Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA COLOMBIE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Colombie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport, Mme Rosa García, Directrice des communautés noires au Ministère de l'intérieur et de la justice de la Colombie, a notamment indiqué que le pays compte 1,3 million d'autochtones, plus de dix millions d'Afro-descendants, et entre 5500 et 8000 Roms ou Gitans. Ces communautés sont victimes de diverses formes de discrimination raciale dans le pays, pour des raisons culturelles qui trouvent leur racine dans l'histoire et résultent du processus colonialiste qui a affecté la majeure partie des pays d'Amérique latine. Il ne s'agit pas d'actes discriminatoires commis délibérément par les institutions publiques, a insisté Mme García, qui a assuré que l'État colombien ne ménage aucun effort pour mettre en place des politiques publiques visant à prévenir le phénomène de la discrimination et à garantir une égalité réelle. Les peuples autochtones et les communautés concernées possèdent leurs propres titres de propriété collective de la terre et les utilisent conformément à leurs coutumes ancestrales, a aussi fait valoir Mme García, ajoutant qu'ils font l'objet de mesures d'action affirmative dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la culture. En dépit des efforts importants en matière de lutte contre la discrimination raciale, il reste au pays un long chemin à parcourir pour combler de manière définitive les disparités économiques et sociales existantes. Aussi, le Gouvernement ne ménagera-t-il aucun effort pour œuvrer à l'adoption de mesures d'action affirmative et à l'application de programmes visant à surmonter la discrimination négative dont souffrent nombre de Colombiens en raison de leur ethnie, a assuré Mme García.
La délégation colombienne était également composée de représentants des Ministères des relations extérieures, de l'éducation nationale, de la culture et de la défense, ainsi que de l'Institut colombien du bien-être familial (ICBF). Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du système d'alerte précoce mis en place au sein du Bureau du Médiateur; des questions d'éducation, en particulier pour ce qui est des communautés autochtones et afro-colombiennes; de la vulnérabilité particulière de certaines communautés autochtones; de la justice traditionnelle autochtone; de la violence que connaît le pays et des agissements des groupes armés illégaux; et de la situation des personnes déplacées.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, M. Ion Diaconu, a fait observer que la Colombie était un pays ouvert qui s'efforçait de maintenir le tissu démocratique, même dans les zones de conflit. Subsistent néanmoins des problèmes, a-t-il précisé, citant en premier lieu le conflit interne, les violences et les déplacements de populations qui en découlent. Parmi les autres grands problèmes auxquels le pays reste confronté, figurent ceux qui ont trait à la protection des droits des communautés autochtones, surtout sur les terres qui leur appartiennent et où elles habitaient avant le conflit; aux mesures à prendre pour prévenir et combattre la discrimination; et à l'éducation de l'ensemble de la population, notamment au niveau de l'enseignement bilingue et interculturel. Les autorités colombiennes devraient à l'avenir mettre l'accent sur l'application des lois et programmes existants, a conclu M. Diaconu.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur ce rapport, qui seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 28 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Chili (CERD/C/CHL/15-18).
Présentation du rapport de la Colombie
M. ANGELINO GARZÓN, Représentant permanent de la Colombie auprès des Nations Unies à Genève, après avoir présenté la délégation de la Colombie, a notamment fait valoir que le Ministère de la culture est dirigé par une personne de descendance africaine. Il a rappelé que la Colombie a récemment reçu la visite du Rapporteur spécial sur les droits des populations autochtones et qu'une invitation a été adressée au Rapporteur spécial sur les droits des minorités en vue d'une visite dans le pays dans la première partie de l'année prochaine.
