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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EST SAISI DE RAPPORTS SUR LA NOTION DE «DIFFAMATION DES RELIGIONS»

Compte rendu de séance
Il achève son débat général sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne

Le Conseil des droits de l'homme commencé, ce matin, l'examen des questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée, en portant son attention en particulier sur un rapport concernant les manifestations de la diffamation des religions préparé par M. Doudou Diène, ancien Rapporteur spécial sur ces questions. Le Conseil a en outre conclu, en début de séance, son débat général sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne.

Présentant le rapport rédigé par son prédécesseur, sur «les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits», le nouveau Rapporteur spécial, M. Githu Muigai, a souligné que ce rapport lance un appel clair aux États membres afin qu'ils abordent la discussion actuelle dans les instances internationales non plus à partir de l'idée de «diffamation des religions», mais à partir du concept juridique d'«incitation à la haine, à l'hostilité ou à la violence nationales, raciales et religieuses», qui trouve un fondement dans les instruments juridiques internationaux. Dans toute discussion concernant les limitations susceptibles d'être apportées à un droit fondamental tel que le droit à la liberté d'opinion et d'expression, il est essentiel de se demander constamment si le remède que nous cherchons à apporter à un mal ne crée pas un mal plus grand encore, a par ailleurs souligné le Rapporteur spécial. Le Conseil était également saisi d'un rapport de la Haut-Commissaire portant sur la lutte contre la diffamation des religions et d'une étude qu'elle a menée sur la législation existante et la jurisprudence relative à la diffamation des religions.

Plusieurs délégations ont souscrit à la proposition du Rapporteur spécial et de la Haut-Commissaire que le Conseil s'attache à l'examen de ces questions sur la base du concept juridique d'«incitation à la haine, à l'hostilité ou à la violence nationales, raciales et religieuses», et non de la notion, de nature sociologique, de «diffamation des religions». D'autres ont exprimé des réserves à cet égard, soulignant notamment que la liberté d'expression connaît des limites prévues par nombre d'instruments juridiques internationaux. Des voix se sont fait entendre pour que commencent les travaux sur un instrument juridique contraignant contre la diffamation des religions ou, à tout le moins, contre la discrimination religieuse.

Des déclarations dans le cadre de l'examen des rapports sur la diffamation des religions ont été faites par les délégations suivantes: Chili, Norvège, Algérie, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), France (au nom de l'Union européenne), Belgique, Syrie, Maroc, Australie, Venezuela, Afrique du Sud, Azerbaïdjan, Turquie, Djibouti et Ordre souverain militaire de Malte.

Achevant en début de séance son débat sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, le Conseil a entendu des déclarations des États membres suivants: Pays-Bas, Fédération de Russie, Suisse, Chili, Nigéria, Slovénie, Bangladesh, Indonésie et Brésil. L'Algérie, la Géorgie, le Costa Rica, la Thaïlande, l'Autriche, le Maroc et la Syrie ont également pris la parole, ainsi que les représentants du Comité international de coordination des institutions nationales et de onze organisations non gouvernementales. L'Iran et l'Algérie ont exercé le droit de réponse s'agissant d'interventions qui ont été faites au cours de ce débat.


Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit se pencher sur les préparatifs de la Conférence d'examen sur le racisme et la discrimination raciale, avant d'ouvrir le débat général sur les questions relatives au racisme. Il est également prévu qu'il engage des dialogues interactifs avec les titulaires de mandat des procédures spéciales chargées de la situation des droits de l'homme au Burundi, au Libéria et en Somalie, respectivement.


Suite du débat sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne

MME NYNKE WIJMENGA (Pays-Bas) a déclaré que ces quinze dernières années, d'importants progrès ont été réalisés en matière de mise en œuvre du Programme de Vienne. Tous les être humains ont le droit de vivre sans discrimination. Partant de ce principe, les Pays-Bas estiment que le Conseil devrait accorder davantage d'attention à la question de la discrimination. Les Pays-Bas félicitent les autorités indiennes des mesures prises pour éliminer le tri manuel des déchets, le Gouvernement de l'Inde donne l'exemple en investissant dans l'assainissement. La représentante néerlandaise a par ailleurs souligné que les principes d'universalité et de non-discrimination impliquent que les personnes qui ont une orientation sexuelle différente devraient avoir les mêmes droits que les autres. Les Pays-Bas aimeraient que les procédures spéciales du Conseil accordent une attention spéciale aux violations des droits de l'homme relatives à l'orientation sexuelle.

M. ALEXEY GOLTYAEV (Fédération de Russie) a déclaré que depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les normes et instruments des droits de l'homme se sont largement développés. Toutefois, la mise en œuvre s'avère beaucoup plus épineuse et il est indispensable de faire encore plus d'effort pour y parvenir. Nous disposons déjà du cadre conféré par la Déclaration de Vienne et de son Programme d'action. La clef de la solution est de faire comprendre que les droits de l'homme appartiennent à tous et qu'il ne s'agit pas de valeurs imposées par l'étranger. Le représentant russe a conséquemment encouragé tout un chacun à réfléchir à la manière dont le fossé imaginaire entre les valeurs traditionnelles et les droits de l'homme peut être surmonté.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a rappelé que le début des années 1990 était habité par la certitude que la nouvelle donne dans les relations internationales allait permettre la construction d'un monde plus pacifique, avec pour toile de fond un respect des droits de l'homme dont les valeurs étaient désormais partagées par la communauté internationale dans son ensemble. À l'heure du bilan, quinze ans après la Conférence de Vienne, la Suisse est d'avis que depuis cette Conférence, la promotion et la protection des droits de l'homme se sont vues renforcées. Avant tout, la Conférence de Vienne a insufflé un nouvel esprit en matière de droits de l'homme, a insisté la représentante suisse. En outre, la Déclaration de Vienne a également donné une impulsion décisive dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme, a-t-elle poursuivi. Elle a appelé les États à redoubler d'efforts pour mettre en œuvre leurs obligations et donner suite aux recommandations de la Conférence de Vienne.

