Aller au contenu principal

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'IRLANDE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le troisième rapport périodique qui lui a été présenté par l'Irlande, sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen, le Président du Comité, M. Rafael Rivas Posada, a souligné que la situation demeure peu claire s'agissant de l'incorporation du Pacte dans le droit interne irlandais. Il semble y avoir un régime indirect d'application des dispositions du Pacte qui suscite des questions quant à la vigueur avec laquelle le pays défend ces droits, a relevé le Président. Tout en se félicitant de la levée de certaines réserves et de la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, les membres du Comité ont constaté que, s'agissant des recommandations qu'il a formulées il y a huit ans, il y a encore beaucoup d'interrogations et pas beaucoup de progrès. Se référant notamment à l'article 41 de la Constitution irlandaise définissant le rôle des conjoints au sein de la famille, les membres du Comité, tout en prenant acte du projet de libellé alternatif rendant cet article neutre pour l'appliquer indifféremment aux hommes et aux femmes, a estimé que l'article tel qu'il est rédigé reflète une organisation familiale obsolète. Déplorant la prévalence d'une éducation sectaire et fondée sur la seule religion catholique, ils ont demandé à l'Irlande de mettre en place une éducation séculaire, dans l'intérêt de tous les enfants. Il a aussi émis des doutes quant à la conformité de la nouvelle loi sur l'immigration avec les dispositions du Pacte, notamment s'agissant du principe de non-refoulement. Les observations finales du Comité concernant le rapport de l'Irlande seront rendues publiques au terme de la session.

M. Paul Gallagher, Procureur général de l'Irlande et chef de la délégation, a assuré le Comité que l'Irlande a fait d'importants progrès s'agissant de nombreux domaines qui relèvent de la compétence du Comité. La position juridique de l'Irlande est orientée vers la protection des droits de l'homme. Au fil du temps, une protection coordonnée des droits de l'homme a été mise en place, a-t-il ajouté, affirmant que cette protection remonte à la création de l'État en 1937. La Constitution irlandaise est un document évolutif et vivant qui reprend un grand nombre de dispositions du Pacte et de la Convention européenne des droits de l'homme.

La délégation de l'Irlande était également composée de représentants de la Mission permanente de l'Irlande auprès des Nations Unies à Genève, de divers services du Ministère de la justice, de l'égalité et de la réforme juridique, ainsi que du Ministère des affaires étrangères. Elle a apporté des précisions au Comité s'agissant, notamment, des tribunaux spéciaux d'exception, déclarant que les autorités considèrent qu'une menace à l'ordre public existe toujours en Irlande, confortées dans leur crainte par la persistance de groupes républicains qui continuent à exercer une pression sur les tribunaux. Le nombre d'affaires traitées par ces tribunaux est toutefois en diminution, a affirmé la délégation. La délégation a par ailleurs apporté des explications en réponse aux questions des experts portant notamment sur la traite d'êtres humains, sur les mesures s'inscrivant dans la loi sur l'immigration et sur les «restitutions» de prisonniers à un pays tiers sur sol irlandais, assurant à cet égard qu'aucun cas de restitution ne s'est produit dans le pays.

Au cours de sa prochaine séance publique, mercredi matin, le Comité examinera un projet d'observation générale sur les obligations qui incombent aux États en vertu du Protocole facultatif habilitant le Comité à recevoir et à examiner des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d'une violation d'un des droits énoncés dans le Pacte.


Présentation du rapport

M. PAUL GALLAGHER, Procureur général d'Irlande et chef de la délégation, a assuré le Comité que l'Irlande a fait beaucoup de progrès s'agissant de nombreux domaines qui relèvent de la compétence du Comité. La position juridique de l'Irlande est orientée vers la protection des droits de l'homme. Au fil du temps, une protection coordonnée des droits de l'homme a été mise en place, a-t-il ajouté, affirmant que cette protection remonte à la constitution même de l'État, en 1937. La Constitution irlandaise est un document évolutif et vivant, a-t-il déclaré, se référant au système dualiste sur lequel elle repose. La Constitution, a-t-il poursuivi, reprend un grand nombre de dispositions du Pacte et a également été remaniée pour être en accord avec la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour suprême peut, à cet égard, déclarer une loi non valable si elle l'estime non conforme aux dispositions du Pacte de l'ONU ou de la Convention européenne. L'Irlande considère qu'elle a obtenu d'excellents résultats en matière de droits de l'homme, a encore affirmé M. Gallagher, qui a souligné l'attachement de son pays à ses engagements internationaux.