MME ROSA GARCÍA, Directrice des communautés noires au Ministère de l'intérieur et de la justice de la Colombie, a souligné que la Colombie était un pays pluriethnique et multiculturel comprenant des métis, des autochtones, des Afro-Colombiens, des Blancs, des Roms - ou Gitans. Les autochtones sont au nombre de 1,3 million et représentent 3,4% de la population. Les Afro-descendants sont plus de dix millions, dont 4 millions s'auto-identifient comme Afro-Colombiens, originaires de Palenque (Nord du pays) et insulaires, selon le dernier recensement national de la population réalisé en 2005. Quant aux Roms - ou Gitans -, ils sont entre 5500 et 8000 en Colombie, a précisé Mme García. Il convient de reconnaître que ces communautés sont victimes de diverses formes de discrimination raciale dans le pays, pour des raisons culturelles qui trouvent leur racine dans l'histoire et résultent du processus colonialiste qui a affecté la majeure partie des pays d'Amérique latine. Il ne s'agit pas d'actes discriminatoires licites ou commis délibérément par les institutions publiques, a insisté Mme García. Aussi, a-t-elle attiré l'attention sur l'ambition affichée de l'État colombien de ne ménager aucun effort pour mettre en place des politiques publiques visant à prévenir le phénomène de la discrimination et à garantir une égalité réelle pour tous. Ainsi, l'État colombien a-t-il avancé sur la voie de la reconnaissance et de la promotion des droits et de la culture des groupes ethniques par le biais d'une riche législation et d'une jurisprudence fournie qui a été reconnue comme l'une des plus progressistes du monde, a fait valoir Mme García.
Les peuples autochtones et les communautés concernées possèdent leurs propres titres de propriété collective de la terre et les utilisent conformément à leurs coutumes ancestrales, a souligné Mme García. En outre, cette partie de la population fait l'objet de mesures d'action affirmative dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la culture, entre autres, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement colombien a manifesté son plein soutien à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a-t-elle rappelé.
La Constitution de 1991 est le cadre fondamental de la lutte contre toutes les formes de discrimination, a poursuivi Mme García. Elle insiste sur l'égalité formelle mais exige aussi la réalisation de l'égalité matérielle, a-t-elle précisé. La Constitution garantit et protège la diversité ethnique et culturelle en prônant l'adoption de mesures en faveur des groupes marginalisés ou victimes de discrimination. La Constitution stipule en outre que les terres communales des groupes ethniques sont inaliénables et imprescriptibles. Mme García a en outre rappelé qu'avec l'octroi de titres de propriété collective sur 5,1 millions d'hectares, l'objectif de la loi de 1993 sur les communautés noires a été atteint à 91%.
Mme García a en outre indiqué que le Bureau du Défenseur du peuple comprend un Bureau de Défenseur délégué pour les minorités ethniques et un Bureau de Procureur délégué pour les droits de l'homme et les groupes ethniques. Elle a également souligné que les trois derniers plans nationaux de développement (depuis 1998) incluaient des éléments spécifiques visant l'amélioration des conditions de vie des groupes ethniques et la reconnaissance et le renforcement de leur identité culturelle.
L'État colombien a dû affronter le défi des actions des groupes armés illégaux, a poursuivi Mme García. La violence dont a souffert la Colombie au cours de ces dernières décennies a gravement affecté les conditions de sécurité de tous les habitants du pays et, de manière particulièrement prononcée, les droits des femmes, des groupes ethniques et des secteurs les plus défavorisés de la société, a-t-elle précisé. Elle a toutefois souligné qu'entre 2002 et 2008, le nombre d'homicides annuels a chuté de 44%, passant de 30 000 à 16 140. Évoquant la situation des personnes déplacées en raison des actions des groupes armés illégaux, Mme García a indiqué que 70 026 autochtones, 240 062 Afro-Colombiens et 17 420 Gitans qui se sont auto-identifiés comme tels ont été enregistrés par le Registre unique de la population déplacée, ce qui représente 10,6% de la population déplacée totale du pays, dont le nombre s'établit à 3 073 010.
