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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ACHÈVE L'EXAMEN DE RAPPORTS SUR LA DETTE ET SUR LA PAUVRETÉ

Compte rendu de séance
Il est saisi de rapports du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme

Le Conseil des droits de l'homme a achevé cet après-midi le débat interactif avec les experts indépendants chargés respectivement des effets de la dette sur les droits de l'homme et des droits de l'homme et l'extrême pauvreté, qui ont présenté ce matin leurs rapports. Il a ensuite été saisi d'une série de rapports de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et du Secrétaire général, qui ont été présentés par la Haut-Commissaire adjointe, Mme Kyung-wha Kang.

Dans le cadre du débat interactif avec les experts indépendants chargés des effets de la dette sur les droits de l'homme et des droits de l'homme et l'extrême pauvreté, des délégations ont estimé que la dette n'a pas que des défauts puisqu'elle sert, notamment, à financer des projets de développement. Des calendriers de remboursement justes et judicieux doivent certes être établis: mais dans ce contexte, la définition de «dettes illégitimes», envisagée dans l'étude de l'expert, serait problématique, selon certains. D'autres délégations ont estimé que des efforts doivent être consentis pour alléger le fardeau de la dette des pays pauvres, une démarche à caractère politique qui favorisera, en dernière analyse, le développement de tous les pays. Certains États ont appuyé l'idée de confier le mandat sur l'extrême pauvreté à un rapporteur spécial. L'étude de l'experte indépendante actuellement chargée de cette question a été largement saluée, notamment s'agissant de la question des «transferts monétaires» en faveur des plus pauvres.

M. Cephas Lumina, expert indépendant sur les effets de la dette extérieure sur la jouissance des droits de l'homme, et Mme María Magdalena Sepúlveda Carmona, experte indépendante sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté, ont présenté des conclusions à l'issue de ce débat auquel ont participé les États suivants: République tchèque (au nom de l'Union européenne), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), États-Unis, Inde, Norvège, Tunisie, Djibouti, Philippines, Sénégal, Zambie, Turquie, Émirats arabes unis (au nom du Groupe arabe), Cuba, Ghana, Bangladesh, Fédération de Russie, France, Chili, Palestine, Mexique, Brésil, Cameroun, Chine, Royaume-Uni, Pérou, Yémen, Égypte, Venezuela, Maroc et Algérie. Le Défenseur du peuple de l'Équateur et les organisations non gouvernementales suivantes se sont également exprimés: International Human Rights Association of American Minorities (au nom également de l'Association internationale des écoles de service social); Franciscain international; Centre Europe Tiers-Monde - CETIM (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; et l'Association africaine d'éducation pour le développement; Commission colombienne de juristes; Nord-Sud XXI; Mouvement international ATD Quart Monde; Mouvement indien «Tupaj Amaru»; et la Commission arabe des droits de l'homme.

Les déclarations qui ont été faites s'agissant des nombreux rapports soumis par la Haut-Commissaire et le Secrétaire général à la demande du Conseil ont porté sur un large éventail de questions. Sont intervenus dans ce cadre les représentants des pays suivants: République tchèque (au nom de l'Union européenne), Chili (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Philippines, Pakistan, Fédération de Russie, Pays-Bas et Allemagne.
Les délégations suivantes ont exercé le droit de réponse en fin de séance: Sri Lanka et Népal au sujet des rapports du Haut-Commissaire et du Secrétaire général; Colombie et Brésil au sujet des rapports des experts indépendants.


Le Conseil des droits de l'homme reprendra le débat sur les rapports du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire lundi matin à 10 heures. Il devrait par la suite entamer son débat général sur les «situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil».


Examen des rapports sur la pauvreté extrême et la dette

Dialogue interactif

MME BARBORA REPOVA (République tchèque au nom de l'Union européenne) a souligné que l'accès aux droits et libertés fondamentales pour tous sans discrimination se heurtait encore à de nombreux obstacles. S'intéressant à la question des transferts de liquidités et aux insuffisances constatées par l'experte indépendante dans ce type de programme de lutte contre la pauvreté, elle lui a demandé quels thèmes spécifiques elle envisageait de mettre en avant à l'avenir dans ses études.

M. MUHAMMAD SAEED SARWAR (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a rappelé que les études menées dans le cadre du Conseil ont démontré les liens directs entre le fardeau de la dette et l'extrême pauvreté. Certains pays endettés consacrent davantage de ressources au remboursement de la dette qu'à assurer des services de base tels que les soins de santé et l'éducation. Les programmes de transfert peuvent présenter un palliatif mais ne sauraient fournir une solution de fond à l'extrême pauvreté. Les politiques des institutions financières cherchent à faire réduire les dépenses publiques, ce qui est diamétralement opposé aux stratégies que les pays riches appliquent à eux-mêmes. Les conditionnalités cycliques imposées par les institutions financières, et surtout la Banque mondiale, constituent une véritable entrave à la mise en place de politiques novatrices. Le «deux poids, deux mesures» pèse aujourd'hui sur le système financier international, a déploré le représentant.

M. LAWRENCE RICHTER (États-Unis) a déclaré avoir pris bonne note des rapports présentés ce matin, observant que son pays a reconnu depuis longtemps les effets pernicieux de la dette. Cependant, la dette n'a pas que des défauts et sert notamment à financer des travaux liés au développement. Des calendriers de remboursement justes et judicieux doivent être établis. Dans ce contexte, la définition de «dettes illégitimes» serait problématique, a estimé le représentant. D'autre part, les droits de l'homme jouent un rôle central pour le développement économique et social des États. Le rapport de Mme Sepúlveda souligne à juste titre la nécessité de mettre en place à titre prioritaire des cadres juridiques et institutionnels propices au développement, a conclu le représentant américain.

M. SANJEEV KUMAR SINGLA (Inde) a évoqué le rapport de Mme Sepúlveda, se félicitant du rapport sur les transferts monétaires. L'éradication de la pauvreté est une priorité majeure pour l'Inde qui est en quête d'une voie juste à cet égard. Les mesures adoptées dans les domaines du développement, de la santé ou de l'éducation doivent être associées à des programmes spécifiques tels que les transferts monétaires. Mais l'Inde pense que la transparence et la reddition des comptes sont des éléments essentiels pour de tels programmes qui ne sont pas nécessairement les plus appropriés ou les plus efficaces pour éradiquer la pauvreté; il doit s'agir de programmes parmi d'autres dans la lutte contre la pauvreté. Le représentant indien a émis l'espoir en conclusion que ce rapport pourrait favoriser le dialogue entre les pays bénéficiaires et les bailleurs de fonds.