Depuis la présentation de son dernier rapport, l'Irlande a revu un certain nombre de réserves qu'elle avait émises à l'égard du Pacte, a dit le Procureur. Concernant la réserve à l'article 14 relatif au droit à un procès équitable, le Gouvernement devrait tout prochainement édicter une loi visant à retirer cette réserve qui portait sur les infractions mineures à la législation militaire, qui peuvent faire l'objet en Irlande d'une procédure sommaire. S'agissant de la réserve à l'article 19 sur la liberté d'expression, et par laquelle l'Irlande se réserve le droit de conférer un monopole à certaines entreprises de radiodiffusion et de télévision ou d'exiger une licence, un projet de loi sur la radiodiffusion a été soumise à l'Oireachtas (Parlement), qui lèverait cette réserve au moins en partie. M. Gallagher a ajouté que la diversité dans la propriété des médias est aujourd'hui assurée et est prise en compte par le nouveau projet de loi.

M. Gallagher a fait valoir que le Gouvernement a pris une décision, le 24 juin 2008, visant à introduire une loi sur le partenariat civil, qui assure une protection aux couples du même sexe.

Une autre évolution récente est l'introduction, en 2005, d'une Commission indépendante de l'Ombudsman de la Police nationale, principalement chargée d'instruire les plaintes déposées par des citoyens contre les membres de la Police nationale, a indiqué le Procureur général.

Des mesures on par ailleurs été prises par l'Irlande pour améliorer les conditions dans les établissements pénitentiaires, a fait valoir M. Gallagher, soulignant la rénovation de certains bâtiments, l'amélioration du niveau de santé et d'hygiène et la construction de nouvelles installations. Les juges sont conscients que la punition doit être une réponse mais pas la seule qui doit s'appliquer aux actes criminels, a-t-il déclaré.

Un autre domaine où l'Irlande a beaucoup évolué est celui de l'avancement de la parité entre les sexes, a affirmé le chef de la délégation irlandaise, grâce notamment à l'introduction d'une réforme judiciaire. Des mécanismes d'application indépendants ont aussi été mis en place pour garantir la mise en œuvre des nouvelles lois. S'agissant des mesures prises pour prévenir la violence sexuelle, l'Irlande a initié des campagnes de sensibilisation et renforcé la loi qui prévoit des dispositions très avancées pour fournir une protection à la population, a dit le représentant irlandais. La violence sexuelle demeure toutefois préoccupante en dépit de l'évolution de la loi, a-t-il reconnu, soulignant la nécessité d'éduquer la population. Il a encore cité, au nombre des grandes nouveautés, la création du COSC, l'Office irlandais pour la prévention de la violence au sein de la famille.

Se référant aux préoccupations exprimées précédemment par les experts sur la situation des gens du voyage, M. Gallagher a indiqué que des lois ont été promulguées pour les protéger. Un accord de partenariat a par ailleurs été signé pour faciliter l'inclusion des gens du voyage dans la vie économique et sociale du pays, a-t-il ajouté.

Une des grandes transformations vécues par la société irlandaise est l'énorme flux d'immigrants qui se sont présentés aux portes du pays. Le pays, qui a lui-même une tradition d'immigration, a fait de grands efforts pour intégrer les immigrants, a dit M. Gallagher. Plus de 180 nationalités sont aujourd'hui représentées en Irlande a-t-il ajouté, soulignant que le projet de loi sur l'immigration de 2008 a fait l'objet de larges consultations auprès de la société civile et des services gouvernementaux concernés. Il a aussi fait état de la récente adoption d'une loi sur la traite d'êtres humains, qui institue ce délit comme un crime.

Le Procureur général a conclu sa présentation en soulignant que l'État de droit en Irlande se fonde non seulement sur la règle écrite, mais sur l'application des règles, ce qui exige un mécanisme d'application dynamique et des organes qui disposent de suffisamment de moyens pour intervenir dans les faits.

