Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE
EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUTRICHE
EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUTRICHE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Autriche sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation autrichienne, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, M. Ion Diaconu, a souligné que dans certains domaines, le Comité avait des perceptions et approches différentes de celles de la délégation autrichienne. C'est le cas notamment s'agissant des minorités. Le rapporteur a par ailleurs observé que de nombreuses sources font état de cas de mauvais comportements de la police et de policiers traitant des personnes d'origine africaine de manière humiliante, et a relevé la faiblesse de la réaction des autorités en la matière. Le Comité devrait aussi recommander à l'Autriche de prendre des mesures plus déterminées afin d'aider les Slovènes et autres minorités à préserver leur identité, a déclaré M. Diaconu. Le Comité attend davantage de l'Autriche en matière de mise en œuvre de la Convention, a déclaré le rapporteur. Le Comité rendra publiques des observations finales sur le rapport de l'Autriche à la fin de la session, le 15 août prochain.
Présentant le rapport de son pays, Mme Brigitte Ohms, Chef adjoint de la Division des affaires internationales et administratives générales du Service juridique de la Chancellerie fédérale de l'Autriche, a souligné que l'Autriche applique, en matière de lutte contre le racisme, une double approche fondée sur la prévention, d'une part, et sur la protection effective contre le racisme, de l'autre. Le Conseil consultatif pour les droits de l'homme, institution indépendante responsable du contrôle, sous l'angle des droits de l'homme, des activités des forces de l'ordre, a publié des recommandations portant, entre autres, sur l'usage discriminatoire du langage et la situation des personnes détenues en attendant leur expulsion. Les mandats de la Commission pour l'égalité de traitement et du Médiateur ont été élargis pour couvrir la discrimination fondée, entre autres, sur l'origine ethnique ou la religion. Mme Ohms a par ailleurs souligné que, comme la plupart des pays européens, l'Autriche établit une distinction entre minorités nationales autochtones et communautés migrantes. Le pays s'efforce néanmoins de répondre aux besoins de ces deux groupes de manière adéquate. La délégation a également attiré l'attention sur les deux piliers de l'action législative contre le racisme que constituent, pour l'Autriche, la loi d'interdiction du national-socialisme et l'article 283 du Code pénal sur l'interdiction de l'incitation à la haine raciale.
La délégation autrichienne était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'éducation, des arts et de la culture, de l'Organe national pour l'égalité et de la Mission permanente de l'Autriche auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni des compléments d'informations en ce qui concerne, entre autres, les minorités ethniques et nationales; l'éducation bilingue; l'interdiction de la participation à des organisations néo-nazies; le pluralisme et la diversité des médias; l'incrimination des délits racistes; les services aux victimes; les plaintes déposées contre des fonctionnaires; et la loi fédérale sur l'égalité de traitement.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de la Suisse (CERD/C/CHE/6).
Présentation du rapport
MME BRIGITTE OHMS, Chef adjoint de la Division des affaires internationales et administratives générales du Service juridique de la Chancellerie fédérale d'Autriche, présentant le rapport de son pays, a souligné que l'Autriche applique, en matière de lutte contre le racisme, une double approche fondée sur la prévention, d'une part, et sur la protection effective contre le racisme, de l'autre. Sur le plan préventif, a-t-elle précisé, l'Autriche est persuadée qu'un climat social de tolérance est largement influencé par les personnalités publiques, parmi lesquelles figurent les politiciens. Aussi, les membres du Gouvernement autrichien s'efforcent-ils de donner le bon exemple par leur engagement public en faveur de la tolérance et plus particulièrement en évitant tout radicalisme verbal et en le dénonçant, a-t-elle insisté.
L'Autriche offre un système éducatif et un système de santé de grande qualité à tous ses citoyens, a poursuivi Mme Ohms. Elle a aussi fait part d'un certain nombre d'initiatives prises par son pays pour accroître la sensibilisation au sujet des questions de discrimination, citant notamment les mesures adoptées en matière de formation des personnel des ministères clefs de l'économie et du travail, de la justice et de l'intérieur et des forces de police ainsi qu'en matière de promotion de la tolérance et de l'éducation aux droits de l'homme en milieu scolaire.
