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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND DES DÉCLARATIONS DE LA SUÈDE, DE CUBA, DU PAKISTAN, DU CANADA ET DE L'ALGÉRIE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu ce matin une séance plénière, la dernière sous présidence britannique, au cours de laquelle la Suède, Cuba, le Pakistan, le Canada et l'Algérie ont commenté le projet de programme de travail contenu dans le document CD/1840 présenté par les six Présidents de la Conférence de 2008.

La Suède, intervenant également au nom de la Finlande, estime que ce projet de programme de travail constitue un compromis équilibré et soigneusement conçu qui permettrait à la Conférence de reprendre ses travaux de fond. Il convient de continuer à exhorter les quelques très rares États qui n'ont pas encore accepté ce document à revoir de toute urgence leurs positions. Le Canada s'est associé à la Suède et à la Finlande dans leur soutien constant de cette proposition en tant que point de départ pragmatique. Par ailleurs, le Canada exprime des réserves à l'idée de tenir des négociations sur les quatre questions principales que sont le désarmement nucléaire, un traité d'interdiction des matières fissiles, la prévention d'une course aux armements dans l'espace et les garanties négatives de sécurité, qui ne sont pas toutes prêtes pour la négociation.

Si la nouvelle proposition des Présidents sur le programme de travail constitue un progrès, il convient de noter que les prises de position des délégations, en l'état, ne permettent pas de parvenir à un consensus, et l'Algérie appelle les six Présidents de la Conférence et les délégations à poursuivre les consultations afin de dégager un consensus. Cuba, pour sa part, ne s'opposerait pas à l'adoption de ce document si un consensus devait intervenir autour de la proposition. En outre, Cuba et l'Algérie, constatant que la question du désarmement nucléaire ne semble pas prête pour la négociation, estiment qu'il faut porter les efforts sur la question des garanties négatives de sécurité.

De l'avis du Pakistan, la proposition de programme de travail des Présidents de 2008 n'apporte que des changements mineurs par rapport à la proposition des Présidents de 2007. Il constate en outre que depuis sa présentation le 13 mars dernier, aucun changement n'a été apporté à ce texte malgré les suggestions pakistanaises et autres. Par ailleurs, le Pakistan est favorable à un traité d'interdiction des matières fissiles à des fins d'armement nucléaire qui soit non discriminatoire, multilatéral et internationalement et effectivement vérifiable, tout en tenant compte des intérêts sécuritaires de tous les États. Il est absolument clair que le document présenté par les Présidents cette année anticipe sur les résultats des discussions et des négociations, estime en outre le Pakistan, ajoutant que «les dés sont pipés dès le départ».

La présidence britannique de la Conférence se terminant cette semaine, le Président, l'Ambassadeur John Duncan du Royaume-Uni, a relevé qu'il n'a pas encore été possible de recueillir un consensus autour du document CD/1840 mais a estimé que les divergences qui subsistent ne sont pas insurmontables. Se demandant s'il était réaliste de penser que la Conférence puisse poursuivre quatre négociations en parallèle, il a souligné qu'elle se trouve dans une situation - classique dans le multilatéralisme - où le mieux devient vite l'ennemi du bien. Il a fait part de son souhait, en tant que l'un des six Présidents de la Conférence de 2008, de continuer à participer aux consultations qui vont se poursuivre.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra mardi prochain, 24 juin, à 10 heures, sous la présidence des États-Unis.


Aperçu des déclarations

M. HANS DAHLGREN (Suède, au nom également de la Finlande) a indiqué qu'il prenait la parole au nom de la Suède et de la Finlande pour apporter le soutien des deux pays au projet de programme de travail présenté par les six Présidents de la Conférence de 2008 («P6»), tel que contenu dans le document CD/1840. La Suède et la Finlande ont eu l'occasion, ces dernières années, d'avertir du danger qui existe de voir disparaître la pertinence de la Conférence si la présente paralysie de cette instance devait se poursuivre. Nous avons également souligné qu'il convient de faire comprendre à ceux qui bloquent tout progrès au sein de la Conférence que l'inertie de cette instance porte préjudice non seulement à notre sécurité commune, mais aussi à long terme à leur propre sécurité, a ajouté M. Dahlgren. En se joignant à la Conférence, les États membres de cette instance ont pris la responsabilité collective de saisir les opportunités de négocier des traités qui renforcent la sécurité globale, a poursuivi le représentant suédois. De telles opportunités existent et il est de notre devoir de les saisir, a-t-il déclaré. Ne pas le faire serait irresponsable, a-t-il affirmé. La proposition de programme de travail contenue dans le document CD/1840 est un compromis équilibré et soigneusement conçu qui permettrait à la Conférence de reprendre ses travaux de fond et ses négociations durant sa session de 2008, a estimé M. Dahlgren. L'adoption de ce programme de travail permettrait d'engager le processus de négociations sur la base du «donnant-donnant» et du respect des perceptions sécuritaires de chacun, afin d'aboutir en fin de compte à des accords juridiquement contraignants renforçant la sécurité globale, a-t-il ajouté. Continuons à exhorter les quelques très rares États qui n'ont pas encore accepté le document CD/1840 à revoir de toute urgence leurs positions, a conclu le représentant de la Suède.

