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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: ALORS QUE LA CONJONCTURE SEMBLE PLUS FAVORABLE, LE CHILI, L'ITALIE ET L'UNION EUROPÉENNE APPELLENT À LA RELANCE DES NÉGOCIATIONS SUR LE DÉSARMEMENT

Compte rendu de séance

La Conférence sur le désarmement a entendu ce matin les Vice-Ministres des affaires étrangères du Chili et de l'Italie, ainsi que le représentant de la République tchèque qui s'exprimait au nom de l'Union européenne.

Les trois orateurs ont souligné que le contexte international était actuellement favorable à une relance des négociations sur le désarmement nucléaire. Tous trois ont en effet souligné les ouvertures en ce sens faites par les États-Unis depuis l'élection du Président Barack Obama, notamment s'agissant du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. En outre, ce signe positif donné par les États-Unis inciterait les pays qui l'ont signé mais ne l'ont pas non plus ratifié à le faire. L'Italie en particulier, par la voix de son Vice-Ministre des affaires étrangères, souhaite voir entrer rapidement en vigueur cet instrument et demande aux États qui ne l'ont pas encore fait d'adhérer à ce traité ou de le ratifier. La communauté internationale doit aussi mettre à profit la dynamique actuelle pour s'atteler à la négociation d'un traité qui interdirait la production de matières fissiles à des fins militaires, ont souligné les trois orateurs. L'Italie se félicite en particulier des déclarations récentes sur la reprise des négociations sur la réduction des armements nucléaires entre les États-Unis et la Russie.

L'Union européenne accorde la priorité à cette dernière question et estime que la situation est mûre pour l'ouverture de négociations, a indiqué la République tchèque. En attendant, elle propose un moratoire immédiat sur la production de matières fissiles. Pour l'Union européenne, l'interdiction des matières fissiles serait le meilleur moyen d'avancer en direction du désarmement nucléaire et de la non-prolifération.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères du Chili a souligné qu'après des années d'immobilisme, une certaine dynamique internationale semblait à nouveau à l'œuvre, même si des menaces nouvelles se font jour vingt ans après la fin de la guerre froide. «Les armes nucléaires, comme toutes les armes, ont été conçues pour être utilisées et nous pêcherions par arrogance si nous estimions que la rationalité humaine empêchera leur utilisation», a-t-il mis en garde. Il a évoqué un «veto de fait» qui a donné lieu à une paralysie totale des négociations sur le désarmement jusqu'à présent. «L'heure est venue de chercher et de parvenir à des résultats. La conjoncture est propice, profitons-en», a-t-il conclu.


La prochaine réunion plénière publique de la Conférence du désarmement aura lieu jeudi 5 mars prochain, à 10 heures.


Déclarations

M. ALBERTO VAN KLAVEREN, Vice-Ministre des affaires étrangères du Chili, a souligné qu'après des années d'immobilisme, une certaine dynamique internationale semblait à nouveau à l'œuvre. Il a souligné que c'était la première fois depuis son admission en 1996 que le Chili était représenté aux débats à un niveau politique élevé. Nous avons voulu le faire alors que la conjoncture internationale semble favorable, a-t-il reconnu. Évoquant les crises financière, alimentaire, énergétique, ainsi que le changement climatique, M. van Klaveren a souligné que ces sujets nécessitaient de canaliser toutes les ressources disponibles vers la relance des économies et une réponse adéquate aux besoins sociaux. Il a rappelé que le sommet de 2005 des Nations Unies avait établi que la paix et la sécurité, le développement et les droits de l'homme étaient les trois piliers sur lesquels devait reposer l'action de la communauté internationale. Cela signifie que le fait de faire progresser la question du désarmement et du contrôle des armements peut contribuer à atténuer les crises actuelles. La paix sociale est en effet la condition de la gouvernance et de l'absence de sources de conflit.

Le Chili rappelle que le chapitre du désarmement nucléaire est le plus important et que sa mise en œuvre est essentielle pour parvenir à un niveau minimal d'armement. C'est la raison pour laquelle son pays est partie aux principaux instruments internationaux ayant trait à ces questions. Le Chili est encouragé par les propos récents tenus dans la même enceinte par des représentants des grandes puissances visant à revitaliser la question du désarmement nucléaire. M. van Klaveren s'est félicité en particulier de la disposition que semble montrer le président américain Barack Obama pour ratifier le Traité d'interdiction des essais nucléaires et la nouvelle souplesse affichée par l'administration américaine à remettre à l'ordre du jour la négociation d'un traité sur l'interdiction de la production des matières fissiles à des fins militaires qui serait doté d'un régime de vérification.