Mme García a ensuite longuement exposé les mesures d'action affirmative prises par la Colombie en faveur des groupes ethniques, attirant notamment l'attention sur le Programme d'action affirmative pour la population afro-colombienne adopté en 2004, en vertu duquel une variable ethnique a été introduite dans le recensement national de la population de 2005. Elle a en outre présenté les mesures d'action affirmative prises dans les domaines de la santé et de l'éducation, ainsi qu'en faveur des femmes, pour promouvoir la participation des groupes ethniques et en matière foncière.
La Colombie a déployé des efforts importants en matière de lutte contre la discrimination raciale; pour autant, il reste au pays un long chemin à parcourir pour combler de manière définitive les disparités économiques et sociales existantes, a reconnu Mme García. Aussi, le Gouvernement ne ménagera-t-il aucun effort pour œuvrer à l'adoption de mesures d'action affirmative, fondées sur des critères démographiques, et à l'application de programmes visant à surmonter la discrimination négative dont souffrent nombre de nos concitoyens en raison de leur ethnie, a assuré Mme García.
M. MOISES MEDRANO, Directeur des populations au Ministère de la culture de la Colombie, a complété la présentation en exposant pour sa part les recommandations de la Commission intersectorielle pour la promotion de la population afro-colombienne originaire de Palenque et insulaire, indiquant que parmi les principales entraves dont souffrent ces populations, figurent, selon la Commission, le manque de pouvoir politique et économique et les lacunes en matière d'accès à une éducation de qualité, ainsi que la reconnaissance insuffisante de la culture afro-colombienne dans le pays. Aussi, les recommandations de la Commission intersectorielle se concentrent-elles sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale et la promotion de la diversité; sur la promotion de la participation et de la représentation politique des populations concernées; sur le renforcement de la qualité de l'éducation et de l'accès à l'éducation s'agissant de ces populations; sur l'emploi et la création de revenus; et sur l'inclusion dans les systèmes d'information. À ce stade, un projet de loi statutaire concernant l'égalité des chances a été élaboré, a indiqué M. Medrano.
Le quatorzième rapport périodique de la Colombie (CERD/C/COL/14) souligne que la population de la Colombie est essentiellement métisse. Quatre grandes catégories ethniques et sociales qui diffèrent sur les plans géographique et culturel se distinguent du reste de la population: les communautés afro-colombiennes et les communautés insulaires – qui constituent 10,62 % de la population totale –, les peuples autochtones – qui représentent 3,3 % de la population – et les Roms ou Gitans. L'espagnol, qui est reconnu comme langue nationale, comporte des marques dialectales et régionales. Le pays jouit en outre d'une grande richesse linguistique représentée par ses communautés autochtones; on y compte en effet 64 langues réparties entre 22 familles linguistiques. Les communautés insulaires de San Andrés et Providencia, qui sont de culture afro-anglo-antillaise, utilisent l'anglais comme langue véhiculaire et le créole de San Andrés comme langue vernaculaire. Dans les Caraïbes continentales colombiennes, la population de San Basilio de Palenque parle une autre langue créole afro-colombienne, le suto ou langue de Palenque. Les groupes roms ou gitans qui viennent d'Europe orientale parlent leur propre langue, le romani. Aux termes de la Constitution de 1991 (art. 10), les langues et dialectes des groupes ethniques ont rang de langues officielles sur les territoires de ces derniers et un enseignement bilingue doit être dispensé dans les communautés qui possèdent leurs propres traditions linguistiques. La Constitution de 1991 garantit la liberté de culte, qui reconnaît à chacun le droit de professer librement sa religion et de la propager à titre individuel ou collectif. Le registre public des entités religieuses recense près de 1000 organisations religieuses; nonobstant, le christianisme prédomine et le catholicisme est la confession de la majorité.