M. VEBJØRN HEINES (Norvège), a déclaré que son pays avait adopté une approche s'agissant de la dette extérieure fondée sur les droits de l'homme. La Norvège a mis en place un programme ambitieux sur l'allégement de la dette. En particulier, le pays n'enregistre pas auprès de l'OCDE les fonds utilisés pour l'annulation de la dette bilatérale en tant qu'aide publique au développement. Le pays est disposé à discuter des questions de coresponsabilité des créanciers et de dette illégitime. Le représentant norvégien a également fait valoir que son pays a unilatéralement annulé la dette encourue par certains pays sur la base des conditions de prêt. Le service de la dette pourrait être un obstacle au développement et à la réduction de la pauvreté, a rappelé le représentant, qui a souligné le succès des instruments internationaux en faveur des pays pauvres très endettés et l'Initiative multilatérale d'allégement de la dette. Toutefois, dans de nombreux pays, les méthodes traditionnelles d'allégement de la dette ne suffisent pas. Le débat sur la dette extérieure n'est pas une question de charité, mais une question d'équité et de développement durable. La Norvège est ouverte à toutes les approches contribuant à la réduction de la charge de la dette extérieure des pays en développement.

M. MOHAMED CHAGRAOUI (Tunisie) s'est félicité du rapport de l'expert indépendant sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, observant à cet égard que son pays a diversifié ses interventions avec l'intégration des catégories à revenu limité, l'amélioration des taux de scolarisation et l'éradication des habitations rudimentaires, entre autres mesures. Cette démarche a permis de réaliser une croissance avoisinant les 5% au cours des deux dernières décennies. La classe moyenne s'est confortée, représentée par 81% de la population. Le taux de pauvreté a baissé à 3,8% dans le cadre d'une politique sociale visant à associer toutes les catégories à l'effort de développement et à leur permettre de récolter ses fruits. L'action de la Tunisie pour éradiquer la pauvreté occupe toujours le premier plan des préoccupations des pouvoirs publics, a assuré le représentant.

M. AHMED MOHAMED ABRO (Djibouti) a déclaré que «soigner et guérir les pauvres, c'était guérir la pauvreté». Il a invité l'experte indépendante à explorer d'autres voies que les transferts monétaires pour combattre l'extrême pauvreté.

MME TERESA C. LEPATAN (Philippines) a exprimé son appréciation que l'experte indépendante ait su consacrer une partie de son rapport aux manières de combattre l'extrême pauvreté et ait assumé un rôle actif pour élaborer des principes directeurs sur l'extrême pauvreté et droits de l'homme. Les Philippines ont activement participé à ses consultations. Dans la situation actuelle de crise économique, il y a lieu d'attribuer plus d'importance encore à trouver des solutions aux dettes injustes et des modalités de remboursement des dettes.

M. ABDOUL WAHAB HAIDARA (Sénégal) a déclaré que la lutte contre la pauvreté était une priorité pour le Gouvernement du Sénégal. Elle fait l'objet d'un document spécifique associé à une stratégie de protection sociale, dont l'un des objectifs principaux est d'améliorer l'accès des groupes vulnérables aux mécanismes de protection sociale et de gestion des risques. Le représentant sénégalais a demandé à l'experte indépendante de bien vouloir lui faire part de son avis sur les meilleures voies et moyens susceptibles de permettre l'élargissement de la couverture sociale aux personnes qui interviennent dans l'économie non formelle.

M. GIFT MILEJI (Zambie) a annoncé que son pays avait décidé de mettre en œuvre le programme de transfert de liquidités. Il a rappelé, concernant la dette, que les pays n'avaient d'autre choix que de recourir à l'emprunt, ce qui entraîne parfois une charge trop lourde, voire insupportable, qui devient un obstacle au développement et entrave la réalisation des droits de l'homme. L'éducation et la santé pâtissent de cette situation. Même lorsqu'il y a allégement de la dette, les avantages attendus sont très limités en raison des conditions draconiennes qui sont souvent associées à cet allègement. La Zambie y a été confrontée à ce problème et n'a plus été en mesure d'embaucher des fonctionnaires, tandis que ceux qui bénéficiaient d'un poste étaient confrontés au gel de leurs salaires, alors que leurs émoluments leur permettaient tout juste de survivre. La réflexion doit donc se poursuivre à partir du constat effectué par Mme Sepúlveda, a conclu le représentant zambien.

M. ALI ONANER (Turquie) a déclaré que l'extrême pauvreté est un problème fondamental. Le transfert de liquidités, qui devrait permettre de réduire la pauvreté, est une idée intéressante. Il devrait être assorti de modalités afin d'assurer que cela bénéficie aux services de protection sociale. Il faut entre autres tenir compte des besoins spécifiques des femmes.

M. OBAID SALEM SAEED AL ZAABI (Émirats arabes unis au nom du Groupe arabe) a estimé, avec Mme Sepúlveda, que les programmes de transferts monétaires sont un moyen parmi d'autres de combattre la pauvreté extrême. D'autres mesures sont nécessaires à cette fin: la coopération internationale et le respect, par les pays les plus riches, de leurs obligations envers les autres États. Concernant l'incidence de la dette sur le respect des droits de l'homme, le représentant a souscrit aux conclusions de M. Lumina, la dette pouvant constituer un obstacle à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en particulier. Des efforts doivent être consentis pour alléger le fardeau de la dette des pays pauvres, une démarche à caractère politique qui doit en dernière analyse favoriser le développement de tous les pays.