M. CARLOS PORTALES (Chili) a souligné l'importance de rappeler que le comité de rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948, était formé de différents pays et de différentes cultures. Les droits de l'homme de tous étaient visés sans aucune distinction. En 1993, à Vienne, les États ont ratifié par consensus le caractère universel et indivisible des droits de l'homme. Aujourd'hui, le travail des Nations Unies aux fins de la promotion et de la protection des droits de l'homme est fondé sur les principes fondamentaux de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les organisations non gouvernementales ont également une contribution précieuse et fondamentale à apporter à cette tâche. Le Chili reste profondément préoccupé par les différentes formes de violence et de discrimination auxquelles les femmes sont soumises dans le monde. En tant que communauté internationale, il convient de relever le défi d'avancer dans la mise en œuvre des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria) a déclaré que la Déclaration de Vienne est un outil utile pour faire avancer les droits de l'homme de manière équilibrée en tenant compte des droits économiques, sociaux et culturels. Il a insisté sur l'universalité des droits et a rappelé que les instruments qui ont été mis en œuvre pour combler les lacunes dans le respect des droits de l'homme restent indispensables.

M. ANDREJ LOGAR (Slovénie) a rappelé que cette année marque le quinzième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Il a rappelé que l'un des résultats de la Conférence de Vienne avait été la création du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Les tentatives visant à saper ou réinterpréter les normes de droits de l'homme nous poussent à une vigilance constante en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a-t-il souligné. Le représentant slovène a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ont fermement réaffirmé l'universalité des droits de l'homme. Le manque d'universalité des droits de l'homme du point de vue de leur application dans la pratique saute aux yeux au regard des discriminations qui se poursuivent de par le monde. Il est de notre devoir, du devoir du Conseil, de lutter contre ces discriminations pour défendre les droits de l'homme de tous les individus, a souligné le représentant. Le travail du Conseil est directement pertinent du point de vue de l'application de l'important principe de l'obligation de protection dont les dirigeants du monde ont affirmé l'universalité lors du Sommet mondial de 2005 à New York, a-t-il ajouté.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a déclaré que son pays attache une grande importance à la mise en œuvre du Programme d'action de Vienne. Il convient de prendre des mesures supplémentaires pour parvenir à l'objectif global, c'est-à-dire faire respecter les droits de l'homme dans le monde entier. Le droit au développement est un droit inaliénable, mais la pauvreté empêche la jouissance pleine et entière des droits de l'homme. La communauté internationale doit donc promouvoir la coopération pour parvenir à ce droit. Les institutions nationales ont un grand rôle à jouer dans cette entreprise.

M. KAMAPRADIPTA ISNOMO (Indonésie) a déclaré que le débat d'aujourd'hui couvre un large éventail de questions ayant trait au respect et à la protection de droits de l'homme tels qu'ils figurent dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne. Ce mécanisme porte le signe d'avoir été adopté peu de temps après l'abolition de l'apartheid, et fournit un bon exemple de la manière dont le progrès peut être atteint par des moyens pacifiques. Il a insisté sur l'importance de chercher à promouvoir les droits de l'homme d'une manière non politisée et en évitant les confrontations, tout en restant universel, non sélectif et objectif et en liant les questions de sécurité, de développement et de droits de l'homme entre elles. Le représentant indonésien a conclu en réitérant sa foi dans la capacité de Conseil à jouer pleinement son rôle.

MME MARIANA BENEVIDES (Brésil) a souligné que son pays préside actuellement par intérim le MERCOSUR. Elle a rappelé que l'année 2008 marque le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que le quinzième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, et que la Conférence de Vienne avait permis de réaffirmer, en présence de plus de 175 pays, l'universalité de tous les droits de l'homme. Le MERCOSUR et les pays associés restent engagés en faveur de tous les droits de l'homme, compte tenu de leur universalité, de leur indivisibilité et de leur interdépendance, a poursuivi la représentante brésilienne. Elle a rappelé qu'en 2005, la Commission des droits de l'homme avait adopté une première résolution sur le droit à la vérité. Grâce à l'adoption de la Convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la communauté internationale dispose d'un premier instrument international juridiquement contraignant qui reconnaît le droit à la vérité dans le contexte des disparitions de personnes, s'est félicitée la représentante brésilienne. Elle a par ailleurs appelé à la reconnaissance, par tous les pays, de l'apport des populations migrantes dans les pays de destination. Les pays développés doivent adopter les politiques nécessaires pour remédier aux asymétries du système économique international, qui ne font qu'aggraver les causes d'émigration, a-t-elle ajouté.

Observateurs

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a rappelé que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme a marqué une étape historique dans l'engagement collectif de la communauté internationale à promouvoir et à respecter tous les droits de l'homme. Parmi les droits réaffirmés par la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, l'Algérie réitère son attachement indéfectible au principe sacro-saint du respect du droit à l'autodétermination des peuples soumis à la domination coloniale ou à d'autres formes de domination. La communauté internationale s'évertue à ignorer ce droit consacré par la Charte des Nations Unies et par la grande majorité des instruments internationaux des droits de l'homme. Nous n'avons pas le droit, au sein du Conseil des droits de l'homme, d'ignorer ces dispositions et encore moins le droit d'être sélectifs, a ajouté le représentant algérien.

