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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND LE MINISTRE RUSSE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET UN MESSAGE DE SON HOMOLOGUE CHINOIS

Compte rendu de séance
Le Ministre russe des affaires étrangères présente le projet de traité conjoint de son pays et de la Chine sur la prévention du placement d'armes dans l'espace

La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, une déclaration du Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergey Lavrov. Lecture a par ailleurs été donnée d'un message transmis à la Conférence par le Ministre des affaires étrangères de la Chine, M. Yang Jiechi. La Conférence a ensuite entendu des déclarations du Canada, du Bélarus et de Sri Lanka.

Le Ministre russe des affaires étrangères a présenté le traité de prévention du placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique et de prévention de l’utilisation ou de la menace d’utilisation de la force contre des objets placés dans l’espace, officiellement soumis aujourd'hui à la Conférence par la Fédération de Russie et par la Chine. Ce traité entend éliminer les lacunes existantes dans le droit spatial international actuel ; créer les conditions pour une exploration et une utilisation de l’espace plus poussées ; protéger les biens coûteusement placés dans l’espace ; et renforcer la sécurité et le contrôle des armements au niveau global, a fait valoir M. Lavrov. Dans son message adressé à la Conférence, le Ministre des affaires étrangères de la Chine exprime l’espoir que la Conférence pourra engager des discussions de fond et parvenir à un consensus sur ce traité le plus tôt possible.

On ne peut qu’être préoccupé par le fait qu’à la veille de l’expiration du traité de limitation des armes stratégiques offensives (SALT), les États-Unis consentent des efforts croissants pour déployer un système global de missiles antimissile, a d'autre part affirmé le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie. La stabilité stratégique ne peut désormais plus rester du domaine exclusif des relations russo-américaines, a insisté M. Lavrov. Il a indiqué que son pays propose aujourd'hui que soit élaboré un nouvel accord multilatéral basé sur les dispositions pertinentes du Traité FNI (sur les missiles à courte portée et à portée intermédiaire) ; la Fédération de Russie fera distribuer de manière non officielle les éléments de l'accord proposé pour que les États membres de la Conférence les étudient, a fait savoir M. Lavrov.

Avant de poursuivre après avoir entendu l’intervention du Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie et le message de son homologue de la Chine, la Conférence a brièvement suspendu ses travaux afin de procéder à l’inauguration, dans le hall situé devant la Salle du Conseil, d’une sculpture offerte par la Fédération de Russie et symbolisant la préservation de la paix pour les générations futures.

Ce matin, le Canada est intervenu pour dire qu'il soutient ouvertement et depuis longtemps les objectifs fondamentaux du projet de traité sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace. Il est clair cependant que la nature des questions en cause exigera de nombreuses discussions détaillées et complexes à caractère technique, juridique et politique - des questions sur lesquelles il n'existe actuellement aucun consensus, a précisé le Canada.

Pour sa part, Sri Lanka a souligné ne pas comprendre pourquoi le traité d’interdiction des matières fissiles devrait primer sur le traité de prévention de course aux armements dans l’espace qui est aujourd’hui présenté à la Conférence par la Fédération de Russie et par la Chine.

Pour le Bélarus, un accord sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace permettrait d’éliminer les lacunes existantes dans ce domaine en droit international. En outre, le Bélarus souligne que le projet de traité présenté aujourd’hui par la Fédération de Russie ne doit pas être un obstacle pour parvenir à un compromis sur un programme de travail au sein de la Conférence.

En fin de séance, la Conférence a accepté la demande de participation à ses travaux en tant qu’observateurs émanant du Monténégro et du Népal.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi prochain, 14 février, à 10 heures.


Aperçu des déclarations


M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a déclaré que l’humanité n’a d’autre alternative acceptable que d’assurer collectivement sa sécurité en travaillant de concert. Cette tâche est trop lourde, tant financièrement que militairement, pour être prise en charge par un seul État ou par une coalition étroite, a-t-il ajouté. En toute logique, l’évolution actuelle des relations internationales prouve la futilité des schémas unilatéraux et des schémas fondés sur des blocs, en particulier ceux orientés vers la force. Les champions de ce type de schémas sont eux-mêmes incapables de garantir leur propre sécurité et ne font que montrer les limites de ce type de réponse ; mais surtout, de telles actions ne font que saper la stabilité en forçant d’autres pays à prendre eux-mêmes en main leur propre sécurité, ce qui ne peut que nuire à la non-prolifération, a expliqué M. Lavrov.

Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) est un élément clef du régime moderne de sécurité internationale, a poursuivi le Ministre russe des affaires étrangères. Aussi, a-t-il souhaité que soient créées les conditions favorables au succès de la Conférence d’examen du TNP de 2010, en vue de laquelle une deuxième session du Comité préparatoire se tiendra d’ici quelques mois à Genève.

Les relations russo-américaines dans le domaine de la limitation et de la réduction des armes offensives stratégiques sont d’une importance capitale pour un véritable désarmement, a rappelé M. Lavrov. Malheureusement, il n’existe aucune certitude quant à l’avenir de ce processus, a-t-il souligné. En décembre 2009, le traité SALT 1 arrive à expiration, a-t-il ajouté, rappelant qu’il y a déjà trois ans, son pays avait proposé que soit élaboré un nouvel accord sur de nouvelles réduction et limitation, vérifiables, des armes stratégiques offensives. Notre objectif est de préserver la stabilité et la prévisibilité des relations stratégiques entre la Fédération de Russie et les États-Unis, a précisé le Ministre russe. Aussi, la Fédération de Russie suggère-t-elle que les meilleurs éléments du Traité existant soient repris et figurent au cœur du nouvel accord. Jusqu’ici, il s’est avéré impossible de parvenir à des solutions acceptables, a toutefois fait savoir M. Lavrov. Il a souligné que l’on ne peut qu’être préoccupé par le fait qu’à la veille de l’expiration du traité de limitation des armes stratégiques offensives, les États-Unis consentent des efforts croissants pour déployer un système global de missiles anti-missiles (ABM, selon l’acronyme anglais). La stabilité stratégique ne peut désormais plus rester du domaine exclusif des relations russo-américaines, a insisté M. Lavrov. Cette bipolarité résiduelle doit être surmontée, a-t-il affirmé.

Comme la grande majorité des autres pays, la Fédération de Russie ne saurait bien sûr se satisfaire de l’impasse dans laquelle se trouve la Conférence du désarmement depuis maintenant dix ans, a poursuivi le Ministre russe des affaires étrangères. Nous sommes convaincus qu’avec la volonté politique, cette situation peut être renversée, a-t-il déclaré. La condition préalable réside pour cela dans l’instauration de conditions internationales favorables à un processus de désarmement qui ne peut progresser que sur la base de la réciprocité, du principe de sécurité égale et du respect du droit international.

M. Lavrov a par ailleurs rappelé que les activités d’exploration et d’utilisation de l’espace se sont sensiblement accrues, tant du point de vue de leur échelle que de leur importance, ces derniers temps. Aussi, convient-il de prendre des mesures afin d’empêcher que l’espace ne se transforme en arène de confrontation et de faire en sorte qu'il reste exempt de tout type d’armes. L’an dernier à Munich, le Président Vladimir Poutine avait indiqué qu’un projet de traité à cette fin était en voie de préparation. Ce projet de traité émanant d’une initiative conjointe de la Chine et de la Fédération de Russie fut ensuite diffusé de manière non officielle, au mois de juin dernier, parmi les délégations intéressées au sein de la Conférence. L’écrasante majorité de nos partenaires avaient réagi positivement à ce projet, a fait savoir M. Lavrov, ajoutant que nombreux sont les États qui attendent un travail de fond sur cette question. C’est pourquoi aujourd’hui, la Fédération de Russie et la Chine soumettent officiellement à la Conférence du désarmement, pour examen, un projet de traité de prévention du placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique et de prévention de l’utilisation ou de la menace d’utilisation de la force contre des objets placés dans l’espace. Nous pensons que la Conférence est l’instance la plus appropriée pour mener un travail multilatéral sur ce projet de traité, a souligné le Ministre russe des affaires étrangères. Il a précisé que ce projet de traité a reçu le soutien de la majorité des États membres de la Conférence et ne complique en rien la réalisation d’un compromis sur un programme de travail pour la Conférence. Nous espérons donc que, lorsque les conditions appropriées seront réunies, notre travail pourra être canalisé vers un format de négociation avec l’établissement d’un comité spécial pertinent au sein de la Conférence, a indiqué M. Lavrov. Il a précisé que le projet de traité présenté conjointement par son pays et par la Chine vise l’interdiction du déploiement de tout type d’armes dans l’espace, ainsi que l’interdiction de l’utilisation ou de la menace d’utilisation de la force contre des objets placés dans l’espace. Ce traité entend éliminer les lacunes existantes dans le droit spatial international actuel ; créer les conditions pour une exploration et une utilisation de l’espace plus poussées ; protéger les biens coûteusement placés dans l’espace ; et renforcer la sécurité et le contrôle des armements au niveau global. Rappelant que la prévention d’une course aux armements dans l’espace figure à l’ordre du jour de la Conférence, M. Lavrov a affirmé que le moment est venu d’engager un travail sérieux et concret dans ce domaine. N’oublions pas que la course aux armes nucléaires avait commencé en entendant préserver le monopole de ce type d'armes, mais que ce monopole n'avait duré que quatre ans, a rappelé le Ministre russe.