Les groupes armés illégaux, véritable menace pour la stabilité de la société colombienne, se sont érigés en mouvements générateurs de violence, en raison de l'organisation d'une économie de guerre fondée sur les enlèvements, l'extorsion, la production et le trafic de drogue, poursuit le rapport. Cette situation a entraîné pour le pays des coûts sociaux, économiques et politiques importants. Quant aux groupes d'autodéfense, la démobilisation collective s'est achevée en 2006 par le désarmement de 31 671 de leurs membres. Cette action s'est traduite par l'arrestation des chefs, la mise en accusation des collaborateurs et l'application de la loi no 975 de 2005 sur la justice et la paix comme dispositif attestant une recherche de la vérité, de la justice et de réparation. Enfin, il convient de préciser que de nouvelles organisations criminelles ou groupes sont apparus dans les zones de démobilisation, indique le rapport. Ces nouveaux groupes, formés dans une faible proportion de membres démobilisés des groupes d'autodéfense, sont devenus les instruments du crime organisé, en établissant des structures consacrées essentiellement au trafic de drogue. En 2006, la force publique a détenu plus de 900 membres démobilisés retombés dans des activités délictueuses.
Il existe dans le pays 84 ethnies ou peuples autochtones représentant une population de 1 378 884 personnes, soit 3,3 % de la population nationale. La majeure partie de cette population vit en zone rurale (78 %), précise le rapport. La Constitution de 1991 et la loi no 70 de 1993 ont reconnu un droit à la propriété collective sur les terres traditionnelles des communautés noires qui occupaient la région du Bassin du Pacifique. À cet effet, l'objectif fixé consistait à délivrer des titres collectifs portant sur 5 600 000 hectares au profit des communautés noires. L'objectif a été, jusqu'à ce jour, atteint à 91,5 % par la délivrance de 149 titres collectifs et l'attribution de 5 128 830 hectares, au profit de 60 418 familles. Pour remplir cet objectif, l'Institut colombien du développement rural (INCODER) se charge d'instruire 27 demandes de délivrance de titres collectifs dans une zone d'environ 454 152 hectares, au profit de 14 316 familles. Les terres remises aux communautés noires et celles qui se trouvent en instance d'attribution représentent une superficie totale de 5 670 000 hectares, soit environ 5 % du territoire national. Le rapport reconnaît que les communautés afro-colombiennes et autochtones subissent encore certaines formes de discrimination raciale dans le pays. Il ne s'agit pas d'actes discriminatoires licites ou commis délibérément par les institutions publiques. Il s'agit d'un problème culturel complexe qui est ancré dans l'histoire de la Colombie et l'Amérique latine et a favorisé des conditions propices à la marginalisation, l'état de pauvreté et la vulnérabilité due à la violence de ces communautés. Ainsi, les problèmes du pays en matière de pauvreté et de violence touchent en grande partie des communautés ou les zones et régions qu'elles habitent. La Colombie a cependant ostensiblement progressé dans la lutte contre la pauvreté dans les secteurs où elle est la plus latente, tout en parvenant, ces dernières années, à améliorer les conditions de participation, d'égalité et de traitement préférentiel pour ces communautés minoritaires.
Le nouveau Code pénal colombien (loi no 599 de 2000) contient diverses dispositions liées à l'interdiction de la discrimination dans le pays. Il importe de souligner que parmi les délits prévus au Code pénal, figure l'article 147 relatif aux actes de discrimination raciale, qui sanctionne expressément toutes pratiques de ségrégation raciale survenant dans le contexte du conflit armé. Il convient également de préciser que d'autres conduites caractérisées prévues au Code pénal sont aggravées quand les motifs fondant le mobile supposent une forme de discrimination ou d'intolérance raciale, constituant ainsi des éléments propres à modifier la durée de la sanction; tel est le cas du délit de disparition forcée (par. 4 de l'article 166 du Code pénal) et autres cas constituant des circonstances susceptibles de sanctions aggravées. Enfin, il faut rappeler l'existence du projet de loi no 040 de 2007 dont le Sénat est saisi et qui établit, entre autres dispositions, un nouveau délit punissable par la loi appelé «incitation à la discrimination» et tend à sanctionner toute incitation à la discrimination fondée sur des facteurs suspects ou manifestes.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport colombien, a relevé que le rapport présenté par la Colombie reconnaît que divers groupes et communautés, notamment autochtones, restent victimes de discrimination raciale dans le pays. Il a en outre affirmé qu'aucune disposition de la législation colombienne ne semble en contradiction avec les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, se réjouissant à cet égard que même si une telle contradiction venait à surgir, c'est la Convention qui l'emporterait sur le droit interne. M. Diaconu a toutefois déploré que la législation colombienne ne contienne pas de disposition incriminant la discrimination fondée sur des motifs de race.
