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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TERMINE SON DÉBAT SUR LE SUIVI DE LA DÉCLARATION ET DU PROGRAMME D'ACTION ADOPTÉS À VIENNE EN 1993

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, son débat sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action adoptés à l'issue de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993.

La Conférence mondiale sur les droits de l'homme avait notamment recommandé l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui reconnaîtrait le droit de présenter des plaintes contre les États qui ne respecteraient pas les dispositions du Pacte. À cet égard, plusieurs délégations ont souligné l'importance qu'elles accordent aux négociations en cours concernant un tel protocole facultatif, et qui reprendront la semaine prochaine, du 31 mars au 4 avril, à Genève, dans le cadre des travaux du Groupe de travail créé à cet effet. L'espoir a été exprimé que le protocole facultatif puisse être adopté dès cette année. Dans ce contexte, l'accent a été mis sur la nécessité de veiller au respect des principes d'universalité et d'indivisibilité de tous les droits de l'homme, plusieurs délégations rejetant l'idée de prévoir, dans le cadre du protocole facultatif, une distribution «à la carte» des droits susceptibles de faire l'objet de plaintes.

Certaines délégations ont souligné l'importance particulière que revêt à leurs yeux la protection des droits de l'enfant, la Conférence mondiale ayant en particulier souligné l'importance des efforts déployés à l'échelle nationale et internationale pour promouvoir le respect des droits de l'enfant à la survie, à la protection, au développement et à la participation. L'érosion de plusieurs droits de l'enfant a été déplorée. Il a aussi été rappelé que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme recommande que les questions relatives aux droits de l'homme et à la situation des enfants soient régulièrement examinées et suivies par tous les organes et mécanismes compétents du système des Nations Unies.

Certains intervenants ont fait part de leur préoccupation face à la situation au Tibet, appelant notamment les autorités chinoises à faire preuve de modération. Ces interventions ont suscité des motions d'ordre répétées, essentiellement de la part de la Chine qui, appuyée par d'autres délégations, a estimé que les déclarations portant sur des pays spécifiques ne s'inscrivaient pas dans le débat d'aujourd'hui. Le Président du Conseil a pour sa part prié à maintes reprises les orateurs de s'en tenir au point de l'ordre du jour à l'examen. La Chine a exercé le droit de réponse en fin de séance.

Les représentants des pays suivants ont participé au débat: Mexique, Suisse, Japon, Pérou, Bangladesh, Cuba, Angola, Brésil, Portugal, Chili, Belgique, Espagne, Finlande, Maroc, États-Unis, et Australie (au nom également du Canada).

Des déclarations ont également été faites par les représentants du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme et du Conseil consultatif des droits de l'homme du Royaume du Maroc, ainsi que des organisations non gouvernementales suivantes: Asian Indigenous and Tribal Peoples Network (au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1); Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Association lesbienne et gay internationale - Europe (au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida); Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); Interfaith International; Amnesty International; Société pour les peuples en danger; Commission internationale de juristes; Association pour l'éducation d'un point de vue mondial (au nom également de l'Union internationale humaniste et laïque); Reporters sans frontières - international; et Human Rights Watch.


Demain matin, à 10 heures, le Conseil entamera son débat général sur les questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée.


Suite du débat sur le suivi et l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne

MME MARIANA OLIVERA WEST (Mexique) a rappelé l'engagement de son pays en faveur de la pleine application de la Déclaration de Vienne et a souligné la nécessité, pour la communauté internationale, de s'atteler résolument à la mise en œuvre de ce texte. Le Mexique participe activement à la rédaction du projet de protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels - instrument qui contribuera de manière importante à concrétiser le principe d'universalité de tous les droits de l'homme. Le processus d'élaboration de ce nouvel instrument se trouve déjà à un stade très avancé, a souligné la représentante mexicaine. Il faudra que les parties prenantes confirment leur engagement afin que tous les droits se retrouvent placés sur un pied d'égalité, de manière à garantir une meilleure protection des victimes. Le Mexique estime que le futur protocole facultatif devrait être placé au même niveau que les autres instruments de même nature.

