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LE COMITÉ CONSULTATIF SE PENCHE SUR LA QUESTION DES PERSONNES HANDICAPÉES ET UN PROJET DE PRINCIPES SUR LA LÈPRE

Compte rendu de séance

Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme a examiné, cet après-midi, les deux derniers points faisant l'objet de demandes qui lui sont adressées par le Conseil des droits de l'homme, à savoir la question des droits de l'homme des personnes handicapées et l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre.

Le Conseil des droits de l'homme, dans sa résolution 7/9, adoptée à sa session de mars 2008, encourageait le Comité consultatif à intégrer la question des personnes handicapées dans l'exécution de sa tâche et dans ses recommandations afin de faciliter l'incorporation de cette question dans les travaux du Conseil. Présentant la question, Mme Maarit Kohonen, du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a précisé à cet égard que l'examen de la question ne représente pas véritablement une charge supplémentaire pour les membres du Comité consultatif. Elle a par ailleurs rappelé que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur en mai 2008, a placé le handicap au cœur des droits de l'homme et représente un changement majeur dans l'approche des droits des personnes handicapées. En effet, elle constitue une étape supplémentaire dans le rejet d'une approche strictement caritative au profit d'une démarche axée sur les droits formels.

Dans le cadre du débat général qui a suivi cette présentation, plusieurs experts ont observé que la mise en œuvre de la Convention impose des aménagements législatifs et pratiques parfois très importants au niveau des États, ce qui peut expliquer la relative lenteur de sa ratification. Une experte a observé qu'il est cependant des domaines où il importe que les personnes handicapées puissent jouir sans aucun délai des mêmes droits que les personnes non handicapées. Un expert a estimé qu'une prise de conscience du problème est nécessaire au niveau des gouvernements et des décideurs. Le représentant du Mexique a également pris la parole en tant que pays coauteur, avec la Nouvelle-Zélande, de la résolution du Conseil.

Par sa résolution 8/13 adoptée en juin dernier, le Conseil des droits de l'homme priait le Comité consultatif d'élaborer un projet de principes et de directives en vue de l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, et de le lui présenter pour examen en septembre 2009. Le Haut Commissariat aux droits de l'homme est pour sa part prié de recueillir des renseignements sur les mesures prises par les gouvernements pour éliminer la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille et d'organiser une réunion d'experts et présenter un rapport au Conseil et au Comité consultatif. Ouvrant également le débat sur cette question, Mme Kohonen a précisé que ces directives pourraient être particulièrement utiles compte tenu du fait que la lèpre est l'une de ces «maladies négligées», qui entraînent dans leur sillage une multiplicité de discriminations. Le représentant du Japon a participé au débat sur ces questions avec les experts du Comité consultatif.


Demain à 10 heures, le Comité consultatif doit entendre d'autres interventions au titre des questions de fond dont le Conseil des droits de l'homme lui a demandé de se saisir.


Débat sur la question des personnes handicapées

MME MAARIT KOHONEN, du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a présenté le thème abordé par le Comité consultatif cet après-midi en rappelant l'entrée en vigueur, en mai dernier, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif a placé le handicap au cœur des droits de l'homme. La Convention représente un changement majeur dans l'approche des droits des personnes handicapées. En effet, elle constitue une étape supplémentaire dans le rejet d'une approche strictement caritative au profit d'une démarche axée sur des droits formels. Elle envisage en outre les personnes handicapées comme faisant partie intégrante de la vie sociale. La Convention a été ratifiée par trente-deux États, cent trente l'ayant signée. Le Comité des droits des personnes handicapées sera bientôt créé et tiendra sa première réunion en février 2009, a indiqué Mme Kohonen, qui a rappelé le rôle important qu'avaient joué les experts de l'ancienne Sous-Commission, dans les années 1980 et 1990, dans l'élaboration de la Convention.

Le Comité consultatif est saisi de la résolution 7/9 du Conseil des droits de l'homme qui lui demande d'intégrer la question des personnes handicapées dans l'exécution de sa tâche et dans ses recommandations afin de faciliter l'incorporation de cette question dans les travaux du Conseil. Il ne s'agit donc pas véritablement d'une charge supplémentaire pour les membres du Comité consultatif.

L'objectif du Haut Commissariat dans ce domaine est la sensibilisation au contenu de la Convention et à l'approche fondée sur la promotion des droits qui y figurent, afin d'encourager les États à la ratifier et d'aider les pouvoirs publics et les sociétés civiles à en mettre en œuvre les dispositions. Au niveau des pays, les activités du Haut Commissariat consistent à proposer des révisions législatives, mener des recherches, renforcer des partenariats avec des organisations intergouvernementales, la société civile et les institutions nationales de droits de l'homme, notamment. Le Haut Commissariat a par ailleurs diffusé une version en braille de la Convention, a aussi indiqué Mme Kohonen.