MME TAMAR TAMASHVILI (Géorgie) a rappelé que la Déclaration du Vienne montre la complémentarité entre le droit humanitaire international et les droits de l'homme. En effet, l'applicabilité des droits de l'homme ne s'arrête pas en temps de guerre. Ces deux droits constituent les deux faces d'une même pièce et évoluent de concert. Le Programme d'action de Vienne confirme par ailleurs l'applicabilité des droits de l'homme sans discrimination. La Géorgie tient à rappeler que la promotion et la protection des droits de l'homme ont été l'objectif principal des Nations Unies et continue de représenter l'objectif principal de la communauté internationale.

MME LAURA THOMPSON CHACÓN (Costa Rica) a remercié le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour le rapport qu'il a présenté concernant le Programme mondial sur l'éducation dans le domaine des droits de l'homme. Elle a souhaité savoir si le Haut Commissariat avait l'intention de publier, comme il l'a fait pour d'autres régions, comme l'Asie, l'Europe et l'Amérique du Nord, un recueil de bonnes pratiques en la matière s'agissant de l'Amérique latine. La représentante costaricienne a rappelé que son pays avait participé, conjointement avec l'Italie, le Maroc et la Suisse, à la mise en place du pôle informel sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, dans le but de promouvoir ce thème au sein du Conseil des droits de l'homme.

MME LADA PHUMAS (Thaïlande) a indiqué que l'année 2008 est particulière car nous fêtons les soixante ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme et le quinzième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne. Le Gouvernement thaïlandais est toujours attaché à la cause des droits de l'homme. La preuve en est notamment avec la contribution financière fournie par le gouvernement au Haut-Commissariat pour promouvoir l'application de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Par ailleurs, la Thaïlande estime que l'éducation en matière des droits de l'homme est très importante pour promouvoir et renforcer les droits de l'homme. Toutes les parties prenantes doivent donc continuer à promouvoir cette question dans tout le système des Nations Unies.

M. CHRISTIAN STROHAL (Autriche) a attiré l'attention sur une réunion qui a été organisée à Vienne les 28 et 29 août 2008 qui a porté sur les normes internationales et les moyens d'action au niveau local, qui a réuni un large éventail de représentants de la communauté des droits de l'homme dans le but d'examiner les progrès accomplis et difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Programme d'action de 1993. Il en est ressorti que le cadre de droits de l'homme était satisfaisant, mais que la difficulté majeure se situe dans le fossé existant entre les normes et leur respect sur le terrain. Les participants ont analysé les causes sous-jacentes: parmi les causes identifiées, il a cité le fait que tous les États ne ratifient pas l'ensemble des traités, le manque de connaissance des personnes sur leurs droits et le manque de traduction des observations et recommandations des mécanismes de suivi internationaux dans les langues nationales, la manque d'institutions indépendantes au niveau national dont le mandat serait de veiller au respect des droits de l'homme, le manque d'intégration des mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies dans ses activités sur le terrain, et finalement le nombre insuffisant, au sein des Nations unies, d'acteurs ayant un ancrage local.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ont incontestablement constitué une étape marquante dans la promotion de l'indivisibilité et de l'universalité des droits de l'homme. Ce référentiel a amplement contribué à la progression de l'exercice de tous les droits de l'homme de par le monde. Aujourd'hui, ils gardent toute leur pertinence. Force est de constater que seuls la volonté politique et l'engagement sincère peuvent assurer que le respect des droits de l'homme soit une réalité pour tous; ceci est vrai tant pour les droits civils et politiques que pour les droits économiques, sociaux et culturels. La notion de développement se trouve au centre de cette seconde catégorie de droits, a rappelé le représentant marocain. L'indivisibilité et l'universalité de tous les droits de l'homme ne sauraient être instrumentalisés pour accorder à un droit une quelconque prééminence sur un autre, a-t-il souligné. Si les instruments internationaux reconnaissent le principe du droit à l'autodétermination, ils n'omettent pas de prévenir les effets pervers et mal intentionnés de ce principe en insistant sur celui du respect de l'intégrité et de l'unité nationale des États, a fait observer le représentant marocain.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a déclaré que quinze ans après l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne, les droits de l'homme sont toujours l'otage de différentes manipulations. Il convient aujourd'hui de réfléchir à l'universalité et à l'indivisibilité de tous les droits, au droit à l'autodétermination, au droit au développement et à la discrimination raciale. Où en sommes-nous dans l'application de tous ces principes idéaux car de millions de personnes souffrent encore de la faim, de déplacement et d'autres formes brutales de privation? Ces violations épouvantables augmentent actuellement. Il est clair que nous avons encore beaucoup de travail.

MME KATHARINA ROSE (Comité international de coordination des institutions nationales) a souligné que la Déclaration de Vienne insiste sur le rôle joué par les institutions nationales des droits de l'homme créées selon les Principes de Paris, qui garantit leur indépendance et leur efficacité. La représentante a indiqué que le Comité de coordination est devenu un réseau étendu qui permet de veiller au respect des droits de l'homme. Elle a toutefois souligné que certaines de ces institutions nationales font l'objet de menaces, et il serait utile que le Conseil contribue à instaurer un climat propice pour leur permettre de mener leurs activités de manière efficace. Le rôle de ces institutions des droits de l'homme doit encore être renforcé avec l'aide et la coopération des Nations Unies.

