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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR
LE DROIT À L'ALIMENTATION

Compte rendu de séance
La Haut-Commissaire aux droits de l'homme fait une déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme (8 mars)

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, une réunion-débat sur le droit à l'alimentation dans le cadre du suivi de la session extraordinaire que le Conseil avait consacrée à cette question en mai 2008. En début de séance, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme a fait une déclaration à l'occasion de la Journée internationale de la femme célébrée le 8 mars de chaque année depuis 1975.

Dans cette déclaration, Mme Navi Pilay a dit vouloir célébrer, d'une part, la capacité des femmes à surmonter leurs vulnérabilités et, d'autre part, le nombre croissant d'hommes qui comprennent que la parité est à l'avantage de tous. Elle a appelé les États et les organisations internationales à œuvrer pour abolir les lois discriminatoires et les pratiques qui maintiennent les femmes dans une situation de domination. Il n'y a pas de meilleur moyen de célébrer le 8 mars que de faire des avancées réalisées jusqu'ici par certaines femmes une réalité concrète pour toutes, a-t-elle souligné.

Ouvrant ensuite la réunion-débat sur le droit à l'alimentation, Mme Pilay a souligné que le nombre de personnes qui ont souffert de la faim à cause de l'augmentation des prix est monté en flèche et que la crise alimentaire mondiale n'est pas encore terminée. Elle a fait valoir que les efforts pour la surmonter ne sauront être efficaces que s'ils se fondent sur le principe du droit de chaque être humain à une alimentation adéquate. Elle a également souhaité que les efforts de la communauté internationale se concentrent sur les couches les plus marginalisées de la société.

M. Paul Nicholson, du collectif Via Campesina, a fait remarquer que la sécurité de tous dépend du bien-être des paysans et de la viabilité de l'agriculture, puisque ce sont eux qui nourrissent le monde. Face à la crise alimentaire, il a souhaité l'élaboration de nouvelles politiques consacrant la souveraineté et les droits des consommateurs. Il a également saisi l'occasion de ce débat pour attirer l'attention sur les droits des paysans et demandé que soit élaborée une convention internationale consacrant ces droits.

Mme Andrea Carmen, de l'organisation Conseil international de traités indiens a pour sa part attiré l'attention sur les droits des peuples autochtones à la sécurité alimentaire et à l'alimentation. Elle a souligné que le droit à l'alimentation est un droit collectif qui doit être réalisé dans le respect des cultures, dans le cadre de la relation spirituelle particulière des peuples autochtones à leur «Mère Terre». Il s'agit plus généralement d'assurer le droit des peuples autochtones à l'autodétermination et le droit à conserver leur environnement, a-t-elle ajouté.

La participation de la société civile et des plus vulnérables est essentielle dans la lutte pour le droit à l'alimentation, a souligné M. David Nabarro, Coordonnateur de l'Équipe spéciale de haut niveau des Nations Unies sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire. Il a par ailleurs expliqué que les activités de la l'Équipe spéciale incluent la prise de conscience que les questions de la faim, de l'agriculture et de la sécurité alimentaire doivent être abordées de manière holistique en mettant l'accent sur les infrastructures des régions rurales et en tenant compte des changements climatiques.

Le panel était complété de M. Jean Ziegler, ancien Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, et M. Olivier De Schutter, son successeur. Face à la crise alimentaire, M. Ziegler a demandé que cesse l'endettement des pays du Sud qui entrave leur souveraineté et leur sécurité alimentaires. Il faut en outre éliminer les subsides à la production et à l'exportation, ainsi que la spéculation sur les produits de base. M. De Schutter s'est pour sa part dit persuadé que le droit à l'alimentation peut être assuré en mettant l'accent sur la dimension institutionnelle de la crise alimentaire et a fait valoir que la communauté internationale dispose des instruments juridiques nécessaires pour assurer ce droit.

Au cours de la discussion qui a suivi, les intervenants ont relevé l'importance de mettre en place un véritable partenariat mondial pour assurer la réalisation du droit à l'alimentation. Alors que la faim touche en priorité les pays en développement, une assistance de la communauté internationale est essentielle, ont-ils fait valoir. Les délégations ont notamment souhaité un meilleur accès aux nouvelles technologies, des semences plus abordables pour les paysans, une meilleure distribution des denrées alimentaires et une correction des distorsions qui affectent le commerce international. Des changements structurels sont indispensables, a reconnu M. Nabarro à la fin de la discussion.

Les représentants des pays suivants ont pris la parole au cours du débat : Cuba (au nom des pays non alignés), République tchèque (au nom de l'Union européenne), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Éthiopie, Iran, Sénégal, Chine, Chili (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes – GRULAC), Luxembourg, Népal, Bangladesh, Brésil, Philippines, Afrique du Sud, Norvège, Suisse, Indonésie, Algérie, Yémen (en son nom propre et au nom du Groupe des pays arabes).

Ont également participé au débat les représentants de Amnesty International et Centre Europe Tiers-Monde - CETIM (au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1).


Cet après-midi à 15 heures, le Conseil engagera un dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, l'experte indépendante sur l'accès à l'eau potable et la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable.


Déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme à l'occasion de la Journée internationale de la femme

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a indiqué qu'en tant que femme de couleur, elle avait fait l'expérience de la discrimination sociale, raciale et sexuelle. En célébrant la Journée internationale des femmes, je célèbre aussi, a-t-elle dit, le nombre grandissant d'hommes qui comprennent que l'égalité sexuelle profite aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Elle s'est dite consciente que de nombreux défis restaient à relever, les femmes continuant en effet de constituer la majorité des pauvres et des exclus. Elles continuent aussi, à travail égal, à être moins payées que les hommes. En outre, des politiques économiques discriminatoires exacerbent souvent le fossé entre riches et pauvres, privant les femmes de sources suffisantes de revenus. Enfin, la violence aggrave la vulnérabilité des femmes, a rappelé Mme Pillay. On parle d'une pandémie de violence domestique, a-t-elle relevé, avant de témoigner avoir vu directement l'impact de cette violence en tant que militante contre la violence domestique. En outre, tout comme la violence contre les femmes est une arme de domination au sein du foyer, elle est aussi une arme de guerre dans les conflits armés. Mme Pillay a cité comme exemple les témoignages à cet égard qu'elle avait entendus en tant que magistrat du Tribunal pénal international sur le Rwanda.

La protection du droit des femmes est particulièrement cruciale alors que la situation économique devient plus difficile, comme c'est le cas actuellement, a-t-elle souligné. Les fillettes et les femmes sont alors en effet encore plus exposées, la frustration et le désespoir augmentant la violence contre elles. Rappelant que le débat de ce matin allait porter sur le droit à l'alimentation, elle a souligné que c'est là un domaine dans lequel les femmes jouent un rôle majeur. Il ne fait aucun doute, selon elle, que les droits de l'homme, tout comme le développement et la sécurité, dépendent de la participation pleine et entière des femmes. Pour utiliser pleinement le potentiel féminin, il faut veiller à alléger leurs souffrances, mais aussi d'une manière plus profonde, à redresser l'injustice qui leur est faite s'agissant de leur contribution.

Certes, on constate certains progrès, dont témoigne la présence de femmes de plus en plus nombreuses à des postes de responsabilité, gouvernementales ou parlementaires, au sein de la justice ou du monde des affaires. De plus en plus de jeunes filles de par le monde grandissent avec une perception différente d'elles-mêmes en comparaison avec les femmes de sa propre génération. Les femmes sont fortes: elles disent non au mariage précoce, aux mutilations génitales et à la violence sexuelle; elles veulent aller à l'école et être instruites. Les États et les organisations internationales doivent les aider dans cette voie. Leur autonomisation repose sur l'abolition des lois discriminatoires et des pratiques douloureuses qui maintiennent les femmes dans une situation de domination. Leur autonomisation exige aussi leur participation active dans la vie publique, la liberté d'expression, d'association et de mouvement, ainsi que la jouissance de leurs droits à l'éducation, à l'alimentation, au logement et à la santé.

Après avoir cité des exemples - au Libéria, au Niger, en Sierra Leone - en matière de lutte pour la reconnaissance des droits fondamentaux des femmes, Mme Pillay a rappelé qu'historiquement, les Nations Unies avaient créé un espace favorable et un réseau de solidarité pour promouvoir le changement dans ce domaine. Et les mécanismes des droits de l'homme ont souvent stimulé des situations nationales amorphes. Mme Pillay a ensuite cité la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes – qui fête ses 30 ans cette année – ainsi que les initiatives de l'ancienne Commission des droits de l'homme dans les années 80. Quant au nouveau Conseil des droits de l'homme qui lui a succédé, l'examen périodique universel offre un nouvel espace important aux contributions de la société civile. Mme Pillay a exhorté toutes les femmes à pleinement se saisir des avantages de ce vecteur qui permet de canaliser leurs priorités et leurs préoccupations de premier plan. Elle a aussi espéré que le Conseil accélérerait la création d'un mécanisme renforçant l'égalité sexuelle dans les législations nationales. Elle a enfin rappelé que le Conseil de sécurité avait aussi permis de mieux comprendre la relation entre les droits des femmes et la sécurité.

En conclusion, Mme Pillay a souligné qu'il n'y avait pas de meilleur moyen de célébrer le 8 mars qu'en faisant des progrès une réalité concrète.


Réunion-débat sur le droit à l'alimentation

Présentation

MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des droits de l'homme, a déclaré qu'au lendemain de la grave crise alimentaire qui a attiré toutes les attentions l'an dernier, il est opportun que le Conseil rappelle le principe du droit à l'alimentation. Le nombre de personnes qui ont souffert de la faim à cause de l'augmentation des prix est montée en flèche de 854 à 967 millions en 2008. Bien que ces prix aient depuis quelque peu fléchis, ils restent hors de portée d'une grande partie des pauvres dans le monde. La diminution des prix a l'effet pervers de décourager les investissements dans l'agriculture et menace particulièrement les petites exploitations. La crise n'est pas encore terminée. Les efforts pour surmonter la crise alimentaire n'auront porté ses fruits que lorsqu'ils se fonderont sur le principe du droit de chaque être humain à un alimentation adéquate. Nos efforts doivent se concentrer sur les couches les plus marginalisées de la société. L'année dernière, le Conseil a consacré sa première session extraordinaire à l'impact négatif de la crise alimentaire sur la réalisation du droit à l'alimentation. Le Rapporteur spécial a depuis plaidé pour que différents instruments intègrent le principe de ce droit. Cette idée a lentement mais sûrement fait son chemin. Le cadre d'action développé par l'Équipe spéciale de haut niveau sur la crise alimentaire mondiale confère un cadre commun pour l'ensemble du système des Nations Unies, et même les institutions de Bretton Woods tiennent compte de l'aspect du droit à l'alimentation.

