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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE LA PRISE EN COMPTE DES DROITS DE L'HOMME DANS LA GESTION DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE MONDIALE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a ouvert, ce matin, une session extraordinaire consacrée à l'examen de «L'impact de la crise économique et financière mondiale sur la réalisation universelle et la jouissance effective des droits de l'homme».

Ouvrant la séance, le président du Conseil, M. Martin Ihoeghian Uhomoibhi, a déclaré que cette session spéciale du Conseil est appelée à se pencher sur l'une des questions les plus urgentes de notre époque, à savoir la dimension des droits de l'homme dans le cadre de la crise économique et financière la plus grave à laquelle le monde fait face depuis au moins 75 ans. Le Président a invité les États à mettre en place des politiques préventives pour faire face à la pauvreté qui menace le monde et à placer les droits de l'homme au centre des solutions envisagées.

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navanethem Pillay, a observé que la crise ne dispense pas les États de leurs obligations en matière de droits de l'homme. Au contraire, des mesures de protection doivent être prises non seulement s'agissant des droits sociaux et économiques mais aussi des droits civils et politiques. Le système des droits de l'homme des Nations Unies peut appuyer les efforts déployés au niveau national et international pour contrôler l'impact des crises sur la réalisation universelle des droits de l'homme, a-t-elle dit. Le Conseil des droits de l'homme, en particulier, devrait stimuler et évaluer les réponses à la crise. Les titulaires de mandats, ainsi que les organes conventionnels, sont aussi en mesure de contrôler l'impact de la récession dans le cadre de leurs mandats respectifs, et aider les États à remplir leurs obligations, a-t-elle souligné.

Les délégations qui sont intervenues ont souligné la nécessité de veiller à ce que la perspective des droits de l'homme soit au centre des efforts visant à trouver des solutions à la crise financière et économique mondiale. Plusieurs ont déclaré que la crise ne saurait servir d'excuse aux États pour se dérober à leurs engagements internationaux, notamment leur devoir de contribuer à la réalisation du droit au développement. Il est inacceptable que les pays pauvres souffrent le plus d'une crise dont ils ne sont pas responsables, ont déclaré des représentants de la Malaisie. Plusieurs pays, notamment du Mouvement des pays non alignés, ont engagé les pays riches à consacrer effectivement 0,7% de leur produit intérieur brut à l'aide au développement.

Beaucoup d'intervenants ont, en outre, soulevé le risque important de troubles sociaux liés au recul de l'emploi dans le monde, rejoignant en cela la préoccupation exprimée par le représentant du Bureau international du travail qui a appelé les gouvernements à prendre des mesures immédiates pour s'attaquer au problème du chômage. Plus celui-ci durera, plus il sera difficile de l'éradiquer, a-t-il souligné.

L'Égypte, au nom du Groupe africain, et le Brésil, qui avaient demandé la convocation de cette session extraordinaire, ont pris la parole en début de séance, suivis des représentants des pays ci-après: Cuba au nom du Mouvement des pays non alignés, République tchèque au nom de l'Union européenne, Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, Égypte au nom du Groupe arabe, Chili, Indonésie, Arabie saoudite, Fédération de Russie, Qatar, Chine, Inde, Maurice, Angola, Mexique, Canada, Royaume-Uni, Djibouti, Malaisie, Argentine, Nigéria, Bahreïn, Suisse, Philippines, Ghana, Bangladesh, Nicaragua et Japon.

M. Cephas Lumina, expert indépendant sur les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme s'est également exprimé, ainsi que des représentants du Bureau international du travail, de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation mondiale de la santé.


Le Conseil doit poursuivre cet après-midi, à 15 heures, les travaux de sa session extraordinaire.


Déclarations liminaires

M. MARTIN IHOEGHIAN UHOMOIBHI, Président du Conseil des droits de l'homme, a tenu à préciser que le débat d'aujourd'hui doit se concentrer sur la question qui a été soulevée par l'Égypte et le Brésil au nom de tous les co-auteurs, à savoir l'impact des crises économique et financière mondiales sur la réalisation universelle et le plein exercice des droits de l'homme. Cette session extraordinaire examine l'un des problèmes les plus urgents de notre temps: la dimension des droits de l'homme de la plus grave crise économique et financière à laquelle le monde a eu à faire face depuis au moins 75 ans. Dans le contexte de l'effondrement des systèmes financiers, de mécanismes de réglementation inopérants et de la perte massive de fonds d'investissement, les populations dans toutes les régions du monde sont de plus en plus victimes du chômage, de dépossession, de la faim et de la perte de leur logement.