M. KAZUNARI FUJI (Soka Gakkai International, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a rappelé qu'un rapport du Haut Commissariat aux droits de l'homme préconisait une action accrue des gouvernements aux fins de l'application des mesures d'éducation aux droits de l'homme. La seconde phase du Programme mondial d'éducation aux droits de l'homme doit débuter en 2010 et il va maintenant falloir déterminer un thème pour cette seconde phase, a-t-il fait observer. Le représentant s'est félicité de l'initiative prise par quatre gouvernements (Costa-Rica, Suisse, Italie et Maroc) qui ont mis en place, au sein du Conseil, un pôle informel sur cette thématique de l'éducation aux droits de l'homme.

M. ROY BROWN (Union internationale humaniste et laïque, au nom également de Centre for Inquiry) a rappelé que les femmes doivent faire l'objet d'une plus grande attention de la part du Conseil, tout comme la lutte pour supprimer le mariage des enfants. Par ailleurs, le représentant a noté que le nombre de crimes d'honneur augmente au Pakistan. Des défenseurs des droits de l'homme ont également disparu. Aucun État ne doit être autorisé à se masquer derrière la religion ou la culture pour violer les droits de l'homme.

M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a attiré l'attention sur les violations des droits des femmes, tels que les mutilations génitales subies par 3 millions de filles par an selon l'UNICEF et qui se pratiquent même en Europe, y compris en Suisse, par des populations immigrées. Les crimes d'honneurs sont en augmentation dans le monde entier et se pratiquent aussi par des personnes appartenant à la deuxième génération d'immigrés en Europe. La lapidation de femmes qui se sont rendues coupables de mauvaise conduite sexuelle continue dans certains pays, ainsi que la pratique de jeter de l'acide au visage d'une femme lorsqu'un homme se sent bafoué, comme cela se produit au Pakistan, en Inde et en Afghanistan. En Iran, les filles sont jugées juridiquement responsables dès 9 ans, mais les garçons seulement à 15 ans, et les mariages de petites filles de 8-9 ans se pratique toujours.

M. PETER SPLINTER (Amnesty International) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne insistent sur l'importance qu'il y a à apporter des recours suffisants aux victimes de violations constantes des droits de l'homme. Aussi, le représentant d'Amnesty International a-t-il attiré l'attention sur la situation des droits de l'homme des résidents des anciennes républiques de l'ancienne Yougoslavie qui vivent en Slovénie et dont le statut de résident permanent dans ce pays a été illégalement et de façon discriminatoire révoqué par les autorités slovènes en 1992; ces personnes sont communément appelées «les effacés». Cette situation concerne plus de 18 000 personnes qui, aujourd'hui encore, subissent les conséquences néfastes de cet «effacement», même si certaines d'entre elles sont parvenues à voir leur statut régularisé depuis 1992. Le Gouvernement slovène cherche actuellement à faire adopter un projet de loi constitutionnelle qui, si elle était adoptée en l'état, aggraverait encore davantage la situation de ces «effacés». Aussi, Amnesty International demande-t-elle que ce projet de loi soit retiré.

M. HILLEL NEUER (United Nations Watch) a déclaré qu'il convenait de rendre hommage aux personnes qui ont créé les Nations Unies et de réaffirmer les principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le représentant a souligné l'importance de s'opposer au «relativisme» des droits de l'homme si l'on veut préserver l'universalité des droits de l'homme.

M. EL GALAUI (Interfaith International) a affirmé que le respect de chacun doit prévaloir. Bien que le droit à l'autodétermination soit garanti par le droit international, certaines situations ne doivent pays être exploitées pour déstabiliser certains pays. Par ailleurs, il est vrai que des situations non résolues peuvent déboucher sur des drames humains et que toute personne a droit à une vie digne.

MME PRAMILA SRIVASTAVA (International Institute for Non-Aligned Studies) a dénoncé les disparités entre les sexes, qui donnent lieu à des discriminations, notamment s'agissant de l'inégalité des salaires entre hommes et femmes. La violence contre les femmes est de plus en plus fréquente, a en outre déploré la représentante. Dans certains pays, les crimes patriarcaux restent impunis, a-t-elle poursuivi. La question des droits humains des femmes doit rester prioritaire, a-t-elle insisté.

M. HUGO ESTRELLA TAMPIERI (Centre for Inquiry, au nom également de l'Union internationale humaniste et laïque et l'Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a souligné le manque du respect dans le monde à l'égard du droit des femmes de disposer d'elles-mêmes et du droit génésique. Il a pris pour exemple le cas de l'Argentine où une femme a été obligée de porter un bébé handicapé mentalement et le cas de l'Italie où une objection de conscience permet aux gynécologues de refuser l'avortement, forçant ainsi des femmes à recourir à des services privés. Tous les gouvernements doivent faire des efforts pour empêcher que les progrès réalisés pour les droits des femmes soient réduits à néant.

MME SAADANI MAOLAININE (Union de l’action féminine) a déclaré que la promotion des droits de femmes doit rester une priorité. Les droits se renforcent les uns les autres, mais la promotion des droits de l'homme ne doit aucunement servir à déstabiliser les États. En insistant sans discernement sur le droit à l'autodétermination, on risque déstabiliser des régions et de provoquer des souffrances pour un grand nombre de personnes.

M. LUKAS MACHON (Commission internationale de juristes) a dénoncé l'impunité qui prévaut au Mexique et aboutit à la militarisation du pays. Le Gouvernement de M. Calderón a mené de nombreuses opérations militaires sous prétexte de lutte contre la criminalité, a-t-il déclaré. Des tâches qui devraient être confiées à la police sont confiées à des militaires et donnent lieu à des abus. Le recours à la force est souvent excessif, surtout lorsqu'il s'inscrit dans le cadre de manifestations de revendications sociales. Les militaires enquêtent sur des affaires qui ne concernent en aucun cas des militaires et relèvent d'affaires civiles, a insisté le représentant.