M. RESFEL PINO ÁLVAREZ (Cuba) a jugé très inquiétants les chiffres figurant dans le rapport sur la dette. Ils ne font que confirmer le fait que la situation devient insoutenable pour les pays en développement, ne serait-ce qu'à cause de la charge de la dette. Cela ne peut qu'avoir des effets sur toutes les questions liées aux droits de l'homme, a-t-il observé. La délégation cubaine a bien lu qu'il en allait de la responsabilité de tous, créanciers comme débiteurs, à tel point qu'apparaît la notion de dette «illégitime». Concernant le rapport sur la pauvreté extrême et la question des transferts monétaires, ceux-ci ne peuvent apparaître comme des solutions de rechange à d'autres formes de coopération internationale plus ambitieuses. Il s'agit pour la délégation cubaine d'initiatives partielles et elle a demandé l'avis de l'experte indépendante sur l'impact de la crise économique et financière sur les programmes de coopération internationale visant à éradiquer la pauvreté.

MME MERCY YVONNE AMOAH (Ghana) a déclaré que comme bien d'autres pays, le Ghana n'a pas mis en place un programme formel de transfert de fonds. Mais le lien qui est démontré avec le respect des droits de l'homme soulève une question importante, qui pourrait bien influer sur la planification future du Ghana. Elle a demandé à l'expert indépendant d'approfondir sa pensée avec les liens civils et économiques, car cela est passé sous silence dans le rapport. N'y a-t-il aucun lien avec la dette, étant donné que tous les droits semblent interdépendants, a t-elle demandé?

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a déclaré que la pauvreté est une insulte à la dignité humaine. C'est la raison pour laquelle son pays appuie les mandats des deux experts indépendants. Dans ce contexte, le filet de sécurité sociale doit avoir pour objectif d'assurer une vie décente pour tous toutes les personnes. Le Bangladesh a prévu des programmes sociaux d'allègement de la dette, de logement, d'accès aux denrées alimentaires, notamment. Le résultat de ces programmes est positif, moyennant des ajustements indispensables. Le succès de ces programmes dépend des ressources à disposition, toujours insuffisantes dans les pays en voie de développement. La question de la dette occupe une dimension centrale à cet égard, surtout dans le contexte de la crise économique mondiale. C'est pourquoi l'assistance internationale est indispensable, a déclaré le représentant, se félicitant de relever que cette constatation figure dans les rapports.

M. YEVGENY USTINOV (Fédération de Russie) a souligné que les questions soulevées aujourd'hui pouvaient certainement entraver l'épanouissement des droits de l'homme, particulièrement dans les pays en développement. La crise actuelle remet en question la date de 2015 en ce qui concerne les objectifs du Millénaire pour le développement, ce qui suppose que la communauté internationale prenne des mesures concrètes pour minimiser les conséquences de cette crise, a-t-il ajouté. L'orateur a souligné que la Fédération de Russie avait augmenté le volume de son aide ces dernières années. Il s'agit aussi de tout faire pour mettre au point de nouvelles approches et de nouvelles méthodes. Ainsi, l'une des formes de cette aide consiste à prendre des mesures d'allègement de la dette, a-t-il encore expliqué.

MME VÉRONIQUE BASSO (France) a déclaré que les recommandations sur les programmes de transferts monétaires appréhendés sous l'angle des droits de l'homme constituent un guide utile, particulièrement à l'attention des gouvernements, dans l'élaboration et la mise en œuvre de programmes de transferts monétaires, afin que ceux-ci constituent une composante effective de la lutte contre l'extrême pauvreté. Cela favorisera le respect de leurs obligations par les États en matière de droits de l'homme. La représentante française a demandé à l'experte indépendante des indications sur la manière la plus appropriée d'assurer, comme elle le recommande, l'accès à l'information relative à ces programmes. Elle lui a aussi demandé ce que les États peuvent faire pour faire avancer le projet des principes directeurs sur l'extrême pauvreté, que la France soutien, par ailleurs, pleinement. La délégation française, avec d'autres États de toutes les régions du monde, portera à cette session du Conseil un projet de résolution sur la question.

M. LUCIANO PARODI (Chili) a déclaré que son pays s'est attaché à réduire l'extrême pauvreté, un défi extrême. La pauvreté a de nombreux visages, mais la pauvreté extrême touche les groupes les plus vulnérables. Il est indispensable que le Conseil reste saisi de manière permanente de ce problème sous l'angle des obligations nationales et internationales dans ce domaine. La réflexion doit porter notamment sur le rôle fondamental de la coopération internationale pour l'éradication de ce phénomène. Le Chili estime qu'il est indispensable d'approfondir cette réflexion, en particulier en créant un mandat de rapporteur spécial sur l'extrême pauvreté.

M. IMAD ZUHAIRI (Palestine) a déclaré que l'économie palestinienne avait été anéantie par la guerre de 1967 et par l'occupation qui s'est ensuivie. Les restrictions de mouvement imposées par la puissance occupante constituent la première cause de pauvreté et de crise humanitaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, a-t-il ajouté. La Banque mondiale fait elle-même un bilan similaire, aucune société ne pouvant se développer sans avoir le contrôle de ses frontières, a-t-il observé. La bande de Gaza risque de devenir le premier territoire à être réduit au sous-développement total et cela de façon délibérée, a-t-il ajouté. Le représentant palestinien a indiqué que sa délégation était profondément inquiète de l'inhumanité du blocage de Gaza. Il a demandé à l'experte indépendante pour quelle raison aucun programmes de transfert monétaire n'avait encore été mis sur pied dans le territoire palestinien occupé, en premier lieu dans la bande de Gaza.

MME VICTORIA ROMERO (Mexique) a déclaré que son pays accorde une grande importance aux programmes de transfert monétaire car ils ont un impact direct sur les droit fondamentaux tels que le droit à l'alimentation, qui concerne essentiellement les plus pauvres. Le Mexique a une certaine expérience dans les efforts menés pour rompre le cycle de la dette intergénérationnelle. Les familles participent activement à la mise en place des modalités; elles doivent en contrepartie de l'annulation de leurs dettes, s'engager à envoyer les enfants à l'école et à participer à des ateliers qui portant sur des thèmes essentiels comme l'hygiène et la santé.