L'actuelle crise économique est mondiale dans sa portée, a poursuivi le Président du Conseil. Née dans les centres financiers des pays développés, elle a surgi dans la foulée d'une crise alimentaire qui ravage une grande partie du monde en développement. S'il est vrai que certaines parties de la planète ont encore échappé aux conséquences de la crise actuelle, il est un fait que les économies les plus faibles du monde en développement sont les plus durement touchés.

Selon la Banque mondiale, la crise économique actuelle accule à la pauvreté quelque 53 millions de personnes supplémentaires, en grande majorité dans les pays en développement, a souligné le Président. En Afrique, 37 des 53 pays du continent souffrent de taux de pauvreté élevés et d'une forte exposition à l'extrême pauvreté en raison de la crise. En Amérique latine, où la plupart des pays ont été considérablement exposés, le pessimisme sur la santé de l'économie a atteint le niveau le plus élevé dans l'histoire. En Asie, 19 pays sont considérés comme étant très vulnérables à la pauvreté extrême en raison de la crise actuelle, selon la Banque mondiale.

M. Uhomoibhi a déclaré qu'il y avait une réelle valeur pratique dans l'examen de la crise actuelle selon une approche éthique. Bien que les souffrances résultant d'un ralentissement économique se multiplient avec l'épuisement des ressources, les États doivent faire des choix politiques difficiles tout en trouvant un équilibre entre sauver les institutions financières et secourir les pauvres des pires conséquences de la crise. Le Président du Conseil a souligné que les défis mondiaux exigent des réponses mondiales. La promotion de meilleures conditions économiques et sociales doit être l'objectif ultime des initiatives coordonnées au niveau mondial pour stimuler l'économie. La responsabilité de coopérer dans la lutte contre les crises économiques et financières doit inclure la responsabilité de répondre aux besoins des plus pauvres de la société. Dans un environnement économique défavorable dans lequel la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement pourrait être menacée, les efforts communs pour garantir la jouissance des droits fondamentaux sont particulièrement urgents. M. Uhomoibhi a rappelé que le succès dans les efforts de redressement économique mondial ne pourra pas être atteint sans la prise en compte des droits de l'homme dans les politiques axées sur la coordination des efforts déployés par la communauté internationale pour surmonter la crise actuelle.

MME NEVANETHEM PILLAY, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, s'est félicitée de la tenue de la session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme consacrée à l'impact de la crise économique et financière sur le plein exercice des droits de l'homme. Cette crise, tout comme la crise alimentaire qui a fait l'objet d'une autre session extraordinaire l'an dernier, affecte de manière disproportionnée les moyens de subsistance des groupes les plus vulnérables et marginalisés de la société. La crise compromet l'accès à l'emploi, à la nourriture et au logement, ainsi qu'à l'eau potable, aux soins de santé de base et à l'éducation. Les États doivent veiller à ce que les politiques nationales d'ajustement ne nuisent pas aux intérêts des plus pauvres du fait de la réduction des services de base et des mécanismes de protection sociale. S'il est indispensable de réagir à la crise en procédant à une révision fondamentale du fonctionnement du système et des mécanismes financiers et monétaires, une approche fondée sur les droits de l'homme permettra de trouver des solutions durables à moyen et long termes, dans la mesure où elle permet de préciser les besoins et les droits des groupes les plus vulnérables, notamment des femmes et des enfants, des migrants, des réfugiés, des peuples autochtones et des personnes handicapées. Ces personnes seront les premières à subir les effets de la crise, à perdre leur emploi et à passer entre les mailles du filet social.

À cet égard, a souligné Mme Pillay, la crise ne dispense pas les États de leurs obligations en matière de droits de l'homme. Au contraire, des mesures de protection non seulement des droits sociaux et économiques mais aussi des droits civils et politiques de ces groupes et individus marginalisés doivent être prises de manière urgente et prioritaire. Ces mesures ne doivent pas être de nature temporaire, mais bien remédier aux causes profondes de la discrimination et de la marginalisation, afin de prévenir l'extension des effets de la crise à toutes les couches de la population. En outre, les mesures prises par la communauté internationale, notamment en matière de refondation du secteur financier, doivent elles aussi respecter les droits de l'homme. À cet égard, il importe particulièrement que les mesures d'ordre financier visent à la régénération des flux de crédit productif, plutôt que spéculatif. Par ailleurs, les périodes de crises économiques traversées par les familles exposent le femmes et les fillettes à des risques accrus, en termes de violence et de mise en cause de leurs droits économiques et sociaux. Les possibilités d'emploi diminuant, les femmes sont souvent contraintes d'accepter des postes marginaux et moins bien payés. Il importe donc que les mesures de relance économique contiennent une dimension sexospécifique et non discriminatoire, a souligné Mme Pillay. Quant aux migrants, confrontés au chômage croissant, ils sont en butte à des violences et des actes racistes renouvelés. Aucun effort ne doit être épargné pour les protéger de la discrimination et de la xénophobie.