La Haut-Commissaire a attiré l'attention sur une réunion de haut niveau tenue à Madrid le mois dernier, au cours de laquelle les États ont été encouragés à soutenir les lignes directrices de la l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) sur le réalisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. Malheureusement, cette reconnaissance ne s'est pas concrétisée dans des efforts en faveur des personnes les plus affectées par la crise ou qui souffraient déjà de la faim avant la crise. Le sort des pauvres, des petits paysans et des familles monoparentales est particulièrement inquiétant. Il y a une véritable urgence à trouver des solutions plus durables et équitables pour ces hommes, femmes et enfants marginalisés ou victimes de discrimination, qui ont été les principales victimes de la crise. Il est également important de prendre conscience du fait que pour s'attaquer aux racines du mal, les stratégies doivent être mises en place de manière participative et qu'elles doivent prendre en compte les inégalités préexistantes. La tenue de la présente réunion débat pourrait aider à tirer les leçons du passé, afin d'éviter de refaire les erreurs et trouver de meilleures façons de prévenir des crises à répétition. Cela dépend de nous. Les piliers d'une stratégie solide seraient des institutions qui rendent des comptes, des investissements durables dans la production et la recherche agricoles, et l'autonomie des petits exploitants et des pauvres. La nourriture représente plus que des biens de consommation et l'agriculture doit obéir à des considérations autres que la rentabilité.

M. PAUL NICHOLSON (Via Campesina) a souligné que le débat de ce matin lui offrait l'occasion de mettre l'accent sur le droit à l'alimentation et sur le droit à être paysan, exploitant agricole ou pêcheur, afin que ces droits ne soient plus négligés. Il a fustigé les politiques qui accordent la priorité à des modèles de production excessive et a fait observer que les entreprises transnationales contrôlent la chaîne de production. Les produits alimentaires se retrouvent dans les mains de spéculateurs, avec pour conséquence des prix bas à la production et très élevés pour le consommateur, a-t-il expliqué. M. Nicholson a déploré la nouvelle situation de spéculation sur les ressources naturelles.

Avec la crise alimentaire, on assiste à une nouvelle phase d'accélération de ces effets aux conséquences néfastes, a expliqué le représentant de Via Campesina. Il a préconisé un changement de politiques, en mettant l'accent sur la souveraineté et les droits des consommateurs. Il a prôné la mise en place d'une politique de redistribution des terres et d'accès aux ressources. Les semences devraient être moins chères pour les paysans. Les marchés nationaux devraient être stabilisés et les grandes compagnies transnationales contrôlées de manière à ce que leurs activités soient conformes aux politiques mises en place et répondent aux intérêts du public. D'autre part, pour lutter contre l'appauvrissement rural et la faim, il faut une Convention internationale sur les droits des paysans, a proposé M. Nicholson. Il a fait remarquer que la sécurité des populations dépend du bien-être des paysans et de la viabilité de l'agriculture.

MME ANDREA CARMEN (Conseil international de traités indiens) s'est exprimée sur les droits des peuples autochtones à la sécurité alimentaire et à l'alimentation. En vertu de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nul ne saurait être privé de son droit à la subsistance. Il s'agit d'un droit collectif reposant sur le droit à la «souveraineté alimentaire», dans le respect des cultures, notamment sous l'angle de l'utilisation traditionnelle de la terre, en particulier «notre relation spirituelle particulière avec notre Mère Terre», a a-t-elle ajouté. L'autodétermination et le droit à conserver son environnement s'inscrivent dans la Déclaration des droits des peuples indigènes, a-t-elle rappelé. Mme Carmen a évoqué au passage la contribution «monumentale» de Jean Ziegler, ancien Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, qui a révélé que, proportionnellement, la faim et la malnutrition étaient beaucoup plus élevées chez les peuples autochtones. Elle a aussi mentionné le rôle clé de la Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Outre le problème des obstacles à l'accès à la terre, celui de la pollution des terres, le libre-échange et les importations alimentaires sont autant de questions clé qui ont des incidences directes en matière de prix, y compris sur les productions locales. Après avoir évoqué divers exemples sur la base d'une présentation de diapositives, dont celui des biocarburants qui ont contraint certaines populations à se déplacer, elle a appelé les Nations Unies à prendre pleinement en compte ces questions.

M. DAVID NABARRO, Coordinateur de l'Équipe spéciale de haut niveau du Secrétaire général sur la crise alimentaire mondiale, a déclaré que la crise alimentaire se manifeste par de véritables désordres en matière l'accès à l'alimentation. De nouveaux mécanismes sont maintenant mis en place pour assurer la sécurité alimentaire. Une différence est maintenant faite entre la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire, car même dans les pays protecteurs d'alimentation, les nombres de personnes mal nourries est en augmentation. Les activités concrètes de l'Équipe spéciale incluent la prise de conscience que les questions de la faim, de l'agriculture et de la sécurité alimentaire doivent être abordées de manière holistique en mettant l'accent sur les infrastructures des régions rurales et en tenant compte du changement climatique.

Tout en mettant en place une position commune, le dialogue doit être maintenu avec tout le système de la communauté internationale et tenant compte plus particulièrement des 70 pays qui rencontrent les problèmes les plus graves, a souligné M. Nabarro. Il est important que ce travail se déroule de manière transparente et qu'il soit tenu compte de la durabilité des mesures qui sont prises. La participation de la société civile, notamment les organisations de paysans et de producteurs de denrées alimentaires, est importante. Il s'agit ainsi d'un mécanisme interactif qui tient dûment compte des avis et propositions des citoyens. Il faut un grand sens des responsabilités à l'égard des plus vulnérables.

M. JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif du Conseil, a précisé qu'il intervenait en son nom propre et non pas au nom du Comité consultatif, dont le rapport sur la crise alimentaire sera présenté plus tard dans la session par le Président du Comité consultatif. M. Ziegler a rappelé que 963 millions de personnes sont gravement et en permanence sous-alimentées; selon la Banque mondiale, 106 millions de personnes de plus devraient être, cette année, jetées dans l'abîme de la sous-alimentation grave. Pour M. Ziegler, il s'agit tout d'abord de combattre l'endettement des pays du Sud qui atteint des sommes astronomiques. Il faut assurer la souveraineté alimentaire, a-t-il insisté. Il a également fustigé les subsides accordés à la production et à l'exportation par les pays développés, demandant que soit mis un terme au dumping agricole opéré quotidiennement par l'Union européenne sur les marchés extra-européens et qui détruit totalement le marché local.

M. Ziegler a par ailleurs indiqué que, selon un récent rapport de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), 37% de l'explosion des prix sur le marché mondial pour les produits de base est pur gain spéculatif. Il a conclu son intervention en demandant aux États de faire preuve de cohérence lorsqu'ils luttent pour faire respecter le droit à l'alimentation. En effet, tout en réclamant la réalisation du droit à l'alimentation dans des enceintes comme celle du Conseil des droits de l'homme, ils font exactement le contraire dans d'autres comme l'Organisation mondiale du commerce, a-t-il regretté.

M. OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a souligné en introduction que la faim n'était pas la résultante principale de la quantité de vivres disponibles mais plutôt de leur disponibilité. Le droit à l'alimentation peut être assuré en mettant l'accent sur la dimension institutionnelle de cette crise, a-t-il ajouté. Nous disposons des instruments juridiques, mais il faut comprendre les facteurs conduisant à la situation actuelle de crise. On constate ces dernières années qu'un certain nombre d'États ont mis en place les cadres juridiques permettant de garantir le droit à l'alimentation, a-t-il souligné. Les droits des travailleurs sont un sujet négligé si l'on considère que les ouvriers agricoles sont estimés à 700 millions de personnes, parmi lesquels on trouve un pourcentage important de sous alimentés. Il convient d'appliquer les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) en leur faveur. Il faut également reconnaître les droits collectifs des communautés autochtones. Le droit à la terre suppose aussi le droit d'accès à la terre: c'est un élément clé pour combattre la malnutrition, a souligné M. De Schutter. Cela suppose aussi la reconnaissance du droit à l'autodétermination qui est hypothéqué par les initiatives des sociétés transnationales.

Évoquant le modèle de la révolution verte, le Rapporteur spécial a souligné que ce modèle comportant un certain nombre d'inconvénients. Il convient donc de prendre en compte le fait que la mécanisation et les engrais chimiques permettent d'améliorer les rendements et donc le niveau de vie des paysans mais qu'il existe des alternatives telle que l'agriculture biologique. L'agriculture classique peut en effet pâtir des changements climatiques et c'est la raison pour laquelle il convient de développer des modes d'agriculture plus durables, a-t-il conclu.

Interventions de délégations

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba au nom des pays non alignés) a déclaré que la faim est une violation de la dignité humaine. La crise alimentaire mondiale constitue un sérieux défi lancé à la lutte contre la pauvreté et la faim, de même qu'elle est un défi du point de vue des efforts que doivent fournir les États pour parvenir à assurer la sécurité alimentaire et à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de malnutrition d'ici 2015, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement. La complexité de la crise exige des solutions coordonnées, polyvalentes et durables de la part de la communauté internationale. En outre, les grandes institutions financières et économiques doivent tenir compte de la dimension des droits de l'homme et ont besoin d'être réformées en profondeur afin de devenir ouvertes, équitables et non coercitives. Il est nécessaire de soutenir l'agriculture des pays en développement; les pays développés doivent mettre un terme à leurs politiques de subventions agricoles, qui constituent une distorsion du marché alimentaire, a ajouté le représentant cubain. Aussi, serait-il bon de s'interroger sur les changements structurels qui s'avèreraient nécessaires pour empêcher la répétition des crises alimentaires, ainsi que sur l'impact du droit au développement sur la capacité des pays en développement à faire face aux crises alimentaire à l'avenir ?

M. TOMÁŠ HUSÁK (République tchèque au nom de l'Union européenne) a fait remarquer que si le «pic» de la hausse des prix alimentaires mondiaux est maintenant passé, la sécurité de millions de personnes n'en demeure pas moins précaire. Il est urgent de trouver des solutions, a-t-il souligné. Il a demandé à M. Nabarro comment l'Équipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire intègre une perspective sexospécifique et le principe de non-discrimination dans l'élaboration de son plan d'action. À Mme Carmen, il a demandé quelles mesures pourraient être prises aux niveaux national et international afin de permettre aux groupes vulnérables de faire entendre leurs voix dans la résolution des problèmes liés à la crise alimentaire. Enfin, il a souhaité connaître, de l'avis de M. Nicholson, les effets éventuels de la crise alimentaire sur la liberté de réunion et d'association.