MME MURIEL BERSET (Suisse) a fait observer que les droits de l'enfant occupent une place de choix dans la Déclaration de Vienne. Protéger les enfants et leur assurer la jouissance de leurs droits conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant constitue le meilleur investissement pour l'avenir de toutes nos sociétés, a-t-elle souligné. La Suisse exprime sa préoccupation face à l'érosion de certains des droits des enfants, même dans les États parties à la Convention. Les enfants de sexe féminin sont souvent doublement vulnérables, a précisé la représentante. L'infanticide des filles et les mutilations génitales féminines en sont les manifestations les plus radicales et constituent des menaces extrêmement graves pour le développement des sociétés où ils sont commis, a-t-elle indiqué. D'autre part, a-t-elle poursuivi, les États doivent prendre toutes les mesures pour que les enfants ne participent pas directement aux hostilités et pour qu'ils ne soient pas victimes d'autres violations graves, notamment le viol et les violences sexuelles. Par ailleurs, la Suisse considère qu'il n'est pas acceptable d'invoquer des spécificités culturelles pour relativiser l'universalité des droits humains et pour priver tout particulièrement les femmes de la jouissance de tous leurs droits. En ce quinzième anniversaire de la Déclaration de Vienne et soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il convient de rappeler que l'article 7 de la Déclaration universelle proclame notamment que «tous sont égaux devant la loi et ont le droit sans distinction à une égale protection de la loi». Pour de nombreuses femmes aux quatre coins du monde, cet article est malheureusement encore un vœu pieu, a déploré la représentante suisse. Les droits qu'elles ont pu acquérir ne le sont jamais définitivement et les exemples de tentatives de les remettre en question abondent, a-t-elle relevé.

Comme le soulignait la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, les droits de l'homme sont universels et indivisibles, a en outre rappelé la représentante suisse. Leur réalisation doit s'enraciner dans le contexte historique et culturel. Ceci est particulièrement vrai dans des situations préoccupantes comme celle du Tibet, où il importe que soit renoué d'urgence le dialogue entre toutes les parties. La Suisse lance à tous un appel au calme et à la modération. Elle appelle les autorités chinoises à renoncer à tout recours démesuré à la force. Les personnes qui ont manifesté doivent être libérées sans délai et les personnes détenues dans ce contexte doivent être traitées en stricte conformité avec les normes internationales en matière de droits de l'homme. Il importe qu'au Tibet comme ailleurs en Chine et dans le monde, les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux puissent être réalisés pour tous, a conclu la représentante.

M. OSAMU YAMANAKA (Japon) s'est réjoui que le Gouvernement du Brésil s'apprête à accueillir en novembre le troisième Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents, après que le Japon eut accueilli le Congrès précédent en 2001. En ce qui concerne la traite des êtres humains, le représentant japonais a déclaré que son Gouvernement a entrepris de mettre en place un plan d'action global contre ce fléau afin de l'éradiquer et d'en protéger les victimes. Le représentant japonais a en outre regretté que, si la lèpre est de nos jours une maladie curable, il n'en demeure pas moins que la discrimination perdure à l'égard des personnes qui en sont atteintes, de celles qui l'ont été et de leurs familles. Aussi, le Gouvernement japonais a-t-il pris une série de mesures pour éliminer cette discrimination, en nommant notamment le Président de la Nippon Foundation, M. Yohei Sasakawa, ambassadeur de bonne volonté pour les droits de l'homme des personnes atteintes de la lèpre. Le représentant japonais a appelé la communauté internationale à coopérer sur cette question.

M. ALEJANDRO NEYRA SÁNCHEZ (Pérou) a remercié la Présidente du Groupe de travail chargé d'élaborer un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pour ses efforts et son engagement. Il a dit espérer que les États pourront, grâce à une attitude de compromis et de flexibilité, parvenir à une issue positive lors de la prochaine session du Groupe de travail. Le protocole facultatif, a-t-il poursuivi, sera l'instrument qui, sans impliquer d'obligations supplémentaires, assurera la mise en œuvre du Pacte, le plaçant ainsi sur un pied d'égalité avec les autres instruments des droits de l'homme. Le représentant péruvien a souligné qu'il convenait d'éviter toute inclusion d'alternative » à la carte », qui équivaudrait à établir une distinction entre les obligations des États et serait contraire aux principes d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme reconnus à la Conférence de Vienne.