M. Diaconu a reconnu que la Colombie a engagé une véritable politique visant à combattre la discrimination raciale. Mais il ne semble pas que cette politique soit totalement suivie d'effet, a-t-il regretté. Il faut donc poursuivre cette politique en veillant à faire en sorte que les engagements pris soit tenus, a-t-il déclaré. Combien des recommandations présentées par la Commission intersectorielle pour la promotion de la population afro-colombienne originaire de Palenque et insulaire se sont-elles transformées en lois ou mesures pratiques, a demandé l'expert?
Le rapporteur a par ailleurs fait état d'informations selon lesquelles des éléments de l'infanterie de marine colombienne auraient occupé une centaine de maisons civiles obligeant 700 personnes à être déplacées. Il a en outre rappelé que la Cour interaméricaine des droits de l'homme s'est inquiétée de violations graves de droits de l'homme commises par des groupes paramilitaires sous prétexte de lutte contre la guérilla.
M. Diaconu a souligné que le nombre de plaintes faisant état d'exécutions extrajudiciaires demeure élevé; il y a aussi des cas de disparitions forcées et des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants imputables aux membres des forces de sécurité. Les membres des communautés autochtones et afro-colombiennes restent les principales victimes de ces actes, a souligné l'expert. Le problème général tient au fait que dans les zones occupées par les militaires pour combattre la guérilla, il n'y a quasiment pas d'autorités civiles pour aider la population, alors qu'il faudrait que les autorités civiles restent présentes dans ces zones.
Selon des données non officielles, le nombre de personnes déplacées en Colombie aurait atteint le nombre de trois millions, a par ailleurs fait observer M. Diaconu.
Le rapporteur a par ailleurs dénoncé les vastes projets imposés aux communautés autochtones et afro-colombiennes sur leurs territoires, ainsi que l'absence de consultations de ces communautés s'agissant des questions qui les concernent. Il a ainsi fait état d'informations dénonçant l'approbation par l'État de semences génétiquement modifiées qui sont introduites sur les territoires autochtones sans leur consentement préalable et qui peuvent contaminer leurs cultures traditionnelles, sans parler des incertitudes pesant sur l'innocuité de ces OGM.
La Commission interaméricaine des droits de l'homme indique dans son rapport de 2008 que malgré des progrès considérables réalisés en matière d'octroi de titres de propriété, 61% des Afro-Colombiens qui avaient été déplacés ne sont pas en mesure de revenir sur leurs lieux d'origine. En outre, des cas d'acquisition frauduleuse de terres ont été signalés. Il faut donc que le Gouvernement colombien prenne des mesures résolues afin de protéger les droits des autochtones sur leurs terres.
Selon certaines informations, a poursuivi M. Diaconu, des actes d'assassinat sélectif – sans rapport avec le conflit armé – sont commis contre des dirigeants des communautés afro-colombiennes qui luttent pour l'obtention de titres de propriété par ces communautés.
Il a demandé à la délégation quelles mesures ont été prises par la Colombie pour donner suite à la recommandation qu'avait faite le Comité lors de l'examen du précédent rapport du pays en vue du renforcement des programmes bilingues et interculturels dans les zones autochtones.
Des groupes armés illégaux demeurent et continuent de commettre des actes de violence, a par ailleurs relevé l'expert.
M. Diaconu a rappelé que la Colombie a été priée par nombre d'organes conventionnels de mettre un terme à l'impunité en poursuivant les actes concernés devant des tribunaux ordinaires et non devant des tribunaux militaires.