Le troisième rapport périodique de l'Irlande (CCPR/C/IRL/3) indique notamment que, depuis la présentation de son précédent rapport, 1998, d'importants faits nouveaux sont intervenus en Irlande dans le domaine des droits de l'homme, dont les principaux sont la création d'une Commission des droits de l'homme et la poursuite de la transposition de la Convention européenne des droits de l'homme en droit irlandais. En juillet 2004, est entrée en vigueur la loi sur l'égalité, qui apporte une nouvelle contribution importante à l'élimination de la discrimination pratiquée tant sur le lieu de travail que dans l'ensemble de la société. S'agissant des mesures mises en œuvre en Irlande pour favoriser l'égalité des chances, le rapport mentionne notamment que le Plan d'action national contre le racisme a été lancé le 27 janvier 2005. L'objectif général du Plan d'action est de définir les grands axes stratégiques de la lutte contre le racisme et d'instaurer en Irlande une société multiculturelle plus ouverte dans laquelle l'intégration est une donnée inhérente et non un rajout ou une idée a posteriori, et qui peut s'appuyer sur des politiques favorables au dialogue, à l'égalité des chances, à l'entente et au respect mutuel.

Le rapport indique par ailleurs qu'il existe un éventail très complet de mesures relevant de la justice civile et pénale pour remédier à la violence familiale, et que l'application de la loi dans ce domaine fait l'objet d'un examen permanent. C'est la raison pour laquelle un Comité directeur national, regroupant des représentants de tous les ministères compétents et des principales associations bénévoles, est chargé de coordonner les mesures à prendre pour faire face à ce problème. Il a entrepris d'élaborer une nouvelle stratégie assortie d'un plan d'action. La représentation des femmes dans les organes publics a augmenté, pour s'établir à 34 % à la fin de décembre 2005. Une Commission parlementaire multipartite sur la Constitution, créée en 2002, a conclu en 2006 que beaucoup d'irlandais étaient très favorables au maintien du paragraphe 2 de l'article 41, lequel renforçait la position de la famille traditionnelle en affirmant la valeur particulière qui s'attachait à la contribution des femmes dans leur foyer et que les tribunaux étaient disposés à interpréter l'alinéa 1 du paragraphe 2 de l'article 41 comme s'appliquant aussi bien aux pères qu'aux mères qui s'occupent de leur foyer. Elle a donc considéré qu'il n'existait aucune nécessité juridique de modifier l'article pour qu'il s'applique indifféremment aux deux sexes. Le rapport indique par ailleurs qu'un référendum sur l'avortement s'est tenu le 6 mars 2002, et que la proposition de légaliser l'avortement a été rejetée de peu – par 50,4 % contre 49,6 %.

Se référant à la question de la saisie du Tribunal pénal spécial pour les infractions contre l'État, l'Irlande a déclaré que le Comité en charge de l'examen de cette question a conclu que la menace posée par le crime organisé est à elle seule suffisante pour justifier le maintien du Tribunal pénal spécial. En décembre 2004, le Gouvernement a approuvé la création d'un deuxième Tribunal pénal spécial, qui est devenu opérationnel le 1er janvier 2005, afin d'accélérer les procès. À cet égard, le paragraphe 2 de l'article 38 de la loi de 1939 sur les infractions contre l'État dispose que le Gouvernement peut, chaque fois qu'il le juge nécessaire ou souhaitable, créer des tribunaux supplémentaires.

Renseignements complémentaires

La délégation a apporté des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/IRL/Q/3 - des réponses écrites figurent au document CCPR/C/IRL/Q/3/Add.1).

S'agissant de la réserve qu'avait émise l'Irlande s'agissant du droit à un procès équitable dans le cadre des infractions mineures à la législation militaire, le Procureur général d'Irlande a indiqué qu'un procureur militaire indépendant a été nommé pour s'occuper de toutes les affaires et questions de droit militaire et que les nouvelles dispositions sont maintenant conformes à la teneur de l'article 14, d'où le retrait de la réserve émise par l'Irlande à l'égard de cet article.

Pour ce qui est de la réserve émise par l'Irlande relativement à l'octroi de licences pour les services de radiodiffusion, le représentant irlandais a indiqué qu'une entité indépendante a été créée pour définir le spectre de diffusion disponible et que la Commission de radiodiffusion décerne des licences sur la base de critères objectifs qui prennent en compte la nécessité de la diversité. Au vu de la situation actuelle, l'Irlande envisage sérieusement de retirer cette réserve.

Le chef de délégation a déclaré que les dispositions du Pacte ont été incorporées à la Constitution sous différentes formes, et que certaines ont été prises en compte in extenso, notamment celles qui concernent le droit des réfugiés.