M. JOAO ERNESTO CHRISTOFOLO (Brésil) a déclaré que son pays appuie les conclusions du rapport de l'expert indépendant sur la dette, estimant urgente à cet égard la réforme des institutions financières internationales. Le Brésil est favorable aux programmes de transferts monétaires, qui contribuent à réduire l'extrême pauvreté, même s'il est vrai que les États doivent également se doter d'un cadre juridique et institutionnel très solide. Le Brésil applique quant à lui, depuis 2003, un programme d'aide financière directe appelé «bolsa familia», qui contribue à l'éradication de la pauvreté extrême, notamment par la promotion de la santé et de l'éducation et par le renforcement des familles bénéficiaires. L'objectif de réduction de moitié le nombre de personnes vivant avec moins de deux dollars par jour a ainsi pu être atteint grâce à la mise en œuvre de ce programme, qui a coûté moins d'un demi pour-cent du budget national. Le Brésil est prêt à s'engager dans une coopération dans ce domaine avec d'autres pays du Sud, a conclu son représentant.

MME ANNE CHANTAL NAMA (Cameroun) a évoqué le rapport de M. Lumina, soulignant qu'il interpellait la communauté internationale quant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a indiqué que son pays s'efforçait de «consentir des dettes qui œuvrent pour son développement, à la réduction de la pauvreté et, partant, à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels». Dans le contexte actuel de crise financière, la délégation camerounaise exhorte les pays riches à «ne pas relâcher leurs efforts en faveur de l'annulation de la dette des pays pauvres car une dette excessive, comme c'est le cas d'ailleurs dans ces pays, est un véritable frein à la réalisation des droits de l'homme».

M. LUO CHENG (Chine) a déclaré appuyer les recommandations pour inscrire les programmes de transfert monétaire dans les systèmes de sécurité sociale. La Chine a lancé un programme qui s'adresse aux personnes à faible revenu dans les zones rurales. La dimension des droits de l'homme doit être intégrée dans l'examen des solutions au problème de la dette. De nombreux pays sont piégés par leurs obligations financières. Des allégements ont été consentis par la Chine à 33 pays africains, a fait valoir le représentant chinois en conclusion.

MME MELANIE HOPKINS (Royaume-Uni) a déclaré que les transferts monétaires devraient s'inscrire dans des politiques de développement plus vastes et qu'ils ne devraient pas compromettre les droits de l'homme en mettant en danger les droits de catégories spécialement vulnérables, comme les petites filles. Le Royaume-Uni estime que les crises actuelles devraient être l'occasion de mettre en place des systèmes de sécurité sociale performants. Le Royaume-Uni a consenti un financement de 200 millions de dollars à la Banque mondiale pour agir dans ce domaine au profit des pays en voie de développement. La représentante a demandé à l'experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté quelle était sa conception du degré minimal de protection sociale.

M. CARLOS SIBILLE RIVERA (Pérou) a salué le rapport de Mme Sepúlveda, le qualifiant d'excellent. Les rapports de ce type constituant des instruments utiles dans la lutte contre la pauvreté, a estimé le représentant péruvien. Il a voulu attirer l'attention sur deux points en particulier, soulignant que ces programmes de transfert devaient s'inscrire dans un cadre bien clair, être bien gérés, afin d'éviter corruption et manipulation politique; ils doivent aussi s'inscrire dans le cadre plus large d'une stratégie globale de lutte contre la pauvreté.

M. MARWAN AL-SHAMI (Yémen) a déclaré se féliciter des recommandations visant à protéger les plus vulnérables. Les pays les moins avancés souffrent particulièrement de la situation actuelle de crise économique, la banque mondiale prévoit qu'un milliard de personnes souffriront bientôt de la faim. Les pays sont d'autant plus vulnérables qu'ils manquent de ressources; ainsi, Le gouvernement du Yémen a déjà du réduire de moitié ses dépenses publiques

MME HEBA MOSTAFA RIZK (Égypte) a rappelé que les problèmes de la dette extérieure et de l'extrême pauvreté sont étroitement liés: le fardeau du service de la dette compromet en effet la capacité des pays en développement à mettre en œuvre leurs stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté. Les deux experts ont insisté à raison sur l'importance de la coopération et de l'assistance internationales dans le domaine de la réduction de la dette et de l'extrême pauvreté. Il faut insister sur les obligations des pays développés en la matière. Les rapports soumis au Conseil indiquent en outre que si les crises économique et financière sont source de problèmes, elles sont aussi riches de potentialités. Ainsi, elles devraient être l'occasion d'initier des processus de réformes de l'architecture financière internationale, en renforçant la transparence, la responsabilité et la participation. Il faut enfin observer que les pays en voie de développement sont confrontés à des difficultés dues aux mesures économiques et politiques préconisées par les institutions financières internationales.

M. ENZO BITETTO GAVILANES (Venezuela) a souligné que la pauvreté était la grande priorité du Gouvernement vénézuélien, car elle constitue une violation permanente des droits de l'homme. Le représentant a fait valoir que son gouvernement a mis en place des programmes et des politiques nationaux et internationaux dont l'objectif principal est de permettre aux secteurs les plus défavorisés de la société de parvenir à un niveau de vie décent. Il y a dix ans, plus de la moitié de la population vénézuélienne se trouvait au-dessous du niveau de pauvreté, dont la moitié en situation d'extrême pauvreté, a-t-il rappelé. Heureusement, aujourd'hui, ces chiffres appartiennent au passé, s'est-il félicité: la pauvreté atteint à l'heure actuelle 28,5%, la pauvreté extrême 8,5%, grâce à une politique sociale inclusive qui a privilégié le bien-être des plus nécessiteux. Le Venezuela a même réussi à étendre une partie de son assistance au-delà de ses frontières, a-t-il ajouté.

M. OMAR HILALE (Maroc) a souligné que l'extrême pauvreté constitue une négation des droits de l'homme. Il a ensuite donné un exemple de programme mis en œuvre au Maroc de lutte contre l'extrême pauvreté par une approche élargie. Cette initiative mise à la fois sur le développement des activités génératrices de revenus, le soutien financier aux personnes en grande vulnérabilité, le développement de l'infrastructure et l'accès à l'éducation et aux formations. L'abandon scolaire est ainsi combattu par une couverture des frais de scolarité. La stabilité des prix des produits alimentaires de base bénéficie aussi aux plus pauvres.