Aujourd'hui, il est crucial d'œuvrer de manière résolue à renforcer la lutte contre la prolifération nucléaire, a poursuivi le Vice-Ministre chilien. La Conférence d'examen de 2010 constituera un test de la détermination des acteurs clés. La ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, que nous espérons tous de la part des États-Unis, peut permettre une entrée en vigueur rapide de cet instrument, a souligné l'orateur. Il est nécessaire aussi de commencer dans cette enceinte à négocier l'interdiction des matériaux fissiles à des fins militaires. Elle rendrait crédibles les affirmations des autres États possédant des armes nucléaires selon lesquelles ils veulent en priorité l'élimination de ces armes. Le Chili espère que l'assouplissement de la position des États-Unis permettra d'ouvrir des discussions susceptibles d'aboutir à un traité.

Le désarmement nucléaire et la non-prolifération sont les deux faces d'une même pièce, et il convient de n'en négliger aucune des deux, sans perdre de vue que l'objectif ultime est l'élimination complète des armes nucléaires, a souligné le Vice-Ministre. Il n'y a pas une bonne et une mauvaise prolifération, toute prolifération est mauvaise car toutes les armes nucléaires génèrent des risques inacceptables pour la sécurité internationale, a-t-il rappelé. Deux décennies après la fin de la guerre froide, nous constatons que les sources de conflit semblent renaître de leurs cendres. Les armes nucléaires, comme toutes les armes, ont été conçues pour être utilisées et nous pêcherions par arrogance si nous estimions que la rationalité humaine empêchera leur utilisation, a-t-il mis en garde. Nous avons besoin du leadership et de l'engagement des grandes puissances dont les intérêts en matière de sécurité semblent protégés par la règle du consensus, a-t-il ajouté, regrettant une sorte de veto de fait qui a donné lieu à une paralysie totale. S'il n'en avait pas été ainsi, les Conventions d'Ottawa et d'Oslo eurent pu être négociées à Genève, a-t-il remarqué. Une chose est la sauvegarde des intérêts de sécurité qui exigent le consensus pour entrer dans la phase finale d'une négociation de désarmement, et une autre tout à fait différente le blocage de l'ouverture de ladite négociation ou le simple établissement de l'organisme subsidiaire qui lui servira de cadre, a-t-il lancé. Une telle interprétation étroite de la règle du consensus a contribué à la paralysie de la Conférence, selon le Chili.

Tous les États, quel que soit leur poids, ont une part de responsabilité dans la sécurité internationale qui est indivisible, a poursuivi le Vice-Ministre chilien. La décennie actuelle qui s'achève montre que même une superpuissance ne peut protéger efficacement ses intérêts en agissant de manière unilatérale. Nous avons tous besoin les uns des autres. C'est la raison pour laquelle il convient d'introduire une plus grande démocratie dans les procédures de la Conférence du désarmement, qui doit être rénovée et élargie, le Chili soutenant toutes les initiatives en ce sens. Cette rénovation suppose le soutien de la société civile, ce qui suppose aussi une bonne politique de communication et d'information en direction de l'opinion publique. L'heure est venue de chercher et de parvenir à des résultats. La conjoncture est propice, profitons-en, a-t-il lancé. Si les grandes puissances sont les premières concernées, les puissances émergentes le sont tout autant, a-t-il conclu.

M. VINCENZO SCOTTI, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Italie, a souligné que le désarmement nucléaire était une priorité de la communauté internationale et que l'Italie, en tant que président du Groupe des huit, se réjouit d'examiner cette question avec ses partenaires. Elle se félicite des déclarations récentes sur la reprise des négociations sur la réduction des armements nucléaires entre les États-Unis et la Russie, qui possèdent à eux deux 90% des têtes nucléaires, a-t-il rappelé.