Le représentant irlandais, se référant aux détenus qui demeurent en attente d'un jugement, a déclaré que 65% des prisonniers qui n'ont pas encore été condamnés sont détenus dans deux institutions. Il a informé le Comité que l'aménagement d'infrastructures pouvant accueillir 1400 prisonniers d'ici à 2012 est prévu. Des efforts sont également faits pour la réhabilitation des jeunes accusés d'infractions pénales, comme en témoigne la création d'une école pour les jeunes en détention.

S'agissant de la réserve à la disposition sur l'interdiction la propagande en faveur de la guerre (article 20), que l'Irlande a retirée, M. Gallagher a rappelé la politique de neutralité de l'Irlande et son opposition de principe à la guerre.

Le Procureur général a fait état de l'augmentation considérable des budgets affectés à la promotion de l'égalité et à la lutte contre les violences familiales. Il a aussi mentionné la présence, sur le terrain, de nombreux groupes travaillant avec les institutions de l'État afin de procurer des services d'aide aux victimes de discriminations et de violences domestiques. Répondant en particulier aux questions sur les progrès réalisés dans le cadre de la Stratégie nationale en faveur de la femme de 2002, le Procureur a indiqué que la loi encourage désormais à la fois les hommes et les femmes à ce que l'un des conjoints se consacre au travail domestique et à l'accompagnement des enfants. La stratégie nationale en faveur de la femme pour la période 2007-2016 contient une vingtaine d'objectifs et plus de 200 mesures concrètes, a souligné M. Gallagher.

S'agissant des préoccupations du Comité au sujet de l'utilisation de l'espace aérien et d'aéroports irlandais aux fins de «restitutions» de prisonniers (rendition), le Procureur général a souligné que son pays adhère à la lettre et à l'esprit de l'État de droit et s'oppose fermement à ce genre de pratiques. Les enquêtes sur la question n'ont trouvé ni indices ni allégations montrant qu'une personne ait fait l'objet de «restitution» de la part de l'Irlande, a-t-il affirmé. Chaque fois que des activités suspectes ont été dénoncées, le Gouvernement en a référé à la police, a déclaré le Procureur général. La délégation a par la suite rappelé que l'État est souverain sur son territoire et a confirmé qu'il n'y a pas eu de restitution dans des circonstances extraordinaires, comme l'on démontré les enquêtes qui ont été menées.

Le chef de la délégation irlandaise a reconnu que les lois sur les délits contre l'État, qui permettent par exemple la détention préventive de suspects d'actes terroristes pour une période de 72 heures, constituent des dérogations au droit général à certains égards. Il a toutefois souligné qu'une intervention judiciaire est requise après 48 heures. Les dispositions judiciaires établissent l'obligation d'un jugement juste et équitable s'appliquent en toute circonstance, a ajouté le Procureur général. L'Irlande va au-delà de ce que font d'autres pays, a-t-il souligné, indiquant qu'un soupçon d'abus suffit pour considérer les aveux comme nuls et non avenus.

S'agissant du droit à la vie et en particulier de la question de l'avortement, le Procureur général d'Irlande a rappelé qu'en 1992 puis en 2002, deux referendums ont rejeté des amendements visant à amender la Constitution en la matière. À la suite de ces referendums, l'Agence pour les grossesses non désirées (Crisis Pregnancy Agency) a été créée, dont la stratégie est fondée sur la prévention. Son mandat porte également sur l'adoption suite à des grossesses non désirées. Les chiffres enregistrés par l'Agence en 2008 ont diminué du fait de l'éducation et d'une meilleure utilisation de la contraception, a-t-il dit.

Répondant aux questions sur les mesures prises par l'Irlande pour garantir l'indépendance de l'Ombudsman de la police nationale, le Procureur général a dit que ce service dispose de pouvoirs élargis et peut prendre l'initiative de saisies et d'inspections. Le Service est dirigé par un juge qui bénéficie d'une grande expérience en droit pénal, a précisé M. Gallagher. Depuis mai 2007, 2905 plaintes ont été enregistrées dont 746 ont été jugées irrecevables. Il a ajouté que 294 plaintes ont porté sur des affaires ayant conduit à mort d'homme ou à des blessures graves. Le Procureur général a relevé que le nombre important de plaintes démontre la confiance que le public accorde à la Commission de l'Ombudsman. Gallagher a encore informé le Comité que 70% des interrogatoires dans les stations de police sont enregistrées et qu'il était prévu d'augmenter cette proportion.