MME SELMA MALIKA HENDEL (Algérie) a déclaré que son pays a recours aux transferts monétaires comme moyen de réduction de la pauvreté, notamment à travers le programme de «filet social», composé d'une allocation forfaitaire, d'une indemnité pour activité d'intérêt général et de la prise en charge des cotisations de sécurité sociale, entre autres mesures. L'ensemble des transferts sociaux représente environ 20% du budget de fonctionnement de l'État. La représentante algérienne a observé que le coût ce type de programmes devient insupportable pour les pays à faible revenu, en cette période de récession. La représentante a souligné la nécessité d'assurer une assistance et une coopération internationales véritablement anticycliques.

Institutions nationales de défense des droits de l'homme et organisations non gouvernementales

MME KATHARINA ROSE (Défenseur du peuple de l'Équateur) a évoqué le nouveau cadre constitutionnel mis en place dans son pays qui vise à la fois l'amélioration du sort du pays et de sa population. Le Gouvernement a également mis l'accent sur les programmes de protection sociale, notamment par la mise en place d'une allocation de développement humain. Cela mérite d'être rappelé lorsque l'on évoque les données liées à ces questions, a-t-elle ajouté. Tout a été fait en Équateur pour optimiser les transferts de fonds en direction des secteurs les plus marginalisés de la société. Ces questions relèvent de l'autorité du «Défenseur du peuple», l'objectif étant de dépasser les systèmes d'assistance traditionnelle.

M. DAMIEN PERCY (International Human Rights Association of American Minorities, aunom également de l'Association internationale des écoles de service social) a souligné l'urgence d'éliminer la pauvreté extrême, qui est «le tueur plus impitoyable», comme le qualifiait un récent rapport des Nations Unies sur l'extrême pauvreté. Citant l'ancien président américain Jimmy Carter, il a rappelé que les citoyens des dix pays les plus riches sont désormais soixante-dix fois plus riches que les citoyens des dix pays les plus pauvres. Cette disparité est une des causes profondes de la plupart des problèmes non résolus d'aujourd'hui, notamment la famine, l'analphabétisme, la dégradation de l'environnement, les conflits violents.

MME JACQUELINE DYNAN (Franciscain international) a demandé à Mme Sepúlveda quelles mesures elle recommandait pour une meilleure intégration des droits de l'homme dans les programmes de transferts monétaires, de quelle manière les États doivent donner accès à l'information concernant ces programmes aux personnes potentiellement bénéficiaires, et enfin quels outils pratiques pourraient être mis au point par le mandat dans ce domaine?

M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe Tiers-Monde - CETIM, au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; et l'Association africaine d'éducation pour le développement) a encouragé l'expert indépendant sur la dette à poursuivre ses travaux dans le cadre qu'il s'est fixé, notamment sur la dette illégitime, sujet particulièrement pertinent. Il est urgent de procéder à des audits à l'échelle mondiale, a-t-il ajouté. L'ONU est bien placée pour procéder à une telle évaluation des responsabilités des créanciers et des débiteurs, a-t-il estimé. Les États créditeurs, autrement dit les pays développés, devraient admettre que l'inadéquation des règles financières et commerciales internationales affecte aussi leurs propres populations, a-t-il souligné.

MME ISABELLE HEYER (Commission colombienne de juristes) a déclaré que l'extrême pauvreté constitue une situation inacceptable, qui empêche les personnes à accéder aux services susceptibles de les faire sortir de leur situation. Un programme contre l'extrême pauvreté s'adressant à 700 000 personnes est actuellement en cours en Colombie. Il est projeté de l'étendre à 3 millions de personnes, mais il est douteux que la situation économique le permette. Le représentant a adressé un appel à l'ensemble des États pour qu'ils s'engagent pleinement dans des programmes d'éradication de la pauvreté dans le monde entier.

MME LILY AUROVILLIAN (Nord-Sud XXI) a demandé aux deux experts indépendants de se pencher aussi sur la manière dont les questions à traiter au sein des institutions financières s'inscrivent dans le cadre de leur mandat. Nord-Sud demande aussi que ces experts soient invités à participer à la conférence des Nations Unies sur la crise économique qui se tiendra à New York du 24 au 26 juin prochain, afin de s'y entretenir directement avec des délégations d'États et d'être en mesure ainsi de leur faire part de leurs recommandations.

M. WOUTER VAN GINNEKEN (Mouvement international ATD Quart Monde) a souligné l'extrême pertinence du rapport sur les transferts monétaires. Il s'est dit d'accord avec l'experte indépendante sur le fait que les gens en situation d'extrême pauvreté ne pouvaient pas toujours se plier aux conditions attachées à ces transferts. Cela peut être dû au fait qu'elles sont sujettes à des discriminations ou parce que les systèmes scolaires sont inadaptés pour elles. Par conséquent, si des conditions doivent être imposées, il convient que celles-ci soient définies de concert avec elles. En conclusion, l'orateur a souligné la nécessité d'identifier avec précision les populations se trouvant dans le besoin le plus extrême.

M. LÁZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a déclaré que les peuples attendent des propositions concrètes de la part des experts, afin de résoudre les problèmes qui les écrasent. Or, on ne trouve aucune analyse des effets de la mondialisation ou sur l'échec des objectifs du Millénaire pour le développement. Où sont aujourd'hui les responsables de ces désastres? Qu'en est-il des énormes transferts des ressources premières des pays du tiers mode vers les pays riches? La lutte contre la pauvreté n'est pas une question de charité, mais de survie nationale; les populations doivent progresser et être en mesure de gérer eux-mêmes leurs ressources, a-t-il ajouté.

M. ABDEL WAHAB HANI (Commission arabe des droits de l'homme) a proposé à l'expert indépendant, M. Lumina, de réfléchir à un mécanisme international de régulation, qui devrait fixer un seuil maxima de remboursement de la dette à ne pas dépasser par rapport au budget global des États et à leur produit intérieur brut, ainsi qu'un taux à ne pas dépasser entre le remboursement de la dette et les dépenses essentielles à la jouissance des droits fondamentaux, notamment à l'éducation et à la santé. Il s'agit d'une coresponsabilité internationale entre institutions et pays prêteurs et ceux contractant la dette, a estimé le représentant. Le représentant a demandé à l'experte indépendante sur l'extrême pauvreté, Mme Sepúlveda, d'accorder une importance particulière aux transferts coresponsables, assortis de l'engagement d'inscrire les enfants à l'école.

