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CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT: LA GÉORGIE ET LA FÉDÉRATION DE RUSSIE FONT DES DÉCLARATIONS SUR LE CONFLIT ACTUEL ENTRE LES DEUX PAYS

Compte rendu de séance
La Géorgie dénonce le bombardement de cibles civiles par la Fédération de Russie; la Russie accuse la Géorgie d'une agression planifiée en Ossétie du Sud

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, des déclarations de la Géorgie et de la Fédération de Russie, ainsi que des ambassadeurs Levanon d'Israël et Fiori d'Italie qui quitteront bientôt leurs fonctions à Genève.

La Géorgie a évoqué les derniers événements intervenus dans le pays, affirmant que les forces armées russes ont occupé de grandes parties du territoire géorgien et ont effectué des bombardements massifs sur les villes géorgiennes dans tout le pays, loin de la zone de conflit d'Ossétie du Sud. Elle a assuré avoir toujours répondu avec la plus grande retenue et la plus grande prudence aux actes provocateurs perpétrés par la partie russe elle-même ou par le biais des régimes séparatistes satellites de la Russie en Géorgie. En dépit de la déclaration du Président russe concernant la cessation des activités militaires, la Fédération de Russie a poursuivi son agression militaire d'envergure contre la Géorgie. Hier, 13 août, les troupes russes se sont emparées de la ville de Gori, causant des destructions massives et de graves dommages à la population et aux infrastructures civiles; ces actes ont été perpétrés en enfreignant gravement aux règles du droit humanitaire international, a affirmé la Géorgie. Le nombre de cibles civiles bombardées ou attaquées d'une autre manière par les forces armées russes indique clairement qu'il ne s'agit pas seulement de dommages collatéraux, a-t-elle insisté.

La Fédération de Russie a pour sa part déclaré qu'il y a deux jours, le Président Medvedev a fait une importante déclaration sur l'arrêt des opérations en Ossétie du Sud, dans laquelle il indiquait que les objectifs de cette opération - à savoir la sécurité des forces de maintien de la paix dans la région, la sécurité de la population et des infrastructures civiles - avaient été atteints et que l'agresseur avait été puni et avait subi de lourdes pertes. Durant le conflit armé, les forces russes ont strictement respecté les normes du droit humanitaire international et, plus particulièrement, n'ont mené aucune attaque contre des civils ou contre des infrastructures civiles. Tout ce qui s'est passé ces derniers jours n'est rien d'autre qu'une agression soigneusement planifiée par Tbilissi contre la population d'Ossétie du Sud; la Géorgie a sauvagement bombardé la région de Tskhinvali et des villages d'Ossétie du Sud, en utilisant toutes sortes d'armes, a insisté la Fédération de Russie, avant d'affirmer qu'il s'agit là, clairement, d'un nettoyage ethnique et qu'une telle action criminelle relèverait de la définition du génocide. Il existe un grand nombre de preuves de violations des normes du droit international humanitaire par la partie géorgienne, a insisté la Fédération de Russie. Elle a précisé qu'elle apporterait les preuves de ces activités criminelles de la Géorgie.

Cette séance étant la dernière plénière sous présidence des États-Unis, la Présidente de la Conférence, Mme Christine Rocca, a fait une brève déclaration dans laquelle elle a jugé regrettable que les échanges de vues menés dans le cadre des discussions informelles qu'a eues la Conférence ces dernières semaines n'aient pas permis, jusqu'ici, d'atteindre son principal objectif, qui reste à ce stade de parvenir à un consensus sur un programme de travail.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi 19 août, à 10 heures, sous la présidence du Venezuela.