Le Conseil consultatif pour les droits de l'homme, institution indépendante responsable du contrôle, sous l'angle des droits de l'homme, des activités des forces de l'ordre, a publié des recommandations portant, entre autres, sur l'usage discriminatoire du langage; sur les opérations de police à grande échelle; sur les grèves de la faim de personnes détenues avant leur expulsion; sur les postes de surveillance aux frontières; ou encore sur les personnes détenues en prison en attendant leur expulsion. En réponse à la recommandation de ce Conseil visant à prévenir le recours aux expressions racistes, le Ministère fédéral de l'intérieur a publié, en 2002, un décret relatif à l'usage d'un langage approprié par les agents responsables de l'application des lois, a précisé Mme Ohms.
La représentante autrichienne a souligné que des mesures spécifiques ont été prises par l'Autriche afin de faciliter l'accès aux services sociaux des personnes d'origine immigrée, qui sont confrontées à un risque particulièrement élevé de pauvreté et d'exclusion sociale.
Les mandats de la Commission pour l'égalité de traitement et du Médiateur ont été élargis pour couvrir la discrimination fondée, entre autres, sur l'origine ethnique ou la religion, a poursuivi Mme Ohms. En outre, les droits des victimes ont été renforcés, a-t-elle ajouté.
Comme la plupart des pays européens, l'Autriche établit une distinction entre minorités nationales autochtones et communautés migrantes, a souligné Mme Ohms. Le pays s'efforce néanmoins de répondre aux besoins de ces deux groupes de manière adéquate, a-t-elle souligné.
Mme Ohms a indiqué que l'Autriche ne dispose pas de statistiques sur les minorités qui vivent dans le pays; seules sont disponibles des données sur la citoyenneté des personnes qui vivent en Autriche, a-t-elle précisé. Lors du recensement de 2001, il était demandé aux personnes sondées de préciser, si elles le souhaitaient, quelle langue elles parlaient. Mais les personnes appartenant à des minorités refusent généralement de participer à des enquêtes qui visaient à définir si elles appartenaient à des minorités nationales, a souligné Mme Ohms.
Le Parlement autrichien a créé cet été un sous-comité pour les affaires concernant les minorités, afin de traiter de façon plus structurée les questions ayant trait aux minorités, a fait valoir Mme Ohms, qui a aussi fait part de l'adoption récente d'un amendement constitutionnel ayant permis la création d'un Tribunal fédéral sur l'asile, afin d'accélérer les procédures d'asile et de traiter les nombreuses demandes en souffrance.
M. WOLFGANG BOGENSBERGER, du Ministère fédéral de la justice de l'Autriche, a pour sa part attiré l'attention sur les deux piliers de l'action législative contre le racisme que constituent, pour l'Autriche, la Loi d'interdiction du national-socialisme et l'article 283 du Code pénal sur l'interdiction de l'incitation à la haine raciale. Le nombre de condamnations prononcées en vertu de ce dernier article est resté stable, avec trois condamnations par an en moyenne, entre 1984 et 2000; depuis, il a augmenté pour se situer à une dizaine de condamnations par an, a précisé M. Bogensberger.
MME BARBARA KUSSBACH, de l'Organe national pour l'égalité de l'Autriche, a rappelé que c'est une loi fédérale qui a porté création de l'Organe qu'elle représente et au sein duquel elle est plus précisément chargée des questions touchant à l'égalité dans le monde du travail. Les amendements apportés à la Loi sur l'égalité de traitement sont entrés en vigueur la semaine dernière, le 1er août 2008 exactement, a-t-elle souligné. Grâce à ces amendements, la loi couvre désormais la discrimination en fonction de nombreux critères. En outre, le délai pour porter plainte a été allongé, passant par exemple de six mois à un an dans les affaires de harcèlement sexuel. La protection des victimes a été renforcée et les dommages et intérêts accrus, a ajouté Mme Kussbach.