Conclusion des experts

M. CEPHAS LUMINA, expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, a rappelé que pour bien des pays en développement, le montant excessif de la dette constituait un obstacle au développement. Concernant la dette illégitime, il a indiqué qu'il comptait travailler avec la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) à ce sujet. Dans le même temps, il comptait appeler les États à élaborer des critères permettant de qualifier une dette extérieure d'illégitime. Il se propose de continuer à dialoguer avec les parties prenantes, les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international et Banque mondiale en premier lieu. Il convient de veiller à ce que celles-ci aient des pratiques responsables en matière de prêt. Lorsqu'elles ont été créées, la question des droits de l'homme n'était pas posée dans les mêmes termes qu'aujourd'hui, a-t-il rappelé. Concernant le montant total de cette dette illégitime, M. Lumina, sans vouloir s'avancer à donner une estimation, estime qu'il est considérable.

MME MARÍA MAGDALENA SEPÚLVEDA CARMONA, experte indépendante sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté, a remercié les participants pour les observations et questions qui soulignent les liens qui existent entre la dette et la lutte contre la pauvreté. Elle a aussi rappelé l'importance de la coopération internationale pour que les pays les moins avancés puissent respecter leurs engagements internationaux. Toute cette réflexion permet essentiellement d'en finir avec l'idée que les investissements dans l'infrastructure sociale et la lutte contre la pauvreté sont trop coûteux pour les pays en voie de développement. Le Brésil, par exemple consacre 1% de sont produit national brut à un vaste programme de lutte contre la pauvreté, et selon des études, un système de protection sociale universel n'a pas besoin de coûter plus de 5% du produit national brut. Elle a relevé que l'Inde, le Maroc, le Bangladesh et la Zambie, entre bien d'autres pays, ont fait part de programmes de transfert monétaire qui existent déjà dans leurs propres pays, ce qui est très encourageant. Ces programmes peuvent être fort divers et viser par exemple la lutte contre la corruption. En ce qui concerne le secteur informel, les programmes de transfert monétaire peuvent être conçus de manière à soutenir une participation communautaire. Si les programmes sont mal conçus, ils peuvent au contraire avoir des effets négatifs sur les droits civils et politiques, surtout s'ils sont manipulés politiquement. Quant à la question posée par la France, l'accès à l'information est fort important et l'experte a fait part de son intention de collaborer avec d'autres procédures et rapporteurs spéciaux pour proposer des pistes et identifier des bonnes pratiques dans ce domaine.


Examen de rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général

Documentation

Le Conseil est saisi de plusieurs rapports du Secrétaire général des Nations Unies et de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. Ces rapports ont été présentés par Mme KYUNG-WAH KANG, Haut Commissaire adjoint des Nations Unies aux droits de l'homme.

Le rapport du Haut-Commissaire sur la protection des civils dans les conflits armés (A/HRC/11/31, à paraître en français) fait part d'une consultation d'experts qui se sont réunis à Genève le 15 avril 2009 et coopération avec le Comité international de la croix rouge en conformité avec la Résolution 9/9 du Conseil des droits de l'homme. Les experts se sont penchés sur le cadre légal, soit le droit international de droits de l'homme et le droit international humanitaire, leurs liens et la mise en œuvre et le suivi de la situation des droits de l'homme dans les conflits armés. Il a été souligné que c'est une question qui a l'attention du grand public, grâce à la couverture médiatique des conflits, et que l'opinion publique exerce une forte pression sur les gouvernements pour qu'ils prennent action sur la question. Les experts ont noté que le Conseil des droits de l'homme et le Conseil de sécurité ont envoyé plusieurs missions d'établissement des faits, mais que ces missions n'ont pratiquement jamais mené à une enquête pénale internationale. Le Darfour constitue une exception en la matière. Par contre, le rôle des tribunaux internationaux, tels que le Tribunal pénal international sur le Rwanda ou tribunaux hybrides du Sierra Léone ou le Cambodge a été jugé fondamental de même que certains tribunaux nationaux d'Amérique latine. Ces derniers ont démontré leur capacité à établir les faits dans des cas de disparition forcée. Les experts étaient d'avis que les obstacles véritables à l'établissement de mécanismes fonctionnel sont à trouver dans le manque de volonté politique.

Le rapport du Haut-Commissaire sur le projet de principes directeurs «Extrême pauvreté et droits de l'homme: les droits des pauvres» (A/HRC/11/32) s'inspire et fait la synthèse de toutes les contributions recueillies au cours des deux séries de consultations de 2007 et 2008, lesquelles se sont achevées par la tenue à Genève, les 27 et 28 janvier 2009, d'un séminaire qui a rassemblé des représentants des États et des organisations de la société civile, des experts internationaux, notamment l'experte indépendante sur la question des droits de l'homme et de l'extrême pauvreté et d'autres parties prenantes. Les consultations menées ont révélé l'existence d'un large consensus quant à l'importance que revêt l'établissement de principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme. De tels principes sont susceptibles de renforcer l'application du droit international des droits de l'homme existant et de faire ainsi que le droit et la politique internationale en la matière soient en prise directe avec les besoins des personnes vivant dans l'extrême pauvreté. L'actuel projet de principes directeurs nécessite toutefois des remaniements dans plusieurs domaines. Il faudrait tout particulièrement aligner de façon plus systématique leur formulation et la terminologie qui y est utilisée sur celles du droit international des droits de l'homme. Parmi les questions appelant un complément d'examen, on citera celles de savoir jusqu'à quel degré de détail les principes directeurs doivent aller, comment établir un juste équilibre entre clarification des normes et directives pratiques, et s'il convient ou non d'aborder le problème des causes globales et structurelles de la pauvreté et, dans l'affirmative, de quelle manière. À la fin du séminaire, le Gouvernement français a fait une proposition au sujet de la suite du processus, recommandant au Conseil des droits de l'homme de charger l'experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté de procéder à une révision du projet de principes directeurs. Cette proposition a recueilli l'appui unanime des participants et l'experte indépendante s'est dite prête à assumer une telle tâche si le Conseil décidait de la lui confier.