Un autre membre du Comité a relevé qu'il n'existe pas de disposition spécifique concernant la discrimination raciale dans la législation colombienne. En outre, les statistiques manquent sur les droits économiques, sociaux et culturels des communautés afro-descendantes et autochtones, alors que l'illettrisme serait deux fois plus élevé que la moyenne nationale parmi les Afro-descendants.
Un expert s'est enquis de la proportion de Colombiens qui s'auto-identifient comme blancs. Cet expert a relevé que selon les informations fournies dans le rapport de la Colombie, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sont les auteurs de 16,2 % des cas de massacres et de 72,4 % des attentats terroristes enregistrés dans le pays; quels sont donc les autres auteurs de ces massacres et attentats terroristes? Il a aussi souhaité savoir si les décès de dirigeants autochtones qui sont enregistrés dans le pays se produisent dans le cadre de la lutte contre les FARC ou à dans un autre contexte.
Un autre membre du Comité a souligné que selon les observateurs, il existerait en Colombie une discrimination à l'encontre de certaines personnes dans les restaurants, les clubs et autres contextes de la vie sociale quotidienne.
Un expert a relevé que les chiffres fournis dans le rapport concernant le nombre de détenus appartenant aux minorités ethniques dans les établissements pénitentiaires colombiens font apparaître que ce sont les Afro-Colombiens qui sont les plus nombreux. Cet expert s'est enquis des mesures prises en Colombie pour tenir compte des traditions des populations autochtones dans le domaine de la justice.
Plusieurs membres du Comité ont souligné que la longueur particulière du rapport présenté par la Colombie rend difficile l'exercice visant à dégager une synthèse d'une telle foison d'informations.
Réponses de la délégation
La délégation a d'emblée réitéré que la discrimination est interdite en vertu de la Constitution colombienne. Il n'en demeure pas moins que des pratiques se perpétuent qui ont pour conséquence que certaines discriminations persistent dans la société, a-t-elle reconnu.
Pour ce qui est la situation de violence que connaît le pays, la délégation a rappelé que cette violence se poursuit depuis une quarantaine d'années. Il arrive parfois que quelques agents de l'État aient été impliqués dans cette violence, mais les institutions nationales disposaient des mécanismes nécessaires pour sanctionner de tels comportements de la part d'agents de l'État, a souligné la délégation. Il est clair qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais aucune politique de terrorisme d'État, ni de politique en faveur des groupes armés, a-t-elle insisté. L'existence de groupes armés n'a pas entraîné une rupture des institutions démocratiques: tous les maires et tous les gouverneurs à travers le pays sont élus au scrutin universel. Les groupes armés n'ont pas de contrôle territorial, a en outre affirmé la délégation. Ils sont présents dans certaines régions du pays et cette présence touche certains membres des communautés afro-colombiennes et autres, mais ils n'ont pas de contrôle territorial, a-t-elle insisté.
Au total, 31 617 personnes appartenant à des groupes armés ont été démobilisées, a poursuivi la délégation colombienne. Cette démobilisation est importante car elle contribue à la sécurité dans le pays, tout en veillant à garantir le droit à justice et à réparation pour les victimes – domaine dans lequel trois institutions jouent un rôle particulièrement important: le Procureur général de la nation, le Ministère de la justice et la Police nationale. La délégation a fait état de l'existence de commissions régionales de restitution des biens spoliés par l'armée. Au total, d'ici la fin de l'année, la Colombie espère pouvoir octroyer réparation à environ 10 000 familles de victimes, a d'autre part indiqué la délégation.
Les groupes armés illégaux n'ont aucune raison d'être, aucun soutien parmi la population et n'ont aucune chance d'arriver au pouvoir, a déclaré la délégation. Le trafic annuel de 500 tonnes de cocaïne dont profitent ces groupes armés continue d'alimenter le conflit armé, a-t-elle souligné. Des attentats terroristes touchant des citoyens innocents restent financés par ce trafic de stupéfiants, a-t-elle insisté.
