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COMITÉ CONSULTATIF DES DROITS DE L'HOMME: SUITE DE L'EXAMEN DU PROJET
DE DIRECTIVES SUR LES PERSONNES TOUCHÉES PAR LA LÈPRE

Compte rendu de séance

Le Comité consultatif a repris, cet après-midi, le débat entamé hier sur un projet de principes et directives pour l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille. Il a ensuite tenu un bref échange sur son règlement intérieur et ses méthodes de travail.

L'expert chargé de la rédaction de ce projet de principes et directives, M. Shigeki Sakamoto, a présenté un texte révisé tenant compte des suggestions et recommandations faites hier après-midi. Il a précisé avoir maintenu les références à la ségrégation, une question longuement débattue hier, faisant valoir que la question de la lèpre est intimement liée à celle de la ségrégation. Toutefois, il a ajouté une disposition qui stipule que tout isolement thérapeutique devrait être temporaire et utilisé dans un contexte de santé publique, ainsi que l'avait préconisé une experte. Cette question a, une fois encore, été débattue, certains plaidant pour un retrait pur et simple de cette notion de ségrégation. Pour l'un des membres du Comité, il suffit de reformuler le paragraphe de sorte à mieux exprimer cette idée maîtresse: toute détention doit être pratiquée exclusivement dans un souci de santé publique ou aux fins de traitement. M. Sakamoto a par ailleurs estimé qu'il n'était guère possible d'élaborer des principes et lignes directrices complets dans le laps de temps imparti par le Conseil des droits de l'homme.

Le Comité consultatif a également porté son attention sur la suggestion de mettre sur pied des systèmes de détection précoce. Sur ce point, un expert a relevé l'importance de pouvoir disposer de services de santé qui puissent intervenir tout de suite pour traiter les personnes touchées, voire les obliger à suivre un traitement et, ainsi, éviter de contaminer d'autres personnes.

En fin de séance, le Comité consultatif s'est penché sur le projet de règlement intérieur présenté hier par M. Latif Hüseynov, qui a amendé son texte pour tenir compte des propositions faites au cours des débats. Le Comité a passé en revue les dispositions relatives, notamment, aux principes d'indépendance et d'impartialité des membres du Comité consultatif, aux vacances de sièges, à l'élection des membres du Bureau et à la périodicité des sessions.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité consultatif s'intéressera à deux autres questions dont le Conseil des droits de l'homme l'a chargé, et qui portent respectivement sur le droit à l'alimentation et les personnes disparues.


Débat sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme

M. SHIGEKI SAKAMOTO, expert du Comité consultatif, a déclaré se limiter à indiquer les modifications qu'il a apportées au texte après les débats de la veille. Quant au terme se «ségrégation» il a rappelé que le premier Congrès international sur la lèpre avait recommandé la ségrégation des malades à la fin du XIXe siècle et que de nombreux États ont conséquemment pratiqué la ségrégation, notamment le Japon, où les malades étaient isolés et leurs enfants leur étaient retirés. Il y a donc lieu de conserver le terme. Toutefois, il a ajouté une phrase indiquant que «toute mise en isolement doit être temporaire et doit se pratiquer dans un souci de santé publique». Quant aux propositions concernant les groupes vulnérables, il a indiqué avoir laissé le libellé en l'état, estimant qu'il revenait aux États d'identifier quels groupes sont particulièrement vulnérables. Par ailleurs, il a inséré la question de la détection précoce dans les articles qui portent sur le traitement de la lèpre. En réponse au commentaire de M. Kaigama qui avait dit que se sont généralement les parents du maladies ou les communautés religieuses qui viennent en aide aux malades, il a indiqué avoir aussi ajouté une mention sur la société civile. Il est, en effet essentiel que l'ensemble des acteurs s'unissent et agissent de concert pour lutter contre la stigmatisation et les discriminations liées à la lèpre. Dans le même sens, M. Sakamoto a inclus le concept de l'inclusion, qui est au cœur des principes et lignes directrices. Il a conclu qu'il n'était guère possible d'élaborer des principes et lignes directrices complets dans le laps de temps imparti par le Conseil des droits de l'homme.

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a souhaité que M. Sakamoto clarifie son point de vue s'agissant du caractère «pas hautement infectieux» et «non héréditaire» de la lèpre. Il a estimé que ce paragraphe n'était pas très clair et prêtait à confusion.

M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert du Comité consultatif, s'est félicité des modifications apportées s'agissant de la durée temporaire de l'isolement thérapeutique. Il a toutefois estimé que la proposition ne résout qu'en partie le problème. M. Alfonso Martínez a en effet souligné que le terme «isolement» inclut de toute évidence la ségrégation, car en parlant de «toute forme d'isolement», cela comprend la ségrégation. Il a plaidé pour un retrait de ce terme. D'autre part, il a estimé que le texte ne devrait pas être spécifique s'agissant des groupes vulnérables. Il a en effet mis en garde contre le risque d'oublier un groupe particulier. Pour lui, il suffirait d'écrire «femmes, enfants et autres groupes vulnérables».

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a appuyé la proposition de M. Alfonso Martinez s'agissant du retrait du mot «ségrégation». Elle a également souligné que les États devraient être encouragés à abolir les législations qui se fondent sur cette dimension de ségrégation. En ce qui concerne les femmes et les enfants touchés par la lèpre, elle a souhaité que les termes de «femmes et enfants» soient ajoutés au paragraphe qui mentionne les «autres groupes vulnérables».