Le résumé des travaux de l'atelier organisé en 2008 par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour promouvoir un échange de vues sur les bonnes pratiques, la valeur ajoutée et les difficultés auxquelles se heurtent les arrangements régionaux pour la promotion et la protection des droits de l'homme (A/HRC/11/3 à paraître en français) fait part de l'atelier organisé les 24 et 25 novembre 2008. L'atelier a réuni vingt-huit représentants des mécanismes régionaux et sous-régionaux, des institutions nationales des droits de l'homme, des organisations non gouvernementales et de quelques missions permanentes accréditées auprès de Nations Unies. C'était la première fois que les mécanismes régionaux étaient réunis sous l'égide du Conseil des droits de l'homme. Les participants ont répondu positivement à cette invitation et ont conclu que les commissions et tribunaux des droits de l'homme jouent un rôle inestimable pour la promotion et protection des droits de l'homme. Ils ont recommandé que le Haut commissaire désigne un point focal dont le rôle serait de faciliter la partage de l'information et la mise en réseau de ces institutions entre elles et avec le Haut commissariat et le Conseil des droits de l'homme, voire l'organisation de formations en droits de l'homme. Il a aussi été recommandé de tenir régulièrement un atelier, afin de renforcer la coopération entre les mécanismes et élaborer des stratégies pour surmonter les obstacles à la promotion et la protection de droits de l'homme.

Le rapport de la Haut-Commissaire sur l'application de la résolution 8/9 du Conseil des droits de l'homme sur la promotion du droit des peuples à la paix (A/HRC/11/38) devait être consacré à un atelier de trois jours avec deux experts de cette question; celui-ci n'a pas eu lieu pour des raisons budgétaires. Vu les priorités actuelles du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans la perspective de la Conférence d'examen de Durban et les ressources nécessaires pour financer les activités du Conseil, notamment les multiples mandats approuvés depuis 2007 sans que des crédits supplémentaires correspondants aient été prévus, le secrétariat a informé le Conseil qu'il n'avait pas été possible de réaffecter des ressources provenant d'autres secteurs pour cet événement.

Enfin, le rapport de la Haut-Commissaire sur l'intégration des femmes dans tout le système des Nations Unies (A/HRC/11/39) est à paraître. En outre, dans une note portant sur le droit au développement (A/HRC/11/33), le secrétariat informe le Conseil que le Groupe de travail sur le droit au développement présentera un rapport de sa prochaine session, qui se déroulera du 22 au 26 juin 2009, lors de la douzième session du Conseil des droits de l'homme en septembre prochain. Un rapport récapitulatif du Secrétaire général et de la Haut-Commissaire sera également présenté au Conseil à cette session.

Débat

M. TOMÁŠ HUSÁK (République tchèque au nom de l'Union européenne) a émis l'espoir que le handicap figurerait parmi les priorités des États. Concernant les discriminations et les persécutions liées à la religion, il est totalement inacceptable qu'au XXIe siècle, les femmes se heurtent à une discrimination dans le cadre des systèmes juridiques de leur État. La pleine jouissance des droits de l'homme doit encore être assurée aux enfants, ce qui implique l'accès à l'éducation, a-t-il ajouté. L'Union européenne répète que l'orientation sexuelle ne doit pas pouvoir constituer le prétexte à la limitation de la pleine jouissance des droits de l'homme. L'Union européenne rend hommage aux défenseurs des droits de l'homme dont certains sont victimes de leur engagement dans ce combat.

M. LUCIANO PARODI (Chili au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes) a déclaré que l'extrême pauvreté touche à la dignité de la personne humaine. Le Conseil des droits de l'homme n'a pas été insensible à cette question et il a opté pour une approche qui bénéficie aux plus démunis, mais peu de mesures concrètes ont été mises en place. Toutes les initiatives doivent être renforcées afin d'éradiquer ce fléau. Les transferts monétaires constituent un moyen parmi d'autres pour en venir à bout. Il s'est félicité des recommandations qui vont dans le sens de la prise en compte des catégories les plus vulnérables; enfants, femmes, migrants dans le pays de départ comme dans le pays de destination. L'extrême pauvreté est un défi de tous les moments. Les enfants des migrants et les enfants migrant seuls méritent une protection particulière. Le Comité des droits de l'enfant a souligné l'importance capitale à respecter le droit à l'éducation. Le corollaire du droit à l'éducation est la lutte contre le travail des enfants et le travail illégal. Les politiques de migration trop contraignantes ne font par ailleurs qu'aggraver la situation des migrants, a-t-il conclu.

MME ERLINDA F. BASILIO (Philippines au nom de vingt autres pays) a déclaré que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille doit être ratifiée et signée de manière prioritaire par tous les États. La représentante s'est dite préoccupée par les informations faisant état de mauvais traitements commis contre les migrants, dans les centres de détention en particulier. La représentante a aussi salué le rôle important joué par le Rapporteur spécial sur les droits des migrants.

M. MARGHOOB SALEEM BUTT (Pakistan) a souligné que le plein exercice du droit à l'autodétermination était une condition essentielle au respect de tous les autres droits et libertés fondamentales. L'orateur a souligné que la communauté internationale se devait de soutenir les luttes en faveur de ce droit sans l'assimiler au terrorisme par exemple. Ce droit est la raison d'être de l'ordre international que nous connaissons aujourd'hui. Il doit pouvoir s'exercer librement, en dehors de toute occupation étrangère, et n'est jamais caduc. Il continue d'être bafoué dans plusieurs régions du monde, en Palestine, au Jammu-et-Cachemire, malgré de multiples résolutions. La situation dans cette dernière région est une menace constante à la paix, tandis que la population continue d'être victime d'une violation massive des ses droits, selon la délégation pakistanaise. Le Pakistan est convaincu que l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Cachemire occupé faciliterait un règlement pacifique de cette question. Le Conseil des droits de l'homme doit jouer le rôle qui lui appartient pour aller dans cette direction, a-t-il conclu.

