'armes nucléaires, était entré en vigueur au mois de juillet dernier. Le Kazakhstan, par la voix de son nouveau Représentant permanent, a rappelé la contribution de son pays aux efforts de désarmement et de non-prolifération.

La prochaine réunion de la Conférence du désarmement aura lieu à 10 heures, le jeudi 27 août 2009. Il a également été annoncé que le Ministre autrichien des affaires étrangères s'adresserait à la Conférence le mercredi 2 septembre, à 10 heures.



Aperçu des déclarations

M. CHRISTIAN STROHAL (Autriche), Président de la Conférence du désarmement, a souligné que cette année avait été une année extraordinaire pour la Conférence. Après plus d'une décennie de stagnation, elle a été en mesure d'adopter un programme de travail. Mais il semble incompréhensible pour le monde extérieur que trois mois après son adoption, le programme de travail n'ait toujours pas été mis en œuvre. M. Strohal a souligné que la Conférence n'avait désormais plus qu'un mois avant la fin de la session de cette année. Il s'est dit convaincu que des progrès étaient encore possibles, les questions en suspens étant d'ordre procédural. Il est difficile d'imaginer que des obstacles insurmontables pourraient encore persister. Il en a appelé à tous à accélérer la marche vers une reprise des travaux de la Conférence du désarmement.

M. MUKHTAR TILEUBERDI (Kazakhstan) a rappelé que le Kazakhstan était devenu membre de la Conférence il y a 10 ans, le 5 août 1999, afin d'apporter une contribution significative au processus de désarmement. Dès son accession à l'indépendance en 1991, le Kazakhstan était en possession du quatrième arsenal nucléaire mondial, qui a été démantelé il y a 15 ans par décision du Président Nursultan Nazarbayev. À la même époque, le Kazakhstan a cessé tous les essais nucléaires et a fermé le site d'essais nucléaires de Semipalatinsk, dont la région fait aujourd'hui l'objet d'un plan de réhabilitation. C'est aussi à Semipalatinsk qu'a été signé en 2006 le Traité créant une zone exempte d'armes nucléaires entre le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Aujourd'hui, le Kazakhstan continue d'orienter ses efforts en faveur d'un monde libre d'armes nucléaires et a proposés à l'Agence internationale de l'énergie atomique la mise en place sur son territoire un dépôt de combustible nucléaire pour des projets civils, a fait valoir M. Tileuberdi. Il a par ailleurs attiré l'attention sur l'appel lancé le 18 juin dernier à l'ONU par le Président du Kazakhstan pour faire du 29 août, jour de la fermeture définitive du site de Semipalatinsk, la «journée internationale du renoncement aux armes nucléaires».

M. CARLOS PORTALES (Chili) a salué les efforts menés par les Présidents de la session de 2009 de la Conférence, en particulier les ambassadeurs d'Argentine et d'Australie, qui ont fait preuve de créativité, d'imagination, d'inclusivité, de transparence et de persévérance. Il a souligné que le Chili a de fermes convictions en matière de désarmement et de sécurité, fondées sur le principe directeur de l'indivisibilité de la sécurité internationale et de la primauté de la sécurité collective sur les besoins individuels des États. La sécurité nationale n'existe pas en isolement et ne peut être invoquée pour compromettre celle des autres. Alors que la Conférence du désarmement approche de la fin de sa session de 2009 et, bien qu'elle ait adopté son programme de travail, elle n'est toujours pas en mesure, trois mois plus tard, de parvenir au consensus nécessaire pour permettre sa mise en œuvre. Cela semble être une contradiction en soi. Il est souvent question, dans les débats, à juste titre, de la notion de sécurité nationale; mais quelle meilleure manière de préserver cette sécurité nationale que de mettre en mouvement cet organe de négociation qui la garantit grâce à la règle du consensus. Si la Conférence du désarmement perd de sa pertinence, la voie est ouverte pour l'émergence d'autres initiatives n'appliquant pas cette règle. Il est franchement impossible de justifier, eu égard aux besoins et défis multiples de la communauté internationale dans le domaine qui nous intéresse, de maintenir un corps diplomatique hautement qualifiée, un secrétariat de haut niveau technique, une équipe d'interprètes qualifiés dans cet état d'immobilité. La période intersession qui se poursuit jusqu'à la fin de 2009 pourrait offrir une bonne occasion d'examiner les questions de fond du programme de travail.

M. GEOFF GARTSHORE (Canada) a estimé que la Conférence du désarmement devrait rester fidèle au texte du programme de travail adopté en mai, qui est un document de référence collective. Le programme de travail ne précise pas l'étendue des progrès à réaliser, ni l'équilibre à trouver dans les résultats des quatre questions principales, car les progrès ou les résultats sur les différentes questions étaient, par leur nature même, imprévisibles. De la même façon, la décision sur la mise en œuvre su programme de travail devrait également s'efforcer de ne pas comporter de conditions liées à l'obtention de résultats spécifiques. M. Gartshore a déclaré qu'en décidant d'adopter un programme de travail, la Conférence a aussi choisi de ne pas utiliser le mot «principe» dans le texte, le document renvoie simplement au règlement intérieur de la Conférence. Les questions de «principe» et de leur interprétation possible pourraient être différentes pour chaque délégation. Les mots comme résultats, progrès, équilibre, principe, n'ont pas leur place dans un document de procédure, d'application. Ceux qui ne peuvent accepter la mise en œuvre proposée pour le programme de travail remettent ainsi leur engagement envers le programme de travail auquel ils avaient eux-mêmes souscrit. Si les délégations ne peuvent s'entendre pour mettre en œuvre un programme de travail aujourd'hui, alors le monde en tirera les conclusions appropriées quant à la capacité de la Conférence d'entreprendre des travaux de fond.