La Haut-Commissaire a également relevé que les effets de la crise financière et économique se font sentir de manière particulièrement intense dans les pays en voie de développement. Dans ces conditions, il faudra avoir recours à l'aide et à la coopération internationale. Les États en situation de fournir cette aide, ou susceptibles d'influencer les politiques des organisations intergouvernementales et des institutions financières internationales, devront prendre en compte les droits de l'homme. Mme Pillay a rappelé que les Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur les droits de l'enfant ainsi que la Convention sur les droits des personnes handicapées contiennent tous des dispositions concernant la coopération internationale. Les objectifs du Millénaire pour le développement ne doivent pas être sacrifiés à la crise. Aujourd'hui plus que jamais, les stratégies de développement doivent être abordées selon une approche des droits de l'homme permettant de relever les défis de la pauvreté et du changement climatique, garantissant le respect des principes d'obligation redditionnelle, de transparence et de non-discrimination. Enfin, le système des droits de l'homme des Nations Unies peut appuyer les efforts déployés au niveau national pour contrôler l'impact des crises sur la réalisation universelle des droits de l'homme. Le Conseil des droits de l'homme peut ainsi stimuler et évaluer les réponses à la crise. Les titulaires de mandats, ainsi que les organes conventionnels, sont aussi en mesure de contrôler l'impact de la récession dans le cadre de leurs mandats respectifs, et aider les États à remplir leurs obligations.


Déclarations des initiateurs de la session et des groupes régionaux

M. HISHAM BADR (Égypte au nom du Groupe africain) a déclaré que la session spéciale, qui est une initiative conjointe du groupe africain et du Brésil et qui a reçu le soutien d'un grand nombre des membres, contribue à renforcer la crédibilité et la pertinence du Conseil. Le Conseil donne ainsi la preuve de sa sensibilité à l'égard de l'opinion publique dans le monde et sa capacité à se pencher sur un message politique uni, de la perspective des droits de l'homme, qui sont interdépendant et se renforcent mutuellement. Certains nient les liens entre la crise économique et la jouissance des droits de l'homme et d'autres prennent uniquement en considération les droits de leurs propres citoyens sans se préoccuper les autres. Or, si nous sommes bien tous dans le même bateau, nous ne voyageons pas tous sur le même pont et certains sont bien mieux équipés pour survivre à la tempête que d'autres. La session spéciale devrait parvenir à donner un gilet de sauvetage au moins nantis, car c'est la triste réalité que de nombreux entre eux périront dans la tempête. Les organisation internationales prévoient une augmentation du chômage de 20 millions cette année et que la crise aura de graves conséquences sur les investissements dans le domaine de la santé. Il est indéniable que la crise frappe tous les pays, mais l'impact est plus grave dans les pays en développement, surtout dans les pays les plus pauvres et insulaires.

La situation exige que soient prises des actions concertées et des solutions mondiales, a poursuivi le représentant égyptien. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités. Il faut en appeler à chaque État pour qu'il évite les mesures protectionnistes et de diminutions des l'aide au développement. En plus ils doivent tenir compte des la protection des droits de l'homme. Et éviter toute dérive raciste. Finalement, il est nécessaire d'établir un système démocratique international et transparent qui renforcera la participation des pays en développement. La session spéciale se tient à un moment opportun a-t-il poursuivi. À l'instar de nombreuses organisations internationales et agences des Nations unies, qui se penchent sur l'impact de la crise financière, l'Assemblée Générale organise ainsi une conférence à haut niveau au mois de juin ce qui met l'accent sur le rôle central joué par les Nations unies dans le système international, en tant que forum dans le quel tous les États sont représentés. Il est bienvenu que le Conseil apporte sa contribution sous forme de perspective des droits de l'homme au débat international.