M. YEVGENY USTINOV (Fédération de Russie) a déclaré que le lien entre la dette et la pauvreté et les droits des femmes sont des questions d'actualité sur lesquelles le Conseil des droits de l'homme a réussi à attirer l'attention. De manière générale, le travail du Conseil des droits de l'homme se déroule parfaitement. Pourtant quelques ajustements sont à prévoir; ouvrir les délibérations à d'autres interlocuteurs, par exemple. L'Examen périodique universel est utile, mais il faut aussi songer à assurer une application pratique des textes adoptés. Cela renforcerait la confiance de la communauté internationale dans cet organe. Le mandat du Conseil va au-delà à celui confié initialement car on accorde aujourd'hui de plus en plus d'importance aux droits de l'homme. Il est reconnu que les droits de l'homme sont un facteur de consolidation de la société. Les valeurs traditionnelles doivent toutefois être respectées par le Conseil, a modéré le représentant russe. Les droits de l'homme peuvent en effet très bien être réalisés dans le cadre de la grande diversité des cultures du monde.

Le représentant des Pays-Bas a déclaré que son pays appuyait tous les efforts de lutte contre la discrimination sous toutes ses formes, y compris la discrimination pour motif d'orientation sexuelle. La représentante a appelé à la fin de criminalisation de l'homosexualité, rappelant que les lois de cette nature sont l'héritage de la période coloniale ou de l'apartheid. Par ailleurs, dans la pratique, il existe encore des millions de victimes de la discrimination en raison de l'ascendance. La représentante néerlandaise a aussi déploré les mesures de restriction imposées au secteur de la presse. Le Conseil se doit également de mettre les objectifs du Millénaire pour le développement au premier rang des débats et pendant l'Examen périodique universel, a conclu la représentante.

M. MICHAEL KLEPSCH (Allemagne) a souligné, s'agissant des rapports présentés par les titulaires de mandats des procédures spéciales du Conseil, que leur travail n'implique que l'on doive accepter tout ce qui est proposé par ces experts; on peut bien entendu ne pas être d'accord avec un experts. Le représentant a constaté des réactions assez vives lorsque des critiques ont été adressées à certains pays. Même s'il n'est jamais aisé d'écouter des déclarations critiques, l'Allemagne estime que l'on doit faire preuve de sérénité lorsqu'un Rapporteur spécial exprime des critiques envers un pays et ne pas brandir aussitôt le code de conduite.


Droit de réponse

M. DAYAN JAYATILLEKA (Sri Lanka) a noté, avec amusement, que certains pays européen veulent recenser l'ensemble des violations des droits de l'homme à Sri Lanka. Souvenez-vous de l'enlèvement de Ben Barka avec la complicité de personnalités de haut rang ou la torture à l'électrochoc pratiquée en Algérie par les autorités françaises, ou encore lorsque des victimes d'attentats jonchaient les rues de Londonderry, a–t-il déclaré. Sa gracieuse Majesté et le Président français devraient-ils avoir accordé le droit à des institutions de Sri Lanka de venir enquêter sur sol français ou anglais? Nous sommes sans doute plus soucieux des droits de l'homme que ce que croient certains pays. a-t-il conclu.

M. DINESH BHATTARAI (Népal) a voulu répondre à des remarques de l'Union européenne, rappelant que la situation sur le terrain avait changé et que l'accord de paix obligeait toutes les parties au conflit à œuvrer de concert pour la paix. Le Gouvernement en place est élu et il fonctionne sur la base du consensus. Une commission des droits de l'homme a été mise en place. C'est sur la toile de fond du développement des institutions que le Népal souhaite avoir une coopération ouverte et franche avec les Nations Unies.

M. ANGELINO GARZÓN (Colombie), répondant à une déclaration de la Commission colombienne de juristes, a déclaré que son pays respecte le principe de séparation des pouvoirs et ne s'oppose en rien aux poursuites engagées contre des membres de l'exécutif ou des fonctionnaires coupables de violations des droits de l'homme. Des délégués de la Cour suprême colombienne ont rencontré, dans le cadre de la Conférence de l'Organisation internationale du travail, des représentants des syndicats et de la société civile.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVÊDO (Brésil) a indiqué que son pays a collaboré de bonne foi avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, M. Philip Alston, lequel s'est entretenu avec des responsables gouvernementaux ainsi qu'avec des représentants de la société civile au cours de sa visite au Brésil. Les progrès au Brésil dans ce domaine sont réguliers et constants, a assuré la représentante, faisant part de sa surprise par l'affirmation de M. Alston, devant la presse, que les données communiquées par le Brésil ne sont pas fiables. La représentante a d'abord déploré que M. Alston ait de ce fait violé plusieurs dispositions du code de conduite des procédures spéciales. Elle a ensuite engagé le Rapporteur spéciale à se renseigner auprès de plusieurs sources dignes de foi quant à la diminution du taux d'homicides au Brésil, notamment dans l'hebdomadaire The Economist.

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Rectificatif:

Dans le compte rendu de séance du 2 juin (après-midi : HRC/09/71) la déclaration de Mme Corina Cãlugãru (République de Moldova) aurait dû se lire comme suit :

MME CORINA CÃLUGÃRU (République de Moldova) s'est félicitée de pouvoir dialoguer avec Mme Yakin Ertürk, Rapporteuse spéciale sur la question de la violence contre les femmes, suite à sa visite dans le pays. Les autorités moldaves espèrent pouvoir poursuivre ce dialogue autour d'autres mesures qui pourraient être mises en place. La femme joue un rôle important en République de Moldova, un rôle qui a beaucoup évolué dans de nombreux domaines ces dernières années, a précisé la représentante. Des femmes se trouvent désormais à des postes clés dans la société. La politique migratoire est une priorité pour le Gouvernement moldove, conformément aux bonnes pratiques édictées par la communauté internationale et dans le cadre d'un partenariat avec l'Union européenne, a déclaré la représentante. Le Ministère de l'intérieur a par ailleurs réorganisé l'an dernier son unité de lutte contre la traite des personnes, avec des résultats positifs. Un plan d'action national 2009-2015 prévoit par ailleurs une série de mesures favorables à l'égalité entre les sexes à l'échelle du pays et dans tous les secteurs: le plan prévoit notamment la mise en œuvre des recommandations de Mme Ertürk, a fait valoir la représentante moldove.


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HRC09075F