M. GIOVANNI MANFREDI (Italie) s'est dit extrêmement déçu de voir la Conférence du désarmement de nouveau bloquée et a vivement déploré cette situation. Le programme de travail était un document sur les questions de fond, mais depuis son adoption, les membres de la Conférence ont été incapables de s'entendre sur des questions mineures de logistique. Ce n'était pas faire bon usage de la règle du consensus. La règle du consensus a permis à chacun de sauvegarder ses intérêts nationaux primordiaux. Mais ici et maintenant, les membres ne sont pas confrontés à une telle situation. Ainsi, un traité satisfaisant d'interdiction de la production de matières fissiles ne dépend pas de la façon dont sont réglées les questions de gestion interne. La situation porte atteinte au prestige de la Conférence, met en péril son existence même et met en cause sa pertinence parmi de la communauté des institutions multilatérales.

M. BOUALEM CHEBIHI (Algérie) a déclaré que, à un moment où la Conférence du désarmement poursuit ses consultations sur la meilleure manière d'aborder ses travaux de fond, il a attiré l'attention sur le Traité de Pelindaba faisant de l'Afrique une zone exempte d'armes nucléaires, qui est entré en vigueur en juillet dernier. L'Algérie a été l'un des premiers États de l'Union africaine à ratifier ce Traité. Le Traité interdit le développement, la fabrication, le stockage, l'acquisition, la possession et utilisation d'armes nucléaires sur l'ensemble du continent africain et ses îles environnantes. L'Afrique renforce ainsi de manière concrète le concept d'une zone exempte d'armes nucléaires et apporte une contribution significative au régime international de désarmement et de non-prolifération nucléaire. Un protocole annexé au traité appelle les États dotés d'armes nucléaires à ne pas utiliser ou menacer d'utiliser des armes nucléaires contre des parties du Traité. La création de zones exemptes d'armes nucléaires consolide la paix et la sécurité dans des régions ouvertes et permet aux États concernés d'e consacrer toutes leurs ressources en priorité au développement économique et social. Algérie nourrit aussi l'espoir de voir une telle zone exempte d'armes nucléaires dans la région du Moyen-Orient.

M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a déclaré que la Fédération de Russie souhaitait souligner une fois de plus qu'elle appuyait un commencement rapide des travaux de fond sur la base du programme de travail convenu. M. Loschinin a dit que les délégations de Russie et de Chine avaient conjointement soumis, le 17 août dernier, un document d'information intitulé: «Questions de base et commentaires sur le projet d'accord visant à empêcher l'accumulation d'armes dans l'espace, l'usage de la force ou la menace de la force contre des objets dans l'espace et réponses à ces questions». Des consultations thématiques officieuses de la Conférence ont servi de base de ce document. La délégation russe a également soumis une proposition renouvelée par la Fédération de Russie concernant le rapport du Secrétaire général sur les mesures de transparence et de renforcement de la confiance relatives aux activités spatiales, préparé sur la base de la résolution de 63/68 l'Assemblée générale. M. Loshchinin a invité toutes les délégations à présenter leurs commentaires sur ces deux documents, afin de servir de base aux travaux du groupe de travail sur le point trois de l'ordre du jour quand il entamera ses activités.

M. ÉRIC DANON (France) a partagé avec le représentant de l'Italie la déception devant ce qui se passe aujourd'hui dans le cadre de la Conférence. Grâce à l'habileté de l'ambassadeur d'Algérie, l'espoir était né à la Conférence de pouvoir commencer le travail; «je n'hésite pas à dire qu'un autre pays a tué cet espoir de pouvoir travailler sur le fond en cette année 2009», a déclaré M. Danon. Ceci est particulièrement décevant et la France souhaite qu'il n'en sera pas de même l'année prochaine. Il s'est aussi associé à l'intervention du Chili s'agissant du risque de négociations extérieures à la Conférence. Le représentant français a souligné qu'au delà de l'événement que fut l'adoption du document CD/1864 (relatif au programme de travail), ce qui était important c'est l'événement politique qu'il y avait derrière: pour la première fois depuis la deuxième guerre mondiale, les cinq pays qui à eux seuls détiennent 98% des armes nucléaires dans le monde étaient prêts à mettre en place une négociation sur un «cut-off» vérifiable (le représentant français se réfère à un traité d'interdiction de la production future de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires). Là était l'événement politique qui sous entendait la possibilité de démarrer le Groupe de travail dans le cadre d'un programme de travail équilibré. Or, cette dimension politique, il est évident qu'elle devra se traduire par quelque chose. Pour sa part, la délégation française fera tout pour que cette négociation reste au sein de la Conférence du désarmement; encore faut-il qu'elle puisse effectivement démarrer son travail. À la délégation algérienne, M. Danon a exprimé la satisfaction de la France devant la mise en œuvre du Traité de Pelindaba.


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