M. ABDELWAHAB HANI (Commission arabe des droits de l'homme) a indiqué que depuis Vienne, des aspects négatifs sont apparus qui risquent d'affaiblir la protection des droits de l'homme. Nous assistons à une tentative de réduction du champ d'action des droits de l'homme et déplorons la persistance d'une attitude de non-coopération de la part des États, notamment dans la région arabe. Il conviendrait de renforcer les capacités humaines et matérielles du Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour renforcer la protection des droits de l'homme.

Droit de réponse

M. MOHAMMAD REZA GHAEBI (Iran) s'est élevé contre les fausses allégations proférées par certaines organisations non gouvernementales. Il a insisté sur le fait que la protection de droits de l'homme, y compris ceux des femmes, reste une priorité pour le Gouvernement iranien. D'importants efforts sont déployés pour protéger les femmes et l'institution de la famille. Ces efforts se sont traduits dans l'adoption récente d'une loi après consultation avec de larges pans de la société, afin d'assurer qu'elle reflète bien les préoccupations de la population.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie), en réponse à la déclaration de la Commission arabe des droits de l'homme, a souligné que cette organisation a attaqué un pays frère du Maghreb en prononçant des propos qui étaient hors sujet. Le représentant de cette organisation non gouvernementale a attaqué le Code de conduite pourtant adopté à l'unanimité par le Conseil puis par l'Assemblée générale. Il est hors de propos de demander à un organe qui a adopté un instrument de l'abroger ou de le modifier, a ajouté le représentant algérien.


Débat sur les questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée

M. GITHU MUIGAI, le nouveau Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a présenté un rapport sur la diffamation des religions préparé par son prédécesseur, M. Doudou Diène, et dont la rédaction avait été demandée par le Conseil en mars 2008.
M. Muigai a indiqué que ce rapport rappelle les notions de contexte politique et met en relief des questions centrales comme l'intégration d'idées racistes et xénophobes par des partis politiques dans des pays démocratiques et la poursuite de tentatives de donner une forme légitime aux idées racistes et xénophobes. Le rapport examine certaines formes de discrimination religieuse, telle que l'islamophobie, et aborde les questions de la discrimination intrareligieuses, des sectes, des minorités religieuses et des nouveaux mouvements religieux. Le rapport demande une approche universelle conséquente pour aborder tous ces problèmes au plan mondial.

Le rapport appelle clairement les États membres à faire passer la discussion actuelle basée sur le concept de «diffamation des religions» vers la norme juridique de «non-incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse» sur la base des dispositions juridiques énoncées dans les instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a précisé qu'il ne s'agit pas de savoir s'il existe des limitations permissives mais plutôt de savoir quel serait le seuil pour ces limites. À cet égard, il convient d'encourager le Comité des droits de l'homme à formuler un nouveau commentaire général sur l'Article 20 du Pacte international sur les droits civils et politiques. Par ailleurs, le Comité peut également aider les tribunaux nationaux à appliquer le Pacte de manière plus efficace.

Le nouveau Rapporteur spécial a souligné qu'au cours de son mandat, il attachera une attention particulière à la surveillance de l'incitation à la haine raciale. Pour ceci, une relation de travail très étroite sera mise en place avec des organisations nationales qui recueillent des discours haineux afin de dresser une analyse empirique sur ce genre de phénomènes.

M. Muigai a souligné que les débats sur les «discours protégés et non protégés» ont cours dans de nombreuses instances. Les législations nationales varient beaucoup en ce qui concerne l'incitation à la haine. Toutefois, les jurisprudences apportent beaucoup d'informations. Quand il s'agit de limiter un droit fondamental, telles la liberté d'opinion ou la liberté d'expression, il est essentiel de toujours se poser la question de savoir si le remède que nous cherchons ne cause pas un tort plus grand. Il faut connaître les limites qui doivent être très bien définies pour ne pas menacer l'exercice du droit lui-même, a précisé le Rapporteur spécial. Ainsi, quelles sont les manières les plus efficaces de protéger les individus du plaidoyer pour la haine et la violence? Une solution juridique n'est pas suffisante. Le discours haineux est simplement un symptôme. Il y a aussi l'intolérance qui est plus enracinée. Il ne faut pas s'attaquer aux seuls symptômes. Il convient d'opposer également des discours prêchant la tolérance aux discours haineux et c'est ainsi que nous pourrons étouffer les ennemis de la tolérance et de la non-discrimination, a conclu le Rapporteur spécial.

Le rapport sur les manifestations de la diffamation des religions et en particulier sur les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits (A/HCR/9/12) porte sur toutes les manifestations de la diffamation des religions et toutes les formes de discrimination pour des motifs religieux. Le Rapporteur spécial a traité en particulier, conformément à la demande du Conseil, les incidences graves de l'islamophobie sur la jouissance de tous les droits. Le rapporteur spécial a noté une tendance de légitimation intellectuelle du racisme, de la xénophobie et de la haine religieuse qui se nourrit du refus profond du multiculturalisme et de la diversité, et qui est souvent porté ou exploité par des milieux politiques.