M. MUSTAFIZUR RAHMAN (Bangladesh) a rappelé que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ont réaffirmé le caractère universel et indivisible des droits de l'homme. Or, ces droits ne pourront pas être défendus correctement si certains d'entre eux sont favorisés au détriment d'autres, a-t-il fait observer. Rappelant que le droit au développement fait partie intégrante des droits de l'homme, il a jugé décevant de constater que son application reste insuffisante. La communauté internationale doit faire preuve d'une véritable détermination pour la concrétisation de ce droit, a-t-il insisté. Plus généralement, a-t-il ajouté, les droits économiques, sociaux et culturels doivent faire l'objet de mesures d'application renforcées au niveau des États. Le représentant du Bangladesh s'est en outre dit satisfait par la présentation, ce matin, du rapport du Président de la Commission de la condition de la femme, qui a notamment évoqué l'action de la Commission en faveur de l'autonomisation économique et de l'éducation des femmes - deux facteurs importants du développement.

M. YURI GALA (Cuba) a déclaré que son pays accorde la plus grande importance aux principes reconnus par la communauté internationale à l'occasion de la Conférence de Vienne, notamment s'agissant de l'universalité, de l'indivisibilité et de l'interdépendance de tous les droits de l'homme. La mise en œuvre effective de ces principes constitue un défi qui n'a pas encore été relevé par la communauté internationale. Le représentant a déploré qu'à quelques mois de la célébration de la Déclaration universelle des droits de l'homme et quinze ans après la Conférence de Vienne, nous n'avons toujours pas abouti à l'objectif de considérer les droits économiques, sociaux et culturels de la même manière que les droits civils et politiques. Dans le cas des droits civils et politiques, pratiquement personne ne doute aujourd'hui de la force obligatoire de leur mise en œuvre et il existe des mécanismes internationaux d'examen des plaintes individuelles. Toutefois, en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, certains doutent de l'applicabilité de ces droits ou n'y font référence qu'en tant qu'idéaux pour l'avenir. Le représentant cubain a estimé qu'il serait souhaitable de se mettre prochainement d'accord sur un protocole facultatif avec une approche intégrale globale, sans discrimination aucune, sur la procédure de plainte, prenant en considération la coopération internationale et l'assistance technique. L'adoption rapide du Protocole facultatif serait une contribution importante à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques, compte tenu de leur interdépendance, indivisibilité, interdépendance et interrelation. Cuba salue les progrès significatifs récents dans les négociations sur le protocole facultatif et appelle toutes les délégations à redoubler d'efforts à cet égard.

M. ARCANJO MARIA DO NASCIMENTO (Angola) a déclaré que nier les droits économiques, sociaux et culturels, et réduire leur portée à celle de simples aspirations revient à ignorer les origines historiques de ces droits et les connections conceptuelles et fonctionnelles qu'ils ont avec les autres droits. Nous sommes de l'opinion, a-t-il poursuivi, que le protocole facultatif sera complémentaire à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui consacre, dans un document unique, aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels, et reconnaît ainsi l'indivisibilité des droits humains. Ils sont donc justiciables devant la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, compétente pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers. Il a toutefois regretté le net recul de ces droits au cours des dernières années en raison notamment des effets conjugués de la mondialisation, de la libéralisation des économies nationales et du désengagement de l'État du secteur productif et des secteurs sociaux de base. Il s'est à ce titre dit favorable à l'adoption prochaine d'un document de compromis relatif à l'élaboration du protocole facultatif.

M. MURILO VIEIRA KOMNISKI (Brésil) a attiré l'attention sur un sujet qui intéresse tout particulièrement son pays, ainsi que les pays en développement en général, à savoir le renforcement des mécanismes de nature à promouvoir le droit au développement. Il a fait observer que le processus d'élaboration du protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est essentiel à cet égard. Il a tenu à saluer le travail de la Présidente du Groupe de travail chargé de l'élaboration de ce protocole facultatif. Le représentant brésilien a rappelé que son pays reconnaît le caractère indivisible et interdépendant des droits de l'homme, ainsi que la Conférence de Vienne l'a réaffirmé. Le protocole facultatif devrait aborder tous les droits prévus par le Pacte, sans aucune exception, a-t-il souligné. Il faut éviter toute sélection et hiérarchie des droits consacrés par ce Pacte, a-t-il insisté. Il s'est ainsi dit d'avis que le travail «à la carte» qui permettrait de déterminer les droits qui pourraient ou non faire l'objet de communications devant le Comité serait un pas en arrière. Rappelant que les droits économiques, sociaux et culturels sont essentiels, autant que tous les autres droits, il a dit souhaiter que les États progressent dans l'élaboration de ce protocole facultatif.