L'attention, a souligné le Vice-Ministre italien, doit se concentrer sur deux accords clés, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires et celui sur la non-prolifération. L'Italie souhaite voir entrer rapidement en vigueur le premier, instrument dont elle est partie. Elle demande aux États qui ne l'ont pas encore fait d'adhérer à ce traité signé en 1996 ou de le ratifier. Quant au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, il est construit sur trois piliers, a-t-il rappelé: désarmement, non-prolifération et utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Pour que la Conférence d'examen réussisse, il faut qu'elle traite ces trois piliers, a souligné M. Scotti. Or, chacun d'entre eux comprend des questions essentielles du point de vue de l'intérêt national des États parties. Mettant en garde contre un échec, M. Scotti a estimé qu'il convenait de ne pas donner le sentiment que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, pierre angulaire de l'édifice du désarmement, avait été conclu au seul bénéfice des puissances nucléaires, ce qui aurait pour effet au bout du compte de relancer la prolifération.

Le Vice-Ministre italien a estimé que, pour que le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires atteigne ses objectifs, il faut veiller à l'interdiction de la production de matières fissiles susceptibles d'être utilisées pour fabriquer ces armes. Il y a consensus sur le fait que cette question doit faire l'objet d'un traité, a-t-il noté. En mettant un terme à toute production de matériaux fissiles et en encourageant la conversion des usines qui les produisent vers un usage civil, un tel traité tarirait la fourniture des principaux composants de têtes nucléaires, a-t-il souligné. Un tel texte rendrait le désarmement nucléaire irréversible. Mais pour qu'un tel traité soit viable, il doit prévoir des dispositions pour empêcher le détournement de matières fissiles à des fins militaires. L'Italie, dont le Représentant permanent a été nommé en janvier coordinateur pour le désarmement nucléaire, estime qu'il convient de s'assurer de l'existence d'une véritable volonté politique en faveur de l'interdiction des matières fissiles. Le traité doit contenir des dispositions crédibles de vérification, a-t-il remarqué: aucun traité de désarmement ne peut subsister sans moyens de vérification afin d'éviter les tentations de tricher. Les dernières déclarations du gouvernement des États-Unis apparaissent comme extrêmement utiles, a-t-il souligné au passage. Enfin, la question des stocks existants est cruciale et celle-ci doit aussi faire l'objet de la négociation, estime l'Italie. Concernant les garanties négatives de sécurité, autre outil clé, celles-ci ne figurent pas dans l'acte final de l'acte final de la Conférence d'examen de 2005, ce que déplore l'Italie. En conclusion, M. Scotti a rappelé que le droit garanti des États à assurer leur légitime défense n'était pas en cause dans cette affaire.

M. IVAN PINTER (République tchèque au nom de l'Union européenne) a rappelé que l'Union européenne accordait une priorité aux travaux de la Conférence du désarmement concernant l'interdiction de la production de matières fissiles en tant que moyen d'avancer en direction du désarmement nucléaire et de la non-prolifération. En toute logique, un tel traité d'interdiction s'inscrirait comme le prochain instrument multilatéral à négocier dans le domaine du désarmement nucléaire. Il compléterait utilement le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Il constitue à la fois une priorité et est mûr à l'ouverture de négociations, a ajouté l'orateur. Il est grand temps que de telles négociations aient enfin lieu, a-t-il insisté. L'Union européenne a proposé une direction claire en présentant à la présente Assemblée générale des Nations Unies des propositions concrètes et réalistes en matière de désarmement. Elle appelle la communauté internationale à œuvrer de concert pour promouvoir ces initiatives. Parmi celles-ci, les Vingt-Sept proposent l'ouverture sans retard et sans conditions préalables de négociations en faveur d'un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires et l'introduction d'un moratoire immédiat sur leur production. L'Union européenne a appelé à plusieurs reprises tous les pays concernés à déclarer et mettre en œuvre un moratoire immédiat sur la production de matières fissiles et elle se félicite que quatre pays aient décrété un tel moratoire. Elle appelle aussi tous les États à démanteler leurs capacités à produire de tels matériaux. M. Pinter s'est félicité que la France ait organisé en septembre dernier la visite pour des membres de la Commission du désarmement des anciens sites de production de matières fissiles de Pierrelatte et Marcoule.

Le représentant tchèque a noté que les déclarations récentes de responsables américains étaient encourageantes concernant leur volonté de prendre la tête d'un effort mondial en vue de parvenir à négocier un traité vérifiable mettant un terme à la production de matières fissiles à des fins militaires. L'Union européenne est convaincue que cela conduira à une dynamique sur cette question. Il serait donc utile de continuer d'étudier de nouveaux moyens au sein de la Conférence pour faciliter et préparer le démarrage des négociations. Il faut s'appuyer pour cela sur les réalisations des années passées, a-t-il conclu en appelant toutes les parties à rendre possibles ces négociations.


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