Mme Kussbach a en outre indiqué que l'an dernier, l'institution qu'elle représente a reçu 600 dossiers concernant des cas de discrimination en fonction de l'origine ethnique ou de la religion. En général, les groupes ciblés sont des minorités visibles, par exemple des musulmans, certaines affaires actuelles se rapportant à des femmes portant le voile islamique et qui rencontrent des difficultés dans le domaine de l'emploi, a-t-elle précisé. La plupart des affaires de discrimination raciale émanent de victimes qui vivent à Vienne ou près de Vienne car l'Organe national pour l'égalité n'a jusqu'à présent que des bureaux à Vienne, a ajouté Mme Kussbach.
Mme Kussbach a par ailleurs expliqué que la Commission pour l'égalité de traitement se prononce sur des plaintes individuelles et prononce des avis non contraignants. Le bureau du Médiateur, pour sa part, n'est pas habilité à saisir les tribunaux, a-t-elle précisé.
M. WALTER RUSCHER, du Ministère autrichien de l'intérieur, a fourni des informations complémentaires concernant, notamment, la formation dispensée aux membres de forces de l'ordre aux fins de la prévention de la discrimination raciale. Attirant en particulier l'attention sur la publication en 2005 d'un manuel sur les droits de l'homme destiné aux membres des forces de police.
La question de la détention de personnes en attente d'expulsion est une question délicate et nous sommes tout à fait conscients des problèmes dans ce domaine, a assuré M. Ruscher. Néanmoins, cela concerne un petit nombre de personnes et malheureusement, aucune solution autre que celle-là n'est alors envisageable, a-t-il ajouté. Depuis le 1er mai 2004, un règlement stipule que les requérants d'asile qui sont dans le besoin sont pris en charge; quel que soit l'endroit où ils se trouvent en Autriche, même dans une zone reculée, les sommes qui leur sont allouées sont les mêmes.
M. HERMANN HOLUBETZ, du Ministère autrichien de l'éducation, des arts et de la culture, a fait part des mesures prises, notamment, pour assurer la qualité de l'éducation bilingue et promouvoir l'accès à l'université pour les membres des minorités. Il a souligné qu'un nombre croissant d'étudiants s'inscrivent pour recevoir une éducation bilingue en slovène et en allemand.
Le rapport périodique de l'Autriche (CERD/C/AU/17 - quinzième à dix-septième rapports réunis en un seul document) rappelle en premier lieu les dispositions juridiques les plus pertinentes en vigueur pour mettre fin à toute incitation à la haine raciale et aux actes de discrimination raciale de cette nature. À cet égard, il y a lieu de mentionner l'infraction pénale d'incitation à la haine raciale et la loi d'interdiction du national-socialisme. Il y a également lieu d'indiquer que le fait de commettre un acte raciste ou xénophobe est une circonstance aggravante et de signaler l'existence de l'«infraction administrative» de discrimination fondée sur la race, ainsi que la possibilité de dissoudre les associations et les réunions illégales en application des dispositions pertinentes de la loi relative aux associations et de la loi relative à la liberté de réunion. Le rapport indique par ailleurs que l'Autriche a récemment pris plusieurs mesures dans le cadre de la loi relative à l'emploi des étrangers afin d'améliorer encore l'intégration des travailleurs migrants et des membres de leurs familles dans le marché du travail. Dans le cadre de l'éducation civique, enseignée dans tous les types d'établissements scolaires, de nombreuses mesures de différentes natures ont été adoptées pour lutter contre les préjugés, le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'antisémitisme ainsi que pour promouvoir le respect de la diversité, du pluralisme et de la considération mutuelle, souligne d'autre part le rapport. S'agissant d'observations faites précédemment par le Comité, le rapport souligne qu'une discrimination fondée uniquement sur la nationalité, la race, la couleur de la peau ou l'origine nationale ou ethnique est inadmissible dans tous les cas; cette interprétation de la Loi constitutionnelle fédérale portant interdiction de la discrimination raciale ne restreint donc en aucune manière l'interdiction de la discrimination, comme l'a suggéré le Comité. Elle n'autorise que le traitement différencié de ressortissants de divers pays fondé sur des critères factuels, par exemple, le traitement préférentiel découlant d'accords bilatéraux ou multilatéraux ou d'accords relatifs aux visas.