Aujourd'hui, les guérillas, en particulier les FARC et les groupes criminels émergents organisés autour du trafic de stupéfiants sont les principaux coupables de violences à l'encontre des autochtones, a déclaré la délégation. Les territoires des autochtones et des Afro-Colombiens sont particulièrement vulnérables car ils se trouvent situés dans des zones favorables à des cultures de stupéfiants et qui permettent aux narcotrafiquants et aux membres des groupes armés de s'enfuir par le Pacifique en bénéficiant de la mise en place de véritables couloirs sur ces territoires, a-t-elle expliqué. Ainsi, ces territoires pâtissent-ils d'une présence des FARC et d'autres groupes armés illégaux, a souligné la délégation.
S'agissant des personnes déplacées, la délégation a indiqué que leur enregistrement se fait à travers l'action sociale. Jusqu'au mois de juillet 2009, trois millions de personnes – et non pas un million comme cela a été dit précédemment –, représentant au total un peu plus de 718 000 familles, étaient enregistrées comme personnes déplacées. Il n'y a pas de pratique discriminatoire au moment de l'enregistrement de ces personnes; l'État agit en la matière sur la base des principes et normes établis par la loi et sur la base des décisions prises en la matière par la Cour constitutionnelle, a souligné la délégation.
L'action de tutelle est en fait l'autre nom donné au recours en amparo, a par ailleurs expliqué la délégation. Il s'agit d'un mécanisme prévu par la Constitution et par lequel toute personne peut exiger devant les tribunaux la protection immédiate de ses droits constitutionnels fondamentaux lorsque ceux-ci sont menacés par un agent public ou un individu. Le juge de tutelle doit alors prendre une décision dans un délai de dix jours et cette procédure a priorité sur toute autre action en justice, a expliqué la délégation.
La délégation a souligné qu'il existe désormais des médiateurs dans les 32 départements du pays, aux fins de rendre effectifs les droits de tous les habitants du territoire colombien. Le médiateur représente les citoyens devant l'État; il a des fonctions préventives et disciplinaires et intervient devant les tribunaux.
La délégation a par ailleurs exposé le système d'alerte précoce mis en place au sein du Bureau du Médiateur. Elle a précisé que ce système, créé par voie administrative pour prévenir des situations de déplacements forcés et protéger les personnes déplacées, permet au Bureau du Médiateur de faire en sorte que soit assuré le suivi de certaines régions qui font l'objet d'un risque imminent. Le Bureau du Médiateur prépare des rapports qui sont ensuite examinés par une commission: si cette commission conclut à un risque imminent, l'alerte précoce peut alors être lancée. Tous les rapports de risque ne font pas nécessairement l'objet d'une alerte précoce mais font en revanche tous l'objet d'un suivi par le Gouvernement (des recommandations sont formulées dont la mise en œuvre est étroitement suivie), a précisé la délégation.
L'Ombudsman pour les minorités ethniques et les peuples autochtones – émanation du Bureau de l'Ombudsman (médiateur) – a pour tâche d'évaluer constamment la situation des droits de l'homme des minorités; de jouer un rôle de médiateur dans les conflits entre les différentes ethnies et communautés autochtones; d'aider les personnes relevant de son mandat à faire valoir et défendre leurs droits; et de développer les capacités parmi ces personnes, a par ailleurs indiqué la délégation.
Attirant l'attention sur la vulnérabilité particulière de certaines communautés autochtones, la délégation a notamment souligné que les autochtones yupas sont confrontés à des conditions de pauvreté extrême, alors que d'autres communautés autochtones sont particulièrement touchées par la mendicité et la prostitution et d'autres encore victimes de violences aux abords des sites d'exploitation minière. Ces communautés arrivent en masse dans des grandes villes comme Bogotá, a ajouté la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que la loi no 1152 de 2007 (statut du développement rural) a été déclarée anticonstitutionnelle. Les resguardos concernent des territoires donnés collectivement aux peuples autochtones, a-t-elle précisé.