Une autre question urgente qui affecte considérablement la stabilité stratégique et la sécurité internationale est liée à la prolifération de missiles, a poursuivi M. Lavrov. Il a rappelé qu'au mois d'octobre dernier, le Président Poutine avait lancé une initiative visant à rendre globales les obligations énoncées dans le Traité signé entre l'(ancienne) Union soviétique et les États-Unis sur l'élimination de leurs missiles à courte portée et à portée intermédiaire (Traité FNI). Aussi, le Ministre russe a-t-il indiqué que son pays propose aujourd'hui qu'un nouvel accord multilatéral basé sur les dispositions pertinentes du Traité FNI soit élaboré qui comprendrait notamment l'obligation pour les parties de ne pas mener d'essai de lancement et de ne pas produire de missiles à courte et moyenne portée ni leurs vecteurs, ainsi que l'engagement des parties à éliminer, dans un délai convenu, tous leurs missiles à courte et moyenne portée et leurs vecteurs. La Fédération de Russie fera distribuer de manière non officielle les éléments de l'accord proposé pour que les États membres de la Conférence les étudient, a fait savoir M. Lavrov.

Exposant brièvement la philosophie qui préside à la politique étrangère de son pays, le Ministre russe des affaires étrangères a expliqué que sur le plan extérieur, la sécurité de la Fédération de Russie devrait être assurée par une architecture des relations internationales qui soit plus juste et véritablement démocratique. Malheureusement, le potentiel de conflit, y compris dans les zones proches des frontières de la Fédération de Russie, est très élevé, a-t-il affirmé. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'établissement de systèmes de sécurité collective ouverts et, en premier lieu, à la formation d'un espace sécuritaire unique dans la zone euro-atlantique, a-t-il indiqué.

M. LI BAODONG (Chine) a souligné que la proposition de traité pour la prévention d’une course aux armements que vient d’exposer le Ministre russe des affaires étrangères procède d’une initiative conjointe de la Fédération de Russie et de la Chine. Il a donné lecture d’un message du Ministre des affaires étrangères de la Chine, M. YANG JIECHI, dans lequel ce dernier rappelle que l’espace extra-atmosphérique contribue au bien-être et au progrès social de tous les pays. Un espace pacifique, exempt d'armes et à l’abri de toute course aux armements sert les intérêts communs de tous les pays, insiste le Ministre chinois. Aussi, convient-il pour la communauté internationale d'élaborer de nouveaux instruments juridiques afin de renforcer le régime juridique actuel régissant l'espace extra-atmosphérique. La Chine et la Fédération de Russie ont conjointement préparé un projet de traité à cette fin, rappelle le Ministre chinois des affaires étrangères dans son message. Il exprime l’espoir que la Conférence pourra engager des discussions de fond et parvenir à un consensus sur ce traité le plus tôt possible.


M. MARIUS GRINIUS (Canada) a rappelé que les travaux de la Conférence n'ont guère progressé depuis plus de dix ans maintenant et a dit espérer que les membres qui empêchent encore toute chance d'avancement fondé sur la proposition CD/2007/L.1 reconsidèreront soigneusement leur position. Nous devons nous remettre au travail sur la base de ce programme équilibré et sérieux, a-t-il insisté.