Aperçu des déclarations

M. ITZHAK LEVANON (Israël) a déclaré qu'il a pu observer, durant sa présence au sein de la Conférence du désarmement, un élan intéressant visant à ressusciter le processus de négociation, les efforts déployés à cette fin constituant, en soi, un progrès. Certes, tout est relatif, mais entre le tout et le rien, il y a toujours quelque chose, a souligné M. Levanon. Au cours de nos délibérations, nous avons montré que la Conférence pourrait devenir un instrument efficace aux mains de la communauté internationale pour traiter des questions de sécurité internationale. En même temps, les délibérations ont souligné le fait que pour les États, le travail au sein de la Conférence est étroitement lié à des questions en rapport avec les besoins nationaux vitaux en matière de sécurité. Il convient de continuer à respecter ces considérations nationales, a déclaré M. Levanon. Il a estimé que chercher à atteindre des objectifs à long terme sans identifier et traiter en premier lieu les menaces actuelles peut être contre-productif. De l'avis d'Israël, deux menaces fondamentales à la paix et la sécurité mondiales méritent que leur soit accordée une plus haute priorité au sein de la Conférence: il s'agit, d'une part, de la menace du terrorisme sous toutes ses formes et, de l'autre, de la prolifération et du transfert d'armes de destruction massive. Le principe du consensus au sein de la Conférence est crucial pour une instance d'une telle importance, a ajouté M. Levanon. Il a dit espérer avoir contribué, durant sa présence au sein de la Conférence, aux discussions actives et sincères visant l'élaboration d'un tel consensus.

MME LUCIA FIORI (Italie) a déclaré que le débat à ce jour a convaincu son pays que la meilleure solution pour la reprise des travaux de fond de la Conférence consiste en l'adoption du document CD/1840 daté du 13 mars 2008. Certes perfectible, ce document, élaboré au terme de cinq ans de négociations intenses, n'en contient pas moins une proposition réaliste et équilibrée et représente le meilleur compromis possible en ce qui concerne le programme de travail de la Conférence du désarmement. La négociation d'un traité interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires est l'une des priorités de l'Italie, a rappelé Mme Fiori, déplorant à ce propos le retard pris sur le calendrier adopté par consensus lors de la Conférence d'examen du traité de non-prolifération de 2000. Des progrès ont néanmoins été réalisés par la Conférence, la question de l'interdiction des matières fissiles ayant d'ailleurs mûri au point que seules de nouvelles négociations permettront la réalisation de véritables progrès dans ce domaine, a estimé la représentante italienne. De telles négociations devront permettre à toutes les délégations de voir leurs préoccupations dûment prises en compte, en particulier en matière de stocks et de contrôle. Par ailleurs, l'Italie se félicite des progrès réalisés dans d'autres domaines, comme par exemple la prévention de la course aux armements dans l'espace. À ce titre, et en tant que membre de l'Union européenne, l'Italie contribue à la rédaction d'un code de conduite européen régissant les activités dans l'espace.

M. GIORGI GORGILADZE (Géorgie) a regretté que sa première intervention devant la Conférence se fasse à un moment où son pays a été l'objet d'une attaque armée de la part de la Fédération de Russie. Le but de la Conférence a toujours été de créer un environnement sûr dans l'esprit des principes de la Charte des Nations Unies, a-t-il rappelé. Il est regrettable qu'aujourd'hui, nous soyons témoins de la violation de ces principes et de ces engagements de la part de la Fédération de Russie, a-t-il déclaré.

Évoquant les derniers événements intervenus dans son pays, M. Gorgiladze a indiqué que la situation s'est aggravée au fil de la semaine écoulée. Les forces armées russes ont occupé de grandes parties du territoire géorgien et ont effectué des bombardements massifs sur les villes géorgiennes, dans tout le pays, loin de la zone de conflit d'Ossétie du Sud, a-t-il ajouté. La communauté internationale aura l'occasion d'évaluer, une à une, toutes les violations du droit international par la partie russe, a-t-il déclaré. Il a assuré que la Géorgie a toujours répondu avec la plus grande retenue et la plus grande prudence aux actes provocateurs perpétrés par la partie russe elle-même ou par le biais des régimes séparatistes satellites de Moscou en Géorgie. Par le passé, il a toujours été possible d'éviter une confrontation majeure et de maintenir la situation sous contrôle, dans une large mesure grâce à l'implication internationale, a souligné M. Gorgiladze. Les actes des autorités géorgiennes ont eu pour but de réagir pour défendre la sécurité de la population pacifique contre les actes du régime séparatiste d'Ossétie du Sud, a-t-il indiqué. La Géorgie a agi en conformité avec les règles régissant la conduite des hostilités, alors que la Fédération de Russie a saisi l'occasion pour mener une invasion territoriale.