En ce qui concerne les questions d'éducation, le taux d'illettrisme a pu être réduit au niveau national à une moyenne de 3,1% mais reste situé à 4,5% pour les Afro-Colombiens, a ensuite indiqué la délégation. La Colombie compte 290 enseignants autochtones rémunérés par l'État, a-t-elle également indiqué. Au total, 38 langues autochtones sont utilisées dans les écoles colombiennes, a ajouté la délégation. Le Ministère de la culture a présenté au Congrès un projet de loi dont l'objet est de faire adopter un programme spécial visant la promotion et la protection des langues autochtones, a-t-elle indiqué. Le processus de consultation des communautés autochtones et afro-colombiennes au sujet du projet de loi sur l'égalité de chances est en phase terminale, a par ailleurs indiqué la délégation.
Pour ce qui est de la situation des communautés autochtones et afro-colombiennes s'agissant du système pénitentiaire, la délégation a rappelé que les communautés autochtones, en ce qui les concerne, se sont dotées de juridictions propres qui sanctionnent les délits qui se sont produits sur leurs territoires. Pour ce qui est de la communauté afro-colombienne, un processus similaire est à l'étude.
C'est une obligation constitutionnelle pour tout agent de l'État que de respecter la justice traditionnelle autochtone, a précisé la délégation. Des efforts sont actuellement déployés pour harmoniser la justice autochtone avec la justice nationale car il s'avère que certaines pratiques autochtones pourraient aller à l'encontre de la jouissance des droits de l'homme, a-t-elle ajouté. Par exemple, dans la justice autochtone, il est possible d'attacher quelqu'un à un arbre pour le punir, ce qui est en revanche considéré comme un acte de torture dans la législation nationale colombienne.
Répondant à d'autres questions, la délégation a notamment expliqué que le Gouvernement, pour lutter contre la pauvreté et la marginalisation de la population afro-colombienne, a mis en œuvre toute une gamme de programmes et de politiques. Répondant aux questions relatives à la culture d'organismes génétiquement modifiés dans les territoires habités par les populations autochtones, la délégation a assuré que le Gouvernement colombien respecte les traditions agricoles des populations autochtones et afro-colombiennes. Aussi, tout changement concernant les techniques agricoles se doit-il de respecter ces traditions, a-t-elle souligné.
Observations préliminaires
À l'issue de cet examen, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, M. Ion Diaconu, a remercié la délégation pour les réponses extrêmement riches et fournies qu'elle a apportées aux questions des membres du Comité. Il a salué un dialogue franc au cours duquel la délégation a reconnu un certain nombre de problèmes tout en présentant les mesures que le Gouvernement a entrepris de prendre pour répondre à ces problèmes, a poursuivi M. Diaconu.
Il faut constater que la Colombie est un pays ouvert et c'est la raison pour laquelle le Comité dispose de beaucoup d'informations sur ce pays; c'est là un atout dont il faut se servir, a souligné M. Diaconu. Il a relevé que le pays s'efforce de maintenir le tissu démocratique, même dans les zones de conflit.
Subsistent néanmoins des problèmes, a poursuivi M. Diaconu, citant en premier lieu la poursuite du conflit et les violences et déplacements de populations qui en découlent. Parmi les autres grands problèmes auxquels le pays reste confronté, figurent ceux qui ont trait à la protection des droits des communautés autochtones, surtout sur les terres qui leur appartiennent et où elles habitaient avant le conflit; aux mesures à prendre pour prévenir et combattre la discrimination; et à l'éducation de l'ensemble de la population, notamment au niveau de l'enseignement bilingue et interculturel. Les autorités colombiennes devraient à l'avenir mettre l'accent sur l'application des lois et programmes existants, a conclu M. Diaconu.
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CERD09022F