Si le lancement rapide de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles demeure la grande priorité du Canada, la sécurité dans l'espace est aussi pour ce pays une question majeure, surtout à la lumière des événements très fâcheux survenus l'année dernière, a poursuivi M. Grinius. Aussi, le Canada salue les efforts déployés par la Fédération de Russie pour donner un nouveau souffle aux discussions concernant l'espace, avec son projet de traité sur la prévention du placement d'armes dans l'espace. La Canada soutient ouvertement et depuis longtemps les objectifs fondamentaux de ce projet de traité. Il est clair cependant que la nature des questions en cause exigera de nombreuses discussions détaillées et complexes à caractère technique, juridique et politique - des questions sur lesquelles il n'existe actuellement aucun consensus. À notre avis, a indiqué M. Grinius, «ces objectifs - qui sont liés aux utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique - seront plus facilement atteints si les nations spatiales s'y consacrent de manière pragmatique et focalisée, comme elles le feraient pour relever un défi réel». On pourrait, par exemple, dans un premier temps, accorder une attention particulière aux mesures de transparence et de renforcement de la confiance, a précisé le représentant canadien. À cet égard, il a affirmé que le Code de conduite de La Haye est - précisément - un précieux mécanisme de transparence et de renforcement de la confiance. Il serait irréaliste de réclamer la mise en place de nouveaux mécanismes de transparence et de renforcement de la confiance alors que ceux dont nous disposons - comme le Code de conduite de La Haye - sont malheureusement mis de côté, pour quelque raison que ce soit, a déclaré M. Grinius, après avoir demandé à tous les membres de la Conférence qui ont souscrit à ce Code de respecter pleinement leurs engagements à ce titre, y compris en ce qui concerne les notifications pré-lancement.

M. SERGEI ALEINIK (Bélarus) a rappelé qu’à la fin de l’année 2007, la Conférence se trouvait sur le point de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve depuis fort longtemps. Les efforts énergiques entrepris par les six Présidents de la Conférence de 2007 pour parvenir à un accord sur un programme de travail ont permis de progresser et se sont traduits par la proposition présidentielle CD/2007/L.1, a-t-il précisé. Le contenu de cette proposition permettra à la Conférence de se mettre d’accord sur un traité d’interdiction des matières fissiles et d’engager des discussions sur les autres questions essentielles identifiées par la Conférence, a souligné M. Aleinik.

La démarche de la Fédération de Russie et du Bélarus est très proche pour ce qui est de l’approche des principaux points inscrits à l’ordre du jour de la Conférence, a par ailleurs fait savoir M. Aleinik. La question de la prévention d’une course aux armements dans l’espace est une priorité pour le Bélarus, a-t-il indiqué. Aussi, s’est-il dit très soucieux de veiller à ce que l’espace reste démilitarisé. Un accord sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace permettrait d’éliminer les lacunes existantes dans ce domaine en droit international. Le projet d'accord présenté aujourd’hui par la Fédération de Russie ne doit pas être un obstacle pour parvenir à un compromis sur un programme de travail au sein de la Conférence, a souligné M. Aleinik. Il a par ailleurs fait part du souci de son pays de voir renforcer le régime de non-prolifération des missiles nucléaires.

M. DAYAN JAYATILLEKA (Sri Lanka) a félicité le Ministre russe des affaires étrangères et son homologue chinois pour leur initiative, présentée aujourd’hui, concernant un projet de traité de prévention d’une course aux armements dans l’espace. Voilà le type de travail constructif commun qu’il convient de réaliser en faveur de la paix, a-t-il affirmé. Mais, pour préserver la paix mondiale, il faut deux mains, a souligné le représentant sri-lankais.

La conception du monde en blocs a perduré après la fin de la guerre froide, a par ailleurs fait observer M. Jayatilleka. Les tentatives hégémoniques, les tentatives d’encercler militairement la Fédération de Russie se sont poursuivies et nous avons été témoins de la recrudescence, dans certaines parties du monde, de pratiques assimilables à une invasion pure et dure, a-t-il déclaré.

Le projet de décision présidentielle L.1 devrait être un point de départ et une base pour tout travail ultérieur, a en outre souligné le représentant sri-lankais, exhortant la Conférence à ne pas rejeter certaines préoccupations sous prétexte qu’elles ne proviennent que d’un tout petit nombre d’États, a fortiori lorsque parmi ces États, se trouve le plus peuplé du monde. Le Sri Lanka ne comprend pas pourquoi le traité d’interdiction des matières fissiles devrait primer sur le traité de prévention de course aux armements dans l’espace qui est aujourd’hui présenté à la Conférence par la Fédération de Russie et par la Chine, a indiqué M. Jayatilleka.


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