M. IMRAN AHMED SIDDIQUI (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a fait observer que la crise alimentaire menaçait en premier lieu les plus vulnérables. Les stocks de céréales, de riz et de blé, entre autres, sont en train de fondre dramatiquement et l'on assiste à des émeutes de la faim, a-t-il souligné. Il convient donc de poser le bon diagnostic pour connaître les causes de cette crise, au nombre desquelles figurent la baisse des rendements et la volatilité financière internationale. L'une des possibilités de solution qu'il convient d'explorer consiste à limiter la volatilité des prix sur les marchés internationaux, a-t-il ajouté. L'OCI réaffirme que le défi immédiat est d'aider ceux qui sont le plus directement touchés; toute passivité ou réaction inappropriée constitue une violation du droit à l'alimentation.

M. ALLEHONE MULUGETA ABEBE (Éthiopie) a souligné la nécessité de trouver des solutions plus globales et des réponses collectives à la crise alimentaire. Il a rappelé que son pays lutte depuis de nombreuses années contre l'insécurité alimentaire. L'Éthiopie a été pionnière du point de vue des efforts qu'elle a consentis pour parvenir à réaliser la sécurité alimentaire, a-t-il poursuivi. L'Éthiopie s'est efforcée de distribuer des terres arables et des outils aux pauvres, a-t-il notamment fait valoir. Mais les résultats sont à présent compromis par la crise alimentaire; aussi, les bailleurs de fonds doivent-ils tenir compte des conséquences de la crise alimentaire. Le Gouvernement éthiopien a dû importer des denrées alimentaires et réduire, voire éliminer, les taxes sur certaines denrées, a indiqué le représentant. L'Éthiopie lance un appel à la communauté internationale pour qu'elle s'investisse afin de trouver des solutions durables à la crise alimentaire.

M. ASADOLLAH ESHRAGH JAHROMI (Iran) a souligné que la crise alimentaire entrave la réalisation du droit à l'alimentation partout dans le monde et en particulier dans les pays en développement et les pays les moins avancés. Il a fait observer que 60% des personnes en situation d'insécurité alimentaire se trouvent en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Il s'est dit persuadé que la réalisation du droit à l'alimentation passe par la coopération internationale. Dans cette perspective, il s'est félicité du nouveau partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation. Il a souligné que les États devraient soutenir ceux qui ont besoin d'assistance. Il a également rappelé que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énonce ce droit à ne pas souffrir de la faim. Il faut que les États améliorent les méthodes de production, de conservation et de distribution des denrées alimentaires pour en assurer une distribution équitable. Le représentant iranien a conclu son intervention en demandant aux États de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la réalisation du droit à l'alimentation.

MME MAIANE SY (Sénégal) a souligné que l'accès à une alimentation «adéquate» figurait parmi les préoccupations premières des États africains. Au Sénégal, une attention particulière a été accordée à l'accès des femmes à la terre et au crédit, la parité étant un des meilleurs moyens d'assurer la jouissance au droit à l'alimentation. Il convient de répondre aux défis du changement climatique, qui ne sont pas sans conséquence sur le droit à l'alimentation de franges importantes de la population. La représentante du Sénégal a félicité M. De Schutter pour la façon dont il exerce son mandat.

M. LUO CHENG (Chine) a exprimé son inquiétude face à la crise alimentaire, qui n'est pas passée et s'avère plus grave que la crise financière. En effet, il faut tenir compte du changement climatique qui, du fait de ses conséquences sur l'agriculture et la production des denrées alimentaires, viendra encore aggraver l'impact de la crise. Les groupes les plus pauvres, parmi lesquels de nombreuses femmes et enfants, sont particulièrement menacés. Force est de constater que les pays en développement ont de plus en plus de mal à nourrir leurs populations. Il faut donc espérer que les pays développés leur apporteront tout leur soutien.

M. CARLOS PORTALES (Chili au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes – GRULAC) s'est dit convaincu que toute discussion sur le droit à l'alimentation doit se baser sur la reconnaissance, pour tous, du caractère fondamental de ce droit. Les États doivent déployer des efforts individuels et collectifs pour protéger et promouvoir ce droit, a-t-il souligné. Il a fait remarquer que la faim a toujours affecté l'humanité, alors que suffisamment d'aliments sont produits pour nourrir tout le monde. Il faut trouver des solutions, a-t-il insisté. Parmi les obstacles à la réalisation du droit à l'alimentation, il a notamment cité les changements climatiques, la dégradation de l'environnement, l'impact de la spéculation financière et les pratiques protectionnistes et de subventions agricoles. La communauté internationale, a-t-il rappelé, a la responsabilité de faciliter l'accès aux denrées alimentaires. Dans cette perspective, il a estimé urgent de prendre des mesures concertées pour jeter les bases de solution durable, en apportant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables.

M. JEAN FEYDER (Luxembourg) a souligné l'importance du rôle que doivent jouer la société civile et les associations paysannes dans l'élaboration de stratégies alimentaires. Il a donc demandé à M. Nabarro son avis quant à l'opportunité, lors de futures conférences sur la crise alimentaire, d'associer pleinement des représentants de la société civile et des organisations paysannes. L'ONU est-elle disposée à recommander la révision des programmes d'ajustement structurel dont le rôle négatif a souvent été évoqué. L'exercice du droit à l'alimentation repose sur l'augmentation du pouvoir d'achat, a en outre souligné le représentant luxembourgeois, insistant sur l'importance, à cette fin, de disposer de prix stables et rémunérateurs pour les produits de la terre. Il a donc souhaité savoir si l'ONU reconnaissait l'importance de ce problème de volatilité des prix, qui est de nature à décourager de nouveaux investissements. Quelles politiques et quelles mesures l'ONU propose-t-elle pour résoudre ce problème crucial ?