M. FRANCISCO XAVIER ESTEVES (Portugal) a rappelé que l'adoption en 1993 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne a été un pas en avant en faveur du renforcement d'un système multilatéral de protection et de promotion des droits de l'homme. Sur cette base, de nombreux États travaillent à l'élaboration du Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui doterait ces droits d'un mécanisme similaire à ceux existant déjà pour les droits civils et politiques. Certains aspects de ce Protocole facultatif sont encore en négociation, a également rappelé le représentant, indiquant que l'idée d'inclure dans le droit international des dispositions permettant aux États de déterminer quels droits pourraient être soumis à communication serait contraire aux principes d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme. Une telle approche «à la carte» créerait d'autre part un regrettable précédent juridique absolument incompatible avec le concept universel des droits de l'homme, a ajouté le représentant portugais. Concernant certaines préoccupations relatives au caractère complet ou non du protocole facultatif, le représentant portugais a fait valoir que cet instrument ne crée pas d'obligations nouvelles: il se contente en effet d'instituer une procédure facilitant la réalisation d'obligations déjà existantes.

M. ALEJANDRO ROGERS (Chili) a salué le travail effectué par la Présidente du Groupe de travail à composition non limitée chargé d'élaborer un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a souligné que les États se trouvent aujourd'hui à une étape cruciale, puisqu'ils doivent adopter une décision sur l'approche particulière de ce protocole. Il a à cet égard expliqué que sa délégation souhaite que l'approche du protocole soit exhaustive, du fait que le Pacte n'établit aucune hiérarchie des droits et implique que les États les respectent et les protègent tous sur un pied d'égalité, par des mesures concrètes. Une approche différente serait contraire au Pacte et contribuerait à l'affaiblir, a-t-il précisé. D'autre part, le représentant chilien a attiré l'attention sur l'interdépendance et l'indivisibilité des droits de l'homme, arguant que le protocole facultatif se doit de considérer l'obligation de respecter tous les droits sans exception.

M. BART OUVRY (Belgique) a déclaré qu'en introduisant la justiciabilité pour les droits économiques, sociaux et culturels, la communauté internationale complétera l'édifice normatif onusien en matière des droits de l'homme et mettra enfin en pratique la devise de la Déclaration et du Plan d'action selon laquelle les droits de l'homme sont universels, indissociables et interdépendants. En ce qui concerne l'adoption par la Commission de la condition de la femme d'une résolution sur les mutilations génitales féminines, il a tenu à féliciter le Groupe africain d'avoir poursuivi cette initiative de même que les diverses composantes des Nations Unies qui ont dernièrement fait le point sur cette question, qui doit rester une priorité au Conseil et dans l'ensemble du système des Nations Unies.

MME MARÍA REYES FERNÁNDEZ BULNES (Espagne) a fait observer que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne constituent l'un des piliers du système international des droits de l'homme et offrent un encadrement normatif à la communauté internationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme. Il s'est ensuite félicité de l'adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son protocole facultatif, soulignant que cette Convention revêt une importance toute particulière pour son pays. Il a estimé que le Conseil des droits de l'homme devrait continuer à porter son attention sur l'incidence des divers handicaps sur les droits de l'homme. Il a également indiqué que son pays a organisé une réunion d'experts du 27 au 29 novembre dernier pour promouvoir la participation de la société civile dans la mise en œuvre de la Convention. D'autre part, le représentant espagnol a rappelé que son pays participe étroitement à l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'Espagne considère nécessaire de préserver et de promouvoir l'égalité entre tous les droits de l'homme. Le représentant espagnol a fait observer que le protocole facultatif n'implique pas d'obligations supplémentaires pour les États parties, mais propose seulement un mécanisme de plaintes. Il a espéré que les États pourront parvenir à un texte définitif lors de la prochaine session du Groupe de travail.