Le concept manichéen d'un choc des civilisations et des religions, basé sur la hiérarchisation implicite des cultures et renforcé par le contexte international de lutte contre le terrorisme, constitue un nouveau terreau idéologique d'élites politiques et intellectuelles. Il augmente davantage le risque de polarisation idéologique et d'enfermement identitaire et tend à encourager la banalisation des pratiques discriminatoires institutionnalisées (devoir d'enregistrement par exemple) ou d'agressions contre les adeptes d'une religion, qui peuvent prendre la forme d'attaques contre les lieux de culte et de culture et l'expression d'intolérance contre les signes religieux. L'islamophobie est ainsi en hausse partout dans le monde, particulièrement après les événements du 11 septembre 2001, que cela soit sous la forme de législations nationales qui stigmatisation les minorités musulmanes (difficulté à établir des lieux de culte et à observer leurs pratiques religieuses, telles que les régimes alimentaires et rites funéraires) ou sous forme d'actes individuels de rejet et de violence contre les musulmans. L'Islam est ainsi associé à la violence et au terrorisme et l'inéluctabilité d'un conflit de civilisations et de religions. De manière générale, les groupes religieux minoritaires sont vulnérables à l'intolérance, à la discrimination et aux propos diffamatoires. En dernière analyse, le rapporteur spécial conclue à une érosion grave de la liberté de religion et à un durcissement des schémas identitaires, basés sur l'appartenance religieuse.

Le Rapporteur spécial recommande vivement au Conseil des droits de l'homme de promouvoir un déplacement du concept sociologique de «diffamation des religions» vers la norme juridique de non-incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse sur la base des dispositions juridiques énoncées dans les instruments internationaux en matière de droits de l'homme, notamment l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il invite aussi le Conseil des droits de l'homme à tenir compte dans le combat contre le racisme et la discrimination de l'imbrication grandissante des facteurs de race, d'ethnie, de culture et de religion, qu'il est urgent de déconstruire, et d'autre part de la montée générale de la discrimination religieuse Les gouvernements devraient être invités à se conformer pleinement, dans leur lutte contre l'intolérance raciale et religieuse, à leurs obligations en matière de liberté d'expression de liberté et de religion, de compléter les mesures d'ordre juridique par une démarche intellectuelle et éthique sur les représentations qui sont la cause profonde des manifestations discriminatoires et créer les conditions propices à la rencontre et au dialogue afin de promouvoir la paix sociale.

Le Conseil est également saisi du rapport de la Haut-Commissaire sur la lutte contre la diffamation des religions (A/HRC/9/7, à paraître en français) et de l'étude du Haut-Commissaire sur la législation existante et la jurisprudence relative à la diffamation des religions (A/HRC/9/25, à paraître).

Débat

M. CARLOS PORTALES (Chili) a déclaré que le sujet est extrêmement complexe et qu'il faudrait tenir compte aussi d'autres points de vue afin de se faire une idée équilibrée sur la question. La liberté de pensée et de conviction est certes garantie par les traités internationaux, mais personne ne saurait être victime d'actes coercitifs dans ce domaine, et les pratiques religieuses ne sauraient s'opposer à la paix et à la santé d'autrui. Toute apologie de la haine et de violence doit être interdite par la loi. Voilà quelles sont les racines des textes qui régissent le droit sur les convictions. Cela soulève des réflexions sur la relation entre la laïcité et la religion. Au Chili, a-t-il poursuivi, on considère ainsi que la liberté de convictions est plus proche de la liberté d'expression que de la liberté de culte. Il a conclu en rappelant que la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Déclaration de Vienne fournissent la pierre angulaire sur laquelle toute la réflexion sur ces questions doit s'appuyer.

MME BEATE STIRØ (Norvège) a remercié le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme pour son rapport. Elle a regretté que ce rapport ait été présenté avec retard et ne soit pas encore disponible dans d'autres langues que le français. L'intolérance, l'exclusion, la xénophobie et la discrimination figurent au nombre des principaux problèmes qui se posent du point de vue des formes contemporaines de racisme, a-t-elle dit. Ces phénomènes se produisent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des religions, a-t-elle fait observer. Plaidant en faveur d'une action visant à supprimer les causes du racisme culturel, elle a insisté sur la nécessité, non seulement de promouvoir le dialogue entre les cultures et les religions, comme le préconise le rapport du Rapporteur spécial, mais aussi de promouvoir ce dialogue au sein des cultures et des religions elles-mêmes. Il ne peut y avoir véritablement de liberté de religion sans liberté d'expression, a souligné la représentante norvégienne, faisant observer qu'il n'est donc pas pertinent d'opposer ces deux libertés.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a déclaré que le rapport soulève que, bien souvent, ce n'est pas la religion qui fait l'objet de diffamation, mais les fidèles, et que l'islamophobie, ciblant les musulmans, a pris le relais de l'antisémitisme, qui est devenu politiquement incorrecte dans bien des pays riches. Il a regretté que la liberté d'expression soit utilisée pour envenimer les rapports intercommunautaires. Il faudrait que le Rapporteur spécial puisse approfondir ce rapport avec le Rapporteur spécial qui a travaillé sur le thème de la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction.

MME TEHMINA JANJUA (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a remercié l'ancien Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Doudou Diène, pour son engagement sans relâche dans les questions relevant de son mandat. Il faut espérer que ses recommandations serviront de base pour une protection des minorités persécutées en raison de leur appartenance religieuse, a ajouté la représentante pakistanaise. Un centre de recherche à établi que les musulmans étaient perçus négativement dans sept pays occidentaux étudiés, a-t-elle poursuivi. Le climat intellectuel est marqué par une tendance très péjorative à diaboliser l'islam, a-t-elle en outre déclaré. Elle a en outre fait observer que les victimes du terrorisme sont surtout des musulmans eux-mêmes. L'Organisation de la Conférence islamique espère que les travaux que mèneront le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme renforceront l'importance de mettre au point des normes internationales pour combattre la diffamation des religions.