M. CLEMENS F. J. BOONEKAMP (Organisation mondiale du commerce) a déclaré qu'il n'y a pas de divergences, même pas de nuances, sur les grands principes, mais seulement sur les domaines où mettre l'accent. L'un des choix pour une stratégie de lutte contre la crise alimentaire peut être de promouvoir l'autosuffisance alimentaire, mais celle-ci peut aussi avoir des conséquences néfastes pour le pays concerné, a-t-il souligné. Le commerce peut au contraire apporter des solutions; non pas le commerce pour le plaisir de faire du commerce, mais le commerce en tant que moyen d'apporter des compléments nécessaires à la production de chaque pays. Le commerce fait partie des réponses pour assurer la sécurité alimentaire pour tous, a insisté le représentant de l'OMC.

M. DINESH BHATTARAI (Népal) a fait remarquer que la réalisation du droit à l'alimentation reste un défi commun lancé à l'humanité. Il a fait remarquer que la faim provoque privations, marginalisation, isolement et conflits. Il a aussi rappelé que la pauvreté et la faim sont à 70% rurales et féminines. Relevant l'importance du concept de souveraineté alimentaire, le représentant a expliqué que ce concept a été incorporé dans la Constitution provisoire du Népal. Il a insisté sur l'importance de développer une stratégie générale qui s'appuie sur les infrastructures et sur l'introduction de nouvelles technologies; il convient également de rectifier les distorsions qui affectent les marchés internationaux.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a souligné le rôle fondamental du droit à l'alimentation alors qu'une personne sur six n'a pas suffisamment à manger - une proportion qui ne cesse de croître. Nous vivons sur une planète dont les ressources et les terres arables sont limitées, a-t-il rappelé. Des mesures s'imposent donc d'autant plus que certaines initiatives telles que la production de biocarburants menacent la disponibilité de produits alimentaires, a-t-il fait observer. Il a souligné que, face à la crise alimentaire, les responsabilités n'étaient pas uniquement nationales et reposaient aussi sur des acteurs non étatiques et internationaux.

M. ALEXANDRE GUIDO LOPES PAROLA (Brésil) a souligné que la promotion du droit à l'alimentation fait partie intégrante de la politique du Brésil. Il a rappelé que des réformes agraires ont été lancées par le Président Lula et ont sauvé des centaines de milliers de personnes sans terres. Le marché des hydrocarbures n'a fait qu'aggraver la crise alimentaire, a-t-il ajouté. Les causes historiques de la crise proviennent des difficultés persistantes qu'ont rencontrées les pays producteurs à se voir payer convenablement leur production de denrées alimentaires. Les blocages venaient de la part des pays développés, a insisté le représentant brésilien. La libéralisation du commerce et le cycle de Doha pourraient représenter une solution pour le commerce des denrées alimentaires, a-t-il déclaré. Un système plus juste doit prévaloir, a-t-il ajouté. Il serait bon de revenir sur le rapport du professeur Ziegler, qui avait identifié les subventions agricoles comme étant l'une des principales sources de distorsion.

M. JESUS ENRIQUE GARCIA (Philippines) a expliqué que son pays accorde une attention particulière à la réalisation du droit à l'alimentation, 35% de la main-d'œuvre du pays étant employée dans le secteur agricole et 20% du PIB provenant de ce secteur. Il faut faire davantage pour améliorer les technologies et les mettre à disposition des groupes vulnérables, a-t-il souligné. Il a par ailleurs souhaité connaître les effets de la crise financière sur la crise alimentaire. Il s'est demandé si la situation économique n'offrirait pas l'occasion de réformer les systèmes agricoles et d'améliorer la productivité et la distribution des denrées alimentaires dans les pays en développement. Il a également souhaité savoir quelles initiatives le secteur privé pourrait élaborer pour mieux promouvoir le droit à l'alimentation. Enfin, il a estimé que l'identification et le partage des bonnes pratiques pourraient être les prochaines étapes de la discussion sur le droit à l'alimentation au sein du Conseil.

MME GLAUDINE J. MTSHALI (Afrique du Sud) a rappelé que la Proclamation de Téhéran de 1968 affirmait que les droits de l'homme et les libertés fondamentales étant indivisibles, la jouissance complète des droits civils et politiques est impossible sans celle des droits économiques, sociaux et culturels. Le mandat du Conseil de contribuer positivement à la réalisation du droit à l'alimentation au coeur de la crise alimentaire mondiale actuelle doit être réaffirmé. La crise financière et économique mondiale qui s'ajoute à la crise alimentaire présente de nombreux défis et obstacles à la jouissance des droits économiques, sociaux et politiques. Les effets catastrophiques de la crise financière et économique ont pesé sur les efforts visant à atténuer l'effet négatif de la crise alimentaire mondiale. La représentante sud-africaine s'est dite très préoccupée par l'impact de ces crises sur les plus pauvres du monde, en particulier les groupes les plus vulnérables. L'Afrique du Sud travaillera avec le Conseil des droits de l'homme afin de veiller à ce que tous les efforts concrets entrepris contribuent à la réalisation du premier objectif du Millénaire pour le développement, visant à éliminer l'extrême pauvreté et la faim.

M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a déclaré qu'il est important d'aborder les questions systémiques, mais que le Conseil ne sera crédible que s'il décide de souligner que certains États violent délibérément le droit à l'alimentation. La situation est particulièrement grave au Darfour où des organisations non gouvernementales ont été expulsées, ce qui laisse sans assistance alimentaire plus d'un million de personnes qui risquent mourir de faim. Amnesty international en appelle au Gouvernement du Soudan pour qu'il revienne sur sa décision.