M. ABEL LA ROSA DOMÍNGUEZ (Cuba) a rappelé que la Conférence est sur le point de conclure la deuxième partie de sa session de 2008 qui menace de subir le même destin que les sessions antérieures. Aussi, a-t-il souhaité apporter un certain nombre de commentaires au sujet du document CD/1840. Cuba ne s'opposerait pas à l'adoption de ce document si un consensus devait intervenir autour de cette proposition, a-t-il indiqué. Nous sommes conscients que l'adoption de ce document constituerait une occasion de finalement pouvoir compter sur quelque chose qui ressemble à un programme de travail et qui permette à la Conférence de travailler sérieusement, a-t-il ajouté. Néanmoins, Cuba tient à rappeler que pour elle, le désarmement nucléaire constitue la plus haute priorité en matière de désarmement, comme cela fut agréé par tous les États Membres des Nations Unies dans le document final de la première session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au désarmement, en 1978. Dans la mesure où nous ne sommes pas parvenus à progresser sur cette question, il n'est plus possible de reporter plus longtemps la conclusion d'un instrument universel, inconditionnel et juridiquement contraignant sur des garanties négatives de sécurité pour les États non dotés d'armes nucléaires, a souligné le représentant cubain. Dans ce sens, Cuba exhorte les puissances nucléaires et autres États qui aujourd'hui mettent l'accent sur les questions de non-prolifération au détriment du désarmement nucléaire à assumer sans ambiguïté l'obligation que nous avons, les États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, conformément à son article VI, de nous engager à «poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire».

M. MASOOD KHAN (Pakistan) a rappelé que la politique de son pays à l'égard d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire a été arrêtée au plus haut niveau décisionnel et que le Pakistan est donc favorable, en la matière, à un traité qui soit non discriminatoire, multilatéral et internationalement et effectivement vérifiable, tout en tenant compte des intérêts sécuritaires de tous les États.

De l'avis du Pakistan, a poursuivi M. Khan, ce ne sont que des changements mineurs qui ont été apportés dans le document CD/1840, par rapport au document CD/2007/L.1 de l'an dernier. Lorsque ce document CD/1840 a été présenté, il avait été clairement dit par le Président d'alors qu'il constituerait la base de nouvelles consultations informelles, a ajouté M. Khan. À ce stade, le Pakistan avait indiqué qu'il était disposé à présenter des amendements à ce document conformément aux instructions reçues de sa capitale. Or, le fait est que rien n'a changé depuis sa présentation le 13 mars 2008; aucun engagement à amender ou négocier le texte de ce document n'est intervenu, a fait observer M. Khan. Le document reste tel qu'il a été présenté et pas même une seule virgule n'a été changée, alors que des suggestions tant procédurales que de fond ont été avancées par la délégation du Pakistan et d'autres délégations, a-t-il insisté. Pourtant, nous avions cru comprendre - confortés en cela par la déclaration du Président de la Conférence en date du 26 mai dernier - que cette proposition n'était pas «à prendre ou à laisser». Les Présidents de la Conférence ont tenu d'intenses consultations, essentiellement à Genève, a reconnu M. Khan, ajoutant que le Royaume-Uni avait à cet égard été particulièrement actif. Le message lors de ces contacts a été simple: accepter le document du 13 mars en l'état, a toutefois relevé le représentant pakistanais, déplorant qu'aucune ouverture sérieuse n'ait été engagée jusqu'ici pour tenir compte des préoccupations apparues et connues de tous au sujet de ce document. Islamabad, en ce qui la concerne, a indiqué à ses interlocuteurs que le Pakistan souscrirait à tout exercice ou tout mandat qui soit non discriminatoire; que le Pakistan propose que la Conférence travaille à un mandat sur un traité vérifiable d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire; et que le pays a engagé une évaluation interministérielle du récent projet de proposition.

Le document CD/1840 ne tient pas compte des intérêts de tous les États membres de la Conférence et devrait subir quelques aménagements pour répondre à cette qualification, a souligné M. Khan. Le Pakistan souscrit à l'idée que les travaux devraient commencer sans conditions préalables, a-t-il ajouté. Or, précisément, il y a trois conditions préalables qu'il conviendrait de lever, à savoir celle selon laquelle aucune négociation ne peut commencer si la vérification fait partie du mandat; celle selon laquelle aucune négociation ne peut commencer si des comités spéciaux doivent traiter des quatre questions essentielles moins le traité d'interdiction des matières fissiles; et enfin celle selon laquelle des négociations ne se dérouleront que sur la seule question d'un traité d'interdiction des matières fissiles et non sur les trois autres questions fondamentales. Au regard de l'histoire associée à la question d'un traité d'interdiction des matières fissiles depuis 1993, il est absolument clair que le document CD/1840 est conçu en préjugeant des résultats des discussions et des négociations, a déclaré M. Khan. Les dés sont pipés dès le départ, a-t-il insisté. Il convient de se souvenir que des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles avaient été engagées en 1998 et dans le cadre d'un programme de travail concerté, après un dur labeur de cinq années pour parvenir au mandat Shannon. En fait, après l'adoption de la décision d'engager les négociations sur un tel traité, une délégation avait fait remarquer, avec emphase, qu'après une quarantaine d'années environ, nous étions finalement parvenus à cette décision. À ce moment-là, le lancement des négociations avait été rendu possible en traitant les questions et non pas en les mettant de côté, a fait observer le représentant pakistanais. Ce serait une erreur d'investir notre temps et notre énergie, tous deux si précieux, dans la réforme de la Conférence ou dans la recherche d'instances ou de moyens alternatifs pour négocier un traité d'interdiction des matières fissiles, a déclaré M. Khan, rappelant que les travaux de la Conférence obéissent à des méthodes de travail et des paramètres concertés.