La loi autrichienne sur l'égalité de traitement, qui jusqu'à maintenant ne portait que sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes, a été modifiée, précise le rapport. La nouvelle législation relative à l'égalité de traitement a essentiellement pour objet de transposer dans le droit autrichien les deux directives antidiscrimination adoptées par l'Union européenne. La Commission pour l'égalité de traitement dans le secteur privé est placée sous la tutelle du Ministère fédéral de la santé et des questions féminines, rappelle en outre le rapport. Dans la période comprise entre le 1er juillet 2004, date de sa création, et la fin août 2006, les collèges II et III ont été saisis de 39 cas de discrimination. Le collège II, qui s'occupe de l'égalité de traitement au travail sans distinction d'origine ethnique, de religion ou d'idéologie, d'âge ou d'orientation sexuelle, a été saisi de 22 cas, tandis que le collège III, qui s'occupe de l'égalité de traitement dans les autres domaines sans distinction d'origine ethnique a été saisi de 17 cas. Pour ce qui est du traitement des demandeurs d'asile, poursuit le rapport, le Ministère fédéral de l'intérieur a réagi aux préoccupations exprimées par le Comité en adoptant la loi fédérale de 2005 sur les soins de base et l'aide de subsistance aux requérants d'asile.
Le rapport précise par ailleurs qu'en Autriche, les minorités nationales, tel que ce terme est défini par la loi sur les minorités nationales, sont la minorité slovène de Carinthie et de Styrie, la minorité croate du Burgenland, la minorité hongroise du Burgenland et de Vienne, la minorité tchèque de Vienne, la minorité slovaque de Vienne et la minorité rom du Burgenland. Un conseil consultatif a été mis en place, sous la tutelle de la Chancellerie fédérale, pour chacune des six minorités nationales autochtones. Ces conseils consultatifs ont pour tâche de conseiller le Gouvernement fédéral et les ministres fédéraux sur des questions intéressant les minorités nationales. La plupart des minorités nationales autochtones et de leurs membres sont très bien intégrés à la population majoritaire. Cependant, les groupes ethniques traditionnellement présents en Autriche font face à deux problèmes, la diminution et le vieillissement de leur population. Comme dans toute société moderne, le phénomène d'assimilation de ces groupes ethniques peut s'expliquer par les facteurs suivants: le faible poids démographique, en termes absolus, des minorités nationales; le caractère très dispersé, du moins en Carinthie, de leurs lieux d'installation; la prédominance des mariages mixtes sur le plan linguistique; le fait que les modes de vie agraires se perdent et que, parallèlement, la mobilité s'accroît et que l'environnement professionnel est essentiellement germanophone. En ce qui concerne la minorité nationale rom, le rapport affirme que la discrimination à l'égard des membres de cette minorité dont il est parfois fait état est essentiellement la conséquence d'un manque de formation conjugué à une mauvaise intégration dans le marché du travail. Aussi, l'Autriche déploie des efforts importants pour favoriser la réussite scolaire des Roms et leur intégration dans le marché du travail.
Observations et questions des membres du Comité
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport autrichien, a rappelé que l'Autriche est un pays fédéral d'environ huit millions d'habitants où les compétences sont partagées entre le Gouvernement fédéral et les neuf États fédérés. Il a ensuite relevé, au nombre des mesures positives prises par le pays, les amendements apportés à la Loi autrichienne sur l'égalité de traitement en vue d'y inclure également la discrimination fondée sur l'origine ethnique, la religion et l'idéologie; d'établir de nouvelles institutions et procédures pour traiter des plaintes ou violations, à savoir la Commission pour l'égalité de traitement et les collèges); ainsi que l'implication des organisations non gouvernementales dans de telles procédures pour représenter les victimes ou en tant que tierce partie. M. Diaconu a par ailleurs rappelé que l'Autriche est le siège de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui est dirigée par l'ancien membre du Comité M. Morten Kjærum. Il s'est en outre réjoui de l'adoption par l'Autriche, suite aux préoccupations exprimées par le Comité, d'une loi fédérale sur les soins de base et l'assistance aux requérants d'asile, ainsi que de l'accord passé à ce sujet entre les autorités fédérales et régionales.