Au sujet du traitement des demandes d'immigration, le représentant irlandais a indiqué que le Parlement examine actuellement un nouveau projet de loi. La détention des demandeurs d'asile n'est pas toujours évitable, a-t-il ajouté, mais cette mesure reste exceptionnelle et ne peut excéder 8 semaines.

Le Procureur a encore indiqué qu'il n'y avait pas d'emprisonnement pour dettes en Irlande, sauf si le tribunal estime que la personne a les moyens de rembourser mais refuse à dessein de la faire.

Apportant des compléments d'information sur la loi relative à la nationalité, le représentant de l'Irlande a reconnu qu'il n'y a pas de droit automatique à la citoyenneté pour l'enfant de parents étrangers résidant en Irlande. Toutefois, en vertu de la loi de 2004 sur la citoyenneté, le Gouvernement a mis en place un programme pour les enfants nés en Irlande, dont ont bénéficié près de 10 000 enfants.

En ce qui concerne le droit des minorités, M. Gallagher a évoqué les lois sur la lutte contre les discriminations à l'égard des minorités, notamment en matière d'éducation. Il a ajouté
que la présence d'étudiants dont la langue maternelle n'est pas l'anglais constitue un nouveau défi pour le système éducatif irlandais.






Observations et questions des membres du Comité

Une experte a d'emblée déploré la faible représentativité féminine au sein de la délégation irlandaise.

Prenant acte du fait que le Pacte n'a pas encore été transposé en droit interne et que les recommandations du Comité n'ont pas encore été suivies, des membres du Comité ont fait observer que plusieurs articles du Pacte diffèrent de ceux de la Convention européenne sur les droits de l'homme à laquelle l'Irlande affirme s'être conformée et ont une plus grande portée. L'Irlande pense-t-elle prendre en considération les différentes recommandations émises par le Comité s'agissant de l'incorporation du Pacte dans la législation nationale?

Tout en se réjouissant des progrès accomplis dans le domaine de l'égalité et de la prévention de la violence, un membre du Comité a souhaité savoir quels sont les résultats obtenus par l'Office irlandais pour la prévention de la violence au sein de la famille (COSC)? Son travail a-t-il fait l'objet d'une évaluation? Les organisations non gouvernementales participent-elles aux efforts de l'Office? Des experts se sont étonnés de l'absence de statistiques sur le phénomène des violences sexuelles et fait valoir que les informations dont dispose le Comité montrent que le taux de poursuites, de condamnations et de plaintes est limité par rapport à d'autres pays, ce qui laisse à penser à un manque d'efficacité s'agissant de la poursuite effective des plaintes et de la diffusion de l'information sur la possibilité de porter plainte.

Se référant à l'article 41 de la Constitution irlandaise définissant le rôle des conjoints au sein de la famille, un expert, tout en prenant acte du projet de libellé alternatif rendant cet article neutre pour l'appliquer tant aux hommes qu'aux femmes, a estimé que l'article tel qu'il est rédigé reflète une organisation familiale obsolète. Il a demandé à l'Irlande si elle comptait modifier ou abroger cet article. Il s'agit d'une question urgente qui mérite d'être tranchée dès que possible, a-t-il estimé.

Un membre du Comité, se réjouissant de la création de la Commission de l'Ombudsman de la Police nationale, a relevé la surcharge de travail à laquelle était déjà confrontée cette Commission. Tout en reconnaissant que les pouvoirs dont dispose la commission semblent complets, il s'est demandé ce qui se passe lorsque l'enquête est achevée. Y a-t-il transfert du dossier en vue d'instructions disciplinaires? Les inculpés font-ils l'objet de poursuites ? Notant que même un suspect de droit commun peut-être détenu en garde à vue pendant 48 heures, le Comité a demandé si la prison préventive se poursuivait dans les locaux de la police ou ailleurs. De quelle nature est l'accès à un conseil juridique pendant la garde à vue et la prison préventive ?

Un membre du Comité, se référant aux projets évoqués par l'État partie pour répondre à la surpopulation carcérale et aux problèmes généraux de détention, a demandé quand les nouvelles mesures prévues par l'État partie seraient mises en œuvre. Des politiques générales sont elles appliquées en vue de ne pas surcharger le système pénitentiaire et à trouver des solutions alternatives?