M. PEKKA METSO (Finlande) s'est déclaré favorable à un protocole facultatif tel que celui qui est négocié en ce moment compte tenu du fait que tous les droits de l'homme sont universels et indivisibles. Il a ajouté que l'un des principes fondamentaux de la politique finlandaise des droits de l'homme consiste à mettre les droits économiques, sociaux et culturels au même niveau que les droits civils et politiques. Il s'est en outre dit convaincu que le succès du protocole facultatif dépendra de l'efficacité de la procédure de plainte. Le meilleur point de départ à cet égard serait d'adopter une approche globale comprenant tous les droits mentionnés dans le Pacte.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a rappelé que le rôle des institutions nationales des droits de l'homme est reconnu par la Déclaration de Vienne, notamment dans le domaine de l'assistance aux gouvernements dans leurs efforts pour s'acquitter de leurs obligations en matière de droits de l'homme. Les institutions nationales des droits de l'homme qui satisfont aux principes de Paris sont un élément indispensable à l'efficacité des efforts de réalisation des droits de l'homme. Le Maroc soutient la participation de ces institutions au processus de mise en œuvre de l'examen périodique universel, notamment. Le représentant a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle assiste les institutions des pays en voie de développement afin qu'elles soient en mesure de participer aux travaux du Conseil. Le représentant a salué à cet égard l'action de la Haut Commissaire en faveur de ces institutions. Au Maroc, l'institution nationale dispose d'un pouvoir consultatif sur les questions touchant à la politique nationale de droits de l'homme. Elle participe aussi aux débats sur la responsabilité sociale des entreprises, sur l'administration de la justice et sur la lutte contre la torture. Le Maroc a également créé un poste de médiateur, lequel entretient un dialogue avec ses homologues d'autres pays.

M. WARREN TICHENOR (États-Unis), rappelant que la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ont réaffirmé que la promotion et la protection des droits de l'homme est la responsabilité première des gouvernements et que tous les États ont souscrits à ce principe fondamental, s'est dit profondément préoccupé par les violences, arrestations et assassinats qui ont suivi les protestations pacifiques de Lhassa. Il a souligné que les manifestations se sont propagées à d'autres régions de Chine. Il s'est aussi dit inquiet face au manque de rapports objectifs sur la situation tibétaine en raison du refus du Gouvernement chinois de permettre l'accès aux journalistes, diplomates et observateurs internationaux dans ces régions. Les restrictions d'accès pour les médias internationaux dans les zones tibétaines sont contraires aux engagements pris par la Chine auprès du Comité olympique, a-t-il souligné. Il a ajouté que son pays est préoccupé par la rhétorique officielle de la Chine et l'opposition de ce pays à permettre des informations indépendantes relatives à ces événements. Le représentant américain a ensuite exhorté la Chine à respecter les droits fondamentaux de tous ses citoyens à exprimer leurs opinions politiques et religieuses et a appelé ce pays à relâcher les moines et les autres personnes qui ont été emprisonnées pour le seul motif d'avoir exprimé leurs points de vue. Il a également encouragé ce pays à engager un dialogue direct avec le Dalaï-lama, de sorte à apaiser les tensions qui ont cours dans les zones tibétaines.

MME MIRANDA BROWN (Australie, au nom également du Canada) a encouragé les gouvernements à collaborer avec les institutions nationales des droits de l'homme. Elle a en outre lancé un appel au Conseil pour que soient renforcés les mécanismes de défense des droits des enfants, notamment dans le contexte des conflits armés. Il incombe à ce Conseil de s'attaquer, par des mesures concrètes, aux défis rencontrés dans le domaine des droits de l'homme, a-t-elle poursuivi. La représentante australienne s'est dite très préoccupée par les pertes de vie au Tibet et a encouragé la Chine à faire preuve de modération et à permettre le libre accès au Tibet. La représentante a exhorté la Chine à permettre l'accès au Tibet pour la presse et les médias étrangers.

MME KATHARINA ROSE (Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme - CIC) a rappelé que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme avait appelé au renforcement de la coopération internationale entre toutes les institutions nationales des droits de l'homme que le CIC représente. L'intégration régionale est un élément central de l'action du CIC en matière de renforcement de ces institutions, a-t-elle souligné. Elle a précisé que le CIC a mis au point des méthodes de travail efficaces et tissé des relations avec les organes de coordination régionaux et nationaux; il œuvre notamment à l'instauration de mécanismes d'information régionaux visant à améliorer l'échange de renseignements relatifs aux droits de l'homme aux niveaux régional et international. Le CIC encourage également ses institutions membres à participer activement aux travaux du Conseil.