M. LATIF HUSEYNOV, expert du Comité consultatif, a déclaré avoir fait une proposition tendant à mentionner le Pacte sur les droits civils et politiques qui n'a pas été retenue par M. Sakomoto. Les personnes touchées par la lèpre et victimes de ségrégation sont bien victimes de traitements inhumains et dégradants, ce qui découle de plusieurs paragraphes du texte. Il peut donc être logique de faire le lien explicitement avec les instruments internationaux qui interdisent les traitements inhumains et dégradants. La mention de la détention par la force est juste, c'est-à-dire que les personnes atteintes de la lèpre ne doivent pas faire l'objet de détention ou de ségrégation. L'idée est clairement exprimée, mais il faudrait adopter une formulation plus juridique, a estimé l'expert. L'idée maîtresse est que toute détention doit être pratiquée exclusivement dans un souci de santé publique ou aux fins de traitement. Aucune autre raison de mise en isolement n'est acceptable.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, s'est demandé si le Comité était entièrement au fait des questions sanitaires et sociales, ainsi que de toutes les considérations que suppose ce document. Il a notamment regretté que le texte ne fasse aucune mention des léproseries. C'est une question complexe et grave, a-t-il souligné, faisant remarquer qu'il ne s'agit pas uniquement de dire et souhaiter que chacun vive libre et jouisse de ses droits. Cela n'apporte rien au débat et ne résout rien parce que des milliers de personnes ne peuvent pas vivre autrement, parce qu'elles subissent les séquelles de la maladie, parce qu'elles sont victimes de la stigmatisation et ne peuvent entrer en contact avec le reste de la population. Qu'adviendra-t-il des léproseries qui se trouvent dans de nombreuses régions du monde, a-t-il demandé? Il a souhaité que le Comité soit au plus près de la réalité. Les léproseries sont la réalité, a-t-il insisté. Il a par ailleurs fait remarquer que les personnes touchées par la lèpre rechignent parfois à rechercher de l'aide, par peur ou par honte. Il a souligné l'importance de pouvoir compter avec un service de santé qui puisse intervenir tout de suite pour que les personnes touchées soient obligées de suivre un traitement et, ainsi, évitent de contaminer d'autres personnes.

M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert du Comité consultatif, a proposé de passer à une étape suivante de la discussion, proposant le texte suivant: «Les personnes touchés par la lèpre ou la maladie de Hansen et les membres de leur famille ne doivent être l'objet de discrimination ou privées des libertés fondamentales au motif qu'elles ont ou ont eu la lèpre ou maladie de Hansen» et encore, «Toute mise en isolement avant, pendant ou après le traitement doit être pratiquée exclusivement dans un souci de santé publique». Il a dit faire cette proposition dans le souci d'allier les droits des personnes avec les possibilités qu'auraient les services sanitaires de contraindre un éventuel patient récalcitrant à se faire soigner.

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a remis en question l'ordre des points, entre principes et directives. Les principes viennent avant les directives, mais ils sont aussi liés aux directives. Il a également plaidé pour davantage de cohérence et moins de répétition, soulignant à titre d'exemple que les différents instruments qui incorporent les droits et libertés des personnes touchées par la lèpre figurent à plusieurs reprises dans le document, dans le cadre des principes et dans le cadre des directives.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a appuyé la dernière proposition de M. Alfonso Martínez. Cela parait approprié afin de viser l'élimination d'anciennes lois et coutumes qui imposent une ségrégation des malades. La ségrégation qui viole des droits de l'homme est celle qui est une mesure discriminatoire, pas celle qui se fait par nécessité médicale.

M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert du Comité consultatif, a fait remarquer que lorsqu'on change une partie d'un texte assez long, on ne peut pas savoir quel sera l'impact pour la suite du texte. Il a en effet expliqué qu'en acceptant par exemple une proposition concernant les deuxième et troisième principes, cette décision aura à l'évidence des incidences sur la suite du texte, puisque ce sont les principes qui sont inscrits en premier. Il a par conséquent souligné l'importance d'être cohérent.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a ajouté que le Comité se devait d'examiner les détails. Les nouveaux protocoles thérapeutiques se distinguent par le fait que les malades ne se voient plus contraints à passer le reste de leur vie dans une léproserie, comme cela se pratiquait jadis. Comment assurer que les personnes guéries puissent véritablement quitter les léproseries? Faut-il les fermer et si oui, quel sera le sort réservé aux milliers de personnes qui y vivent aujourd'hui ? Ces personnes ont souvent des séquelles qui les empêchent de vivre une vie normale. Faut-il prévoir de fermer les léproseries après une phase transitoire? Dans ce cas, il faut penser à ce que l'on doit faire des personnes qui en dépendent.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, Présidente du Comité consultatif, a relevé l'importance d'être réalistes. Elle a proposé d'envisager une obligation pour l'État de soigner les personnes atteintes de la lèpre, de chercher où elles se trouvent et de les soigner. Il faudrait que le ministère de la santé de chaque pays adopte des politiques de prévention, a-t-elle ajouté.

M. SHIGEKI SAKAMOTO, expert du Comité consultatif, a déclaré son intention de réfléchir à la question en tenant dûment compte des interventions et de proposer demain une nouvelle version du texte.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a souligné que M. Sakamoto a accepté d'ajouter un paragraphe relatif aux systèmes de détection précoce. Elle a également fait remarquer que chaque jour, des nouvelles maladies infectieuses apparaissent, à l'instar de la grippe A (H1N1). Elle a souligné que ces maladies sont liées d'une manière ou d'une autre à la pauvreté, aux mauvaises conditions de vie, à l'absence de respect de l'environnement, à la qualité de l'eau. Les personnes touchées par la lèpre doivent être traitées dans le contexte de la santé publique et non comme des personnes à exclure. Mme Zulficar a rappelé que la lèpre est une maladie qui peut être traitée et que si les gouvernements font ce qu'ils ont à faire, il n'y aura plus de lèpre, ni de stigmatisation.


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