MME MARIA NAZARETH FARANI AZEVÊDO (Brésil) a dit que son pays avait souhaité cette session extraordinaire car il est convaincu que le Conseil doit agir et réagir face aux incidences de la crise financière sur les droits de l'homme. Elle a déclaré que la protection des droits de l'homme ne doit pas être la victime de la crise; il faut rappeler aux dirigeants de tous les pays qu'ils ont un rôle économique et social à jouer afin que la crise ne devienne une crise sociale et politique. L'Organisation mondiale de la santé prévoit que près d'un milliard de personnes pourraient être en difficulté alimentaire, en raison de la crise économique mondiale, a-t-elle rappelé. Le chômage peut avoir des conséquences sur les droits civils et politiques, a-t-elle encore dit, soulignant la vulnérabilité particulière des femmes, des enfants, des migrants. Les politiques protectionnistes sont loin d'être la solution au problème, a mis en garde le Brésil. Sa représentante a enfin invité le Conseil à rappeler que la réalisation universelle et la pleine jouissance des droits de l'homme doit rester prioritaire pour la communauté internationale dans le contexte actuel.

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba au nom du Mouvement des pays non-alignés) a indiqué que ces pays sont particulièrement préoccupés par la crise économique et financière actuelle et par ses effets sur la jouissance des droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels et le droit au développement. La pleine réalisation des droits fondamentaux tels le droit à un logement adéquat, à l'éducation, à l'alimentation, à la nourriture, à la santé et à l'eau potable, parmi d'autres, est particulièrement compromise par les effets conjugués des troubles économiques et financiers au plan international. La pauvreté, la malnutrition, le sous-développement, l'illettrisme, la faim, le manque d'accès aux soins de santé ne cessent de progresser, tandis que les pays industrialisés abandonnent les secteurs les plus touchés de la société, tout en volant au secours des banques et des grandes sociétés commerciales. Les groupes vulnérables tels que les migrants, les femmes, les personnes âgées et les minorités historiquement marginalisées sont dans une situation de plus en plus difficile, soumises à une marginalisation et à une intolérance accrues, voire au racisme et aux idéologies extrémistes.

Cette crise n'est pas le fait des pays en voie de développement, a souligné le représentant cubain: cependant, ces pays sont les plus touchés par ses effets, la crise compromettant fortement leurs perspectives de croissance. Il est essentiel que le Conseil envoie à la communauté internationale un message sans équivoque sur la nécessité de prendre des mesures conformes aux droits de l'homme et de multiplier ses efforts pour venir en aide aux pays en voie de développement. La crise économique et financière est mondiale par essence et exige par conséquent des solutions à ce niveau. Dans ce contexte, le droit au développement doit être une priorité pour tous. Les pays industrialisés doivent respecter leurs obligations s'agissant du niveau de leur aide directe au développement, soit 0,7% de leur produit intérieur brut. Enfin, la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, la coopération internationale à cet égard devant être renforcée.

M. TOMÁŠ HUSÁK (République tchèque au nom de l'Union européenne) a déclaré que la crise mondiale exige des solutions mondiales, mais il incombe à chaque État d'assurer que celle-ci n'ait pas de conséquences néfastes pour les droits de l'homme et ne met pas en péril la poursuite des objectifs du Millénaire. Il a jouté que la lutte contre la corruption est impossible sans un système judiciaire international, jouissant de la confiance de la communauté internationale. Il faudra tenir compte plus particulièrement des groupes les plus vulnérables: femmes, enfants et personnes âgées. Les femmes doivent devenir de plus en plus autonomes en matière économique et avoir accès à la propriété. Les mesures doivent aussi tenir compte de l'absolue nécessité de préserver l'environnement. Le mandat du Conseil lui confère le rôle de veiller au respect véritable des droits de l'homme et il devra se montrer particulièrement vigilant dans la situation présente et face aux problèmes nouveaux qui pourraient surgir.

M. MARGHOOB SALEEM BUTT (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), rappelant les crises passées, a relevé que l'on ne semble pas apprendre les leçons de l'histoire. Il a appelé le Conseil à faire preuve d'audace face aux difficultés actuelles. Le Pakistan estime que la montée des tendances protectionnistes de certains pays développés, l'absence de transparence dans les mécanismes de régulation qui ont conduit à la spéculation et à des fraudes massives, l'imposition par le Fonds monétaire international de mesures inappropriées à des pays déjà confrontés à des difficultés économiques ont eu un impact sur l'existence de millions de gens et sur la jouissance effective des droits de l'homme. Face à cette situation, les membres de la Organisation de la Conférence islamique recommandent, notamment, que l'Assemblée générale des Nations Unies établisse des directives pour une meilleure gouvernance monétaire et économique, que la communauté internationale soutienne les gouvernements nationaux dans leurs efforts pour mettre en place des filets de sécurité pour les plus vulnérables et que les institutions financières internationales apportent des conseils adaptés à chaque pays, en fonction de son niveau de développement et de son contexte économique.