M. MAHJOUB ELHAIBA (Conseil consultatif des droits de l'homme du Maroc) a fait part de l'élaboration par le Maroc d'un plan d'action national et d'une stratégie nationale en matière de droits de l'homme, conformément aux engagements auxquels le pays a souscrit. L'objectif global du projet, a-t-il précisé, est le renforcement du processus de transition démocratique et de consolidation de l'État de droit et une meilleure intégration des principes de droits de l'homme et de démocratie dans la société, l'administration et la justice marocaines. L'élaboration de ce plan a été confiée au Conseil consultatif des droits de l'homme du Maroc, dans le cadre d'un partenariat avec la Commission européenne, a-t-il précisé. Le représentant a souligné que le Maroc s'est engagé dans un processus de justice et de réconciliation et souhaite forger de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements en matière de droits de l'homme.

M. NGAWANG CHOEPHEL (Asian Indigenous and Tribal Peoples Network, au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales1) a déploré la lenteur des progrès réalisés en vue de la mise sur pied d'un mécanisme régional des droits de l'homme en Asie. Il a déclaré que la Chine reste l'un des pays asiatiques où aucun progrès significatif n'a été réalisé s'agissant des quatre piliers du Cadre de Téhéran (plans d'action nationaux pour la promotion et la protection des droits de l'homme et renforcement des capacités nationales; éducation relative aux droits de l'homme; institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme; et stratégies pour la réalisation du droit au développement et des droits économiques, sociaux et culturels). Il s'est notamment dit préoccupé par l'absence d'un plan d'action national en faveur des droits de l'homme dans ce pays. M. Choephel a en outre exprimé sa vive condamnation des actes de répression qui frappent le Tibet. Il a prié le Conseil de lancer un appel aux autorités chinoises afin qu'elles reçoivent une mission dans le cadre des procédures spéciales. L'intervenant s'est également demandé pourquoi le silence soit devenu la norme face aux violations des droits de l'homme et pourquoi la pratique de deux poids, deux mesures et la sélectivité s'appliquent pour le Tibet. Il a enfin demandé pourquoi ce Conseil soutient une «culture de l'impunité» alors que les Nations Unies se sont engagées à lutter contre ce phénomène.

MME JACQUELIN KATANESKA (Fédération internationale des femmes diplômées des universités) a rappelé que seuls les États-Unis et la Somalie n'ont pas encore ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Les droits des enfants sont aujourd'hui ignorés, a déploré la représentante. Il suffit pour s'en convaincre d'observer les millions d'enfants à travers le monde qui vivent dans les rues, privés de foyer et poussés par la pauvreté. Poussés par la misère, ils doivent souvent se livrer à des activités illégales pour survivre. La situation est encore pire pour les fillettes condamnées à vendre leurs corps ou victimes de trafic, a poursuivi la représentante. Dans les quartiers les plus pauvres, où les personnes n'ont pas accès à l'éducation, le cercle vicieux de l'extrême pauvreté se perpétue inexorablement de génération en génération: faute d'éducation, les enfants atteignant l'âge adulte sont plongés dans la même pauvreté que leurs parents. La priorité doit donc être accordée à l'éducation et à la formation des enfants, a insisté la représentante. Grâce aux nouvelles technologies de l'information et des télécommunications, de nouvelles possibilités d'éducation s'ouvrent au XXIe siècle, a-t-elle fait observer. La lutte contre la pauvreté est également du ressort du secteur privé, des organisations communautaires, des organisations non gouvernementales et des individus, a-t-elle affirmé.