Un expert a émis quelques doutes quant à la conformité de la nouvelle loi sur l'immigration irlandaise avec les dispositions du Pacte, notamment s'agissant du principe de non-refoulement. Il a souligné que les étrangers en situation illicite ne bénéficient d'aucune protection et ne peuvent même pas avoir recours à un avocat. Quelle est la durée de détention moyenne pour les requérants d'asile, a encore demandé un expert qui a aussi souhaité en savoir plus sur les conditions de détention de ces requérants d'asile. Les détenus sont-ils informés de leurs droits dans une langue qu'ils comprennent, et notamment s'agissant du droit de faire appel d'une décision d'expulsion? Une experte a fait état d'allégations indiquant que les décisions relatives aux demandes d'asile se déroulent à huis-clos et de manière peu transparente. Y a-t-il une procédure de vérification indépendante permettant de traiter les cas des enfants non-accompagnés? Qu'est-ce qui est fait pour prévenir la traite? Un permis de résidence temporaire peut-il être accordé pour respecter l'intérêt supérieur de l'enfant?

Un membre du Comité a relevé que la Constitution irlandaise prévoit que les juges, au moment de leur nomination, doivent faire une déclaration à connotation religieuse. Or, la majorité parlementaire est d'avis que cette déclaration doit être remplacée par une déclaration uniquement juridique. Est-ce que certains juges ont refusé de prêter serment au motif que cette déclaration était contraire à leur conviction personnelle, a-t-il demandé.

Un autre expert a estimé que les réponses de l'Irlande aux questions des experts sur les mesures de lutte contre le terrorisme soulevaient des questions supplémentaires plus qu'elles n'apportent de réponses. Il s'est notamment étonné de l'absence de définition du terrorisme dans les textes législatifs sur la question. Il a aussi remarqué que l'Irlande prévoyait une dérogation à la durée de la garde à vue, dérogation qui ne peut toutefois être invoquée qu'en situation d'urgence. S'agissant des remises de prisonniers et bien que l'Irlande affirme qu'elle s'oppose à ces pratiques, des informations ont fait état de cas précis de restitution à l'aéroport de Shannon, notamment celui de Khaled Al Mokhtari qui a été renvoyé en Afghanistan, a souligné l'expert. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il par réagi lorsque la CIA est intervenue sur le territoire irlandais? Pourquoi n'est-il toujours pas possible aujourd'hui de mener une enquête sérieuse et poussée sur ce qui s'est passé?

Se référant aux politiques de l'Irlande en matière de droit à la vie et d'avortement, un expert s'est dit surpris de ce que rien n'ait été fait pour préserver la vie des femmes dans des circonstances qui mettent leur vie en péril. Est-ce que le judiciaire a les moyens de protéger les femmes irlandaises ou étrangères a-t-il ajouté, regrettant l'absence de mesures sérieuses mises en place par l'Irlande à cet égard depuis la présentation du dernier rapport.

Un membre du Comité a estimé qu'il est aujourd'hui possible de juger les personnes soupçonnées de crimes liés au terrorisme sans avoir recours à des tribunaux pénaux d'exception. Le nom même de ces tribunaux implique un traitement différencié qui ne se justifie pas dans le contexte politique actuel, a estimé l'expert.

Lorsque une religion est prédominante dans un pays, elle exerce une influence sur tous les domaines de la vie y compris l'éducation des enfants, a souligné un expert, ajoutant que l'éducation des jeunes enfants est encore aujourd'hui à la charge de la hiérarchie catholique. Qu'en est-il de la population croissante de non-catholiques, sans compter les agnostiques et non-croyants? Dans l'intérêt de tous les enfants, un expert a demandé à l'Irlande de mettre en place une éducation séculaire. Un expert a souhaité savoir s'il y avait des statistiques relatives à l'importance des diverses communautés religieuses?



Un expert a relevé que selon des informations portées à sa connaissance et qui s'opposent fondamentalement aux chiffres énoncés par l'Irlande, plus de 1000 personnes auraient été détenues pour dette ou pour incapacité de paiement d'une amende et que des milliers de personnes seraient poursuivies pour ce délit. L'emprisonnement conduit-il à la suppression de la dette ou celle-ci reste-t-elle valable ?

Un expert a demandé pourquoi le Gouvernement irlandais ne reconnaît pas les Gens du voyage comme un groupe ethnique. Quelles sont les mesures prises pour venir en aide à ces personnes et particulièrement aux enfants ?