M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France au nom de l'Union européenne) a rappelé que l'Union européenne croit fermement à la tolérance, à la non-discrimination, à la liberté d'expression, de pensée, de conscience, de religion ou de conviction. L'Union européenne considère que la liberté d'expression et la liberté de religion ou de conviction sont complémentaires. Le droit à la liberté d'expression est un élément essentiel et l'essence même de la manifestation de la liberté de pensée et de conscience. Il est donc fondamental d'établir la distinction entre la critique des religions et l'incitation à la haine religieuse. Seule l'incitation à la haine religieuse devrait être interdite car le respect et la pratique du pluralisme religieux doivent comporter le droit pour chacun de critiquer les valeurs et les convictions, d'en discuter et de les contester.

L'élimination de l'intolérance requiert une approche globale qui combine des mesures préventives, le dialogue, l'éducation, la promotion de la tolérance et du pluralisme. L'Union européenne salue le fait que les deux rapports (celui du Rapporteur spécial et celui de la Haut-Commissaire) recommandent vivement de promouvoir un déplacement du concept sociologique de «diffamation des religions» vers la norme juridique de non-incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse. Les législations en matière de discours haineux sont suffisantes. Il n'est donc pas besoin de normes supplémentaires sur la question. L'Union européenne est prête à continuer à aborder la question de la lutte contre l'incitation à la haine religieuse d'une manière globale. Cependant, dans les situations où des droits fondamentaux peuvent sembler en conflit, seul un tribunal est habilité à rappeler les limites à l'exercice d'un droit spécifique, qui ne peuvent venir que de la loi. Par conséquent, toute discussion sur l'incitation à la haine ne doit pas se placer sur le terrain politique, mais sur le plan juridique. L'Union européenne rappelle clairement qu'elle n'acceptera pas que la notion de «diffamation des religions» soit intégrée dans le cadre relatif aux droits de l'homme. L'Union européenne est convaincue que la notion de «diffamation des religions» n'est pas compatible avec un discours sur les droits de l'homme.

MME NATHALIE RONDEUX (Belgique) s'est félicitée que les deux rapports recommandent un déplacement du concept de diffamation des religions vers la norme juridique de non-incitation à la haine raciale. En effet, les droits de l'homme ont pour but de protéger les individus non pas de protéger les religions ou les idées. À la différence des individus, les religions n'ont pas de droits, a rappelé la représentante belge. Afin d'assurer la tolérance et le pluralisme, il faut permettre que les religions puissent faire l'objet de débats et être critiquées. La représentante a souligné l'importance de ne pas de faire de distinction entre les différentes discrimination et a rappelé que les personnes sans religion ont également droit à la même protection.

M. ABDULMONEM ANNAN (Syrie) a relevé que différentes résolutions ont été adoptées, de nombreuses réunions internationales tenues et de nombreuses initiatives multilatérales entreprises sans que ne cesse pour autant la campagne non déclarée contre certaines religions et ce, en dépit de tous les appels en faveur de la tolérance et de la modération. Le représentant syrien a par ailleurs dénoncé ceux qui détournent les dispositions relatives à la liberté d'expression pour diaboliser et rendre antagonistes certains groupes religieux et individus. Il faut bien comprendre que chaque liberté a des limites, a-t-il déclaré. Il est paradoxal de constater qu'alors que le droit à la liberté d'expression est exclusivement confiné à la diffamation de l'islam, un embargo étroit est maintenu sur ce droit lorsqu'il s'agit d'autres questions bien spécifiques en rapport avec d'autres religions ou avec des événements historiques du siècle dernier. Il est également troublant de constater que l'opinion des champions du droit à la liberté d'expression disparaît lorsqu'il est question de sujets tels que le siège de Gaza ou les meurtres massifs de civils par des puissances occupantes dans différentes parties du monde. La Syrie aimerait que le Rapporteur spécial clarifie les bénéfices pratiques qu'il y aurait, selon lui, à modifier le concept sociologique de «diffamation des religions» en lui donnant un autre énoncé.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a déclaré que le Maroc réprouve la propension à mettre en place des politiques et des législations nationales discriminatoires à l'égard des minorités musulmanes, la mise en place du profilage religieux ainsi que diverses formes de discrimination et d'intolérance contre les musulmans. Le Maroc partage l'avis du Rapporteur spécial quant à la nécessité qui incombe aux gouvernements d'empêcher l'exploitation de la discrimination et de la xénophobie à des fins politiques. Il convient de réaffirmer le principe fondamental que l'éradication de la culture raciste, xénophobe et intolérante est le pilier le plus puissant de la sécurité des nations. Les gouvernements doivent se conformer pleinement, dans leur lutte contre l'intolérance raciale et religieuse, à leurs obligations en matière de liberté d'expression et de liberté de religion en tenant compte des dispositions de l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le dialogue doit atténuer les divergences et non les exacerber.

M. GUY O'BRIEN (Australie) a attiré l'attention sur le fait que le nombre de cas de violation de la liberté d'expression n'a pas diminué et que, dans de nombreux pays, les personnes qui cherchent à exercer ce droit sont victimes de persécutions ou de discrimination. Ces persécutions s'exercent parfois au nom de la protection contre la diffamation des religions ou du blasphème. Il s'est déclaré en faveur d'approfondir cette question fort complexe et controversée et s'est félicité de voir le résultat de l'enquête portant sur les liens entre la liberté d'expression et l'incitation à la haine religieuse.