M. JOHN FISCHER (Association lesbienne et gay internationale - Europe, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida) a fait observer que les principes fondamentaux de l'universalité et de la non-discrimination impliquent le respect des droits de toutes les personnes, quelque soit leur orientation sexuelle réelle ou présumée. Or, des violations des droits de l'homme basées sur ces critères continuent d'être portées à l'attention du Conseil. Le représentant s'est réjoui de l'engagement de l'Union européenne et de dix pays du Mercosur et de ses partenaires à mettre un terme à la discrimination et la violence fondée sur l'orientation sexuelle. Il a également relevé qu'un certain nombre de pays africains et asiatiques ont soutenu des résolutions condamnant les exécutions extrajudiciaires fondées sur l'orientation sexuelle. Il s'est ainsi réjoui que le nombre de pays disposés à aborder ces questions continue d'augmenter et il a espéré que cela permettra de recueillir un consensus sur la nécessité d'appliquer les principes d'universalité et de non-discrimination à tous les groupes marginalisés. Il a recommandé au Conseil de s'intéresser aux principes de Jogjakarta sur l'application des normes internationales en matière de droits de l'homme en relation avec l'identité et l'orientation sexuelle récemment développés par un groupe d'experts des droits de l'homme.

M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a tenu à souligner l'engagement de la communauté internationale en faveur de l'autodétermination des peuples, notamment les peuples sahraoui et tibétain. Il a en outre rappelé que la Chine, qui compte près du quart de la population mondiale, n'est nommée qu'une seule fois dans le document pertinent parmi les pays qui ne se sont pas encore dotés d'une institution nationale de défense des droits de l'homme respectant les Principes de Paris. Il a exprimé le vœu qu'à l'approche des Jeux Olympiques de Pékin, la Chine déploie la même volonté et la même énergie pour se doter rapidement d'une institution nationale des droits de l'homme. Le temps de deux poids deux mesures est révolu, a-t-il rappelé le représentant, soulignant que les moines et le peuple tibétains méritent la même attention de la part de ce Conseil que les moines et les peuples de Birmanie.

M. MOHAMED KHAYA (Interfaith International) a rappelé que la Convention et le Programme d'action de Vienne ont notamment affirmé le droit à la liberté d'expression et de circulation. Le peuple sahraoui n'est malheureusement pas en mesure jouir de ces droits pour lesquels il n'a cessé de lutter. Le représentant a déploré aussi la séparation des familles que la situation entraîne, qui empêche tout retour à une société saine. Le droit à la vie de famille doit être respecté conformément aux principes de Florence proclamés en 1986. Une solution définitive doit être trouvée au conflit. Le représentant a aussi indiqué que le peuple sahraoui lutte pour ses droits.

MME PATRIZIA SCANELLI (Amnesty International), rappelant que la Déclaration de Vienne reconnaît le droit des minorités, a fait part de sa profonde préoccupation face aux violations des droits de l'homme commises lors des récents événements dans la région autonome du Tibet et dans les régions voisines. Les protestations initiales des Tibétains semblent avoir été pacifiques et réprimées en violation des droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion, a-t-elle souligné. Ces personnes ont été attaquées en raison de leur identité ethnique, a affirmé la représentante. La Déclaration de Vienne ne peut être mise en œuvre dans l'abstraction, a-t-elle insisté. La représentante d'Amnesty International a également rappelé que cette Déclaration affirme que la protection et la promotion des droits de l'homme doit être une préoccupation internationale.

M. TENZIN KAYTA (Société pour les peuples en danger) a déclaré que les défenseurs des droits de l'homme jouent un rôle crucial dans la surveillance des situations des droits de l'homme. En leur absence, des arrestations arbitraires et des disparitions forcées se déroulent actuellement au Tibet sur une grande échelle, a dit le représentant, indiquant que trente universitaires ont lancé, le 22 mars, un appel en douze points demandant notamment l'ouverture de négociations directes avec le Dalaï Lama.

M. LUKAS MACHON (Commission internationale de juristes - CIJ) a tenu à attirer l'attention du Conseil sur la dégradation de la situation des droits de l'homme au Tibet, tout en tenant compte de l'appel du Président de ne pas mentionner de pays spécifique. Chacun a le droit de s'exprimer librement, de manifester pacifiquement, la répression à l'égard de dissensions politiques ne peut qu'aviver les tensions, a-t-il déclaré. La CIJ est préoccupée par le destin de ceux qui ont été arrêtés et demande à tous les Gouvernements de traiter tous les détenus conformément aux standards internationaux, en faisant notamment en sorte qu'ils ne soient pas soumis à la torture et qu'ils soient en contact avec leur famille. Toute personne arrêtée doit être informée des chefs d'accusations, a-t-il poursuivi, en notant que la CIJ souhaite la mise en place d'enquêtes indépendantes internationales sur les violations des droits de l'homme dans le monde. La CIJ pense en outre que le peuple tibétain a droit à l'autodétermination.