M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe Tiers-Monde - CETIM, au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1) a fait remarquer que les causes de la crise alimentaire, tout comme les principales victimes, sont bien connues. Il a souligné que cette crise entrave la réalisation des droits les plus fondamentaux comme le droit à la vie. Faisant observer que les règles du commerce international favorisent la loi du plus fort, le représentant a déploré que les paysans ne maîtrisent plus le processus de production et de commercialisation de leurs produits. En outre, les politiques de la plupart des États ne font que renforcer cette situation, au détriment de la souveraineté alimentaire des peuples. Dans ce contexte, le représentant a estimé que la proposition du Comité consultatif de mener une étude sur les droits des paysans doit être soutenue par le Conseil des droits de l'homme. Cette étude, a-t-il précisé, est indispensable et constitue une réponse adéquate à la crise alimentaire et à la crise financière qui lui a emboîté le pas. Il est temps de mettre fin à cette oppression car les paysans sont notre origine, mais aussi notre avenir, a-t-il souligné.

Réponses des panélistes

M. NICHOLSON a noté que l'alimentation était une donnée locale et régionale et c'est la raison pour laquelle il convient d'adopter un nouveau paradigme en matière de développement, celui-ci devant reposer sur les échelons de base de la société. Les politiques agricoles doivent en effet être définies au niveau le plus local possible, selon lui. Aujourd'hui, on assiste à une chute des cours alors que les consommateurs payent de plus en plus cher de leur côté. Il est craindre que la situation continue de s'aggraver alors que les coûts de production augmentent pour leur part, a-t-il averti. Il a souligné le hiatus entre agricultures industrielle et familiale. Les politiques définies par les États doivent répondre directement aux besoins locaux, ce qui suppose qu'une convention internationale des droits des paysans soit reconnue somme fondamentale par tous les acteurs, a conclu M. Nicholson.

MME CARMEN a réagi aux questions concernant les moyens de protéger les plus vulnérables, dont les peuples autochtones. Elle a rappelé que les deux Pactes internationaux parlent du droit à la subsistance. Un cadre minimal a aussi été mis en place par la Déclaration des droits des peuples autochtones, lequel oblige les États à respecter les terres et les ressources naturelles des autochtones. Il est important d'établir des partenariats pour faire respecter ces dispositions. En outre, les États ont l'obligation d'évaluer l'observation des droits des peuples autochtones par les grandes sociétés qui se trouvent sur leur sol.

M. NABARRO a rappelé que le Secrétaire général s'est engagé à faire rapport à l'Assemblée générale sur la crise alimentaire. Nombre des questions posées aujourd'hui sont couvertes par ce rapport, a-t-il précisé. Face à la crise alimentaire, des changements structurels sont indispensables, a-t-il reconnu. À la délégation de la République tchèque, il a estimé que la question de la sexospécificité a sa place dans l'action de l'Équipe spéciale. L'aide au développement dans le domaine de l'agriculture, devrait effectivement être accrue, a-t-il également reconnu, ainsi que le soulignait le représentant du Pakistan. L'Équipe spéciale se penche sur les problèmes posés par la volatilité des prix, a-t-il par ailleurs indiqué en réponse à une question. Enfin, il a tenu à préciser que la préoccupation des membres de l'Équipe spéciale est de s'assurer que personne ne soit privé d'aide alimentaire.

M. ZIEGLER a répondu à une délégation en réitérant qu'il y avait une contradiction entre les recommandations du Conseil des droits de l'homme et la politique promue par l'Organisation mondiale du commerce. S'il est exact que cette dernière s'oppose aux subventions agricoles, le problème reste entier face au blocage du cycle de Doha, ce qui signifie que ces subventions à l'exportation et le dumping agricole se poursuivent. Il y a donc une contradiction absolue entre le droit à l'alimentation et le déversement des produits agricoles sur le Sud. J'ai raison et vous avez tort, a-t-il ajouté, en s'excusant d'être aussi direct. M. Ziegler a ensuite souligné que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) avait demandé à ce que les trois principales céréales (blé, riz, maïs) deviennent des biens publics afin de stabiliser les cours mondiaux. Il s'agit d'une idée très ancienne promue en son temps par des chefs d'État comme Houari Boumediène ou Fidel Castro, ainsi que par Ernesto Che Guevara, ce dernier s'étant exprimé en ce sens ici même à Genève, a-t-il rappelé. La solution que la CNUCED propose est la seule permettant de stabiliser les prix à un niveau acceptable par la majorité des consommateurs, selon M. Ziegler.

M. DE SCHUTTER a souligné, s'agissant de la question des réformes structurelles, que le système actuel d'échange des denrées alimentaires est parfaitement inacceptable et qu'il doit y être mis un terme. Les bénéfices doivent être reversés à tous, jusqu'au plus petit producteur. Il est aussi urgent de réfléchir à la manière de lutter contre la volatilité des prix, qui risque s'aggraver a cause du changement climatique. Aujourd'hui, les petits agriculteurs achètent les intrants au prix de détail et vendent leur production au prix de gros. Il y a un décalage total entre les prix que paient les consommateurs en bout de chaîne et les revenus que reçoivent les producteurs. En outre, il doit y avoir des structures capables de pallier les chocs tel que les aléas climatiques, d'autant plus que la prévisibilité de la production deviendra prochainement encore plus précaire du fait du changement climatique