MME CHUNG CHINSUNG, experte du Comité consultatif, a déclaré que, à l'instar de la question des droits fondamentaux des femmes, les attentes du Conseil des droits de l'homme ne sont pas très claires.

M. BABA KAIGAMA, expert du Comité consultatif, a déclaré sa surprise de constater qu'en Occident aussi, un grand nombre de lieux sont difficilement accessibles aux personnes handicapées. Les gouvernements et les décideurs n'ont pas encore pris suffisamment conscience du problème.

MME HALIMA WARZAZI, experte du Comité consultatif, a déclaré que, comme s'agissant de la question des femmes, il faut tenir compte des conditions particulières des handicapés à chaque fois qu'un sujet est abordé, par exemple s'agissant du droit à l'alimentation. Il faudra penser systématiquement aux femmes et aux personnes handicapées, ce qui est pratiquement acquis pour les femmes, mais pas encore pour les personnes handicapées. Mme Warzazi a exprimé sa surprise de constater que si peu de pays (32) ont ratifié la Convention un an après son adoption et aimerait savoir qui sont ceux qui l'ont ratifiée et quels obstacles empêchent les autres de le faire.

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif, a relevé le succès que constitue l'adoption de conventions sur les personnes handicapées et les disparitions forcées. Le fait que les États mettent du temps à passer de la signature à la ratification tient aussi au fait qu'ils doivent procéder à des aménagements législatifs mais aussi prendre des mesures très concrètes et parfois complexes, comme par exemple s'agissant de la signalisation routière. Certaines institutions nationales des droits de l'homme, comme la Commission australienne, ont proposé à cet égard des plans d'action très complets et intéressants. C'est pourquoi le pessimisme doit être mesuré, a estimé M. Decaux.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert du Comité consultatif, a déclaré que déjà, lors de la première lecture de la Convention, il était convaincu que le processus de ratification serait très long, car cette convention comporte des obligations concrètes pour les États. Les obligations ne peuvent pas être appliquées dans bien des pays. Ils portent sur des mesures tel que les traitements médicaux spéciaux, l'accessibilité physique aux bâtiments et à la vie professionnelle, qui nécessitent toutes des efforts considérables de la part des pays. Les pays riches devraient venir en aide aux pays les moins développés dans la mise en œuvre de ces mesures. Lors qu'il y a des conséquences financières lourdes pour les États, les conventions sont forcément condamnées d'avance. Il faut passer à un niveau supérieur, prévoyant une véritable coopération entre les pays qui offre le seul espoir de pouvoir réaliser des objectifs tels que le droit à l'alimentation.

M. LATIF HÜSEYNOV, expert du Comité consultatif, a relevé que la Convention donne une autre interprétation possible de ses dispositions générales, n'impliquant pas d'obligations immédiates pour les États membres, en termes de délais de mise en œuvre. La Convention utilise en effet les mêmes termes que ceux employés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: elle évoque en particulier la réalisation progressive des droits des personnes handicapées. Certains pays qui n'ont pas ratifié cet instrument éprouvent des difficultés à mettre en place un cadre administratif et juridique adapté; ils ont d'autre part besoin de moyens financiers importants et de compétences spécialisées pour assurer sa bonne mise en œuvre. M. Hüseynov a toutefois fait remarquer que la mise aux normes d'un immeuble représente moins d'un pour cent du coût de construction.

MME WARZAZI a souligné que les gouvernements devraient s'engager davantage à assurer l'accès physique aux transports et aux bâtiments, ce qui ne se fait pas toujours, même en période de prospérité économique. Mme Warzazi a aussi souhaité savoir s'il y eu des réserves de la part de certains pays lors de la ratification de la Convention.

M. JOSÉ GUEVARA (Mexique) a déclaré que sa délégation, avec celle de la Nouvelle-Zélande, a présenté le projet de résolution dont il est question aujourd'hui. L'objet de la résolution est notamment de voir le Comité consultatif, dans sa méthode et dans sa réflexion, participer à la transformation de la culture des droits de l'homme dans le sens d'une pleine intégration des droits des personnes handicapées. Le Mexique est convaincu que la Convention, qui ne crée pas de nouveaux droits mais ne vise qu'à mettre en œuvre des droits existants, sera universellement ratifiée.

MME KOHONEN a dit être d'accord pour dire qu'aucun mandat spécifique n'a été donné au Comité consultatif dans ce domaine, mais qu'il s'agit de tenir compte des besoins particuliers des personnes handicapées. Elle a mis l'accent sur le fait qu'un grand nombre de pays ont signé la Convention et que le processus de ratification avance de manière satisfaisante, même s'il ne faut pas confondre signature et ratification. Il n'y a pas eu de réserves de la part des pays qui ont ratifié la Convention, a-t-elle précisé. Par ailleurs, l'article 32 de la Convention prévoit explicitement la coopération entre les pays. La Convention n'établit pas de nouveaux droits mais identifie les besoins spécifiques des personnes handicapées. Elle vise essentiellement la non-discrimination, ce qui n'est pas forcément onéreux à mettre en œuvre.