MME CLAUDE LEVENSON (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, au nom également de l'Union internationale humaniste et laïque) a attiré l'attention sur ce qui se passe sur «le toit du monde» et s'est étonnée du silence assourdissant du Conseil à propos des événements qui y ont cours.

M. GEORGE GORDON-LENNOX (Reporters sans frontières - international) a déploré que l'application de droits internationalement reconnus, comme le droit à la liberté d'expression, soit étouffée dans au moins un des États de l'Asie. Le droit de la presse y est bafoué, les journalistes étrangers étant empêchés de travailler dans les zones affectées par l'agitation. Après avoir vidé la région des éléments qu'elles jugent indésirables, notamment les journalistes, les autorités de ce pays procèdent, sans témoins, à la répression, a dénoncé le représentant.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) a condamné la répression contre les groupes minoritaires - comme celle dont nous avons été témoins sur nos petits écrans ces dernières semaines. Elle s'est également inquiétée du contrôle strict de l'information sur une zone où vit une minorité et a appelé les gouvernements à relâcher les membres de minorités qui sont victimes de l'arbitraire. Elle a rappelé que les droits des minorités sont prévus par les instruments internationaux et a insisté sur l'importance qu'elle accorde, dans ce contexte, au droit à la liberté d'expression et à l'accès des journalistes nationaux et internationaux pour relater ce qui se passe dans les zones où des violations sont commises. Elle s'est en outre dite favorable à des missions du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain. La répression de minorités exilées constitue également un sujet de préoccupation, a-t-elle ajouté. Elle a fait part de son inquiétude face à la manière dont est bafoué, ici au Conseil, l'esprit de la Déclaration de Vienne, en particulier pour ce qui est de la liberté d'expression, déplorant à cet égard l'attitude de la Chine cet après-midi.


Exercice du droit de réponse

M. QIAN BO (Chine) a déploré les ingérences délibérées dans les affaires des autres États de la part notamment de l'Union européenne, la Suisse et l'Australie. Face aux remarques de ces délégations, le représentant chinois a notamment fait remarquer que les actes criminels de violence menée par un petit nombre de personnes dans certaines régions de la Chine ne constituent pas des manifestations pacifiques. Des crimes graves ont été commis; des civils innocents ont été blessés ou tués; la vie et les biens de personnes ont été menacés; et l'ordre public a été troublé. Le représentant chinois a souligné que ces actes ont été inspirés par la «clique du Dalaï» et perpétrés par les forces séparatistes. Il a ainsi fustigé les volontés séparatistes du Dalaï-lama et ses fausses prétentions de pacifisme. Revenant aux allégations faites par ces délégations devant le Conseil, le représentant chinois a souligné qu'elles sont sans fondement. Il a rappelé que les fonctionnaires chinois ont réagi conformément à la loi pour rétablir l'ordre. Les États cités ont eux aussi déjà agi de façon drastique pour des manifestations dans leurs propres pays, a-t-il fait observer. Ils confondent le bien et le mal et leurs propos témoignent de leur attitude fondée sur deux poids deux mesures, a-t-il ajouté. À la délégation suisse, il a dit qu'elle devrait plutôt honorer les engagements qu'elle a pris lors de la Conférence de Vienne relatifs aux bonnes relations diplomatiques. Aux États-Unis, il a proposé de s'intéresser plutôt aux violations des droits de l'homme qu'ils commettent en Iraq et ailleurs. Quel autre État du monde ose ainsi violer les droits de l'homme, a-t-il demandé? Le représentant chinois a ensuite rappelé que les questions internes à son pays ne sont pas de la compétence du Conseil et n'ont rien à voir avec le fonctionnement du Conseil. Le Gouvernement chinois est capable de s'occuper tout seul de ses affaires internes, a-t-il conclu.

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1Déclaration conjointe: Asian Indigenous and Tribal Peoples Network; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Center for Organization Research and Education; Asia Pacific Forum on Women, Law and Development; Solidarité des peuples pour la démocratie participative; Pax Romana; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); Société pour les peuples en danger; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand; et Mouvement international de la réconciliation.


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