Le représentant géorgien a souligné que la partie russe a poursuivi son action militaire après que le Président de la Géorgie eut donné l'ordre à toutes les troupes géorgiennes, le 10 août, de respecter un cessez-le-feu unilatéral et de se retirer du territoire de la région de Tskhimvali. Cela a été confirmé lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, a insisté M. Gorgiladze. En dépit de la déclaration du 12 août dernier du Président de la Fédération de Russie concernant la cessation des activités militaires, la Fédération de Russie a poursuivi son agression militaire d'envergure contre la Géorgie. Même après être parvenue à un accord, le 12 août, sur les principes de la résolution du conflit entre la Géorgie et la Fédération de Russie - accord ayant bénéficié de la médiation du Président français - la Fédération de Russie a continué à occuper de nouveaux territoires de la Géorgie et à bombarder des cibles civiles bien au-delà des zones de conflit. Le 13 août, les troupes russes se sont emparées de la ville de Gori, causant des destructions massives et de graves dommages à la population et aux infrastructures civiles. Ces actes ont été perpétrés qui enfreignent gravement les règles du droit humanitaire international, a déclaré M. Gorgiladze, dénonçant les mauvais traitements infligés aux civils et le pillage de villages au nom des forces armées russes.

M. Gorgiladze a souligné que les représentants de la communauté internationale, notamment les organisations internationales et humanitaires, n'ont pas pu avoir accès aux territoires contrôlés par les forces armées russes, ce qui ne fait qu'accroître les doutes quant aux objectifs réels poursuivis par les Russes en Géorgie. Le nombre de cibles civiles bombardées ou attaquées par les forces armées russes indique clairement qu'il ne s'agit pas seulement de dommages collatéraux, a insisté M. Gorgiladze, citant parmi ces cibles des immeubles d'appartements civils, le marché et la municipalité de Gori, le port de Poti, la gare et l'aéroport de Senaki, l'oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), l'aéroport de Kopitnari près de Kutaisi, un aérodrome en haute Abkhazie, le pont reliant les parties orientale et occidentale de la Géorgie, ainsi qu'une station radar civile près de Tbilissi.

La Géorgie réaffirme qu'elle n'a jamais dépassé les limites fixées par les traités internationaux et les régimes de contrôle des armements pertinents, a insisté M. Gorgiladze, ajoutant que toutes les allégations et accusations de ce type ne sont que pure démagogie. De l'autre côté, a-t-il ajouté, la Fédération de Russie a activement soutenu les séparatistes par des livraisons d'armes, des formations et un appui logistique. Des officiels russes ont occupé les postes gouvernementaux les plus élevés au sein du gouvernement autoproclamé d'Ossétie du Sud. Ainsi, grâce au soutien des autorités russes et des forces russes de maintien de la paix stationnées dans la région, les séparatistes ont-ils mené des attaques contre la police géorgienne et contre la population civile dans la zone de conflit.

La Conférence du désarmement n'est pas une instance devant être utilisée à des fins polémiques et démagogiques si caractéristiques de la mentalité soviétique, en particulier eu égard au fait que la Géorgie s'est ouvertement déclarée engagée à respecter les principes régissant les relations amicales entre États, les principes démocratiques et la primauté du droit, a souligné M. Gorgiladze. Il a fait part de sa gratitude à l'égard des pays qui ont soutenu la Géorgie et continuent de la soutenir, soulignant que leur soutien repose avant tout sur le respect des valeurs démocratiques, des principes des droits de l'homme et des libertés.

M. VALERY LOSHCHININ (Fédération de Russie) a indiqué que la nuit du 7 au 8 août, donc la veille de l'ouverture solennelle des Jeux olympiques à Beijing, au moment où la majorité des dirigeants des pays se trouvaient dans la capitale chinoise, la Géorgie a déclenché une agression contre le peuple d'Ossétie du Sud et son propre territoire et ce, quelques heures seulement après qu'un accord eut été conclu en vue de la tenue de négociations visant à réduire la tension dans la zone de conflit. En dépit des efforts diplomatiques - menés au travers de contacts entre Moscou, Tskhinvali et Washington ainsi qu'un certain nombre d'autres capitales intéressées, parmi lesquelles Berlin, Paris et Bruxelles - et malgré les nombreux avertissements de ces capitales, les dirigeants géorgiens ont préféré recourir au pire scénario en ayant recours à la force, opérant ainsi une agression délibérée et perpétrant des violations massives des normes du droit international et des principes humanitaires.