M. FELIX PEÑA RAMOS (Venezuela) a souligné que son pays se considère comme une société multiethnique et multiculturelle où toute personne a le droit de professer sa foi religieuse et son culte et à manifester ses convictions, que ce soit en public ou en privé. Nous sommes en présence de profonds désaccords en ce qui concerne les points de vues au sujet de la diffamation des religions, en particulier à travers l'instrumentalisation de la liberté d'expression – laquelle, loin d'être un droit absolu, connaît des limites, conformément à nombre d'instruments juridiques internationaux, a poursuivi le représentant vénézuélien. Il a plaidé en faveur d'un commencement des travaux visant l'élaboration d'un instrument juridique contraignant en matière de discrimination religieuse et de toute forme d'intolérance violant les droits fondamentaux de la personne.

MME GLAUDINE J. MTSHALI (Afrique du Sud) a déclaré que sa délégation reste préoccupée par la recherche d'oppositions et de frictions sous prétexte de différences culturelles. L'Afrique du Sud considère qu'un dialogue en profondeur serait très utile pour mieux comprendre le problème et trouver des solutions. Les États doivent redoubler d'efforts pour favoriser le dialogue visant à parvenir à la compréhension et à la tolérance.

M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a exprimé sa préoccupation concernant la montée des formes contemporaines de racisme, notamment de celle qui touche les religions. Il a relevé que la diffamation religieuse, comme l'islamophobie, est utilisée de plus en plus à des fins politiques, ce qui constitue Haut Commissariat une grave menace pour la démocratie et les droits de l'homme. Il a appelé chaque État à combattre toute diffamation et éviter la hiérarchisation de discrimination, en reconnaissant que l'antisémitisme et la christianophobie se répandent également. Sans nier la valeur de la liberté d'expression pour la démocratie, celle-ci ne devrait par pouvoir être invoquée pour diffamer des religions et prêcher la haine religieuse. Il a conclu qu'il existe un vide juridique en la matière qu'il est important de le combler rapidement.

M. ALI ONANER (Turquie) a insisté sur l'importance que revêt l'éducation aux droits de l'homme, laquelle, a-t-il souligné, est de nature à contribuer au renforcement de la compréhension, du respect et de la tolérance entre les individus. Parallèlement, il convient toutefois de combattre activement les préjugés et les stéréotypes dans les discours publics et politiques, a-t-il souligné. Le représentant turc a rappelé l'initiative d'Alliance des civilisations prise conjointement par son pays et par l'Espagne, appelant le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme à collaborer avec ce processus. Il a également rappelé qu'un séminaire organisé par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme allait se tenir prochainement sur les liens entre les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

M. AHMED MOHAMED ABRO (Djibouti) a déclaré qu'il est temps de renouveler l'engagement commun pour lutter contre le fléau du racisme. L'examen de la Conférence de Durban doit créer un cadre favorable permettant aux États d'engager des réformes constitutionnelles, institutionnelles et des normes adéquates pour éradiquer le racisme, a souligné le représentant.

MME MARIE THÉRÈSE PICTET- ALTHANN (Ordre souverain militaire de Malte) a déclaré que la liberté religieuse et la liberté d'expression sont essentielles pour promouvoir la tolérance et le respect d'autrui. Quotidiennement, on constate les ravages terribles qu'entraîne la haine religieuse. Afin de renforcer le dialogue interreligieux et interculturel, l'Ordre de Malte souscrit à la recommandation portant sur l'égalité à donner à toute forme de discrimination. Les instruments juridiques, œuvrant dans ce sens, doivent être complétés par l'éducation; les médias et la société civile ont un rôle important à jouer, ainsi que chacun d'entre nous, dans notre sphère privée comme dans la vie publique. L'impartialité et l'indépendance font partie des principes de fond de l'Ordre, qui œuvre pour la protection de la dignité humaine. L'Ordre de Malte est bien d'inspiration chrétienne, a-t-elle conclu, mais il œuvre pour toute personne nécessiteuse, indépendamment de sa confession religieuse.


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1Déclaration conjointe: Soka Gakkai International; Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement (OIDEL); Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales; Interfaith International; Fédération universelle des associations chrétiennes d'étudiants; Conseil international des femmes; Bureau international catholique de l'enfance; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Mouvement international contre toutes les formes de discrimination; Pax Romana; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Institut pour une synthèse planétaire; Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies; Fédération internationale des femmes diplômées des universités; et l'Alliance internationale des femmes.
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Rectificatif

Dans notre communiqué de presse HRC/08/99 du 18 septembre (après-midi), la déclaration de la représentante de l'Organisation internationale de la Francophonie aurait dû se lire comme suit:

MME SANDRA COULIBALY LEROY (Organisation internationale de la Francophonie) a fait part de la tenue d'un premier séminaire sur l'Examen périodique universel pour les pays francophones qui s'est déroulé en février à Rabat dans un esprit de dialogue constructif. Ce séminaire a permis d'identifier les difficultés rencontrées et expériences acquises lors des premiers exercices de l'Examen périodique universel. Les organisations non gouvernementales ainsi que les institutions nationales des droits de l'homme ont ainsi été vivement encouragées à participer à la préparation de l'Examen. La représentante a également souligné que l'Examen périodique universel est un processus évolutif qui doit renforcer la solidarité et la cohésion au sein de la société. La Francophonie propose ses services pour fournir un accompagnement des pays qui s'engagent dans cet exercice et pour élaborer un manuel contenant les expériences déjà acquises dans divers pays francophones.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC08100F