Un autre membre du Comité a souhaité avoir plus d'informations sur la mort de requérants d'asile dans des prisons ou dans des hôpitaux.

Certaines informations indiquent que l'Irlande est une plate-forme pour le trafic humain à destination du Royaume-Uni, mais il semble aussi que l'Irlande soit un pays où une demande existe, a relevé une experte. La représentation irlandaise peut-elle donner des informations sur la traite, et en particulier sur la traite dont seraient victimes des enfants ? L'Irlande ne considère-t-elle aussi comme victimes de la traite des personnes de plus de 17 ans?

Dans la mesure où l'Irlande n'a pas fait de réserve à la disposition de l'article 14 du Pacte qui garantit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable, comment l'Irlande explique-t-elle que sa législation ne protège pas le droit au silence et quelles sont les implications des dispositions de la Constitution sur ce point, a demandé une experte.

Se référant aux observations du Comité européen pour la prévention de la torture, un expert a demandé à l'Irlande de donner plus d'informations s'agissant notamment des détenus qui souffrent de troubles psychiques et de la violence entre prisonniers.

Comment les personnes démunies et défavorisées peuvent-elles accéder à leurs droits, comment sont-elles soutenues pour ce faire ? Comment peuvent-elles faire face aux pouvoirs qui les oppriment, a demandé un expert notant que, dans son pays, les organisations non gouvernementales peuvent interjeter des plaintes au nom des membres de certains secteurs défavorisés de la société. Comment l'information relative aux droits de l'homme est-elle diffusée, a-t-il encore souhaité savoir.


Réponses de la délégation irlandaise aux questions complémentaires des experts

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a notamment expliqué qu'elle n'était pas en mesure aujourd'hui de répondre à la question du Comité portant sur les politiques du gouvernement en matière d'éducation.

Répondant à une question sur le partenariat civil et ses implications, la délégation a indiqué que la loi y relative sera complétée pour prendre en compte les questions touchant notamment à la succession et à l'adoption.

S'agissant du fonctionnement du Tribunal spécial d'exception, la délégation a dit que les autorités de police et le gouvernement considèrent qu'une menace à l'ordre public existe toujours en Irlande, confortée par la persistance de groupes républicains qui continuent à exercer une pression sur les tribunaux. Le nombre d'affaires traitées par ces tribunaux est toutefois en diminution, a affirmé la délégation. L'un des avantages du Tribunal spécial d'exception est de pouvoir juger des cas dangereux, a-t-elle ajouté. Les normes juridiques en vigueur dans ces tribunaux sont les mêmes que dans d'autres tribunaux, a précisé la délégation.

Répondant à une remarque du Comité faisant état de l'absence de statistiques s'agissant des violences policières, la délégation a relevé que l'organisation de la police avait subi une réforme considérable, mais que les données disponibles à ce jour n'étaient pas très précises. Elle a mentionné que 47% des plaintes déposées devant la commission ombudsman sont des plaintes pour abus d'autorité.

Au sujet du programme des prisons, la délégation a expliqué qu'il ne s'agissait pas d'élargir le système carcéral actuel mais de moderniser les infrastructures. Elle a souligné qu'un inspecteur indépendant des prisons a été désigné et que ce poste est actuellement occupé par un ancien juge.

En réponse à la question d'un expert, la délégation irlandaise a affirmé qu'elle étudiait actuellement la question de la ratification de la Convention internationale pour les droits des handicapés.

La délégation de l'Irlande a confirmé qu'elle ne considère pas la communauté des Gens du voyage comme un groupe distinct du reste de la société irlandaise. Face au risque de discrimination sociale, l'Irlande a prévu des protections particulières pour ces communautés, notamment dans le cadre de loi sur l'égalité. Par ailleurs, des mesures sont prévues pour permettre une éducation dans leur langue maternelle des personnes ne parlant pas l'anglais.

Un programme d'aide juridictionnelle est en place qui permet d'apporter un soutien tant aux personnes défavorisées qu'aux requérants d'asile, a par ailleurs indiqué la délégation en réponse à d'autres questions.