Débat sur l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre

MME KOHONEN a ensuite introduit la question de l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre, rappelant que la Sous-Commission avait déjà été chargée de la rédaction de directives sur la question. Elle a souligné que la résolution 8/13 adoptée en juin 2008 par le Conseil des droits de l'homme définit des éléments concrets pour l'action du Comité consultatif ainsi qu'une date butoir: juin 2009. Le Haut Commissariat est prié de rassembler des informations auprès des gouvernements au sujet des mesures prises en faveur des personnes touchées par la lèpre. Une réunion d'une demi-journée sera organisée en septembre par le Haut Commissariat. Un rapport sera compilé sur la base de toutes ces informations, qui sera présenté au Conseil des droits de l'homme et à son Comité consultatif en mars 2009. La résolution prie enfin le Comité consultatif d'examiner ce rapport et de formuler sur cette base un projet d'ensemble de mesures concrètes, à soumettre en septembre 2009. Compte tenu des délais assez courts, le Comité consultatif doit disposer rapidement des informations nécessaires. Mme Kohonen a toutefois précisé que le Haut Commissariat ne dispose pas de toutes les compétences spécialisées nécessaires. Le dégagement d'un financement pour le recrutement temporaire de spécialistes pourrait être une demande formulée par le Comité consultatif, a-t-elle suggéré.

Enfin, la représentante du Haut Commissariat a souligné que le projet de directives du Comité consultatif pourraient être particulièrement utiles compte tenu du fait que la lèpre est l'une de ces «maladies négligées», qui entraînent dans leur sillage une multiplicité de discriminations.

M. ANSAR AHMED BURNEY, expert de Comité consultatif, a demandé s'il y a une réelle différence entre la discrimination qui frappe les personnes souffrant de la lèpre et celles qui sont handicapées.

M. SHIGEKI SAKAMOTO, expert du Comité consultatif, a affirmé quel cette forme de discrimination est enracinée et particulièrement pénible pour les personnes les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées, les femmes et les enfants. Il a déclaré souhaiter s'engager particulièrement sur cette question.

M. JOSÉ BENGOA, expert du Comité consultatif, a salué les prédécesseurs des experts du Comité consultatif qui ont grandement fait avancer les travaux sur la lèpre. Depuis le temps qu'il travaille sur la lutte contre la pauvreté, il a eu à plusieurs reprises l'occasion de se pencher sur cette maladie. La majorité des gens ignore encore qu'il s'agit d'une maladie guérissable et pensent qu'elle est toujours contagieuse. La différence avec la discrimination dont les handicapés sont victimes est que dette maladie pâtit d'une longue histoire de discrimination. Le lépreux est celui qui dans la bible est mis au ban de la société. Aujourd'hui, il y a en Inde proportionnellement plus de lépreux que jamais. Une association japonaise s'occupe de ces malades, mais dans de nombreux cas les traitements n'atteignent pas les malades, mais sont détournés pour être revendus.

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif, a souligné que la question de la lèpre dans le monde reste un problème important de nos jours. Il faudra que le Comité consultatif tienne compte des travaux des autres institutions telles l'Organisation mondiale de la santé. Il a rendu hommage au Professeur Yozo Yokota, qui a fait avancer la réflexion sur cette question en tant que membre de la Sous-Commission, estimant très utile que le Comité consultatif se penche à son tour sur le problème, en s'inspirant des travaux de l'Organisation mondiale de la santé et du Rapporteur spécial sur le droit à la santé, M. Paul Hunt.

M. AKIO ISOMATA (Japon) a déclaré que son pays, coauteur de la résolution 8/13 sur les personnes handicapées, est très attaché à la lutte contre la discrimination à l'égard des victimes de la lèpre. La résolution demande notamment au Haut Commissariat de récolter des informations sur l'action des États, et le Gouvernement du Japon remercie le Haut Commissariat d'avoir déjà entamé cette démarche. Le Japon offrira au Comité consultatif toute l'assistance dont il aura besoin pour s'acquitter de sa mission, a assuré son représentant.

MME KOHONEN a répondu aux observations et questions en précisant que le handicap n'est pas une maladie, mais une condition; la lèpre est, elle, une maladie guérissable. Le handicap, conformément au changement de perspective qu'introduit la Convention, n'est pas une maladie à soigner: il s'agit d'un état de fait; les personnes qui en sont affectées disposent de droit à ce titre, qui doivent être respectés. Enfin, l'opprobre qui frappe les victimes de la lèpre est beaucoup plus fort que celui à l'encontre des personnes handicapées.


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