Relevant la distinction opérée par l'Autriche entre les minorités autochtones et les autres groupes ethniques, M. Diaconu s'est demandé si cela n'entraînait pas une différence de traitement entre les personnes appartenant à ces deux catégories de population.
Il a noté que les groupes d'immigrants, dont bon nombre sont déjà citoyens autrichiens, sont plus nombreux que ce que l'on appelle les minorités autochtones; ils sont bien établis dans le pays, font partie de la société autrichienne et devraient être traités comme des groupes minoritaires. Ils ont le droit de ne pas être soumis à une discrimination fondée sur la race et ont des droits spécifiques dans les domaines linguistique, culturel et religieux. L'Autriche, dans son prochain rapport, devrait fournir des informations concernant leur situation dans les domaines de l'emploi, de la sécurité sociale, de l'éducation, de la culture et de la religion, a estimé M. Diaconu.
Les requérants d'asile constituent une autre catégorie de personnes pouvant être soumises à diverses formes de discrimination raciale, a poursuivi M. Diaconu, relevant en particulier les nombreuses informations disponibles sur la longueur des périodes de détention que ces personnes subissent dans l'attente de leur expulsion. Les informations faisant état de décès en détention ou de violences physiques de la part de police contre des personnes originaires de Gambie ou de Mauritanie suscitent également de graves préoccupations, a ajouté le rapporteur.
M. Diaconu a affirmé que si l'Autriche a mis en place un système législatif couvrant différents aspects de la Convention, des améliorations s'imposent encore. En effet, la Convention n'est pas directement applicable en Autriche. En outre, toutes les régions ne donnent pas encore effet aux mesures décidées au niveau fédéral. Aussi, le Comité pourrait-il recommander au pays de trouver les moyens, politiques et juridiques, d'assurer que toutes les régions et autorités locales respectent les dispositions de la Convention et les lois et décisions adoptées pour les mettre en œuvre.
La question se pose également de savoir si la promotion de la discrimination raciale ou l'incitation à la discrimination raciale sont vraiment incriminées par la législation pénale autrichienne, a poursuivi M. Diaconu. Des commentateurs avisés font observer que la législation applicable aux violences et crimes racistes, ainsi que les statistiques sur de tels faits, se concentrent sur les délits se rapportant à l'idéologie national-socialiste. Le Gouvernement fédéral devrait envisager d'étendre la portée de l'article 283 du Code pénal de manière à couvrir tous les actes de discrimination raciale contre toute personne appartenant à un groupe vulnérable et ce, sans nécessairement relier cet acte à l'ordre public.
Faisant en outre observer que de nombreuses sources rapportent des cas de mauvais comportements de la part des forces de police et de policiers traitant des personnes d'origine africaine de manière humiliante, M. Diaconu a relevé que la réaction des autorités en la matière semble faible et inefficace. Des informations montrent que la police ne réagit pas aux violences verbales et physiques à caractère raciste perpétrées par les skinheads à l'encontre d'étrangers, a ajouté le rapporteur. De nombreuses sources rapportent également des cas de refus d'entrée dans des bars ou autres locaux destinés au public opposé aux personnes d'origine africaine ou latino-américaine, a ajouté M. Diaconu. Là encore, la réaction de la police et de la population est très faible.
Il semble par ailleurs nécessaire que le Comité recommande à l'Autriche de prendre des mesures plus déterminées afin d'aider les Slovènes et autres minorités à préserver leur identité, notamment pour ce qui est de l'utilisation de leurs langues maternelles dans l'éducation, l'administration, la justice et les médias, a poursuivi M. Diaconu.