En ce qui concerne l'emprisonnement pour dettes, la délégation a estimé qu'il n'y avait pas de conflits entre les données citées par le Comité et les statistiques officielles. Ne sont emprisonnées que les personnes qui refusent de s'acquitter de leur dette, a expliqué la délégation, qui a toutefois ajouté que des mesures alternatives à l'emprisonnement sont étudiées. L'emprisonnement est une incitation au paiement de dernier recours, a dit la délégation, précisant que toute personne peut en appeler à la Cour suprême en invoquant la disposition d'habeas corpus.

La violence familiale est un problème qui touche tous les pays, a rappelé la délégation irlandaise, indiquant qu'un nouveau bureau national avait récemment été chargé d'intervenir dans les cas de violences familiales. Elle a précisé que la loi ne faisait pas de distinction entre les hommes et les femmes. Plus de 60% des demandes d'assistance sont acceptées. Chaque année, environ 1200 personnes font l'objet de poursuites. Ces personnes sont parfois accusées à tort, et c'est pourquoi des enquêtes approfondies sont menées, a dit la délégation. Elle a aussi indiqué que 9,9 millions d'euros sont consacrés cette année à la lutte contre les violences domestiques.

S'agissant des centres de détention pour les requérants d'asile, la délégation a mentionné l'inauguration de deux nouveaux établissements qui répondent à toutes les normes modernes.

Pour ce qui concerne l'article 26 sur le droit de vote de tous les citoyens, la délégation a indiqué que tous les citoyens irlandais ont le droit de vote mais que ce droit est sujet à l'enregistrement et à la résidence.

Pour ce qui est du rôle des femmes au foyer, la délégation a répété que la Constitution était interprétée de manière contemporaine et reconnaît désormais la contribution de l'homme au foyer. Elle a aussi dit que rien n'obligeait une femme irlandaise à rester au foyer et que, de fait, un pourcentage important de femmes mariées étaient actives dans la vie professionnelle.

S'agissant des remarques des experts portant sur l'éducation, la délégation a relevé que la Constitution prévoit que ce sont les parents qui sont responsables de l'éducation des enfants. Les parents ont la possibilité de placer leurs enfants soit dans des écoles publiques ou dans des écoles privées religieuses qui sont subventionnées. La délégation a précisé qu'il y a aussi des écoles musulmanes subventionnées par l'État.

En ce qui concerne la lutte contre la traite d'êtres humains, la délégation a fait savoir que plus de 150 agents de police ont été formés pour les sensibiliser aux implications de la traite, y compris des agents de la police des frontières. La délégation a indiqué que la loi sur la traite d'êtres humains prend en compte à la fois les victimes mineures et âgées de plus de 18 ans. En réponse à la question de savoir comment l'Irlande luttait contre la demande dans ce domaine, la délégation a dit que la loi contre la traite prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour ceux qui exploitent une victime de la traite. L'Irlande dispose, au sein du dispositif sanitaire, d'une unité spéciale s'occupant des enfants victimes de la traite. Un groupe de travail interdisciplinaire a aussi été mis en place en vue de réfléchir à des mesures permettant de prévenir la traite des enfants immigrés, a dit la délégation.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur la mise en œuvre du Pacte en Irlande, le Président du Comité, M. RAFAEL RIVAS POSADA, a dit que malgré toutes les explications fournies par la délégation, la situation est loin d'être claire s'agissant de l'incorporation du Pacte dans le droit interne irlandais. Il semble y avoir un régime indirect d'application des dispositions du Pacte qui suscite des questions quant à la vigueur avec laquelle les droits figurant dans le Pacte sont défendus par l'Irlande, a déclaré le président.

Dans la culture sociale et politique de l'État partie, il demeure des attitudes qui stigmatisent le rôle des femmes dans la société actuelle, a poursuivi le Président. Il semble, par ailleurs, que subsiste en Irlande le risque que l'on porte atteinte à la liberté de pensée et de conscience, comme le démontre la persistance de l'obligation pour les juges de faire une déclaration solennelle à connotation religieuse au moment de la prise de fonctions, a encore déclaré M. Rivas Posada. Tout en reconnaissant que l'Irlande a fait de grands efforts pour élargir l'espace de la liberté de pensée, la question de l'avortement notamment démontre les limites au droit à la liberté de conviction.

M. Rivas Posada a enfin fait état d'une observation récurrente du Comité, à savoir que l'emprisonnement pour dettes est une claire violation de l'article 14 qui interdit l'emprisonnement pour dettes civiles et administratives.


For use of the information media; not an official record

CT08007E