Il y a deux jours, a poursuivi M. Loshchinin, le Président de la Fédération de Russie, M. Dimitri Medvedev, a fait une importante déclaration sur l'arrêt des opérations en Ossétie du Sud, dans laquelle il indiquait que les objectifs de cette opération - à savoir la sécurité des forces de maintien de la paix dans la région, la sécurité de la population et des infrastructures civiles - avaient été atteints et que l'agresseur avait été puni et avait subi de lourdes pertes. Durant le conflit armé, les forces russes ont strictement respecté les normes du droit humanitaire international et, plus particulièrement, n'ont mené aucune attaque contre des civils ou contre des infrastructures civiles, a assuré M. Loshchinin.

Après avoir rappelé les six principes figurant dans l'accord conclu à l'issue de la visite du Président français à Moscou, M. Loshchinin a souligné que le plus important d'entre eux était celui posant le principe de non-recours à la force, qui doit encore se matérialiser par un document juridiquement contraignant. M. Loshchinin a rendu hommage à l'action du Président de la France dans ce contexte.

Tout ce qui s'est passé ces derniers jours n'est rien d'autre qu'une agression soigneusement planifiée par Tbilissi contre la population d'Ossétie du Sud, a déclaré M. Loshchinin. La Géorgie a sauvagement bombardé la région de Tskhinvali et des villages d'Ossétie du Sud, en utilisant toutes sortes d'armes, a-t-il insisté, avant d'affirmer qu'il s'agit là, clairement, d'un nettoyage ethnique - ce qui constitue un crime de guerre et une violation du droit international. M. Loshchinin a assuré que l'objectif d'une telle politique était de nettoyer l'Ossétie du Sud des Ossètes et de s'emparer du territoire ainsi nettoyé. Il a souligné qu'une telle action criminelle relèverait de la définition du génocide et a assuré qu'il existe de nombreuses preuves de violations des normes du droit international humanitaire par la partie géorgienne. M. Loshchinin a ajouté que la Fédération de Russie apporterait les preuves de ces activités criminelles de la Géorgie.

M. Loshchinin a par ailleurs déclaré que l'hypocrisie de la Géorgie est évidente lorsqu'elle en appelle à la Cour internationale de justice contre la Fédération de Russie. Les dirigeants actuels de la Géorgie n'ont pas pris les bonnes décisions, a-t-il souligné. Lorsqu'ils se tournent vers la Cour internationale de justice, ce devrait être non pas en tant que plaignant mais plutôt pour y présenter des excuses à la communauté internationale, a-t-il estimé.

Il convient de tirer les leçons d'une telle tragédie, y compris du point de vue des travaux de la Conférence, a conclu le représentant russe. Le Registre des Nations Unies sur les armes classiques fournit la preuve de la préparation constante de la Géorgie à une opération militaire, a assuré M. Loshchinin. Selon certaines données officielles, sous la direction de M. Saakashvili, les dépenses militaires de la Géorgie ont décuplé, le budget militaire étant quant à lui multiplié par un facteur 20, a-t-il poursuivi. Il a en outre fait valoir que le Premier Ministre de la Slovaquie avait déclaré que la Géorgie était responsable de la situation. M. Edouard Chevarnadze, l'ancien Président de la Géorgie remplacé par son élève Saakashvili à la suite d'un coup d'État illégal, a lui-même déclaré que l'intervention de la Géorgie en Ossétie du Sud était une erreur fatale, a rappelé M. Loshchinin. Cette erreur fatale, M. Saakashvili l'a commise en se livrant à une opération de nettoyage ethnique et à des actions militaires qui font que la Géorgie est totalement responsable de ce qui s'est produit en Ossétie du Sud.

MME CHRISTINA ROCCA, Présidente de la Conférence, s'est réjouie que le nouveau cycle de réunions informelles au sein de la Conférence ait permis de «rafraîchir» les conversations sur les questions importantes dont est saisie cette instance. Elle a toutefois jugé regrettable que ces échanges de vues n'aient pas permis, jusqu'ici, d'atteindre le principal objectif de la Conférence à ce stade, qui reste de parvenir à un consensus sur un programme de travail. Les déclarations faites durant les séances plénières ces dernières semaines témoignent d'un fort soutien au programme de travail proposé par la présidence à travers le document CD/1840, a rappelé Mme Rocca. Elle a précisé qu'elle allait maintenant transmettre la présidence de la Conférence au Venezuela et a assuré l'Ambassadeur Germán Mundaraín Hernández de son plein appui ainsi que de celui, à n'en pas douter, de l'ensemble des six Présidents de la session de 2008 de la Conférence (le «P6»).


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