De nombreuses sources d'information relèvent qu'au sein des partis politiques, en particulier durant les périodes électorales, ainsi qu'au sein de la population en général, des tendances racistes et xénophobes se manifestent, a par ailleurs souligné M. Diaconu.
Le Comité attend davantage de l'Autriche en matière de mise en œuvre de la Convention, a conclu le rapporteur.
Un autre membre du Comité a souligné que l'Autriche a déjà beaucoup fait en matière de mise en œuvre de la Convention mais qu'il lui reste encore beaucoup à faire. Les Roms sont-ils nomades en Autriche, comme ils le sont dans nombre d'autres pays, et, dans ce cas, pourquoi sont-ils reconnus comme minorité nationale au Burgenland et pas dans les autres États, s'est demandé l'expert ? Il s'est en outre enquis de la composition du Conseil consultatif des droits de l'homme créé en juillet 1999 et des résultats des activités de cette institution.
L'analyse de la situation de l'Autriche est révélatrice des tendances que l'on retrouve dans de nombreux pays de la région, a souligné un membre du Comité. Il a relevé que le rapport présenté en 2005 par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance faisait état d'une persistance de stéréotypes racistes et xénophobes en Autriche, notamment dans les débats publics et les médias. Ce rapport faisait également état de la subsistance de discriminations contre les demandeurs d'asile et les membres des minorités - en particulier les personnes d'origine africaine, les musulmans et les Roms. Existeraient aussi des tendances antisémites? La question du langage utilisé par la police à l'égard des membres des minorités est essentielle, a poursuivi l'expert, soulignant que beaucoup de personnes interpellées par la police dénoncent un manque de respect à leur égard et disent ressentir un sentiment d'humiliation. Il a souhaité obtenir de la délégation des informations complémentaires concernant les mesures prises pour promouvoir un dialogue avec les groupes religieux et la nature d'un tel dialogue.
Un autre expert a relevé que le nombre de personnes qui s'impliquent dans les mouvements néo-nazis reste encore assez élevé.
Un autre membre du Comité a indiqué que lorsqu'il s'était trouvé à Vienne, il avait pu constater que certains Autrichiens d'origine ne semblaient pas accueillants à l'égard des étrangers qui vivaient dans le pays et semblaient même assez hostiles à ces étrangers, en particulier lorsqu'il s'agissait de «gens de couleur». La politique d'immigration de l'Autriche est l'une des plus strictes d'Europe, a ajouté l'expert. Il a par ailleurs relevé que selon certaines informations, la seule ville de Vienne compterait entre 100 000 et 300 000 immigrants sans-papiers.
Un expert a indiqué n'avoir pas compris, sur le plan conceptuel, la différence que l'Autriche établit entre minorité nationale et minorité ethnique. Peut-on parler de minorité nationale lorsque l'on ne fait intervenir que le seul critère de la langue, a-t-il demandé?
S'il finance la presse autrichienne et que cette dernière publie parfois des propos haineux ou racistes, le Gouvernement autrichien n'a-t-il pas le sentiment d'enfreindre l'article 4 de la Convention, a demandé un membre du Comité?
Le recours à la méthode du testing est-il autorisé en Autriche pour déceler les infractions et excès relevant de comportements racistes, a demandé un expert?
Un autre expert s'est dit étonné d'apprendre que les musulmans sont reconnus comme une minorité distincte depuis 1912. Sans vouloir remettre en cause une approche désormais centenaire en Autriche, l'expert s'est demandé s'il n'est pas préférable, d'une manière générale, de reconnaître une minorité sur la base de l'appartenance de ses membres à une ethnie que sur la base de leur appartenance à une religion.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
Éclaircissant l'emploi des termes minorités ethniques et minorités nationales, la délégation autrichienne a assuré qu'en Autriche, ces deux terminologies désignent les mêmes groupes, désignés sous le vocable de Volksgruppen en allemand.