M. HISHAM BADR (Égypte au nom du Groupe arabe) a notamment déclaré que la session extraordinaire traduit la nécessité de faire la lumière sur les conséquences humaines de la crise, dans le contexte des obligations posées par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte des Nations Unies. Le Conseil doit envoyer un message de solidarité aux personnes et pays les plus affectés par la crise, leur signifiant son engagement à œuvrer pour un monde plus solidaire et pour la concrétisation du droit au développement. À un moment où les organisations internationales prévoient des conditions économiques de plus en plus difficiles pour la majorité de l'humanité, il faut bien constater que la crise actuelle compromet le tissu social des pays. Les segments les plus pauvres et les plus faibles de la population doivent être protégés et il faut pour cela poursuivre sans relâche les efforts de réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. L'architecture financière internationale doit en outre être plus transparente et mieux engager la participation des pays en voie de développement.


Déclarations d'experts et représentants d'institutions des Nations Unies

M. CEPHAS LUMINA, expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, a rappelé que le sujet de la session cause beaucoup d'anxiété et d'incertitudes dans tous les pays. Les nouvelles sont décourageantes: des travailleurs migrants sont expulsés, le chômage augmente fortement, de nombreuses personnes perdent leurs foyers. Pendant le sommet du G20, les responsables politiques mondiaux ont réitéré leur confiance dans l'économie de marché. Bien que leur plan d'action semble bon, il ne reflète pas les réalités de la vie quotidienne de l'homme de la rue. Un plan économique et financier devrait promouvoir la prospérité économique et sociale de tous et promouvoir le respect de chacun. Or, force est de constater que le système actuel a fait défaut. Son effondrement donne le signal de la mise en place d'un système différent et mieux réglementé. Il est cependant à craindre que les programmes de relance actuels empêchent une telle refonte et empêche les États à fournir des bien et services de base à leurs populations. La crise financière est effectivement une question de droits de l'homme, puisqu'elle menace plus particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels; et il incombe aux États d'assurer que la lutte contre la crise ne se fasse pas au détriment de ceux-ci. La crise risque aussi d'entraîner une diminution des aides au développement. Ce sera un défi pour les donateurs de maintenir leur niveau de contributions, mais ce défi doit absolument être relevé, plus particulièrement s'agissant de mesures qui viennent en appui aux pays les plus pauvres, qui dépendent fortement de cette aide. Il est de même important d'éviter de porter atteinte aux mesures d'allègement de la dette, ce qui ne fera qu'exacerber l'impact négatif de la crise au sein des pays débiteurs. Force est de constater que les droits de l'homme sont rarement au cœur des préoccupations des États dans les enceintes internationales autres que celle du Conseil des droits de l'homme. Il est par conséquent nécessaire de se montrer particulièrement vigilant face aux mesures proposées pour lutter contre la crise financière. La gravité de la crise démontre la nécessité d'une refonte totale des instruments financiers. L'économie mondiale appelle une solution mondiale, et la coopération mondiale est aux sources même de l'existence des Nations unies, qui a un rôle unique à jouer dans la situation présente.

M. RAYMOND TORRES (Bureau international du travail), a attiré l'attention sur deux questions prioritaires pour son institution. Il a souligné en premier que la forte récession du marché de l'emploi comporte le risque de troubles sociaux; plus le chômage durera, plus il sera difficile de l'éradiquer, a souligné M. Torres, qui a appelé les gouvernements à prendre des mesures immédiates pour s'attaquer à ce problème. Il a aussi évoqué, s'agissant de la protection sociale, les menaces qui planent sur les fonds de pension. La deuxième question qui intéresse particulièrement le BIT est la réponse actuelle à la crise, a déclaré M. Torres, constatant que le système de crédit ne s'est pas encore remis en marche, que la santé économique réelle est toujours en mode dépressif et que le commerce mondial est durement touché par la crise. En conclusion, le représentant du Bureau international du travail a appelé les gouvernements à imaginer un modèle de croissance différent, où l'approche humaine serait au cœur des préoccupations.

M. WILLY ALFARO (Organisation mondiale du commerce) a souligné la gravité de la crise actuelle, dont les effets dévastateurs génèrent un sentiment de craintes et d'incertitudes en matière de crédit, d'emploi, de chute du commerce, avec des conséquences pour les pays en voie de développement notamment. Le recul de la demande commerciale entraîne le risque de tendances protectionnistes et rend nécessaire la conclusion des accords commerciaux actuellement en discussion. Le plus grand défi pour l'OMC est de faire en sorte que le commerce fasse partie de la solution à la crise actuelle. La coopération internationale est indispensable à cet égard afin d'éloigner le spectre du protectionnism