M. MARIUS GRINIUS (Canada) a réagi aux déclarations faites ce matin en indiquant que son pays s'associait à la Suède et à la Finlande dans leur soutien constant au document CD/1840 en tant que point de départ pragmatique. Il a souligné qu'une décision de principe claire est indispensable quant à la manière dont la Conférence doit commencer ses travaux. Répondant à l'intervention faite ce matin par le Pakistan, M. Grinius a indiqué avoir des réserves au sujet de l'idée de tenir des négociations sur les quatre questions essentielles (désarmement nucléaire, traité d'interdiction des matières fissiles, prévention d'une course aux armements dans l'espace et garanties négatives de sécurité), car le Canada ne pense pas que ces quatre questions soient toutes prêtes à être négociées. Par exemple, la question des garanties négatives de sécurité, qui avait été ressassée il y a vingt ans, n'est toujours pas mûre pour la négociation. Quant au désarmement nucléaire, c'est plutôt un merveilleux objectif à long terme qu'un sujet de négociation réaliste à ce stade, a estimé le représentant canadien. En ce qui concerne la prévention d'une course aux armements dans l'espace, beaucoup reste à faire avant même qu'une négociation puisse être engagée. Reste qu'un traité d'interdiction des matières fissiles se prêterait peut-être beaucoup mieux maintenant à une discussion et à une négociation que les trois autres questions fondamentales. Il faut être réaliste et ne pas se contenter de dire qu'il faut tout négocier d'un seul coup, a conclu M. Grinius.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a rappelé que la position de son pays avait déjà été présentée au début de la session par l'Ambassadeur de l'Algérie. Cette position n'a pas changé mais la discussion qui vient de se dérouler pousse l'Algérie à prendre de nouveau la parole. Chacun sait que l'Algérie travaille depuis fort longtemps pour contribuer le plus possible à sortir la Conférence de l'impasse dans laquelle elle se trouve depuis avant même l'an 2000. Cette impasse ne signifie pas que les membres de la Conférence n'ont pas travaillé ou n'ont pas apporté de contributions, a souligné le représentant algérien. Malheureusement, toutes les contributions apportées n'ont pas permis de dégager un consensus, a-t-il fait observer. En affirmant que toutes les questions fondamentales ne sont pas prêtes à être négociées, que veut dire le Canada, s'est-il interrogé? Le Canada pense-t-il qu'il n'y a pas de consensus ou bien qu'il y a des questions techniques qui doivent être précisées? L'Algérie, en ce qui la concerne, accorde une grande importance à la question du désarmement nucléaire; or cette question semble prête à être discutée mais pas négociée. Dans ce contexte, la question des garanties négatives de sécurité revêt dès lors une grande importance. Le document CD/1840 constitue certes un progrès par rapport au document CD/2007/L.1, mais il convient de noter que les prises de position des délégations, en l'état, ne nous permettent pas de parvenir à un consensus, a fait observer M. Khelif. Aussi, les six Présidents de la Conférence et les délégations doivent-ils redoubler d'efforts dans les consultations afin de dégager un consensus sur ce document CD/1840, a-t-il conclu.

M. JOHN DUNCAN, Président de la Conférence, a indiqué que le Royaume-Uni, dont la présidence se termine cette semaine, reste partisan d'une démarche multilatérale dans les affaires de désarmement. Il a rappelé que le document CD/1840 (présenté par les six Présidents de la Conférence de 2008), fortement inspiré d'un document antérieur de 2007 (CD/2007/L.1, présenté par les six Présidents de 2007), représente au total la position de douze Présidents de la Conférence. Or, il n'a pas encore été possible de recueillir un consensus autour de ce document, a-t-il relevé, tout en indiquant penser que les divergences qui subsistent ne sont pas insurmontables. M. Duncan s'est demandé s'il est réaliste de penser que la Conférence peut poursuivre quatre négociations en parallèle. Nous sommes dans une situation - classique dans le multilatéralisme - où le mieux devient vite l'ennemi du bien, a-t-il déclaré à cet égard. Il a fait part de son souhait, en tant que l'un des six Présidents de la Conférence de 2008, de continuer à participer aux consultations qui vont se poursuivre.


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