Les Roms ont un statut particulier depuis une dizaine d'années, a poursuivi la délégation. La tendance à la baisse, ces dernières années, de l'utilisation des langues des minorités nationales, s'est renversée et est repartie récemment à la hausse, a-t-elle ajouté.
Les migrants reçoivent une formation pour leur permettre de trouver un emploi, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a assuré être parfaitement consciente de l'inquiétude du Comité face à la décision de la Cour constitutionnelle en 2001 et aux jugements qui ont suivi concernant les panneaux de signalisation bilingue en Carinthie.
La communauté musulmane a été reconnue en 1912 en Autriche et constitue donc une minorité religieuse reconnue par la loi autrichienne, a par ailleurs rappelé la délégation. Le Gouvernement autrichien maintient un dialogue avec les représentants de toutes les cultures et religions présentes en Autriche, y compris la communauté musulmane, a-t-elle souligné.
La délégation a insisté sur l'importance que l'Autriche accorde au pluralisme et à la diversité des médias. Afin de préserver cette diversité, l'État octroie un important soutien financier aux médias, auxquels il a par exemple accordé 13 millions d'euros en 2007. Les médias exercent sur eux-mêmes un autocontrôle, a ajouté la délégation. Un mécanisme juridique permet en outre d'exercer un contrôle sur le contenu de la presse en Autriche; ce mécanisme est ouvert à tous ceux qui souhaitent faire vérifier un contenu de presse par un organisme indépendant habilité à prendre des décisions dans ce domaine.
En ce qui concerne le Protocole n°12 à la Convention européenne des droits de l'homme, qui concerne l'interdiction générale de la discrimination, la délégation a expliqué que l'Autriche n'a pas encore ratifié ce traité car elle n'a pas l'intention d'accroître la pression pesant sur la Cour européenne des droits de l'homme qui est déjà surchargée de travail.
Pour ce qui est de savoir si la participation à des organisations néo-nazies constitue un délit en Autriche, la délégation a indiqué que toute manifestation de soutien à ces organisations constitue un délit pénal grave passible de peines pouvant aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement.
La discrimination raciale est illégale et fait l'objet de sanctions, a par ailleurs assuré la délégation. L'article 283 du Code pénal qui incrimine l'incitation à la haine fait certes référence à la notion de danger pesant sur l'ordre public mais cela ne limite en aucune manière le champ d'application de cet article, a par ailleurs indiqué la délégation.
Selon le Code de procédure pénale et la loi sur les victimes de délits, sont appliqués en Autriche les droits au recours, à une aide juridictionnelle et à indemnisation, a en outre souligné la délégation. Le nombre de services en faveur des victimes est passé de 4 en 2000 à 47 en 2007, répartis sur tout le territoire, a-t-elle précisé. D'une cinquantaine en 2000, le nombre de personnes ayant eu recours aux services en faveur des victimes est passé à environ deux mille depuis 2006.
En ce qui concerne la discrimination dans l'accès aux biens et services et les recours disponibles en la matière, la délégation a indiqué que des recours administratifs existent pour faire face à ce type de discrimination. La loi sur l'égalité de traitement, qui s'applique en matière de discrimination raciale, est bien entendu aussi applicable pour ce qui a trait à l'accès aux biens et aux services, a ajouté la délégation.
En ce qui concerne d'éventuelles mesures spéciales prises en Autriche dans le domaine de l'éducation, la délégation a souligné que pour ouvrir une classe, il faut un nombre minimum d'écoliers. Or, pour les écoles de minorités au Burgenland et en Carinthie, ce nombre est de sept enfants; dans d'autres régions, ce nombre est de dix, a-t-elle précisé.
Interrogée sur le respect de certains aspects de la loi sur l'éducation bilingue en Carinthie, la délégation a souligné que selon la loi, les directeurs d'école doivent être bilingues uniquement s'ils sont appelés à dispenser un enseignement dans leur école.