Observations et questions complémentaires des délégations

M. SVEIN MICHELSEN (Norvège) a souligné l'importance du droit à l'alimentation dans un contexte de coopération pour le développement, car cette approche redéfinit la relation entre donateur et partenaire. L'aide liée à l'alimentation doit donc s'assurer que c'est le partenaire qui est «assis dans le siège du conducteur». Les gouvernements doivent en effet pouvoir dresser des plans et appliquer leur propre politique. Le Gouvernement norvégien, avec son nouveau Livre blanc sur le développement international, a mis l'accent sur l'assistance liée aux problèmes climatiques, ainsi que sur le développement agricole. Il est important enfin que la Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dispose des ressources adéquates si l'on veut pouvoir faire respecter le droit à l'alimentation, a-t-il conclu.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a attiré l'attention sur les nombreuses démarches entreprises par les États et les organisations internationales en faveur de la promotion de la sécurité alimentaire. Face à la crise alimentaire et financière, la représentante suisse a insisté pour que les mesures prises en vue de redresser la situation tiennent compte de la situation des femmes qui, a-t-elle rappelé, sont les premières touchées. Le cas des femmes en milieu rural mérite une attention particulière, a-t-elle ajouté. Il convient en outre d'inscrire les engagements dans la durée. Le droit à l'alimentation doit être intégré dans les actions et discussions relatives à la crise alimentaire, a souligné la représentante suisse. Elle a ajouté que son pays partage les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial concernant les effets des changements climatiques sur la production alimentaire. Reconnaissant que l'usage de la terre et l'accès à la terre jouent un rôle important dans la réalisation du droit à l'alimentation et des autres droits de l'homme, elle s'est demandée si une collaboration autour de cette problématique était envisagée entre le Rapporteur spécial et d'autres institutions concernées.

M. MOHAMMAD ATHO MUDZHAR (Indonésie) a déclaré que le problème de la malnutrition et de la faim provient aussi des inégalités sociales et que les efforts déployés pour que tous mangent à leur faim doit tenir compte des aspects sociaux. Les politiques nationales et internationales doivent viser à créer de l'emploi et tenir compte des aspects environnementaux, a-t-il ajouté. Se référant à certaines tentatives de production d'énergie, il a souligné que certaines initiatives ont eu des effets néfastes sur l'inflation et l'accès à l'alimentation. Il est urgent que les pays donateurs fournissent davantage d'aide alimentaire, a-t-il ajouté. Par ailleurs, il convient de respecter le droit des pays récepteurs à s'approprier les politiques de développement.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a regretté qu'un pas en arrière ait eu lieu dans la lutte contre la faim, les engagements ayant été revus à la baisse, ce qui a mis de côté 710 millions de personnes supplémentaires. Par ce recul, ne sommes-nous pas en train de violer nos engagements, s'est-il interrogé? M. Jazaïry a rappelé que le droit d'accès à l'eau s'inscrivait dans le droit à l'alimentation, mettant en cause les importants détournements de ressources effectués pour certaines cultures. Il a aussi évoqué les problèmes de pollution, ainsi que le niveau des prix, mettant aussi en cause les spéculations du secteur agroalimentaire qui prédominent et prennent en otage le droit à l'alimentation.

M. IBRAHIM SAIED MOHAMED AL-ADOOFI (Yémen au nom du Groupe des pays arabes) a fait observer que le droit à l'alimentation est l'un des droits de l'homme les plus importants. Il a souligné que la crise alimentaire, dont les effets se font encore sentir aujourd'hui, n'est ni la première, ni la dernière et qu'elle est le résultat d'une longue série de pratiques négatives dans les secteurs économique et financier. Le représentant yéménite a fait remarquer que les pays les moins avancés et les pays en développement sont les plus touchés par cette crise. La réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement est de plus en plus hors de portée, a-t-il déploré. Dans ce contexte, la coopération internationale est aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour relever tous ces défis, a-t-il souligné. Il a ensuite attiré l'attention sur les difficultés rencontrées par les pays qui dépendent fortement du secteur agricole, comme c'est le cas de nombreux pays arabes; leur développement économique se trouve entravé et ils peinent à sortir de leur dépendance à l'égard des pays avancés pour ce qui est de se procurer des produits de première nécessité. Les mécanismes du marché sont impitoyables alors que, pendant qu'ils opèrent, des personnes meurent de faim. Peu de choses ont été faites pour résoudre ces problèmes, a déploré le représentant yéménite, priant la communauté internationale de jouer son rôle pour assurer la réalisation du droit à l'alimentation.

M. IBRAHIM SAIED MOHAMED AL-ADOOFI (Yémen) a jugé riche en propositions le rapport présenté au Conseil par M. De Schutter. Il faut que les donateurs comme les récipiendaires de l'aide honorent leurs engagements, a-t-il ajouté. Alors que peu nombreux sont ceux qui ont bénéficié du commerce international, tous pâtissent des effets de la crise, a souligné le représentant yéménite; les pays pauvres qui ne sont pour rien dans la crise financière paient aujourd'hui le plus lourd tribut à cette crise. Le Yémen a adressé une invitation à M. De Schutter afin qu'il effectue une visite dans le pays et fournisse des conseils quant aux mesures qui seraient nécessaires pour que la sécurité alimentaire du pays soit assurée.

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1Déclaration conjointe: Centre Europe Tiers-Monde (CETIM); Association africaine d'éducation pour le développement; Association internationale des juristes démocrates; Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques (FIMARC); Fédération syndicale mondiale; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté et Pour le droit a se nourrir - (FIAN) .


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