En ce qui concerne les personnes d'origine africaine qui se seraient vu refuser l'accès à des lieux publics, cette interdiction d'accès à des lieux publics est interdite par la loi, a assuré la délégation. Mais pour appliquer la loi en la matière, il faut avant tout que les victimes portent plainte, a souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné qu'il existe un Service spécifiquement chargé de recevoir les plaintes déposées à l'encontre de fonctionnaires. L'an dernier, ce service a reçu 474 plaintes, contre 357 en 2006. Ces plaintes concernaient surtout des insultes racistes, a précisé la délégation. On peut dire qu'il y a justiciabilité interne pour les fonctionnaires qui n'ont pas respecté les normes fixées, a-t-elle ajouté. La sanction peut aller jusqu'au licenciement avec perte de tous les droits acquis par le fonctionnaire, a insisté la délégation.
Si près de 90% des plaintes émises contre des fonctionnaires n'entraînent pas de condamnation de ces fonctionnaires, il convient d'avoir à l'esprit que toutes les plaintes ne sont pas justifiées, a souligné la délégation. En outre, des mesures disciplinaires peuvent être prises sans qu'il y ait condamnation pénale sanctionnant, elle, un délit pénal, a rappelé la délégation.
Sur la question en rapport avec le financement de la presse en Autriche, la délégation a tenu à souligner qu'il n'y a aucune censure dans le pays, qu'il s'agisse de censure préalable à proprement parler ou d'autocensure. Le financement public de la presse n'induit aucune forme de censure, a insisté la délégation.
La délégation a réitéré ne pas être en mesure de fournir, au sujet des diverses minorités, des statistiques précises ventilées en fonction de critères sociaux. Seules sont disponibles, en réponse à de tels critères, des statistiques ventilées selon l'appartenance ou non à la citoyenneté autrichienne, a précisé la délégation.
La loi sur l'égalité de traitement est une loi fédérale qui prévoit la possibilité pour chacun, sur l'ensemble du territoire autrichien, de déposer une plainte pour traitement discriminatoire, a indiqué la délégation. Elle a admis que la mise en œuvre de cette loi se heurte à un certain nombre de difficultés, liées notamment au manque de services décentralisés disponibles aux fins d'un soutien direct aux victimes.
Cette loi sur l'égalité de traitement prévoit en outre une sorte d'inversion du fardeau de la preuve, a indiqué la délégation. Ainsi, dans une affaire de discrimination, la victime doit-elle présenter les faits qui indiquent qu'en toute probabilité, une discrimination a eu lieu et l'autre partie doit, elle, fournir encore plus de probabilités concernant l'inexistence d'une telle discrimination. Il y a donc, plutôt qu'une inversion réelle, un déplacement du fardeau de la preuve, a fait valoir la délégation.
Observations préliminaires
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Autriche, présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation autrichienne, s'est réjoui des nombreuses informations fournies par la délégation autrichienne, qui permettent de mieux connaître le contexte historique et politique de l'Autriche et mieux saisir la spécificité du pays. Dans certains domaines, le Comité a des perceptions et approches différentes de celles de la délégation autrichienne. Il en va ainsi en ce qui concerne les minorités, a précisé M. Diaconu. Le Comité pense que des personnes originaires de groupes ethniques ou raciaux devraient disposer de droits plus étendus. Le traité de 1955 prévoit des droits spécifiques pour les Croates et les Slovènes; mais il répondait à une situation spécifique, propre à cette époque, a rappelé M. Diaconu. Pourquoi ces droits accordés à ces minorités n'ont-ils pas été accordés aux autres minorités, a-t-il demandé? Le Comité ne préconise pas une approche paternaliste à l'égard des minorités, a-t-il insisté.
M. Diaconu a par ailleurs relevé que 90% des plaintes pour discrimination ne sont pas condamnées au pénal et a estimé qu'il serait utile pour le Comité de savoir quelle part de ces plaintes fait l'objet de sanctions disciplinaires et quelles sont celles qui font l'objet de sanctions pénales.
Le point de départ de la démarche du Comité reste l'égalité de droits et l'égalité devant la loi pour tous, a rappelé M. Diaconu. L'Autriche dispose de toutes les ressources et de la volonté nécessaires, a-t-il souligné.
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CRD08023F